Une analyse métrologique des constructions amène à conclure que l'unité de mesure employée à Fontfroide fut la "canne lombarde", équivalant à 188 de nos centimètres. Elle se trouvait subdivisée en unités appelées "pans" et organisée en "modules".
Ici, la largeur de la nef de 9,40m correspond à 5 cannes, en 12 modules. Celle des collatéraux en représente la moitié et le carré du transept multiplie de 12 modules par 12.
Le parti pris de dépouillement se retrouve à l'extérieur de l'église. Point de porche richement sculpté mais une simple porte qui ne s'ouvrait que pour recevoir les dépouilles mortelles des membres de la famille des vicomtes de Narbonne.
Le chevet exprime également parfaitement cet esprit de simplicité et de logique qui apparaît partout dans les abbayes et églises cisterciennes.
La nef
La construction de la nef fut entreprise dès l’affiliation à Cîteaux en 1145 ou, au plus tard, après la donation définitive par la vicomtesse Ermengarde de Narbonne en 1157. Contrairement aux usages, on commença les travaux par la nef.
Rythmées par cinq travées, la nef élève jusqu’à vingt mètres sa voûte en berceau brisé que soutiennent de massifs doubleaux rectangulaires. Ces arcs prennent appui sur des colonnes géminées, engagées dans de gros piliers carrés et s’arrêtant sur des consoles en quart de rond, à deux mètres du sol. Des stalles sont disposées de part et d’autre de la nef pour constituer le chœur des moines.
Cette nef est contrebutée par deux collatéraux dont la voûte en demi-berceau monte à quatorze mètres. Ils communiquent avec la nef par de grandes arcades, à rouleaux soutenus par des colonnes engagées dans les piliers et reposant sur des piédestaux, à la même hauteur que les consoles de la nef. Dans le collatéral sud s’ouvrent cinq chapelles qui datent très certainement du XVème siècle.
Le transept et le chœur
Élevé après la nef, à la fin du XIIème siècle, le transept a peut-être été remanié un siècle plus tard ou même au début du XIVème siècle. Au fond de la croisée du transept nord, un escalier relie directement l’église au dortoir des moines.
Dans chacun des croisillons s’ouvrent deux chapelles, toutes quatre orientées à l’Est. Les plus proches du sanctuaire ont une forme rectangulaire à chevet plat, les autres plus profondes, se terminent par une petite abside à cinq pans.
À la croisée centrale du transept, la clef de voûte est remplacée par une ouverture circulaire, un oculus. L’édifice de l’église a dû s’achever par le sanctuaire, comportant chœur et abside. Légèrement surélevé de deux marches, le premier est couvert d’une voûte d’ogives. Du côté de l’Évangile, on aperçoit les vestiges, très mutilés, de tombeaux dont on peut penser qu’ils furent ceux des vicomtes de Narbonne.
La vierge de Fontfroide
Personne ne sait d'où elle vient, cette merveilleuse dame, tenant l'enfant dans son giron (tous deux porteurs de la fleur de lys) avec son ventre laissant présager un nouvel enfantement. Assise sur sa cathèdre, surmontée de l'étoile à 7 branches, entourée des deux colonnes, ne dirait-on pas la papesse ? Seraient-ce les rois mages lui portant hommage ?
La crypte
Partie basse de l'église abbatiale, elle est creusée dans le rocher sur son côté sud. Elle est construite en pierres de taille dans ses parties nord. Elle rattrape ainsi la déclivité du roc et sert de fondation au monastère. Les murs massifs, la courbe large du choeur et l'épaiseur imposante des arcs en plein cintre au dessus du transept sont les traits essentiels de son architecture.
Ces éléments, hétités de l'antiquité romaine, caractérisent au XIIème siècle l'éclosion du style roman provençal. La taille parfaite de la pierre rend compte du savoir faire remarquable des carriers. Certaines pierres sont gravées de lettres majuscules, marque des confréries des tailleurs ou tâcherons. Les 7 chapelles de la crypte étaient vouées à la liturgie, à la célébration de messes privées et aux offices funéraires. Ainsi, un accès direct conduit au cimetière qui enveloppe le chevet.