Antoine,
né vers 251 en Haute Egypte, avait dix-huit ans lorsque moururent ses
parents, chrétiens à la fortune considérable, qui lui laissaient le
soin d'élever sa petite sœur. Observant et pratiquant, il fut un jour
vivement frappé par cette invitation de Jésus : « Si tu veux être
parfait, va, vends ce que tu as et donne-le aux pauvres, et tu auras un
trésor dans le ciel : viens et suis-moi ! » (Mat, XIX 21). Il obéit,
mais fit toutefois une réserve des ressources nécessaires à sa sœur.
Bientôt il fut impressionné par une autre parole du Sauveur : « Ne vous
mettez pas en peine du lendemain. » (Mat, VI 34).
Il
se débarrassa de sa réserve, confia sa sœur à une communauté de
vierges, et se retira dans une solitude voisine de Qéman, entre Memphis
et Arsinoé ; conduit par un vieil ascète, Antoine partagea son temps
entre la prière et le travail. Cette demi-retraite ne lui suffit pas
longtemps ; quand sa réputation lui amena trop des visiteurs, il se
réfugia dans un des anciens tombeaux égyptiens de la montagne où, de
temps à autre, un ami lui apportait des provisions. Là commencèrent ses
tribulations : le démon lui livrait de furieuses attaques. Un matin
l'ami charitable le trouva étendu inanimé sur le sol ; il le rapporta
au village où, le croyant mort, on prépara ses funérailles. Antoine
reprit ses sens et demanda à être ramené immédiatement dans sa grotte.
Les
assauts du démon continuèrent. Antoine chercha une retraite encore plus
profonde, au delà du Nil. Vingt ans, il vécut enfermé dans un château
ruiné, toujours aux prises avec Satan.
Sollicité par les visiteurs
qui venaient lui demander ou des miracles ou une règle de vie, il
établit en 305 des ermitages où ses disciples, attentifs à ses discours
et s'inspirant de ses exemples, pratiquaient un héroïque détachement.
En
311, Antoine entendit dire que la persécution de Maximin ensanglantait
l'Egypte ; il descendit à Alexandrie pour encourager les martyrs et
partager leurs souffrances. Il s'attendait à être mis à mort, mais il
ne fut pas inquiété. L'année suivante, il reprit le chemin de sa
solitude ; animé d'une sainte émulation, il s’y imposa des jeûnes et
des veilles plus austères. Il s'enfonça dans le désert de la Haute
Egypte pour fixer sa résidence au mont Qualzoum, appelé plus tard Mont
Saint Antoine, où il s'installa près d'une source, au milieu d'une
palmeraie. Il cultivait lui-même un petit jardin pour aider à sa
subsistance.
Les
disciples restés près du Nil construisirent le monastère de Pispir où
Antoine les venait visiter à intervalles réguliers. Dans ses dernières
années, il permit à deux de ses disciples, Macaire et Amathas, de
rester près de lui. De 312 jusqu'à sa mort, Antoine demeura dans son
ermitage où il y recevait des visiteurs animés de dispositions fort
diverses : les uns lui demandant des miracles ou des enseignements, les
autres cherchaient à l'embarrasser, comme ces philosophes grecs ou ces
ariens qu'il réduisit au silence. Athanase, son futur biographe, y vint
à plusieurs reprises ; l'empereur Constantin lui écrivit pour se
recommander à ses prières.
Vers
340, se place la rencontre d'Antoine et de l'ermite Paul dans les
circonstances qu'a décrites saint Jérôme, dans la vie du second.
Antoine ambitionnait d'imiter plus parfait que lui ; il apprit en songe
qu'un anachorète, riche en mérites, vivait depuis longtemps dans une
partie du désert qu'il croyait inhabitée. Sans tarder, il se mit à la
recherche du saint homme, parvint non sans peine jusqu'à sa cellule,
mais la trouva fermée. Paul qui l'avait pressenti, ne veut voir aucun
être humain. Enfin, Paul céda aux instances réitérées d'Antoine, et les
deux ermites tombèrent dans les bras l'un de l'autre, se saluant
mutuellement par leur nom, s'entretenant des choses de Dieu, pendant
qu'un corbeau apportait leur nourriture, un pain entier ce jour-là. (
http://www.eglise-armenienne.com/Hagiologie/Saints_universels/Antoine.htm
)
Voici leur conversation telle que nous la rapporte le Synaxaire :
Alors
Paul demanda:" " Le monde subsiste-t-il ? " - " Oui. " - " L'injustice
existe-t-elle encore sur la terre ? " - " Oui. " - " Les magistrats
gouvernent-ils avec l'erreur de Satan dans l'esprit, en tyrannisant les
faibles ? "
L'autre répondit: " Il en est ainsi. "
Paul
prophétisa ensuite le développement du monachisme, et les divers
troubles qui toucheraient l'Eglise. Le corbeau vint leur apporter un
pain entier, pour la première fois depuis quatre-vingts ans. Peu après
cette visite, Antoine vit l'âme de Paul monter au ciel dans la joie des
anges. Il trouva le corps de Paul, l'enveloppa du manteau offert par
l'empereur Constantin à saint Athanase, et, aidé par deux lions, il
l'ensevelit en ce lieu, où se trouve depuis le IVe siècle le monastère
Saint-Paul. Antoine offrit la tunique de Paul, en feuilles de palmier,
à Athanase, qui la portait lors des grandes fêtes.
Sur
la fin de sa vie, Antoine descendit une seconde fois à Alexandrie où il
convertit nombre d'hérétiques et d'infidèles. Peu après son retour, il
annonça à ses deux disciples sa mort prochaine, leur fit promettre de
ne révéler à personne le secret de sa tombe, légua à saint Athanase son
manteau de peau et celui sur lequel il dormait. Il expira doucement en
356, un 17 janvier selon la tradition.
Les religieux ayant adopté le mode de vie solitaire de saint Antoine
sont appelés anachorètes, s'opposant aux cénobites qui choisissent la
vie en communautés monastiques.
La vie de saint Antoine et ses tentations ont inspiré de nombreux
artistes, notamment Jérôme Bosch, Pieter Bruegel, Dali, Max Ernst,
Matthias Grünewald, Diego Vélasquez. Gustave Flaubert lui a également
consacré un récit (La Tentation de saint Antoine).
( explication des détails de la tentation de saint Antoine de Bruegel )
De
nombreuses représentations du saint nous le montrent accompagné d'un
cochon portant une clochette. Selon Émile Mâle, qui signale que cette
tradition date de la fin du XIVème siècle, le cochon n'a rien à voir
avec la vie du saint mais avec un ordre religieux fondé en Dauphiné en
1095 (les Antonins) : les porcs n'avaient pas le droit d'errer
librement dans les rues, à l'exception de ceux des Antonins,
reconnaissables à leur clochette.
Flaubert
écrivit trois versions de ce long poème cosmique où l'anachorète de la
Thébaïde dialogue avec des apparitions successives. Antoine, évoquant
les souvenirs trop vivaces de son passé, connaît à nouveau les
tentations démoniaques : des visions de luxe, les séductions du pouvoir
ou de la volupté le sollicitent ; plus troublante encore est
l'apparition de son disciple, Hilarion, qui lui présente « tous les
dieux, tous les rites, toutes les prières, tous les oracles »,
soulignant les contradictions des Écritures. Et quand, sous le nom de
Sciences, le démon dévoile à Antoine les secrets de l'univers,
l'anachorète aspire un moment à se fondre dans la matière dont il
aperçoit l'extraordinaire foisonnement.
Extrait de "La Tentation de Saint Antoine" de Gustave Flaubert :
-
ISIS : "Ô Neith, commencement des choses ! Ammon, seigneur de
l'éternité, Ptha, démiurge, Thoth son intelligence, dieux de l'Amenthi,
triades particulières des Nomes, éperviers dans l'azur, sphinx au bord
des temples, ibis debout entre les cornes des boeufs, planètes,
constellations, rivages, murmures du vent, reflets de la lumière,
apprenez-moi où se trouve Osiris !
Je l'ai cherché par tous les
canaux et tous les lacs, -plus loin encore, jusqu'à Byblos la
phénicienne. Anubis, les oreilles droites, bondissait autour de moi,
jappant, et fouillant de son museau les touffes des tamarins. Merci,
bon Cynocéphale, merci !
Elle donne au singe, amicalement, deux ou trois petites claques sur la tête.
Le
hideux Typhon au poil roux l'avait tué, mis en pièces ! Nous avons
retrouvé tous ses membres. Mais je n'ai pas celui qui me rendait
féconde !"
Elle pousse des lamentations aiguës.
- ANTOINE est pris de fureur. Il lui jette des cailloux, en l'injuriant : "Impudique ! va-t'en, va-t'en !"
- HILARION : "Respecte-la ! C'était la religion de tes aïeux ! tu as porté ses amulettes dans ton berceau."
( http://pagesperso-orange.fr/jb.guinot/pages/antoine1.html )