La vierge noire d’Orcival
La statue, datant approximativement de 1170, est faite de bois de noyer recouvert dès l’origine de minces feuilles d’argent et de vermeil. Elle mesure 75 cm de haut. C’est l’une des rares statues romanes à posséder encore ce revêtement. Il fut refait par la ville de Clermont en 1631 à la suite d’un vœu. La dernière restauration date de 1960, date à laquelle elle a retrouvé la couleur d’origine de son visage. La main droite est du XVIIIe siècle, la gauche est encore plus tardive.
Des trous de fixation furent percés dans les têtes en 1894 pour poser des couronnes. La restauration permit de découvrir une logette dans le dos de la statue, rendue inaccessible par le placage de métal d'origine : la toute première intention a pu être d'en faire un reliquaire.
Elle est aussi connue sous l’appellation de Notre-Dame des Fers, comme en témoignent les chaines des captifs libérés, posées en ex-voto sur le mur du transept sud de l’église.
Notre-Dame fit d’autres miracles, comme ramener à la vie des enfants mort-nés, ce qui incombait auparavant à la source miraculeuse. Elle s’occupe aussi de la fécondité et de la grossesse, de la conception à la naissance. En cas d’accouchement difficile, les auvergnates priaient en ces termes : « Moun Diu, bouna Vierza d’Ourcivau, fasta bada la pourto que moun houme a tant baiza pa bada », je vous laisse le soin de la traduction… Et ne vous moquez pas, je suis auvergnate d’origine.
La vierge d’Orcival se trouvait dans la crypte jusqu’à une époque assez récente, en 1885, à l’emplacement du Saint-Sacrement, dans la niche centrale. C’est là que les pèlerins venaient la vénérer. Elle fut remontée dans le chœur et posée à un endroit où, le 15 août (fête de l'Assomption) à midi heure solaire, les rayons du soleil pénétrant dans l’église l’illuminent, seul moment de l’année où elle est entièrement éclairée. Mais elle ne retourne plus, comme la tradition le voudrait, dans les ténèbres de sa grotte, les mois d’hiver, quand, le signe de la Vierge se finissant, les énergies passent à saint Michel.
Plusieurs légendes se rapportent à la statue. Une première raconte qu’elle fut faite de la main de saint Luc. Une autre qu’elle fut trouvée dans l’ancienne chapelle, l’église primitive qui se trouvait plus haut sur la colline, près d’une source sacrée, à l’endroit que l’on nomme le Tombeau de la Vierge. C’est de là que le maitre d’œuvre, voulant bâtir une nouvelle église, lança son marteau afin qu’il lui indique la meilleure place. Il atterrit là où se trouve le sanctuaire actuel.
Le marteau du maitre d’œuvre… Serait-ce celui de Sucellos, qui représente dans le monde celtique la puissance créatrice et ordonnatrice d’un lieu ? Celui que l’on retrouve sur le pilier roman du chœur de l’église de Rozier-Côtes-d'Aurec ?
Sucellos, le dieu gaulois au maillet et au chaudron, protecteur de la fécondité (sa parèdre, Nantosuelta, est la déesse de la nature, de la terre, du feu, de la fertilité, une vraie vierge noire en fait) qui fait jaillir les sources en frappant le sol de son maillet.
Il est assimilé au Dagda celte, le dieu-druide par excellence (et par conséquent le dieu des druides) qui a en charge le sacré, la science, les contrats. Il règne sur le temps, l'éternité et sur les éléments, ainsi que sur le Sidh (l'Autre Monde celtique). C’est le dieu de la transfiguration (son maillet tue d'un côté, et ressuscite de l'autre) qui marque le passage de la vie purement terrestre à la vie spirituelle. Sucellos se retrouve à Dijon, ou à Gannat par exemple.
Ou bien ce marteau est-il à rapprocher de Mjöllnir, le marteau de Thor, le dieu de la foudre et du tonnerre, symbole de la protection de l'univers face aux forces du chaos ? Ou est-il simplement la représentation de l’outil des maçons qui ne tarderont pas à devenir francs ? D’autres légendes similaires me reviennent à l’esprit, comme celle de la fontaine de Colombier.
Le marteau partit donc du Tombeau de la Vierge, situé sur un petit promontoire où, en 1872, un édicule contenant une copie en pierre de la statue de la vierge noire fut construit. Juste à côté, une grande croix blanche fut érigée en 1945 par des prisonniers venus à Orcival remercier pour leur libération.
Le chemin du pèlerinage actuel de l’Ascension se termine ici. La procession se déroule la nuit, conduite par l’évêque de Clermont.
La statue de la Vierge et l’enfant, revêtus de leurs manteaux d’apparat et de leurs couronnes de pierreries, est mise sous un dais et portée par des hommes pieds-nus de la nouvelle église à l’ancienne, suivant un chemin de croix qui ne date que de 1917.
Au siècle dernier, la procession se divisait : un groupe partait vers ce promontoire, le second vers la chapelle de la Fontaine de Notre-Dame située sur le versant opposé. C’est ce que l’on appelle le retour aux sources ?
Cette chapelle, celle de la colline d’en face, contient elle aussi une source miraculeuse. Depuis que celle de la basilique ne coule plus, elle a pris la relève.
Les eaux de la source sont reçues dans un bassin au rez-de-chaussée, alors qu’une vierge en majesté trône sur l’autel situé à l’étage.
L’eau coule à l’extérieur, par un tuyau où l’on peut la récupérer sans avoir à entrer dans le sanctuaire.