La Sacra di San Michele, histoire
Le mont Pirchiriano, sur le versant duquel se trouve la Sacra di san Michele, domine à 962m, et se dresse dans la vallée de Suse, non loin de Turin. Le val fut formé lors de la période glaciaire et fut raboté par la puissance des glaces, comme le prouvent les coupoles de roches dures et la surface polie des escarpements. Ainsi se forma la "Chiusa", la cluse, du latin claustra, verrou dans une gorge étroite.
Le nom ancien du Pirchiriano semble être la forme élégante du modeste porcarianus, le mont des porcs, par analogie avec ses voisins, le caprasio, le mont des chêvres, et le Musiné, le mont des ânes. Ces noms ont un lien avec la religion des Celtes, et nous retrouvons là nos druides, dont l'emblème était le sanglier. Ce n'est pas étonnant si cette montagne reçut un sanctuaire.
Les premiers habitants connus furent les éleveurs néolithiques de Vaie et de Villarforchiardo, puis les habitants des villages lacustres de Trana et Avigliana.
Fortifié dès l'époque des Ligures, puis par les Celtes, le mont devint le fief des deux rois Cozius, dont le premier était un ami de César Auguste. A l'arrivée des Romains, en 63, ceux-ci placèrent le lieu sous la protection d'une divinité alpine dont on retrouve les traces sur des fragments de stèle en marbre.
En 461, les habitants furent envahis par les Burgondes, puis en 477 la vallée passe sous l'autorité bizantine.
Les Lombards l'envahirent de 569 à 773, eux qui, les premiers construisent des fortifications. Charlemagne impose alors sa domination. Aux Carolingiens succèdent les Sarrasins, vers 888. Ils restèrent peu de temps. En 933, la vallée est réunie au royaume de Bourgogne, et en 942, le roi d'Italie, Hugues de Provence, désigne Arduin Glabrion comme comte de Turin. Celui-ci avait reçu en récompense la Marche de la vallée de Suse pour avoir défait les Sarrasins.
Un jour, passe un noble seigneur d’Auvergne, Hugues de Paillers-Montboissier dit le Décousu, qui se rend a Rome pour expier ses fautes ; alors qu’il monte les marches de la basilique Saint-Pierre, il se sent arrêté, retenu en arrière. Le pape l’engage à voir là un signe divin et lui donne l’ordre de construire un monastère pour effacer ses péchés.
Revenant en Gaule par la vallée de Suse, Hugues y fait halte chez des amis, qui, mis au courant de son dessein, lui parlent de l’oratoire de Saint-Michel. Une visite aux lieux, accompagnée d’un nouveau miracle, décide notre Auvergnat à concrétiser sur le Pirchiriano sa pénitence. Il se présente a Avigliana chez le marquis Arduin d’Ivrée et lui achète le terrain, afin de rendre sa fondation totalement indépendante du pouvoir temporel local ; il obtient aussi un privilège de l’évêque de Turin pour les futurs moines. C’est un certain Advert, abbé de Lézat, parti de son monastère où régnait l’indiscipline, qui devient le premier chef de la communauté monastique de La Cluse. Quelque temps plus tard, Hugues, qui était retourné en Auvergne (ou son fils), revient en Piémont parachever sa fondation et demander les diplômes confirmatifs au pape (Sylvestre II) et à l’empereur (Otton le Jeune).
Dans la seconde moitié du Xème siècle, un certain Jean « Vincent », ex-évêque de la région de Ravenne, voulant retourner à la vie solitaire, quitte sa cite épiscopale et se fixe sur le Monte Caprasio, au col de la Celle, face a l’antique lieu de culte du Monte Pirchiriano. Une nuit, saint Michel lui apparaît et lui ordonne de reconstruire un oratoire sur le Pirchiriano. Jean accomplit le vœu de l’archange, non sans s’être fait aider miraculeusement par des colombes dévouées a la tâche. L’oratoire auprès duquel l’ermite élit désormais domicile est, sur sa demande, consacré par l’évêque de Turin, après un second miracle pour convaincre celui-ci. Il devient un lieu de pèlerinage fréquenté.
Au XIIIème siècle, l'abbaye comptait plus de 100 bénédictins et dirigeait 140 monastères. Au XIVème siècle, elle possédait de nombreuses terres et vivait une période de grande puissance. Puis vint la décadence, avec ses deux derniers abbés et la mise sous commende.
Depuis 1836, les pères Rosminiens, appelés par la famille de Savoie, maintiennent une vie spirituelle au sommet du mont et accueillent les fidèles venus prier l’Archange.
Si vous voulez une autre version de l'histoire, plus... cocasse, rendez-vous sur http://patsand.blogspirit.com/archive/2006/10/index.html
On dit qu'Umberto Eco s'inspira de ce site pour son roman fameux "Le nom de la rose".
Le culte de Saint Michel
Diffusé rapidement en Italie depuis l'Orient, spécialement dans les lieux élevés et solitaires, le culte fut implanté aux Vème et VIème siècles par les moines Persans exilés de leur patrie, envoyés par Rome afin d'évangéliser le Nord de L'italie. La présence de ces moines est encore attestée aujourd'hui par la dédicace d'une petite chapelle à Saint Abacus, l'un des leurs, au pied du Mont Musiné.
Les Byzantins développèrent le culte. Les Lombards le célébrèrent, eux qui avaient comme protecteurs Saint Michel, Saint Pierre et Saint Ambroise.
Clemente Rebora, l'un des meilleurs représentants de la Poésie Religieuse du Xème siècle, définit l'Abbaye de Saint Michel comme un "sommet vertigineusement sacré".
L'Abbaye est étroitement liée à la figure de Saint Michel, considéré comme le prince des milices célestes et comme le bras droit de la divinité. Le chroniqueur de l'Abbaye proposait déjà cette particulière description de Saint Michel lorsqu'il écrivait, à la moitié du onzième siècle, les vers suivants: "Grâce à plusieurs documents des Saintes Ecritures, nous savons maintenant que non seulement le Bienheureux Michel a, grâce à la volonté de Dieu, la suprématie des milices célestes, mais il possède également, pour ainsi dire, une principauté sur la terre , qui se trouve, plus exactement, dans les contrées occidentales.
l’Archange s’est choisi entre tous trois lieux particuliers dans ces régions occidentales du monde pour les visiter lui et les siens, et les inonder de sa lumière : le premier au mont Gargan, déjà très connu du monde entier ; le deuxième près de l’océan, qu’on appelle “au péril de la mer” ; le troisième placé très exactement à mi-chemin, c’est le mont Pirchirianus, au milieu des hautes montagnes, où il est possible de contempler de plus près la majesté divine ».