En parlant de mes photos... Elles sont libres de droit pour un usage privé, sous réserve de mention du lien vers le blog. Toute autre utilisation doit faire l'objet d'un accord écrit de ma part.
Sincèrement vôtre, Madame Dulac.
PETITE NOTE EXPLICATIVE
Pour accéder directement aux sites, cliquez sur la carte ci-dessus. Bon, ce n'est pas à jour, suite au désistement du technicien... Si vous ne trouvez pas, vous pouvez toujours faire une recherche en haut à droite.
L’île-de-Sein ou Enez-Sun en Breton, île principale d’un archipel de la mer d’Iroise, fait partie d’une chaine granitique datant de 300 000 millions d’années et dont la pointe du Raz à l’est (7 km) et les récifs de la chaussée de Sein à l’ouest (25 km) font partie. Le granite qui forme l’île n’est pas homogène, si bien que l’érosion a fait ressortir des rochers prenant bien des formes mystérieuses.
Des galets aménagés, c’est à diremodifiés par l’homme pour en faire des outils, retrouvés par une équipe d’archéologues, furent identifiées et datés d’environ 420 000 ans avant notre ère, soit durant le Paléolithique inférieur, à l’époque de l’ère glaciaire de Mindel où la Baie d’Audierne était une plaine et l’île de Sein un plateau d’altitude. C’est aussi l’époque de la domestication du feu (voir le Menez Dreganà Plouhinec.)
Il y a 120 000 ans, le climat étant devenu plus chaud chaud, le niveau de la mer s’éleva de sept mètres. C’est à cette période que se formèrent les plages de galets fossiles qui constituent la surface actuelle de l’île.
Après les différentes périodes glaciaires, la dernière, Würm IV (entre -30 000 et -11 700 ans) fit descendre la mer à 120 mètres en-dessous du niveau actuel (le littoral se situait alors à 40 km à l’ouest) et l’île était alors reliée au continent. Les humains s’y installèrent et beaucoup de leurs œuvres furent englouties lors du dernier réchauffement climatique. De nombreuses haches polies, des tessons de poteries sont toujours retrouvées dans les éboulis côtiers.
Durant le Néolithique, les hommes dressèrent de nombreux monuments sur l’île. Il n’en reste malheureusement que quelques-uns, mais avec un peu d’imagination et avec l’aide des fées et des korrigans, il nous sera facile de nous promener sur cette terre sacrée que les Gaulois, puis les Romains, occupèrent.
Pomponius Mela, géographe romain du Ier siècle, écrit (Chorographie, III, 42) : « L’île de Sena, située dans la mer Britannique, en face des Osismes, est renommée par un oracle gaulois, dont les prêtresses, vouées à la virginité perpétuelle, sont au nombre de neuf. Elles sont appelées Gallicènes (Gallisenae, Cènes ou Senes), et on leur attribue le pouvoir singulier de déchaîner les vents et de soulever les mers, de se métamorphoser en tels animaux que bon leur semble, de guérir des maux partout ailleurs regardés comme incurables, de connaître et de prédire l’avenir, faveurs qu’elles n’accordent néanmoins qu’à ceux qui viennent tout exprès dans leur île pour les consulter ».
Les Osismes, peuple gaulois de la pointe du Finisterre, furent déjà cités sous le nom d'Ostimioi au IVe siècle par le géographe Pythéas, dans les parages d’un cap Kabaïon, proche d’Ouessant. Leur nom signifiait « les plus hauts », « ceux du bout du monde », Penn-ar-Bed en Breton.
Une légende rapporte que l’île aurait été donnée en 440 par Gradlon, roi de Cornouaille, à saint Guénolé, qui, lassé du continent, y aurait établi un prieuré avec quelques disciples avant de devenir le fondateur de l'abbaye de Landévennec. Les légendes liées à Gradlon et à saint Guénolé sont riches en symbolique. Si vous voulez en avoir un aperçu, c’est dans mon article sur la baie des Trépassés et sur le Menez Hom (cliquer sur le nom).
A noter : « L’Île de Sein reçoit la croix de la Libération le 1er janvier 1946. En juin 1940, la quasi-totalité des hommes en âge de combattre choisit de partir rejoindre les Forces Françaises Libres en Angleterre ». Pour mémoire, 5 villes françaises ont reçu cet honneur : Paris, Nantes, Grenoble, Vassieux en Vercors et l’île-de-Sein.
L’étymologie
Le toponyme reste mystérieux. Certains l’attribuent à une divinité, à un saint (Sidonius), d’autre à une contraction du nom du cap Sizun, ou bien au breton seiz hun, les 7 sommeils, qui seraient reliés aux prêtresses gauloises. Le mot gaulois senos, vieux, et le latin sinŭs, anse, golfe, baie, ont peut-être fusionné, la forme de l’ile étant courbe. Au IVe siècle ce fut Sina, au XIe insula Seidhun, Sayn au XIVe, Insule Sedun au XVe, isle Seizun au XVIIe.
Carte des différents lieux de l'article
L’église Saint-Guénolé
1 sur la carte. D’après la tradition sénane, la première église de l’île-de-Sein, dont on ne connait pas la dédicace, fut construite par saint Guénolé en 440 sur l’emplacement de l’actuelle mairie. Après le départ du saint, c’est l’abbaye de Landévennec qui en assura le service religieux.
La deuxième église fut construite au XIIe siècle sur l’emplacement de la première par les bénédictins de Landévennec et dédiée à saint Collodan.
Saint Collodan est connu sous différents noms : Ké, Kéa, Kénan, Quay, Kinanus, Kelly, Colledoc, Colodoc, Kecoledocus, la liste est sans fin. Il serait venu du Pays de Galles, ou d’Irlande, ou de Grande-Bretagne, traversant la mer du Nord dans une auge en pierre pour débarquer sur la côte nord de la Bretagne, à Saint-Quay-Portrieux dans le département des Côtes-d'Armor. Lorsqu’il arriva, les habitants, le prenant pour un démon, le malmenèrent et il fut gravement blessé. Il ne dût la vie sauve qu’au jaillissement d’une source dont l’eau miraculeuse lui permit de guérir.
L’église Saint-Collodan de Sein devint trop petite, humide et insalubre, étant construite 1 mètre en-dessous du sol du cimetière attenant. C’est en 1898 que la décision fut prise de construire une nouvelle église.
Cette fois elle sera bâtie au point culminant de l’île, sur un terrain qui appartenait alors au conseil de fabrique (au sein d'une paroisse catholique, le conseil de fabrique est, jusqu'en 1905 en France, un ensemble de personnes, clercs et laïcs, ayant la responsabilité de la collecte et de l'administration des fonds et revenus nécessaires à la construction et entretien des édifices religieux et du mobilier de la paroisse). Elle fut vendue pour démolition en 1912 à Clet Marzin, gardien de phare.
La troisième église fut donc construite entre 1898 et 1901 sur les plans de l’architecte breton Armand Gassis dans un style néo-roman.
Elle fut, cette fois, dédiée à saint Guénolé.
Elle comporte une nef à collatéraux mais sans transept, avec un chevet à trois pans. Ce sont les habitants de l‘île, principaux donateurs, qui se chargèrent eux-mêmes du transport des pierres et sur le portail est gravé une inscription latine qui leur rend hommage : Stat virtute Dei et sudore plebis, elle se dresse par la puissance de Dieu et la sueur du peuple. Dédiée cette fois à saint Guénolé, ses murs sont en granite, son toit en ardoise.
L'ex-voto de l'église Saint-Guénolé est une réplique d'un navire de guerre de la fin du XIXe siècle, réalisée aux environs de 1870.
Les bannières et statues de procession sont des représentations de Notre-Dame de l’Espérance, de saint Guénolé et saint Corentin.
J’ai eu le plaisir d’y rencontrer le cousin. J’ai trouvé cette statue très belle.
Rien de bien particulier en ce lieu, il faut aller un peu plus loin et un peu plus haut pour ressentir quelque-chose.
Les Causeurs
2 sur la carte. Les deux menhirs les plus connus de l’île-de-Sein sont dressés près de l’église Saint-Guénolé, posés côte à côte, orientés nord/sud. L’un d’eux a l’air d’être tourné vers l’autre comme s’il lui parlait, d’où leur nom. En breton, ils sont appelés Ar Fillistérien (les causeurs, le grand et le petit) ou bien Ar Prégourien (les prêcheurs).
Ils sont tous les deux faits du même granite blanc. Le plus gros mesure 2,80 mètres de hauteur sur 1,40 de large et le plus petit 2,30 mètres de hauteur sur 1,20. Il reste sur les pierres quelques vagues dessins, traits et signes qui auraient pu indiquer une orientation par rapport aux étoiles, datant peut-être de l’époque où les Phéniciens, se rendant en mer Baltique pour aller chercher de l’ambre, s’arrêtaient dans le port de l’île-de-Sein.
Au XIXe siècle, ils étaient plantés sur une petite butte et entourés de petits menhirs en forme de cromlech. Il fut question de les déplacer lors de la construction de l’ancienne église Saint-Collodan et finalement restèrent sur place. Autrefois, ces menhirs étaient reliés au tumulus de la croix de Nifran par un chemin, sorte de voie sacrée bordée de pierres dont il reste quelques exemplaires.
Selon la légende, les malades atteint de fièvre devaient mettre 9 galets dans leur mouchoir et aller les déposer à leurs pieds pour être guéris. Malheur à celui qui ramassait le mouchoir, il prenait le mal !
Le dolmen de Nifran
3 sur la carte. Le long d’un petit chemin partant de l’église Saint-Guénolé et menant au point culminant de l’ile sont couchées plusieurs pierres mégalithiques surmontées d’une croix érigée en 1776. Nifran, c’est littéralement le nid du corbeau. Cet endroit fut appelé ainsi parce que, selon la légende locale, un couple de corbeaux, chaque année, venait y faire son nid.
Autrement appelé le trou des korrigans, il ne reste pas grand-chose de ce qu’il fut vraisemblablement un dolmen ou une allée couverte, en tous cas un groupe de sépultures réunies sous un tumulus. Les archéologues ont retrouvé les restes d’objets rituéliques, poteries brûlées, galets brisés, silex.
Cet endroit, malgré la présence du nid des corbeaux, est lié aux énergies de la Mort, la Renaissance se retrouvant plus haut, au bout du chemin initiatique commencé dans le cromlech de l’église Saint-Guénolé.
« Le plus important des monuments de l'époque néolithique est, sans contredit, le tumulus du Nifran, recouvrant un groupe de sépultures réunies, plusieurs cist-ven (tombeaux mégalithiques à quatre faces) isolés ou adossés, de petites galeries aboutissant à des chambres funéraires, un dolmen simple et un autre reposant sur un cist-ven.Tous les genres de sépultures usités à l'époque se trouvent épars dans l'île, le Nifran les réunit tous. Leur diversité indique que cette station fut occupée à toutes les périodes du néolithique. L'incinération paraît avoir été le seul rite en usage. Les fouilles ont révélé que le culte des morts y était très développé et réduit à une extrême simplicité. Des offrandes funéraires étaient déposées dans les tombeaux. »
Extrait du livre de Stanislas Richard : Sein, l'île des Trépassés – 1959 – Éditions André Bonne
Les rochers du Kador
4 sur la carte. En partant de la rue du Nifran vers le nord, on passe devant les ruines d’un ancien moulin et on arrive sur l’esplanade du Kador (ou ar Gador, la chaise) qui domine quelque peu les flots et où de nombreux rochers granitiques aux formes particulières se dressent.
C’est ici que deux corbeaux revenaient chaque année se poser sur un des blocs de pierre, ceux-là même qui allaient nicher ensuite dans le tumulus du Nifran.
Les habitants, voyant que les deux oiseaux avaient l’habitude de faire leur ronde annuelle, comme s’ils surveillaient les alentours de l’île, ne tardèrent pas à en faire deux esprits protecteurs. Afin de leur rendre hommage, ils appelèrent alors l’endroit Karreg ar Vran, la roche du corbeau.
Une ancienne légende parle des neuf Gallicènes de l’île-de-Sein, les fameuses prêtresses de Pomponius Mela. Elle raconte que ces vierges, telles la Pythie de Delphes, se tenaient près de ces rochers afin de rendre leurs oracles. Certains des iliens, les plus hardis, disent qu’autrefois, sous les blockhaus, se trouvait une faille très profonde et que ce qui émanait de cette faille donnait leurs pouvoirs aux druidesses. Ces deux casemates, construites par l’organisation Todt (groupe de génie civil et militaire du Troisième Reich) pendant la guerre de 39/45, furent appelées avec humour Kremlin et Vatican.
De vieilles cartes postales montrent cet amas de granite sous le nom de « la chaise du curé ».
Ce que j’ai remarqué, ce sont les cupules, presque des bassins par leur taille, creusées dans les roches granitiques. Elles ont certes été façonnées par les éléments, mais certaines sont vraiment profondes et reliées entre elles. De l’eau lustrale servant de source sacrée, un dolmen, des rochers, des corbeaux, des druidesses… Presque la cathédrale du Puy-en-Velay. Une fois arrivée là, quelque-chose me retenait, je n’ai pas eu envie d’en partir.
Le dolmen du Sphynx
5 sur la carte. Du Kador, il faut traverser l’île dans sa largeur vers l’isthme de Kourrigou pour aller vers la rive sud.
Situé à l’est du rocher du Sphynx, il ne reste plus que deux orthostates debout de ce dolmen.
Le Sphynx
6 sur la carte. Ce rocher, situé au bord de l’eau au centre de l’ile, sur le lieu-dit Maen Eonog, ne laisse pas indifférent. Il fait la joie des enfants qui grimpent à l’assaut d’un château imaginaire, le bonheur des photographes quand les rayons du soleil laissent paraitre des formes évocatrices et le ravissement de ceux qui perçoivent au-delà des sens. Certains voient dans la roche une face humaine et l’autre simiesque et disent que le rocher est le gardien de l’île contre les démons qu’il pétrifie.
Le toponyme breton Maen Eonog signifierait pierre courageuse, pierre brave. Les légendes parlent d’un autel dressé devant le rocher, qui serait un ancien lieu de culte. Personnellement, je m’y suis sentie bien, apaisée, prise dans une douceur enveloppante.
La pointe de Beg al Lann
7 sur la carte. Cet endroit fut, parait-il, un ancien lieu de culte. Une cabane en pierre y fut restaurée en 2006. Plusieurs menhirs ainsi qu’une allée couverte sont répertoriés alentours, mais il est très difficile de les voir, même à marée basse. De nombreux artéfacts, comme des tessons de poterie, furent aussi retrouvés dans le coin.
La commune fit restaurer les parements en pierre sèche d’un ancien chemin-digue : débroussaillage, démontage des parties effondrées, stabilisation des fondations, remontage manuel du parement.
Plas ar Skoul
8 sur la carte. Ar Skoul est le nom d’un oiseau de proie, le milan. Mais skoul c’est aussi le croquemitaine… L’amer (point de repère fixe et identifiable utilisé par les marins pour la navigation) blanc et rouge fut construit près du rivage ouest de l’île, face à la chaussée de Sein, prolongement vers l'ouest, sur environ 25 kilomètres, des formations granitiques de la pointe du Raz.
Il est pratiquement impossible aux navires de franchir cette passe aux nombreux récifs, rochers escarpés, secteur de l'Iroise qui connaît en plus des courants de marées très intenses, des brouillards fréquents et de nombreuses tempêtes.
Proche de l’amer, deux rochers granitiques forment, dirait-on, une belle porte de vie. Dans l’article de Monsieur Hyacinthe Le Carguet du Bulletin de la Société Archéologique du Finistère paru en 1897, il est fait mention en cet endroit d’un tumulus, petite butte de 3 mètres non explorée.
La chapelle Saint-Corentin
9 sur la carte. Saint Guénolé, disciple de saint Corentin (premier évêque de Quimper), vint construire, en l’an 440, un prieuré sur l’île de Seidhun avec quelques compagnons. Ils bâtirent ensuite au Goulenez, près d’un puits (ou bien s’installèrent-ils ici en premier), un ermitage adossé à un petit oratoire sur l’emplacement, dit la tradition, d’un ancien lieu de culte druidique.
Après son départ et la fondation de Landévennec, c’est cette abbaye qui se chargea de son entretien. De nombreux ermites s'y succédèrent, survivant grâce à leur jardin (chardin an Iarmit) protégé des vents et des embruns par des murets de pierres sèches et la petite fontaine miraculeuse du placître (terrain vague herbeux, délimité par une clôture ou un mur, entourant les chapelles, églises ou fontaines en Bretagne) d’où coulait une eau potable.
L’oratoire devenu trop petit et vétuste pour les ermites, une chapelle dédiée à saint Corentin fut édifiée sur son emplacement entre les XVIe et XVIIe siècles. Mais au début du XXe siècle, la chapelle était en ruines. Lors du départ des sénans pour l’Angleterre après l’appel du général De Gaulle en juin 1940, les habitantes de l’île firent le vœu de reconstruire la chapelle à la victoire de la France et au retour de leurs hommes.
Il leur fallut attendre quelques années puisque ce n’est qu’en 1971 que l’abbé Yves Marzin, recteur de l’île, commença la restauration de l’édifice.
Il voulut la chapelle plus grande et commença à creuser de nouvelles fondations. C’est alors qu’il trouva l’ancienne table d’autel de la chapelle primitive marquée de la croix de consécration, un menhir de plus de 3 mètres de long enfoui, ainsi que de curieuses pierres creusées en forme d’auge (deux sont restées dehors, et j’aimerai savoir si le bénitier retaillé sur la gauche en entrant n’en ferait pas partie).
Il remonta les murs avec les anciennes pierres trouvées sur place et remplaça l’ancien clocher par un clocheton de l'ancienne église du bourg. Enfin, la chapelle fut inaugurée le 13 août 1972.
La découverte du menhir et des auges en pierre qui ressemblent fort à une ancienne fontaine druidique, le puits à l’eau miraculeuse, tout cela confirmerait la présence en ce lieu de druides (ou avant eux de druidesses, ces fameuses Gallicènes). L’alignement de petits menhirs semble être une réalisation bien plus tardive…
À l’intérieur de la chapelle se tenait une statue de saint Corentin. Avant qu’elle ne soit volée au XIXe siècle, les marins tournaient sa crosse d’évêque dans la direction qu’ils avaient choisie pour des vents favorables et lui demandaient une bonne pêche. « Autrou sant Korentin, avel Nord, ni o pedomp ! Monsieur saint Corentin, vent du nord, nous vous prions » ! S’ils n’étaient pas exaucés, ils enduisaient la statue de goémon ou de jus de leurs chiques et la tournaient contre le mur pour la punir. Lorsque les vents tournaient enfin, la statue, lavée et remise en place, recevait des offrandes et des prières particulières.
L’îlot des Milinou
10 sur la carte. Pas très loin de la chapelle Saint-Corentin, en face du grand phare de Goulenez, après une petite anse de galets, se dresse sur l’îlot des Milinou (anciennement Emelenou) un amas de rochers granitiques, accessible seulement à marée basse. Ne me demandez pas pourquoi, mais je sens qu’il est important. Peut-être a-t-il été le théâtre de processions et de rituels d’un autre âge ?
Les fontaines
Dans le centre du village, près de la mairie, une petite ruelle part vers le Guéveur. Elle se nomme la rue des Fontaines. L’eau est depuis toujours un souci pour les habitants de l’île qui est dépourvue de source. Ce que l’on nomme « fontaines », ce sont des puits creusés dans lesquels l’eau de mer, s’infiltrant à travers la roche et le sable, s’accumule, décante et se désalinise naturellement. C’est l’un de ces puits que l’on trouve près de la chapelle Saint-Corentin, qui date des années 1970. Ce puits a rapidement été abandonné à cause de sa production insuffisante. L’eau des puits reste quand même saumâtre et les sénans avaient pour habitude d’utiliser l’eau de pluie qu’ils conservaient dans des réservoirs. Une citerne communale fut construite au Nifran en 1897 (elle récolte les eaux de pluie tombées sur la toiture de l’église Saint-Guénolé) et en 1972 fut mis en place au Goulenez un système de dessalement d'eau de mer (osmoseur). L'eau, prélevée près du phare, est traitée puis acheminée vers la citerne du Nifran. En 2008, un osmoseur plus performant remplaça l’ancien.
La première fontaine de la rue, Saint-Guénolé, est située contre une maison du XIXe siècle. C’est un puits, vieux de plusieurs centaines d’années, qui est actuellement recouvert d’une dalle en béton. L'accès se faisait par un escalier en pierre d’environ 8 mètres et un seul seau d'eau par jour et par famille était autorisé. Le puits ne s’est jamais tari et son niveau peut s’élever de plusieurs mètres selon les marées.
La deuxième, plus bas, c’est Sainte-Anne.
Elle fut, autrefois, honorée lors de célébrations qui commençaient par une procession. Il est vrai qu’une belle énergie s’en dégage, et sainte Anne protège sûrement ceux qui l’honorent, assis sur le banc de pierre proche du petit édifice en granite qui recouvre le puits.
Le Robert en donne cette définition : « Être, objet ou fait perceptible, identifiable, qui, par sa forme ou sa nature, évoque spontanément (dans un groupe social donné) quelque chose d'abstrait ou d'absent. Par exemple, la colombe est le symbole de la paix ».
Le Larousse à son tour : « Signe figuratif, être animé ou chose, qui représente un concept, qui en est l'image, l'attribut, l'emblème : le drapeau, symbole de la patrie ».
Ce mot, fréquemment utilisé, possède une si profonde signification qu’il mérite qu’on s’y attarde un peu. Jean Chevalier et Alain Gheerbrant, dans leur fameux dictionnaire, parlent de l’expression symbolique comme « la traduction d’un effort de l’homme pour déchiffrer et maitriser un destin qui lui échappe à travers les obscurités qui l’entourent ». Regardons et essayons de voir pourquoi.
Le mot symbole vient du latin symbolum, lui-même issu du verbe grec symballein (σύμβάλλειν), composé des radicaux sum (avec, ensemble) et ballein (jeter, lancer), prenant le sens de jeter ensemble, assembler des parties pour former un tout, joindre.
De ce verbe dérive le mot sumbolon. C’est, à l’origine, chez les grecs, une partie d’un objet brisé que l’on montrait comme signe de reconnaissance à celui qui possédait l’autre partie. Un tesson de poterie était cassé en deux par exemple et chacun partait avec un morceau. Pour se reconnaitre, il fallait que les deux morceaux s’emboitent parfaitement. À Rome, le mot est devenu synonyme de signe, d’emblème, devenant une marque servant à accréditer un envoyé ou à se faire reconnaitre de quelqu’un, comme un cachet ou un sceau. Dans mon dictionnaire de latin, symbolum est un signe, une marque servant à accréditer un envoyé ou à se faire reconnaitre de quelqu’un.
Il prend ensuite une connotation d’union, de connexion, de rassemblement.
Ce symbole, au fil du temps, va assimiler plusieurs idées fondamentales comme l’unité et la connexion qui vont dépasser la forme physique et va représenter des idées, des personnes ou des concepts qui sont liés de manière significative. Il va porter une signification plus profonde qu’une simple image ou un mot, qui pourra être cultuelle, religieuse, politique ou personnelle. Il va permettre de partager des idées complexes de manière concise et souvent universelle, tout en sachant que leur interprétation peut varier selon le contexte. Pour autant, il continue à jouer un rôle identique au premier, utilisé pour reconnaitre des individus, des groupes, des idées.
Aujourd’hui, le symbole, utilisé pour transmettre des significations complexes de manière concise et unifiée, est devenu un élément essentiel dans la communication humaine. Au figuré, le symbole devient l’ensemble qui lie deux représentations ayant la même signification.
Qu’en est-il de son contraire ?
Si le symbole vient du latin symbolum, lui-même issu du verbe grec symballein (σύμβάλλειν), son antonyme, le diable (διάβολος), vient du latin diabolum, issu du grec diaballein (διαβάλλειν), composé cette fois du préfixe dia (séparant, divisant) et toujours du verbe ballein (jeter, lancer). Le verbe diaballein signifie littéralement "jeter à travers" ou "disperser". Son sens s'est étendu pour inclure des notions telles que "diviser", "accuser faussement" ou "calomnier".
La symbolique du terme diaballein va s’imprégner quant à lui des idées contraires de symballein. Il n’unit pas, il divise, il sépare. Il devient la représentation de la fragmentation, de la désunion des individus, des groupes, des idées. Il prend aussi la connotation de calomnie ou de mensonge, de fausse accusation visant à créer des conflits. Il s’oppose à l’unité, à l’harmonie, à la vérité, cherchant à détruire l’ordre établi. Dans la religion chrétienne, le terme diable désigne Satan, l’ennemi de Dieu, son opposé. Il est nommé le tentateur, l’accusateur, l’incarnation du mal, mais surtout celui qui divise.
Le Diable qui divise et détruit représente la force opposée au Symbole. Ces concepts mettent en lumière la dualité des forces à l'œuvre dans le monde : l'une cherchant à créer l'harmonie et la compréhension, l'autre semant la discorde et la confusion. Ces deux concepts sont opposés mais complémentaires. Point d’ombre sans lumière.
Prenons un peu de hauteur et regardons le monde des humains. Avons-nous aujourd’hui tendance à nous unir ou bien à nous diviser ? Qui dirige notre planète ? Celui qui divise ? Celui qui met les bouchées doubles depuis quelques années pour séparer les familles, les proches, les amis, les voisins, les citoyens, les politiques, les pays, les nations ? Mais peut-être que les forces du Symbole, restées cachées, sont-elles à l’œuvre ? À moins qu’il ne faille passer par la dissolution pour retrouver une recomposition de l’être et aboutir à l’alliance finale, le Rubedo…
La Nature est un temple où de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles ;
L'homme y passe à travers des forêts de symboles
Qui l'observent avec des regards familiers.
Le site archéologique de Kommos est situé au sud de la Crète, dans le golfe de la Messara près de Matala, et donne donc sur la mer de Lybie. Les iles de Paximadia, au large de la côte, là où la légende fit naitre Apollon et Artémis, devaient, avant que le niveau des eaux monte, protéger le rivage. Kommos devint alors le port de Phaistos et de Hagia Triada. Kommos est un nom correspondant à la période grecque classique, le nom minoen, d’après l’Odyssée, serait Amyklaion (Αμύκλαιον).
La première occupation du site semble remonter à la fin du Néolithique. Au début de la période Protopalatiale minoenne, la ville prit de l’ampleur et un premier grand bâtiment civique fut bâti.
Durant le Néopalatial, elle fut reconstruite et s’agrandit (jusqu’à 3,5 hectares), devenant un port majeur qui connut son apogée entre le XVIe et le XIIe siècle avant notre ère.
En raison de sa position stratégique dans le Bassin Méditerranéen, il servit de point d’échange de marchandises venant d’Anatolie, d'Égypte, de Tunisie, de Chypre, du Liban, de la Syrie et de la Sardaigne. De nombreux objets provenant de ces pays furent découverts (poteries, sculptures, rhytons, figurines, etc.) ainsi que de nombreuses poteries minoennes et mycéniennes, des tablettes en linéaire A et B, des ancres de pierre, des pressoirs à olive ou à raisin. Tous sont exposés au musée d’Héraklion.
Après le déclin de la civilisation minoenne, Kommos passa sous l'influence des Mycéniens. Les structures architecturales de cette période montrent une continuité d'occupation et d'utilisation du site et la ville portuaire resta un centre commercial important. Le site fut partiellement abandonné vers -1 200, laissant le port de Matala prendre de l’ampleur, puis connut une réoccupation au cours de la période archaïque. Les vestiges de cette époque montrent un faible retour à l'activité commerciale et maritime.
Vers -1 020, des sanctuaires furent érigés, indiquant une importance religieuse croissante. Les marchands phéniciens utilisèrent un temple, entre -800 et -600, autour duquel furent retrouvées les figurines en faïence des déesses égyptiennes Sekhmet et Nefertoum, indiquant un lien avec Memphis, en Égypte, où Sekhmet, épouse de Ptah, était la mère de Nefertoum. Un dernier sanctuaire fut construit aux environs de -400 et fréquenté jusqu’en l’an 150. Sous la domination romaine, Kommos continua à être habitée, puis fut progressivement abandonnée laissant le sable enfouir toute trace de son existence.
Le site fut fouillé entre 1976 et 1994 par des archéologues canadiens sous la direction de Joseph W. Shaw de l'Université de Toronto. Depuis, rien n’a été fait pour l’ouvrir au public et il est impossible de le visiter. Il reste toutefois visible, les barrières laissant facilement la possibilité de prendre des photos. Au nord, sur de petites collines, se situent les quartiers résidentiels et les infrastructures civiques furent construites au sud, dans la partie plus plate et proche du rivage.
Plusieurs structures importantes furent découvertes : un bâtiment important présentant toutes les caractéristiques de l'architecture palatiale minoenne (une grande cour centrale entourée d'ailes) avec des bâtiments administratifs et commerciaux, un sanctuaire, puis des structures en pierre qui servaient de centre de stockage et de distribution des marchandises ou bien de hangar pour la protection des bateaux, des maisons privées, des bâtiments résidentiels et des espaces où les artisans travaillaient la poterie, le métal et d'autres matériaux.
Le site montre un plan urbain sophistiqué avec des rues pavées et des systèmes de drainage. Les bâtiments furent construits en pierre locale et les murs épais et les fondations profondes indiquent que certaines structures étaient à étages multiples. Chose intéressante, la ville produisait probablement du colorant violet, apprécié des élites.
La jolie baie de Mátala (une eau bleu turquoise, une plage de sable fin et de galets entourée de falaises blanches) s’ouvre sur la mer de Lybie, à environ 70 km au sud-ouest d’Héraklion.
Elle est située au débouché d’une vallée creusée par une petite rivière dans le calcaire tendre du massif côtier.
Le site fut fréquenté dès le Néolithique, vers -6 000 avant notre ère. À l’époque Postpalatiale minoenne (-1 450/-1 100 avant notre ère), le petit village de pêcheur prit le nom de Matalon et servit de port à la cité de Phaistos après que le port de Kommos, plus au nord, fut abandonné.
Vers – 220, Matalum passa aux mains des Romains de Gortyne, devenue capitale de la Crète. Les vestiges du port sont en partie immergés mais il reste quelques ruines au sud du village. Sur la colline surplombant la baie se trouvent les restes de l’ancienne acropole.
Mátala redevint au fil du temps un simple village de pêcheur jusque dans les années 60 où de jeunes hippies en firent une halte indispensable sur la route de Katmandou. Aujourd’hui le village est une station balnéaire touristique très prisée.
Le village possède deux chapelles, l’une creusée dans la falaise, l’église de Panagia (Σπηλαιώδης Ναός της Παναγίας)
et l’autre, plus récente, au centre du village, la sainte église de la Dormition de la mère de Dieu (Ιερός Ναός Κοιμήσεως της Θεοτόκου).
Les légendes
Plusieurs légendes se rapportent à Mátala. Tout d’abord celle de l’union de Zeus et d’Europe, princesse Phénicienne fille du roi Agénor de Tyr, lui-même fils de Poséidon, qu’il désirait. Pour arriver à ses fins et se protéger de la jalousie de sa femme Héra, il se métamorphosa en un magnifique taureau blanc. La jeune fille, attirée par la beauté de l’animal, se rapprocha et monta sur son dos. Zeus en profita et partit en Crète avec sa conquête.
Ils arrivèrent sur la plage de Mátala et de là se dirigèrent vers Gortyne où ils s’accouplèrent. Europe donna ensuite naissance à Minos et ses frères (voir la symbolique du taureau ).
Une autre légende se rapporte à Ménélas, roi de Sparte, mari d'Hélène et frère d'Agamemnon, héros achéen de la guerre de Troie. Le cap Nysos, au nord de Mátala, serait l’endroit où ses navires ont fait naufrage après qu’il ait voulu rentrer chez lui.
Odyssée, chant III, v. 286-300 (p. 77) : « C’est alors que Zeus... lâcha sur leur dos les rafales sifflantes ; le flot géant dressa ses montagnes gonflées ; de la flotte coupée, le gros fut entraîné chez les Cydoniens, qui vivent sur les bords du Jardanos crétois. Dans la brume des mers, aux confins de Gortyne, il est un rocher nu, qui tombe sur le flot ; le Notos contre lui jette ses grandes houles, qui le prennent en flanc du côté de Phaestos, et ce caillou tient tête à cette vague énorme : c’est là, qu’atterrissant, les hommes à grand-peine évitèrent la mort ; mais le ressac sur les écueils brisa les coques. Il restait cinq vaisseaux à la proue azurée qu’en Égypte, le vent et la vague poussèrent. ».
D’après une légende crétoise, c’est dans les iles de Paximadia, au large de Mátala, que Léto donna naissance à Apollon et Artémis, qu’elle conçut avec Zeus. Décidément, quelle santé, ce Zeus !
Ces iles prirent également le nom de Dionysos, l’antique dieu du feu divin, figure majeure de l’Orphisme, devenu simple dieu du vin. Mais qu’est-ce que la vigne ? Vous l’apprendrez dans ma prochaine conférence. Disons juste que cette plante sacrée, dont la domestication se fit dans le Petit Caucase, aux frontières de la Turquie et de l’Arménie, joua un rôle primordial dans les cultes à mystère, comme le blé (anciennement engrain ou petit épeautre) également originaire de cette région.
Un peu plus au nord, le rocher de Volakas aurait été lancé par Polyphème en direction des vaisseaux d'Ulysse. Le cyclope manqua héros qui venait de lui crever son œil unique avec un pieu.
« Le Cyclope arrache le sommet d'une montagne et le lance au-delà de mon navire à la proue azurée. Le rocher faillit effleurer l'extrémité de mon gouvernail. Alors la mer est bouleversée par la chute de cette énorme pierre ; les flots sont émus, ils refluent avec violence, repoussent mon vaisseau qui, soulevé par les ondes, est près de toucher au rivage ».
Les grottes
Les falaises de Mátala, composées de strates de roches sédimentaires tendres (grès et calcaire marneux) sont inclinées vers l’ouest, conséquence de l’abaissement de la côte.
Elles furent creusées de petites grottes (dont certaines se retrouvent aujourd’hui sous le niveau de la mer) depuis le Néolithique et servirent d’habitations troglodytiques. Les plus anciennes sont caractérisées par leurs entrées basses et étroites et leurs formes arrondies.
Les grottes furent aménagées au fil du temps avec un certain confort : on y retrouve des escaliers, des fenêtres, du mobilier taillé dans la roche comme des lits, des tables et des chaises, des niches de rangement. Certains archéologues pensent que plusieurs grottes furent utilisées comme sépulture ou bien comme lieu de culte. La grande grotte dite des taureaux (des sillons en forme de cornes furent sculptés dans la roche de chaque côté de son entrée), fut vraisemblablement utilisée à des fins religieuses ou cérémonielles.
Les Minoens de Phaistos utilisèrent à leur tour les grottes comme habitations durant la période Postpalatiale et après eux les Romains installés à Gortyne, qui y creusèrent de nouvelles chambres funéraires. La légende dit qu’une des grottes, appelée Brutospeliana, appartint au romain Brutus (impossible de savoir si ce romain est le sénateur Marcus Junius Brutus ou le consul Lucius Junius Brutus). Une autre prend le nom de garage de Zeus.
Ces grottes furent utilisées comme espace secret de culte durant la période paléochrétienne et plusieurs tombes de cette époque sont répertoriées.
La dernière occupation de ces grottes date des années 60 et 70, quand les hippies vinrent s’installer à Mátala.
La période Hippie
Les premiers hippies arrivèrent à Mátala dans les années 60 alors qu’il n'y avait absolument rien d'autre qu'un petit village de pêcheurs qui desservait les habitants de la petite ville voisine de Pitsidia.
La beauté du site contrastait tellement avec le concept de destruction et de guerre qu’ils fuyaient qu’ils y formèrent une communauté dans laquelle ils pouvaient vivre en toute liberté selon un mode de vie alternatif, privilégiant les activités artistiques comme la peinture ou la musique. Les grottes leur servirent d’habitations, eux qui se voulaient proche de la Nature.
La chanteuse canadienne Joni Mitchell immortalisa l’endroit dans sa chanson « Carey » en 1971.
The night is a starry dome
And they're playin' that scratchy rock and roll
Beneath the Mátala Moon
La nuit est un dôme étoilé
Et ils jouent ce rock’n’ roll éraillé
Sous la Lune de Mátala
Bob Dylan, Cat Stevens, Joni Mitchell, Janis Joplin ou bien Joan Baez s’y retrouvèrent. De nombreux américains déserteurs lors de la guerre du Vietnam virent s’y réfugier. Mais la façon de vivre des hippies et leur contre-culture choquèrent la population locale, le métropolite (archevêque de l'Église orthodoxe) de Gortyne et la junte fasciste du colonel Georgios Papadopoulos au pouvoir en Grèce depuis le 21 avril 1967. Quand religion et politique s’allient contre ceux qui remettent en question leur pouvoir, gare à ses fesses, que justement les hippies montraient un peu trop souvent au grand jour. Il est vrai aussi qu’ils menaçaient la préservation d’un patrimoine culturel et historique important.
Le gouvernement grec expulsa donc la communauté des grottes et procéda à l’arrestation des déserteurs, en prenant bien soin de les torturer au passage (on ne se refait pas). Certains hippies se réfugièrent dans d’autres régions de Crète, d’autres, peu nombreux, qui trouvèrent à se loger dans le village, restèrent sur place. Les grottes furent fermées définitivement en 1977 et déclarées site protégé.
Le village reprit une vie plus paisible tout en conservant l’héritage hippie et la région se développa au tourisme. La municipalité, ne crachant pas sur les devises étrangères, créa en 2011 un festival de musique (rock des seventies et reggae), afin de commémorer cette période du Flower power. Chaque année au mois de juin se déroule donc le Mátala Music Festival qui reçoit plus de 100 000 personnes.
À l’entrée de Mátala, au milieu du rond-point, se dresse le tronc mort d’un olivier vieux de six siècles. Destiné à être abattu pour faire du bois de chauffage, Spyros Stefanakis, un artiste grec, décida en 2007 de le sculpter entièrement. L’œuvre lui prit 2 ans.
Sont représentés quatre divinités, Dionysos, Hermès, Poséidon et Zeus. Une clé grecque (motif ornemental formé d’une ligne brisée effectuant des retours en arrière en constituant une frise) sépare la Grèce antique en bas et la moderne en haut.
8 branches portent la symbolique de différentes choses comme l’amour, la tentation ou la connaissance (suivant son degré d’avancement) avec le serpent et la pomme, la sagesse avec le hibou,
l’univers avec les étoiles, le dauphin et le trident symbolisant la maitrise de l’instinct.
Sur un une pancarte près de l’arbre, il a écrit cet hymne à Mátala :
Il y a des milliers d’années…
Quand le dieu Dionysos s'enivrait tout le temps de vin doux, de bière et de tentations,
Quand le dieu Hermès propageait l’hellénisme et la civilisation jusqu’au bout du monde,
Avec la force donnée par Poséidon, le roi de la mer, faisant de nous une superpuissance maritime,
Mais par-dessus tout avec la force et principalement avec la sagesse de Zeus, le dieu des dieux…
Ce lieu fut fait.
Ce n’est pas un hasard si ici les enfants du Flower power prospérèrent. Ce n’est pas un hasard si ici, en regardant la mer, ils rêvèrent un avenir basé sur l’amour, la vie, l’amitié, la paix…
Fermez les yeux, tombez amoureux, faites des rêves !
« Toutes les choses s'écoulent » disait Héraclite. Vivez pour aujourd'hui, vivez l'éternité, la magie de ce lieu sacré, unique dans tout l'univers.
Près du village de Kritsa, au sud-ouest d’Ágios Nikólaos, se dresse une magnifique petite église byzantine, Panagia Kera ou Kardiotissa.
Comme pour rappeler son grand âge, un vieil olivier au tronc creux lui sert de gardien.
La première mention écrite connue de Panagia Kera date de 1333, un document la reliant au Patriarcat latin de Constantinople, mais l’église est bien plus ancienne. Il semblerait qu’une première construction ait été en place durant la première époque byzantine.
Pour rappel :
1ère période byzantine : entre 395 et 732
Domination arabe : entre 824 et 961
2ème période byzantine : entre 961 et 1204
Période vénitienne : entre 204 et 1648
Panagia vient du grec Παναγία, de pan, le tout, et hágios, saint. C’est l’un des titres donnés à la Vierge chez les Orthodoxes. En Orient, Marie possède un statut plus élevé que n’importe quel saint. Gérard de Nerval, dans Voyage en Orient, nous dit qu’« Aujourd'hui la Panagia grecque a succédé sur ces mêmes rivages aux honneurs de l'antique Aphrodite ». La plupart des églises grecques dédiées à la Vierge Marie sont appelées Panagia, un peu comme les Notre-Dame ou les Sainte-Marie chez nous. Panagia peut aussi s’appliquer à une représentation de la Vierge, une image, comme une icône par exemple.
L’église fut dédiée à la Dormition de la Vierge, fêtée le 15 août. C’est sans doute pour cela que l’axe est un peu décalé par rapport aux points cardinaux (voir plan plus bas). La Dormition, chez les Orthodoxes, est l’équivalent de l’Assomption chez les Catholiques, la différence résidant dans l’approche de la notion de la Vierge Marie. Pour les uns elle est exempte du péché originel (dogme de l’Immaculée Conception défini par le pape Pie IX en 1854) et ainsi préservée de la mort, pour les autres elle est restée pure par sa seule volonté et partage le sort de l’humanité, y compris dans la mort.
C’est dans cette église qu’était conservée une icône miraculeuse de la Vierge, qui, selon la tradition crétoise, serait l'œuvre d'un moine, Agios Lazarus, qui la peignit au IXe siècle, à l'époque de l'empereur byzantin iconoclaste Théophile. Elle se trouve aujourd’hui dans l'église romaine Saint-Alphonse-de-Liguori. Certains la datent du Xe ou XIe siècle, d’autres au XIVe ou à la fin du Moyen-âge. Quoi qu’il en soit, cette peinture issue de la tradition byzantine, dite hodegetria (la Vierge tient dans ses bras l’enfant), est, selon les traditions crétoise et romaine, à l’origine de nombreux miracles. La légende raconte qu’elle appartint à un riche crétois marchand de vin qui la confia à un ami à Rome en 1498. Une autre version fait référence à un voleur grec qui s’en empara. La Vierge dans tous les cas devint romaine et, selon la légende, demanda elle-même à être placée dans l’antique église Saint-Matthieu où elle prit le vocable de Notre-Dame du Perpétuel-Secours.
Elle fut cachée en 1797 lors de la campagne de Napoléon quand ses troupes détruisirent l’église pour construire des fortifications et fut retrouvée en 1863 puis remise à sa place dans l’église Saint-Matthieu reconstruite devenue Saint-Alphonse-de-Liguori. En 1876, le pape Pie IX érigea une Archiconfrérie dans l'église Saint-Alphonse, sous le vocable de Notre-Dame du Perpétuel-Secours qu’avait pris l’icône crétoise. Cette Vierge hiératique, entourée de saint Michel et de saint Gabriel, possède, comme les Vierges noires, un regard transperçant. Son visage austère contraste avec son attitude très maternelle.
L’édifice que nous pouvons voir aujourd’hui fut construit en plusieurs étapes. De la première église à nef unique et abside en cul de four du XIIIe siècle, il ne reste que la partie centrale, recouverte en son centre par un dôme. Les bas-côtés nord et sud, dédiés respectivement à saint Antoine et sainte Anne, furent rajoutés au XIVe siècle.
L’église présente aujourd’hui un plan presque carré à trois nefs de 10 m par 10,50 m. Chaque nef est voûtée en berceau. La nef centrale est la plus large et la plus haute, avec 3,75 m de large et 4,5 m de haut jusqu'au sommet de la coupole. Le bas-côté sud, mesure 2,4 m de large pour 3,6 m de haut et le nord 2,3 m de large pour également 3,6 m de haut.
Toute l’église est peinte de fresques remarquables, datant, pour les plus anciennes, du XIIIe siècle et pour les plus récentes du XIVe. La restauration de l’église dont les voûtes se fissuraient et le nettoyage des fresques qui manquaient de se détacher furent entrepris au début des années 1950.
La nef centrale est dédiée à la Vierge. C’est ici que se trouvent les plus vieilles décorations murales, dans l’abside et sur les tympans des arcades qui soutiennent le dôme, reconstruit au XIVe siècle. Les fresques du XIVe siècle représentent la Dormition de la Vierge.
Nous trouvons aussi le massacre des Innocents,
la Nativité,
la Cène,
le banquet d'Hérode et la Descente aux enfers.
La coupole est soutenue par 4 pendentifs (portion de voûte en forme de triangle curviligne concave située entre deux arcs et soutenant une coupole qui permettent le passage du plan carré au plan circulaire) reposant sur quatre piliers intégrés aux murs latéraux de la nef centrale.
Elle est partagée en 4 par deux tores qui se croisent à son sommet. La coupole est peinte d’une représentation de 4 anges et des évangélistes en hauteur, puis les 12 prophètes plus bas.
Sur la voûte se trouvent des scènes tirées des Évangiles comme le rêve de Joseph,
la fuite en Égypte, la peste, la trahison de Judas, la résurrection de Lazare, la Transfiguration, Pentecôte.
Une rare représentation dans le monde orthodoxe de saint François d’Assise est à remarquer.
La nef méridionale, avec 4 arcs aveugles sur son mur sud, est dédiée à sainte Anne (agia Anna).
Y sont représentées des scènes de la vie de sainte Anne et de la Vierge. Quelques scènes sont issues de l’évangile apocryphe de Jacques.
Dans la zone inférieure se trouvent des fresques en pied de sainte Irène,
sainte Kyriaki (Dominique)
et sainte Barbe (trois vierges martyres du IIIe siècle)
et sur le mur sud, saint Théodore Tiron, lui aussi martyr du IIIe siècle.
Saint Michel sur son cheval terrasse le dragon.
L’abside contient une représentation de sainte Anne Platytera (du grec Πλατυτέρα, plus large, plus spacieux), c’est-à-dire représentée de face avec les mains en position d’orant.
La nef nord est dédiée à saint Antoine (agios Antonios) .
Sa date de construction exacte, 1348, est peinte sur un mur ainsi que le portrait de l’un des donateurs, Georgios Mazizanis, ainsi que sa femme en son enfant (milieu du XIVe siècle).
Cette partie est aussi consacrée à la Parousie (du grec ancien παρουσία, parousía, présence, arrivée. Ce mot qui désignait dans le monde gréco-romain la visite officielle d’un prince en ville, devint le synonyme du retour glorieux du Christ sur terre à la fin des temps). On retrouve ici les Apôtres, les différents ordres des anges, les martyrs et les fidèles,
un ange qui claironne la venue du Christ (voir la symbolique de l’olifant), la Terre et la Mer personnifiées qui livrent leurs morts au le jugement, la Psychostase, l’Enfer et le Paradis.
On y trouve aussi un Christ Pantocrator (du grec παντοκράτωρ, de pan, le tout, et de kratos, la puissance. Le Christ est le plus souvent représenté assis sur un trône de gloire, tenant le livre des Saintes Écritures de la main gauche et bénissant de la main droite).
Sur sa façade ouest sont représentés la Crucifixion et le jour du Jugement en présence de l’archange saint Michel annonçant la Parousie, l’enfer avec le châtiment des damnés.
On retrouve également une représentation du Paradis avec la présence des patriarches Abraham, Isaac et Jacob accompagnés de la Vierge (milieu du XIVe siècle).
« Des trois villes fondées en Crète par Minos (Cnossos, kydonia et Phaistos), la dernière, Phaistos, fut détruite par les Gortyniens : elle était située à 60 stades de Gortyne, à 20 stades de la mer et à 40 du port de Matalon … Phaistos passe pour avoir vu naître Épiménide », dit Strabon dans Géographie, livre X-4, chapitre 14.
Qui est Épiménide ( Ἐπιμενίδης/Epimenídês) ?
C’est un poète crétois, philosophe, homme politique et iatromante ayant vécu à la fin du VIe siècle avant notre ère. Connu de Platon, d’Aristote ou bien de Plutarque, il est décrit comme l’un des plus grands sages de la Grèce antique. Plutarque parle même de lui comme d’un « homme dont la réputation était chère aux dieux, un savant dans les choses divines, dans la connaissance inspirée et initiatique ». Il est souvent intervenu dans la vie d’Athènes, tant sur le plan religieux que politique.
Diogène Laërce, dans son ouvrage Vies, doctrines et sentences des philosophes illustres, dans le passage sur Pythagore, mentionne qu'Épiménide voyageait partout dans le monde connu afin de recevoir toutes les initiations importantes. Il se disait même que Pythagore descendit avec lui dans la grotte du mont Ida (Idaion Andron, Ιδαίον Άντρον, grotte crétoise où Rhéa cacha Zeus nouveau-né pour le protéger de son père Cronos), pour y être initié.
Extrait de l’ouvrage de Diogène : « Épiménide, un jour que son père l'avait envoyé aux champs pour rechercher une brebis, s'endormit dans une grotte, et y resta en sommeil durant cinquante-sept années. Et, s'étant réveillé après ce temps, il se remit à la recherche de la brebis, croyant avoir dormi juste un peu. Une fois qu'il fut rentré dans sa maison, il y trouva des gens qui lui demandèrent qui il était, jusqu'à ce qu'il eût retrouvé son frère cadet, devenu entre-temps un vieillard, dont il apprit toute la vérité. Une fois reconnu, se répandit chez les Grecs l'opinion qu'il était très cher aux dieux ».
Cette légende nous renvoie aux anciens rituels d’incubation (ενοικομέτρηση/enkoimétèrion). L’incubation consiste à s’endormir ou à entrer en transe dans un lieu sacré (initialement les grottes) afin d’obtenir pendant son sommeil ou sa méditation, par le rêve (onar) ou par une vision (upar), les réponses aux questions posées. Le plus souvent ces pratiques étaient d’ordre curatif mais aussi divinatoire. L’abaton du temple d’Épidaure, sanctuaire dédié à Asclépios (dieu de la guérison, fils d’Apollon. Esculape à Rome), devenu un haut-lieu de la médecine, en est un bel exemple. Les légendes de la cathédrale du Puy-en-Velay parlent aussi, à mots couverts, d’une telle pratique près de l’antique pierre des fièvres.
Épiménide était donc considéré comme un iatromante. Un iatromante (du grec ancien ἰατρόμαντις, de ἰατρός/iatros, médecin, et μάντις/mantis, devin) est donc dans la Grèce antique, un médecin-devin, un guérisseur-voyant qui pratiquait les rituels d’incubation. L’iatromante se rapproche dans ses pratiques de celles des chamans d’Asie. Apollon était surnommé Iatromantis, celui qui guérit par la divination. Dans les Mémoires de l’Académie des sciences, inscriptions et belles-lettres de Toulouse de 1986, il est dit que l'iatromancie est une prérogative d'abord exclusive des divinités, comme les autres divinations.
L’iatromancie aurait été enseignée par le centaure Chiron à son élève Asclépios qui l'aurait divulguée à ses prêtres qui en firent une pratique banale, inséparable de leurs rituels thérapeutiques. Plus tard, dans les cultes liés à l’iatromancie, la notion de pèlerinage se développa et joua un rôle capital.
Épiménide est aussi l’auteur d’un paradoxe bien connu, le paradoxe du menteur :
Epiménide dit que tous les Crétois sont des menteurs
L’église se situe à quelques mètres au sud du palais de Phaistos. Le toponyme Phalandras (ou Falandra) vient d’une déformation d’un ancien mot italien, Filanda, qui veut dire filature. Cela fait référence à la principale activité du monastère, l’élevage du ver à soie.
Un premier monastère, Agios Georgios Douvrikas, fut construit sur le site connu sous le nom de Melikas à la fin du Xe siècle par Saint-Jean l’Étranger, Osios Ioannis Xenos (970 – 1027), moine missionnaire philosophe, fondateur de nombreuses église et monastères sur l’ile après l’occupation arabe. La première église fut dédiée à la Vierge. Seul un puits subsiste de cette époque.
L’église que l’on peut voir aujourd’hui, dédiée à saint Georges, est tout ce qu’il reste d’un monastère orthodoxe construit au XVIe siècle par les Vénitiens sur l’emplacement de l’ancien.
Les vestiges des bâtiments monastiques fortifiés, encore visibles au XXe siècle autour de l’église, ont totalement disparu, les habitants de la région se servant des pierres comme matériau de construction.
L’église, initialement conçue avec deux nefs, est restée inachevée. Le bas-côté nord, plus court et jamais terminé, était dédié à la Vierge.
La première nef est couverte d’une voute en berceau.
Le clocher à deux étages fut transformé en tour défensive.
De chaque côté du chevet, une canalisation ingénieuse, partant du toit, récupère l’eau de pluie et permet, par un trou à hauteur d’homme, de la récupérer. L’eau tombant sur le toit d’un lieu sacré se charge énergétiquement, comme une eau bénite naturellement. C’est pourquoi, j’imagine, le trou ressemble à un bénitier.
La première trace du monastère vénitien remonte à 1586 dans un document de concession et une tombe porte la date de 1581. Le monastère fonctionna pendant toute la période d’occupation turque, et arrêta ses fonctions en 1821 lors de la guerre d’indépendance de la Grèce. En 1900, le site servit de campement à l’équipe de fouilles de l’italien Giuseppe Gerola qui prit une photo du site. On voit très bien sur cette photo les ruines des anciens bâtiments du monastère.
Le disque fut retrouvé lors de fouilles à Phaistos en 1908 par Luigi Pernier, avec d’autres objets datés du début de la période Néopalatiale (une tablette en linéaire A par exemple), c’est-à-dire entre -1 700 et -1 600 avant notre ère. C’est un disque en terre cuite de 16 cm de diamètre sur 1 cm d’épaisseur couvert sur chaque face d’une inscription idéographique inconnue comportant 241 signes (122 face A et 119 face B) de 45 types différents.
L’inscription a la forme d’une spirale qui va de la circonférence vers le centre (ou l’inverse suivant l’interprétation qu’on pourrait en faire) et les signes sont organisés en 61 groupes (séquences) séparés entre eux par des lignes verticales, peut-être des mots.
Les experts semblent être d’accord sur le fait que chaque signe représente une syllabe plutôt qu’une lettre, avec parfois l’ajout d’un idéogramme (symbole représentant un mot entier). Le scribe devait écrire de droite à gauche.
Chacun des caractères a été imprimé séparément sur l’argile humide au moyen d’une estampe, un petit poinçon en métal ou en bois. C’est précurseur de la typographie. Parmi ces signes on reconnait des hommes, des femmes et des enfants, des animaux : poissons, oiseaux et insectes, des bateaux, des ustensiles, des outils, des plantes.
Le texte n’a pas vraiment été déchiffré. Certains pensent que c’est un hymne religieux à la Grande Déesse, d’autres des incantations magiques, ou bien un calendrier astral, un décret royal, un index de centres religieux, une partition de musique, un objet votif, une lettre de salutation, un rituel de fertilité ou un ancêtre du jeu de l’oie. Certains disent que le disque n’a pas été fait en Crète. On parle d’Anatolie, de Chypre, de Sumer, d’Égypte ou de Lybie, mais la femme représentée est bien une crétoise aux seins nus et à la jupe volantée. Quant au poisson, il ressemble plus à un esturgeon de la Caspienne ou de la mer Noire qu’à un thon ou un dauphin de Méditerranée.
La dernière thèse de Gareth Owens, linguiste gallois directeur du Bureau des relations internationales de l’Université hellénique méditerranéenne, spécialiste du linéaire B connu pour ses essais pour déchiffrer le linéaire A, me parait judicieuse. Il pense, après plus de 10 années d’études sur le disque en utilisant les valeurs phonétiques du linéaire B et la linguistique comparée, que le texte de la face A est une prière à la « déesse enceinte qui brille ». La face B pourrait être une prière à la déesse de l'accouchement, probablement la déesse Aphaia, liée à la déesse enceinte mentionnée sur la première face. Aphaia est identifiée en Crète minoenne à Diktynna, la déesse de l'accouchement, elle aussi liée à la lumière et à la fertilité. Il pourrait aussi s'agir d'une référence à Astarté ou à Aphrodite.
Ici un essai de la prononciation du texte. Ce serait donc l’ancienne langue de la civilisation minoenne.
C’est au sud d’Héraklion, posé à 97 mètres de hauteur sur un large plateau au sommet d’une colline dominant de tous côtés la grande plaine fertile de la Messara, que se dresse le palais de Phaistos, deuxième plus grand centre du monde minoen après Cnossos. À ses pieds coule la rivière sacrée des Minoens, le Geropótamos (ιερό ποτάμι, ierò potámi, littéralement rivière sacrée) qui reçoit un peu plus bas les eaux de son affluent sur les rives duquel se trouve Gortyne, le Litheos qui abreuvait Ágioi Déka et ses 10 saints miraculeux. Le Léthé est le fleuve des Enfers où passaient les âmes qui avaient obtenu la faveur de revenir dans le monde des vivants pour se réincarner. Lêthê veut dire l’oubli. Chose intéressante, avec un A privatif, lêthê devient alítheia, la vérité, c’est à dire l’absence d'oubli…
Diodore de Sicile attribue sa fondation au roi Minos, souverain de Cnossos. Radhamanthe, son frère, est aussi cité comme potentiel fondateur ou comme gouverneur. Tous deux sont devenus gardiens des Enfers. Homère dans l’Illiade et l’Odyssée la décrit comme une ville bien fondée au grand nombre d’habitants. Le petit fils de Minos, Idoménée, la fit participer au siège de Troie.
« Phaistos passe pour avoir vu naître Épiménide », dit Strabon dans Géographie, livre X-4, chapitre 14. Cette encyclopédie géographique fut écrite entre -20 avant notre ère et l’an 23.
D’après les mythes, le toponyme viendrait de Phaïstos, le petit fils d’Héraclès, tué par Idoménée. Homère dans l’Illiade, Rhapsodie V, en parle en ces termes : « Et Idoméneus tua Phaistos, fils du Maionien Bôros, qui était venu de la fertile Tarnè. L'illustre Idoméneus le perça à l'épaule droite, de sa longue pique, comme il montait sur son char. Et il tomba, et une ombre affreuse l'enveloppa, et les serviteurs d'Idoméneus le dépouillèrent ».
Les archéologues penchent plutôt pour une origine préhellénique. Ce serait pa-i-to, un mot issu du linéaire B, écriture mycénienne d’inspiration babylonienne apparue en Crète vers -1 375, signifiant brillant, glorieux.
Historique
La colline de Phaistos fut habitée dès le Néolithique, vers 6 000 avant notre ère. C’est vers -3 000 que la première agglomération fut construite. On retrouva quelques vestiges de maisons et des outils du Prépalatial.
L’utilisation d’objets en bronze (donc le besoin d’aller chercher de l’étain à rajouter au cuivre), l’essor de l’agriculture, de la marine et du commerce posèrent les bases de la future civilisation minoenne.
Le culte principal alors était celui de la Déesse-mère, aux formes variées. Deux ports sur la mer de Lybie desservaient la cité, Matala et surtout Kommos.
L’apogée de Phaistos se situe entre les IIIe et IIe millénaires, durant le Protopalatial. Les vases en céramique, les œuvres d’art, les bijoux de cette époque sont les témoins d’une esthétique et d’un raffinement extraordinaire. Phaistos devint, avec Cnossos, Malia et Zakros, l'un des centres les plus importants de la civilisation minoenne.
Le premier palais, le plus grand, fut bâti vers -1 950. Détruit vers -1 750, les ruines furent remblayées et un nouveau palais fut construit vers -1 600 sur un niveau plus élevé. Entre-temps Hagia Triada avait pris plus d’importance en devenant le centre politique de la région. Le culte de la Grande Déesse se poursuivit, avec peut-être l’ajout à ce moment d’un parèdre, Velchanos (Ϝελχάνος), son fils ou son jeune amant. Certains mythologues pensent qu’il fut l’ancêtre du Zeus de la Grèce classique que l’on fit naitre en Crète.
Ce deuxième palais du Néopalatial fut construit en une trentaine d’années. Il fut détruit vers -1 450 mais la colline de Phaistos continua à être habitée durant le Postpalatial, c’est-à-dire jusqu’en -1 100. Puis les Mycéniens s’en emparèrent. À l’époque d’Homère, la cité existait toujours et avait même de l’importance puisqu’elle est décrite dans L’Illiade comme ayant de nombreux habitants. C’est à cette époque, au VIIe siècle avant notre ère, que fut construit le temple de Rhéa (déesse grecque de la Fertilité issue d’une antique Déesse-mère de Phrygie, mère de Zeus) ou bien d’après les dernières recherches, de Léto Phytia (une Titanide mère d’Appolon).
Phaistos est alors une grande cité autonome, battant sa propre monnaie. Bien qu’elle fût une ville importante, Phaistos ne résista pas aux attaques de sa voisine, Gortyne, capitale romaine de la Crète, qui s’en empara vers -180. En – 160 avant notre ère, Phaistos n’existait plus et fut oubliée.
Elle fut retrouvée en 1853 par le capitaine Thomas Spratt qui s’appuya sur une citation de Strabon dans Géographie : « Des trois villes fondées en Crète par Minos (Cnossos, kydonia et Phaistos), la dernière, Phaistos, fut détruite par les Gortyniens : elle était située à 60 stades de Gortyne, à 20 stades de la mer et à 40 du port de Matalon ».
Les premières fouilles, conduites par Antonio Taramelli à la demande de Federico Halbherr, commencèrent dès 1894. L'École d'archéologie italienne sous la direction de Federico Halbherr et de son élève Luigi Pernier reprit les fouilles en 1900 jusqu’en 1904 et occasionnellement jusqu’à la fin des fouilles d’Hagia Triada en 1908, date à laquelle fut retrouvé le disque de Phaistos.
Doro Levi reprit les fouilles entre 1950-1971, Vincenzo la Rosa entre 2 000 et 2 004, et enfin Fausto Longo en 2 007. Contrairement à Cnossos, fouillé et (mal) restauré par Arthur Evans, le palais de Phaistos est resté tel qu’il a été découvert.
Description
Le site de Phaistos occupe 8 400 m² de terrain et s’étale sur trois niveaux. Les vestiges des deux palais, le plus ancien de -1 950 et le plus récent de -1 600 avant notre ère, sont imbriqués. Les deux palais, entourés de villas et de communautés urbaines, possédaient plusieurs fonctions. Demeure de rois-prêtres crétois, centre de commerce (entrepôts) et d’artisanat (magasins, ateliers), siège de la justice et de l’administration, ils étaient aussi un centre religieux important où se déroulaient des fêtes, des cérémonies et les initiations. Les escaliers monumentaux, les voies processionnelles, le théâtre, les nombreuses salles servant au bain lustral (purification), les différents sanctuaires dont le grand sanctuaire de l’aile ouest réservé au culte de la Déesse en sont la preuve. Il semblerait que le palais fut orienté en direction du lever du soleil à l’équinoxe.
1 Cour haute
2 Cour ouest et théâtre
3 Sanctuaire
4 Grands propylées
5 Salle à péristyle
6 Bain lustral du roi
7 Mégaron du roi
8 Mégaron de la reine
9 Cour nord
10 Crypte sacrée
11 Cour est et four à métaux
12 Cour centrale
13 Magasins
14 Puits
15 Salle aux deux piliers
16 Sanctuaire
17 Temple de Rhéa ou de Léto
En bleu les bains lustraux et puits
En violet la pièce où fut découvert le disque de Phaistos
La visite commence par la cour haute, située au nord-ouest, qui domine le site (1). Elle est recouverte de dalles irrégulières et est traversée du nord au sud par une voie processionnelle légèrement surélevée.
Elle fait partie du premier palais même si des bâtiments furent ajoutés lors de la période gréco-romaine.
À l’est ont été mis au jour quelques sarcophages de l’époque chrétienne.
Un escalier monumental datant du deuxième palais descend au sud.
Il arrive au sanctuaire protopalatial tripartite composé de 5 salles
dont l’une avec des banquettes le long des murs et d’une salle à ciel ouvert (3).
Dans l’une des salles furent découvertes une table d’offrande emplie de cendres contenant les restes d’ossements et un coquillage de libation.
De là on arrive dans la cour ouest (2) protopalatiale, recouverte de dalles irrégulières.
Elle est traversée par deux voies processionnelles surélevées dont l’une d’elle se poursuit sur huit larges marches formant ce que l’on nomme le théâtre, de 22 mètres de largeur.
Ces marches ressemblent effectivement à des gradins et les archéologues supposent qu’ici se tinrent des cérémonies religieuses ou des jeux comme la taurocatapsie. Lors de la construction du deuxième palais, cette partie fut totalement remblayée.
Au sud de la cour se trouvent quatre constructions circulaires, des kouloúres (κουλούρες), nommées ainsi par Arthur Evans qui les découvrit en 1903 à Cnossos et qui trouva qu’elles avaient la forme d’un pain rond fabriqué en Crète, le kouloúra.
Les explications vont de fosses à ordures à citernes en passant par des silos à grains. Récemment une théorie en parle comme des puits à offrandes. Je n’ai rien ressenti de particulier près de ces constructions à Phaistos, contrairement à Cnossos.
La partie est de cette cour donne sur la façade ouest du palais protopalatial. Au nord-est un escalier monumental de 12 marches (légèrement inclinées afin d’évacuer l’eau de pluie) donne accès au palais néopalatial par un propylon dont il reste la base du pilier central.
Après se trouve un vestibule revêtu d’albâtre qui donne sur un portique à triple colonnade délimitant un puits de lumière (4). Au sud, un sanctuaire et son bain lustral.
Puis vient un escalier menant au nord vers la salle hypostyle (5)
et les appartements royaux divisés en deux parties,
le mégaron du roi (7)
et le mégaron de la reine (8)
avec leur bain lustral (6).
À l’est Les mégarons royaux donnent sur la cour nord (9) et le complexe sacré protopalatial (10) utilisé également lors de la construction du deuxième palais. Au nord des compartiments en brique destinés à ranger les objets sacrés. Les archéologues appellent cet endroit les archives. C’est ici que fut retrouvé en 1908 le fameux disque de Phaistos (point violet). Au sud, plusieurs petites pièces dont l’une dallée d’albâtre possédant une banquette et ce qui fut certainement un bassin lustral.
Cette cour est reliée à la cour est (11) qui contient en son centre un ancien four à métaux.
L’escalier menant aux appartements royaux descend au sud vers une série de magasins ou des ateliers d’artisans (13) où furent découverts des vases polychromes d’une qualité exceptionnelle.
Ce sont des pithoi. Un pithos (πίθος) est un vase en céramique en forme de jarre datant de la Grèce antique, utilisé pour le stockage de produits alimentaires.
Ici également une grande salle où furent retrouvées les empreintes en argile d’un grand nombre de sceaux datant de l’ancien palais. Proche du vestibule, un escalier descend vers un bassin lustral probablement utilisé lors des cérémonies faites dans la cour centrale (12).
La grande cour centrale dallée, cœur du complexe néopalatial, destinée très probablement aux jeux et aux cérémonies religieuses, était déjà présente lors du premier palais. Elle mesure 51,50 m sur 22,30 m. Ses côtés est et ouest sont bordés de portiques à colonnades.
Toutes les parties du palais communiquent avec elle par des corridors étroits ou des allées qui devaient être très surveillées. Au nord, une construction à degrés laisse envisager la présence d’un autel. Un puits plus récent fut creusé dans sa partie sud (14).
La façade ouest donnait sur des pièces labyrinthiques dont la salle aux piliers (16)
et le sanctuaire principal (15) avec leurs banquettes caractéristiques aménagées le long des murs.
De l’autre côté, la partie est de la cour possède des pièces très luxueuses. L’accès à ce complexe se faisait en montant quatre marches et en passant sous un portique.
Un grand polythyron (pièce d'un palais ouvrant sur plusieurs côtés par des baies multiples que séparent des piliers) donnait sur un vestibule conduisant au bassin lustral. De nombreux objets rituels furent retrouvés dans cet espace.
C’est au sud de cette partie du palais, où affleure la roche brute, que j’ai ressenti le plus d’émotion. Le rocher parait travaillé, avec peut-être la présence de bassin et de cupules. Cette partie du palais s’est effondrée et on en retrouve des pierres le long de la pente abrupte de la colline.
Proche du rocher, en direction du sud-est, se trouvent les restes d’un ancien four ou d’une habitation en forme de dôme datant de la période Néolithique.
À l’ouest du four, construit sur un axe nord-est/sud-ouest se trouvent les ruines d’un temple de la période Gréco-romaine (17). Il fut au départ attribué à la déesse Rhéa pour ensuite passer à Léto. Quoi qu’il en soit, il y avait ici la présence d’un culte à la Déesse-Mère certainement depuis les origines du site. Elle change de nom suivant les époques mais reste l’archétype de la Déesse de la Fertilité.
Symbolique. Voyage initiatique. Anciennes civilisations. Menhirs et dolmens, églises romanes et gothiques, cathédrales, cloitres, vierges noires et gardiens, sources, arbres, fontaines sacrées et temples. Tous les hauts-lieux énergétiques.