C’est grâce à la construction du métro milanais que l’on a retrouvé l’emplacement des premières constructions de l’ancien sanctuaire. Les fouilles, commencées en 1961 et plus récemment celles de 1996, ont permis de mettre à jour les vestiges et ont permis de mieux comprendre l’agencement du complexe épiscopal des premiers temps du christianisme.
Elles ont éclairé les légendes se rattachant au lieu, et notamment celle de la fondation par Bellovèse du premier temple païen dédié à Bélisama, devenue Minerve, puis sainte Thècle, puis la Vierge Marie. Les noms changent, pas l’endroit…
La présence d’une source sacrée est à mon avis indéniable. La source est une marque de la présence de la grande déesse, comme la grotte. D’ailleurs, en faisant abstraction du bruit du métro passant juste derrière, vous pouvez de temps en temps entendre, sous des grilles de protection, l’eau couler.
Le complexe comprenait trois églises et deux baptistères, Santa Tecla et le baptistère San Giovanni alle Fonti, Santa Maria Maggiore, accolée au baptistère San Stefano, et une basilique funéraire. La zone archéologique, située à 4 mètres sous le sol de la place du Dôme, fut ouverte au public en 2009.
Outre les vestiges des bâtiments, elle conserve, dans des vitrines, des pièces de monnaie, des bijoux, des lampes à huile, des carreaux de mosaïque utilisés pour décorer la voûte du baptistère et des fragments de fresque.
Le premier lieu fut donc dédié à Bélisama, déesse des eaux qui donna son nom en France à la Beauce. Chartres en fut l’un des sanctuaires.
Puis arriva Minerve. Le culte de Minerve est originaire d’Étrurie. Elle devint Athéna chez les grecs, puis fut adoptée par les romains au premier siècle. Déesse de la sagesse, des arts, mais aussi de la guerre, de la liberté citadine, et de la médecine. Pour cette dernière fonction, ses temples étaient souvent liés aux eaux et à leur pouvoir de guérison.
Il ne reste rien de l'ancien temple de Minerve. Mais au centre de la nef de Santa Tecla fut retrouvée une salle chauffée par des tuyaux souterrains (hypocauste), qui semble indiquer la présence d'un bâtiment romain pré-existant.
Andrea Alciati, au XVIe siècle, écrivit : «là où Minerve était vénérée se trouve maintenant une église, le nom fut changé en Tecla, en face de la cathédrale de la Vierge Mère ».
Le baptistère San Giovanni alle Fonti (Saint-Jean des Sources)
Parmi les différents édifices que la tradition attribue à Ambroise, le baptistère est une attribution sûre. C’est ce que prouvent les fouilles menées en octobre 1996 qui ont fourni des éléments de datation incontestables : une monnaie de Valens, empereur de 364 à 378.
L’eau purifie et soigne. Ce n’est pas pour rien non plus qu’Ambroise, au IVe siècle, fit construire son baptistère en cet endroit précis. C’est lors de la veillée pascale, en avril 387, qu’il y baptisa celui qui devait devenir saint Augustin.
Le nom du baptistère n’est pas anodin non plus, san Giovanni alle Fonti, saint Jean des sources. Malheureusement très peu de vestiges de l'élévation nous sont parvenus, la structure ayant été sacrifiée lors de la construction de la cathédrale au XIVe siècle. Les archéologues en ont fait une représentation assez précise quand même.
Les fonds baptismaux en marbre blanc, de forme octogonale, profonds de 80 cm, avaient une largeur d’angle à angle de 12 mètres. Ils étaient recouverts d’un dôme reposant sur 8 colonnes : un document de la Fabbrica del Duomo , datant de 1387, stipule que ces colonnes furent placées dans la crypte de Santa Tecla.
Les murs étaient peints de fresques. L’une d’elles, datant du XIIe siècle, représente deux personnes en prière devant une source…
Le pavage était noir et blanc, et le système d’arrivée et d’évacuation de l’eau, posé aux quatre points cardinaux, est encore en place.
Pour l’édification de ce baptistère, Ambroise composa lui-même un chant de huit distiques en deux strophes, qui, placé peut-être le long des parois intérieures de l’édifice, devait se lire en correspondance avec les huit côtés de la cuve baptismale. Disposition qui est semblable, par exemple, à celle des vers composés par le pape Sixte III (432-440) que l’on trouve dans le baptistère de Saint-Jean-de-Latran, à Rome (appelé lui aussi, depuis l’origine, “San Giovanni in Fonte”). La composition épigraphique d’Ambroise, certainement transcrite au VIIIe siècle et conservée ensuite par la tradition manuscrite dans le Codex Palatinus Latinus du IXe ou début Xe siècle qui est conservé à la Bibliothèque Apostolique Vaticane, doit être rapportée aux années précédant immédiatement 387, peut-être 386.
OCTACHORVM SANCTOS TEMPLVM SVRREXIT IN VSVS
OCTAGONVS FONS EST MVNERE DIGNVS EO
HOC NVMERO DECVIT SACRI BAPTISMATIS AVLAM
SVRGERE QVO POPVLIS VERA SALVS REDIIT
LVCE RESVRGENTIS CHRISTI QVI CLAVSTRA RESOLVIT
MORTIS ET E TVMVLIS SVSCITAT EXANIMES
CONFESSOSQVE REOS MACVLOSO CRIMINE SOLVENS
FONTIS PVRIFLVI DILVIT INRIGVO
HIC QVICVMQVE VOLVNT PROBROSA[E] CRIMINA VITAE
PONERE CORDA LAVENT PECTORA MVNDA GERANT
HVC VENIANT ALACRES QVAMVIS TENEBROSVS ADIRE
AVDEAT ABSCEDET CANDIDIOR NIVIBVS
HVC SANCTI PROPERENT NON EXPERS VLLVS AQVARVM
SANCTVS IN HIS REGNVM EST CONSILIVMQVE DEI
GLORIA IVSTITIAE NAM QVID DIVINIVS ISTO
VT PVNCTO EXIGVO CVLPA CADAT POPVLI
L’édifice à huit niches a été élevé pour les rites sacrés,
la fontaine octogonale est digne de ce don.
Il convenait que sur ce chiffre surgît la salle du saint baptême
à travers lequel le vrai salut a été redonné aux peuples
dans la lumière du Christ ressuscitant, lui qui ouvre
la prison de la mort et réveille de leurs tombes les hommes inanimés
et, libérant ceux qui s’avouent coupables de la tache du péché,
les lave dans le courant de la source à l’eau pure.
Qu’ici tous ceux qui veulent abandonner les fautes d’une vie d’opprobre
lavent leur cœur, gardent leur âme à l’abri des souillures.
Qu’ils viennent ici promptement: et si l’un d’eux, tout empli qu’il soit de ténèbres, a le courage de s’approcher,
il en repartira plus candide que la neige.
Que les saints se hâtent de venir ici : que tous les saints expérimentent ces eaux.
En elles se trouvent le royaume et le dessein de Dieu.
Ô gloire de la justice ! En effet qu’y a-t-il de plus divin que le fait
qu’en un bref instant disparaisse la faute d’un peuple?
L’une des portes du baptistère communiquait avec l’église construite à côté : Santa Tecla.
Santa Tecla (Sainte-Thècle)
L’église fut construite apparemment sur l’ancien sanctuaire en 340. Elle mesurait 82 mètres de long, 45 de large, et possédait cinq nefs. Sa façade était recouverte de morceaux de marbre noir et blanc.
Les recherches archéologiques ont montré que l’église primitive comprenait un ancien mur romain. Détruite par un incendie en 452 lors de l’invasion des Huns menés par Attila, elle fut restaurée en 836. Après un nouvel incendie, elle fut à nouveau reconstruite en 1075.
C’est en 1459 que Santa Tecla fut finalement démolie, lors de la construction de la cathédrale. La construction du métro nous priva de la nef, seule l’abside survécut.
C’est tout d’abord à Santa Tecla qu’Ambroise conserva le clou de la croix du Christ. De nombreuses tombes furent découvertes à proximité, dont le sarcophage dit de Santa Tecla, entouré de croix particulières.
Mais qui était cette sainte ayant remplacé Belisama et Minerve ? C'est un apocryphe, "les Actes de Paul et de Thècle", qui la fait connaître. Les pères de l’Eglise, dont saint Ambroise, l'ont appelée la femme apostolique, la fille aînée de saint Paul, protomartyr parmi les femmes comme saint Etienne fut le protomartyr des hommes (tiens, l’autre baptistère, celui de Santa Maria Maggiore, s’appelle Santa Stefano…).
Ses parents, comptés parmi les plus nobles et les plus riches de la ville d’Iconium en Turquie (Konya), lui firent étudier les belles lettres et la philosophie, et à l'âge de dix-huit ans, la fiancèrent à un jeune seigneur, appelé Thamyris, héritier d'une des plus grandes familles de l'Asie. Saint Paul la convertit, elle le suivit. Dénoncée comme chrétienne, elle subit le martyr.
Enfin, plusieurs martyrs consécutifs : le bûcher d’Iconium (sauvée par la pluie), les lions et les ours (sauvée par une lionne), les serpents (sauvée par la foudre) et les taureaux d’Antioche (sauvée par les liens brisés). Elle finit ses jours à plus de 80 ans à Séleucie, dans un ermitage où elle se fit ouvrir miraculeusement un rocher pour qu'il soit son cercueil. Le feu, l’eau, la terre et l’air. Voilà une belle initiation pour une vierge.
Le passage des pouvoirs se fit.
http://www.02blog.it/post/6402/milano-archeologica-il-battistero-di-san-giovanni-alle-fonti
http://www.duepassinelmistero.com/Duomo%20di%20Milano%20I.htm
http://www.30giorni.it/articoli_id_3534_l4.htm
http://www.sacred-destinations.com/italy/milan-baptistery
http://villagederocles.free.fr/stethecle.html