La chartreuse de Sainte-Croix, historique
Sainte-Croix-en-Jarez, au confluent de deux ruisseaux, fut une position fortifiée dès la protohistoire, comme l’ont révélé de récents sondages selon la technique de "l’éperon barré" : un fossé profond isolant une petite fortification dans la pointe de l’éperon.
Fondation de la chartreuse
Le monastère fut fondé en 1277 par Béatrix de la Tour du Pin, veuve de Guillaume de Roussillon, tué dans d'étranges circonstances pendant les croisades. Cette pieuse femme, logeant en son château de Châteauneuf, refusant le remariage auquel sa famille la vouait, préféra, selon la tradition, se retier avec ses 8 enfants dans un monastère. L'un de ses oncles, Bernard de la Tour, ayant été le 13ème Général de l'Ordre des Chartreux (1253-1258), c'est à eux qu'elle en confia la construction. Ce monastère, elle en avait eu la vision en songe. Un rêve miraculeux, à cette époque, quelle opportunité ! Elle dit elle -même dans la lettre qu'elle ne connaissait pas l'endroit où la "sainte-Croix" la guida...
Lettre de Béatrix
"A religieux et dévôt personnage, notre frère en
Notre-Seigneur-Jésus-Christ, Jean, Prieur de Val-Vert près de Paris,
monastère de l’ordre des Chartreux. Béatrix de la Tour, épouse de feu
noble chevalier Guillhaume de Roussillon, seigneur d’Annonay, servante
de Jésus-Christ et de la glorieuse Vierge : salut.
Apprenez la grande joie que nous avons éprouvée, quand, à notre
arrivée, nous avons vu vos premières lettres. Nous vous avions, en
effet, longuement fait connaître comment, dans une vision, le Seigneur
nous avait inspiré de vous fonder une maison, selon la volonté de notre
Dieu Jésus-Christ et de sa glorieuse mère. Nous n’ignorions point,
néanmoins, qu’après la mort du seigneur Guillhaume, notre époux, nous
nous étions trouvée dans les mille occupations de ce monde ; nos plus
grandes sollicitudes venaient de nos amis terrestres, qui nous
poussaient à des secondes noces. Nous en étions très fâchée et
chagrine, car, dans nos premières années, nous avions résolu en Dieu et
Marie, sa glorieuse mère, de ne jamais accepter d’autre époux que celui
que Jésus nous avait donné.
Alors, dans ces peines et grandes tribulations, nous avons prié le
Seigneur qu’il daigne nous délivrer de ces tourments, et aussi nous
arriva-t-il qu’une certaine nuit, pendant notre sommeil, une magnifique
croix d’argent toute éclatante de blancheur nous apparut, autour d’elle
de belles et brillantes étoiles, dont l’une, plus brillante encore,
paraissait plus près de la croix. Une autre nuit, pendant que, plongée
dans le même chagrin, nous demandions à la mère de Notre Seigneur
Jésus-Christ une consolation à notre grande douleur ; le Dieu Vérité et
sa glorieuse Mère entendirent nos voeux et nous eûmes encore la même
vision, de telle sorte que la croix et les étoiles étaient si près de
nous qu’elles paraissaient vouloir nous toucher, et elles se dirigèrent
vers l’endroit où devait être fondé notre monastère. De grand matin
nous nous levâmes, nous nous rendîmes à l’église et là, après avoir
satisfait aux devoirs de notre dévotion, nous fîmes dire la messe de la
sainte et vraie Croix ; et, après la messe, nous mandâmes notre écuyer
et lui dîmes de faire préparer notre cheval de voyage et le sien, ainsi
que d’autres chevaux de services, pour une course que nous avions à
faire.
Nous partons, et la rapidité de notre marche nous fait devancer les
autres ; alors apparaissent marchant devant nous, la croix et les
étoiles que nous avions déjà vues, jusqu’au moment où, arrivée vers
l’endroit où devait être élevée notre maison, elles s’arrêtèrent.
Jamais nous n’étions venue là, nous n’avions non plus fait connaître à
personne notre projet de fonder un monastère. A notre arrivée dans ce
lieu, celui qui en était propriétaire, nous aborde et nous dit : «
Dame, qu’êtes-vous venue faire ici ? J’ai rêvé que vous désiriez
acheter cette propriété ».
A ces paroles nous connûmes que telle était la volonté de Notre
seigneur Jésus-Christ et de sa Mère bénite, et nous fîmes acheter ce
terrain par deux hommes prudents et sages. Ces fonds étaient exempts de
tout usage et servi, mais le susdit possesseur nous devait anciennement
hommage. Comme ce jour était jour de pénitence, c’était le vendredi,
nous prîmes là notre réfection. Or, il nous arriva par hasard un maître
tailleur de pierres au service du duc de Savoie ; nous lui demandâmes
le but de son voyage, il nous répondit : « Madame, je me suis présenté
devant vous parce que j’ai pensé que vous vouliez fonder une maison de
l’ordre des Chartreux ». Ce langage me détermina à faire prix avec lui
pour la construction des bâtiments, et, quoique nous n’eussions que peu
d’argent, nous lui donnâmes une somme fixée. Nous avions des enfants et
d’autres charges, mais, pourtant, avec l’aide de Dieu, le produit de
nos revenus a suffi pour faire face, et aussi rendons grâce à Dieu de
toute notre âme, de ce qu’il nous a donné de vouloir, d’entreprendre et
d’achever cette oeuvre de Dieu, en effet, qui a tout opéré, et conduit
à bonne fin ; car c’est lui qui est le commencement et la fin de tout.
Qu’il nous conduise à une fin heureuse. Ainsi soit-il".
En réalité, elle donna aux Chartreux une place forte qu'elle possèdait sur le site actuel du village, à la condition de pouvoir y finir ses jours. Il faut noter qu'à l'époque, la présence d'une femme dans l'enceinte d'un monastère d'hommes n'était jamais admise... Et pourtant, elle avait même droit d'assister aux offices, d'une petite loge fut construite pour elle dans l'église. Elle y fut même enterrée en 1306. Des fouilles archéologiques en 1896 ont permis de retrouver sa tombe dans le chœur de l'église primitive, qui à cause de son mauvais état sert aujourd'hui d'annexe à la sacristie.
L'église primitive du monastère fut construite non loin de la forteresse, chose rare pour l'époque puisque les chartreux vivaient en communauté, mais comme des ermites, sans s'adresser la parole, le plus loin possible des agglomérations. Le nom de la forteresse primitive est inconnu, il semble probable que celui de Sainte-Croix fut choisi par la suite par les moines chartreux qui vénéraient la Sainte-Croix comme symbole de la Chrétienté, leur devise était d'ailleurs « Stat Crux dum volvitur orbis », « Le monde tourne, la Croix demeure ».
Béatrix commanda une statue de Sainte Anne, représentée avec un livre fermé, portant la vierge elle même portant l'enfant. La statue est conservée à Châteauneuf, et Anne, selon la tradition, a le visage de Béatrix...
Plein de mystères donc dans la fondation de cette chartreuse, que l'on retrouve au fil du net en relation avec les Bogomiles, Rennes-le-Château, les Templiers, Gargantua, le langage des oiseaux, la sainte ampoule, les exorcismes, la voie du sang et le chemin des initiés. Sa proximité avec la "chapelle des fous" de Jurieu et par delà le site mégalithique des "roches de Merlin" y est surement pour quelque chose. Les Chartreux restèrent en ces murs du 24 février 1280, date de la signature de la charte de fondation du monastère, jusqu’en 1792 où le dernier prieur, Dom J.B. Livinhac, ferme les porte de cette “maison” vendue aux enchères comme bien national en 1794. Elle fut divisée et vendue en 44 lots aux familles des environs qui s'établirent à l'intérieur de celui-ci. Le monastère devint donc un village sous le nom de Sainte-Croix-en-Pavezin, avant de prendre son nom définitif de Sainte-Croix-en-Jarez. C'est le seul village de France se tenant à l'intérieur d'un monastère...
Les habitants actuels, la mairie, l'école, l'accueil des touristes et des commerces occupent certains ermitages et des locaux communs, tels que l'ancienne boulangerie et l'hostellerie. Ce village est ainsi un exemple très particulier de la transformation d'un ensemble religieux en un ensemble laïc.
http://www.forez-info.com/encyclopedie/balade/balade_en_pilat_dans_la_vallee_du_couzon_137.html
http://saintecroix42.free.fr/index.htm
http://www.france-secret.com/stcroixenjarez_art.html
http://fr.wikipedia.org/wiki/Sainte-Croix-en-Jarez