L’extérieur
L'église fut construite en calcaire doré du Brionnais, commencée en petit appareil par le transept et terminée avec la nef en pierres plus épaisses.
Le clocher du XIIe siècle, de style Lombard, à trois étages octogonaux percés de baies géminées (24 en tout, nous retrouverons ce nombre plus tard), surmonte la coupole du transept. Il mesure 26m de hauteur et 6m de diamètre.
Les modillons de la corniche sud présentent une sculpture remarquable, reprenant l’étonnant cyclope de l’église d’Iguerande, avec sa barbe double et ses moustaches tournées vers le ciel.
Ailleurs, une chauve-souris, un moine tirant la langue, un singe, un tireur d’épine, une sirène, etc.
La façade occidentale nous offre un portail qui présente sur son tympan un Christ en gloire dans une mandorle entouré de deux anges, comme le portail d’Arcy.
Sur le linteau sont représentés les 12 apôtres encadrant la Vierge Marie.
Tout autour, sur l’archivolte à double voussure, très abimés, 19 de ceux que l’on nomme les 24 vieillards de l’apocalypse, les 5 autres étant représentés sur les chapiteaux.
Personnages mystérieux de l’Apocalypse de Jean, il est dit que leur rôle est d’adorer Dieu et de le conseiller. Ils sont généralement barbus, ceints de la couronne des élus, habillés d’une toge blanche, portant de la main droite un vase ou une coupe et de la gauche un instrument de musique. Mais ils ne sont jamais représentés comme des… vieux. La traduction de Chouraqui nous donne ceci :
« Autour du trône, des trônes, vingt-quatre ; et sur les trônes, vingt-quatre Anciens assis habillés de vêtements blancs ; et sur leurs têtes, des couronnes d'or.» (Apocalypse 4:4)
« Quand il prend le volume, les quatre Vivants et les vingt-quatre Anciens tombent en face de l'agneau. Ils ont chacun une cithare et des coupes d'or, pleines d'encens. Ce sont les prières des consacrés. » (Apocalypse 5:8)
La cithare est figurée à Anzy par la citole en usage au XIIe siècle. La symbolique reste la même : l’encens contenu dans les vases comme la musique des instruments servent à faire parvenir aux cieux les prières et les louanges provenant de la terre. Et entre un vieillard et un ancien, je vois une grosse différence. A vous de choisir en fonction de ce que vous ressentez.
Le nombre 24, dans le dico des symboles de Chevalier et Gheerbrant, peut se rapporter à la double harmonie du ciel et de la terre (12x2), à un équilibre harmonieux, aux « Juges de l’univers » des mages chaldéens (12 étoiles australes et 12 boréales, celles qui se voient préposées aux vivants, celles qui ne peuvent se voir assignées aux morts), à la roue des renaissances, etc.
C’est encore une fois Thibaud qui va nous apprendre que 24 est « la particularisation plus précise des séquences d’expérimentation. Une journée est divisée en 24 heures, la Bible est composée de 24 livres…. Il semble qu’on ait voulu montrer un nécessaire et très dosé apprentissage. »
Côté gauche, lunaire, est représenté sur le corbeau, à côté d’un atlante, un âne musicien. L’âne possède une symbolique bien spécifique. Il a pour fonction le transport, et pour mission la révélation.
L’intérieur
Le plan de type bénédictin en forme de croix latine de l’église reproduit celui de Charlieu : une nef à cinq travées, deux bas-côtés, une abside et cinq absidioles. L’église est orientée à l’est, décalée de 6° sur l’équinoxe.
La nef à deux étages avec de grandes arcades surmontées de fenêtres hautes, datée de la deuxième moitié du XIe siècle pour la partie haute et du tout début du XIIe pour la basse, est voûtée d'arêtes sur arcs doubleaux en plein cintre.
La croisée des transepts est surmontée d’une coupole octogonale sur trompes. Les transepts datent de la fin du XIe siècle.
L’abside en hémicycle, décorée d’arcatures de type lombard sur pilastres, se termine par un prolongement formant une cinquième absidiole. Le chœur, voûté en cul-de-four, fut repris à la fin du XIe siècle et son sol fut surélevé.
L’église contient des fresques murales du XIIe siècle découvertes sous un badigeon en 1855. Elles furent restaurées en 1857, c'est-à-dire largement refaites, par le peintre Jean-François Maurice.
Elles reproduisent, dans les absidioles, l’histoire du martyr de saint Jean-Baptiste, la vie de saint Benoit et de saint Maur, celle de Jacques le Majeur et on peut voir une représentation des premiers donateurs, Lethbald et sa femme.
Sur le cul-de-four de l’abside est peint une scène de l’Ascension sur fond bleu-vert, avec le Christ dans une mandorle entouré de deux anges. Il surmonte les 12 apôtres, comme sur le tympan du portail occidental, mais à la place de la Vierge, les 3 saintes femmes sont rajoutées.
La crypte
On accède à la crypte par un escalier aménagé dans le transept nord. A l’origine, elle était desservie par deux escaliers latéraux se rejoignant en un seul devant le chœur.
Cette crypte, partie la plus ancienne de l’église, est peut-être celle qui fut construite pour recevoir les reliques de saint Hugues, le fondateur du prieuré. Certains la datent du début du XIe siècle, lors de la reconstruction romane de l’église, d’autres la font remonter aux temps carolingiens du premier prieuré.
Le plan développe une nef centrale, une abside avec chapelle axiale et deux bas-côtés se terminant par une absidiole.
Un fragment de peinture murale, une tête de moine, est daté par certains du XIIe siècle, d’autres parlent du XIVe.
Les voûtes d’arrête sont soutenues par des piliers à chapiteaux, dont deux, en pierre grise, proviennent d'une colonne antique scindée.
Par terre, de la terre battue. On ne peut oublier la transformation de cette crypte en cave à vin lors de la Révolution, et ce jusqu’en 1987, date à laquelle l’ancien propriétaire la rendit à l’église.
Les chapiteaux
Les 12 piliers cruciformes, flanqués chacun de trois colonnes engagées, sont surmontés de chapiteaux sculptés. Je ne vais pas vous traduire tous les chapiteaux, je ne vous donnerai que quelques interprétations puisque c’est le sujet d’une partie du stage que j’anime dans le Brionnais avec Jacques Bonvin.
Les plus intéressés et les moins patients iront de ce pas consulter le livre « Brionnais symbolique et roman » où ils retrouveront des explications, tout en sachant qu’une église peut se lire mais ne se vit que sur place. Je suis effarée des interprétations que font parfois les guides officiels de ces chapiteaux romans. Ils veulent absolument y voir des péchés, de la luxure, de l’avarice, de la colère ou de l’orgueil. Et ils disent que ces gens du Moyen-âge étaient frustres, primaires, sans aucun sens commun…. Z’êtes sûrs ?
Comme dans toute église romane, les chapiteaux cachent une histoire dans leur symbolisme, ce qui nous est confirmé dès l’entrée, côté lunaire, avec des oiseaux affrontés. On le dit « oiselé », il porte le langage des oiseaux que nous allons devoir maitriser tout au long de notre parcours. Nous commençons avec ces oiseaux donc, surélevés dans des feuillages. Le feuillage porte en lui l’espérance puisqu’il va donner des fleurs puis des fruits, révélant les trois étapes de la transformation.
Les oiseaux, dans la symbolique romane, sont les représentants de l’esprit, illustrant par leurs fonctions, leurs tailles, leurs couleurs ou leurs places l’avancement de la vie spirituelle. Leurs ailes serviront à l’esprit à se rapprocher du « ciel ». Ils sont les messagers des mondes supérieurs. Là, au début du parcours, ils sont dans la dualité et regardent le couchant. Il faudra un retournement, le mode d’emploi sera donné dans les chapiteaux suivants. Mais regardons de plus près.
Les feuilles de ce chapiteau sont représentées sur trois niveaux, avec au centre un épanouissement en forme de corolle d’où s’échappe une dernière tige portant bourgeon. Le feuillage est constitué probablement de feuilles non pas d’acanthe comme nous disent les guides mais bien de chélidoine qui, comme vous le savez maintenant, symbolise l’accès à la lumière.
La tradition prêtait à cette plante magique les propriétés de ramener la vue aux aveugles, redonner vie aux mourants, favoriser les rêves et la clairvoyance… tout un programme. La Chélidoine tire son nom du grec Khelidon qui veut dire hirondelle. La tradition rapporte que ces oiseaux se servaient du latex de la plante pour nettoyer les yeux de leurs petits.
Il semblerait bien que les oiseaux représentés soient des… hirondelles ! Une autre étymologie leur donne comme origine le latin Coeli Donum, le don du ciel, nom donné par les alchimistes du Moyen-âge. Ces alchimistes et leur langage alambiqué, nous allons les retrouver tout au long du parcours, nous montrant la marche à suivre afin de transformer le vil métal en or pur, c'est-à-dire notre transformation intérieure, avec ses trois phases bien connues.
En résumé, le message du premier chapiteau est le suivant : ouvrez vos yeux, lisez, expérimentez, Anzy-le-Duc peut vous transformer. Ah oui, certainement, ces gens là étaient primaires.
Un deuxième chapiteau va attirer notre attention. Il est présenté habituellement comme un « acrobate dévoré par deux serpents monstrueux entrelacés », une « belle représentation de l'homme luttant contre les forces du mal », ou bien comme « Jonas et la baleine », ou encore comme un « homme nu renversé mordu par deux dragons aux queues dressées en spirale représentant la chute ou le péché ». Un œil plus averti va voir bien autre chose. Nous sommes là en présence d’un acrobate, un initié qui a commencé son retournement. Ses mains sont bien posées sur l’astragale symbolisant la terre, un de ses pieds essaie de toucher le tailloir représentant le ciel.
L’autre pied est posé sur l’un des deux serpents telluriques, nous indiquant que c’est en maitrisant ces forces terrestres que la transformation commence. L’autre vouivre va l’aider en lui insufflant son énergie directement au niveau du cœur, là où se trouve la pureté. Mais en regardant bien, la première vouivre sur laquelle l’acrobate s’appuie ouvre la gueule devant le talon du pied qui rejoint le ciel. Elle est en attente, et si l’acrobate échoue, elle sera là pour reprendre à l’homme l’énergie vitale que l’autre lui a donnée.
La tradition nous parle du talon comme de l’endroit d’où peut s’échapper l’âme au moment de la mort, et tout le monde se souvient d’Achille et de son point faible. Le pied est la base sur laquelle l’homme s’appuie pour avancer et le talon et son tendon qui relie l’os au muscle représentent la possibilité de réaliser les pensées et les désirs. Le pied est aussi la représentation de la liberté (ce n’est pas pour rien que les chinois bandaient les pieds des petites filles) et la clé de nos appuis relationnels (ce n’est pas pour rien que beaucoup de traditions parlent du lavage des pieds qui purifiait la relation au monde voire au divin).
Le fait que cet acrobate, pour pouvoir atteindre le ciel, ait besoin de la maitrise de la vouivre, nous amènera au prochain chapiteau représentant…. Saint Michel, celui qui est comme Dieu, terrassant le dragon et non pas tuant le démon. CQFD.
L’arc triomphal d’Anzy-le-Duc nous apprend qu’il faut comprendre les trois règnes pour pouvoir atteindre le chœur et le saint des saints. Nous avons donc la pierre des deux colonnes pour le minéral, surmontée de deux chapiteaux de feuillages pour le végétal, suivi de deux lions pour l’animal (toujours deux, la dualité) pour terminer sur la clé de voûte avec un homme et une femme réunis. Celui qui a eu l'idée de mettre au-dessus le Christ, même s'il est crucifié, ne s'est pas trompé.
Beaucoup d’autres chapiteaux, beaucoup de magie, de langue des oiseaux, de symboles alchimiques vont accompagner, à Anzy-le-Duc, ceux qui vont suivre le chemin que nous propose la prieurale Notre-Dame-de-l'Assomption.
Notre-Dame, nous la retrouverons sur la clé de voûte du bas-côté nord, côté lunaire bien entendu, assise sur une cathèdre, hiératique, l’enfant dans son giron. Ceux qui suivent le blog la reconnaitront.
http://www.bourgogneromane.com/edifices/anzy.htm
http://www.art-roman.net/anzy/anzy2.htm
http://photos-eglises.fr/Bourgogne/71/Anzy/crypte.htm
http://pjpmartin.free.fr/site/FMD2.htm
http://pjpmartin.free.fr/site/Anzy_tympan.htm
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k35687b/f351.image
https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89glise_Notre-Dame-de-l'Assomption_d'Anzy-le-Duc