L’église Saint-Christol
Le plus ancien bâtiment de La Couvertoirade est une chapelle, à 800m à l’est du village actuel, qui fut construite sous le vocable de Saint-Christol. C’est de ce bâtiment dont il est question dans les cartulaires de Gellone. Il n’en reste pas grand-chose, quelques murs de la nef aux fenêtres à simple ébrasement et une partie du chœur, mais sa restauration est en projet. C’était probablement au départ une chapelle carolingienne dont le chevet carré, en ressaut, fut remplacé par un chœur voûté en berceau vers le XIe siècle. Les Templiers la conservèrent comme église paroissiale.
La nouvelle église Saint-Christol, intra-muros, fut normalement construite par les Hospitaliers au XIVe siècle.
Une clé de voûte représente une croix à huit pointes, symbole des huit Béatitudes qui leur étaient promises.
Le mur nord en gros appareil (pierres taillées identiques à celles du château), posé sur le rocher, indiquerait qu’il faisait peut-être partie de l’ancienne enceinte castrale, ou que les pierres utilisées faisaient partie des bâtiments de l’ancienne basse-cour des Templiers.
Une tour de garde quant à elle surmontait le chœur, mais trop épaisse et trop lourde pour pouvoir être conservée, elle fut détruite au XVIIIe siècle.
Le chevet plat, à l’est, faisait entièrement partie de la muraille.
L’église, d’un plan très simple, comporte une nef à deux travées flanquée d’une chapelle au sud et un chœur à chevet plat voûté d’ogives.
Le clocher carré surmonte la partie ouest de l’édifice.
A gauche de la porte d’entrée en plein cintre romane (peut-être réemploi du château), le moulage d’une ancienne plaque en bronze située à l'origine à l'entrée du cimetière est gravée des mots occitans suivants : « Bonas gens que per aissi passatz Pregatz dieu per los trespassatz », « bonne gens qui par ici passez, priez Dieu pour les trépassés », remonterait quant à elle et selon quelques linguistes et quelques règles grammaticales, au XIIIe ou XIVe siècle.
Au-dessus, trois culs-de-lampe en réemploi sont intégrés dans la façade. D’où proviennent-ils ?
On accédait à l’église par un escalier taillé dans le rocher.
L’église fut dédiée à saint Christol, ou Christophe (du grec Christós, le Christ, et de phorós, celui qui porte).
Ce personnage imaginaire très populaire est représenté portant le Christ enfant sur ses épaules, lui faisant traverser une rivière. C’est la représentation symbolique d’un passage, qu’il soit spirituel ou alchimique, menant vers la lumière ou vers l’or, sa matérialisation.
Les premiers récits en orient parlaient de lui comme d’un géant à tête de chien, se rapprochant d’Anubis en Egypte, celui qui fait passer les morts dans l’au-delà.
En occident, il est un géant cananéen (canis ?) voulant se mettre au service du plus grand des rois.
Il est devenu le saint patron des voyageurs, portant une canne qu’un miracle fit refleurir.
Le cimetière
Une partie du fameux cimetière coupé en deux par les remparts en 1445 jouxte l’église. En son sein plusieurs stèles discoïdales (des copies) sont posées, figurant d’anciennes tombes.
Deux de ces stèles, provenant de Saint-Martin-du-Vican, près de Nant, sont posées dans le chœur de l’église. Ces deux-là sont datées du XIVe siècle, alors que celles du cimetière sont plus récentes.
Les stèles discoïdales monolithiques sont constituées d'un disque de pierre sculpté en général au moins sur une face qui surmonte un socle souvent trapézoïdal. Elles sont dressées au chevet d'une tombe, toujours orientée est/ouest, leurs faces tournées vers le soleil levant, et on les trouve le plus souvent dans des cimetières villageois, monastiques ou hospitaliers.
A quoi servirent ces stèles ? Plusieurs thèses ont vu le jour, comme celle qui en fait une spécificité funéraire cathare, ou bien templière ou jacquaire, la plupart en faisant un monument présentant des symboles chrétiens. Je pense que cela représente une infime partie de ce qu’elles sont vraiment. Symbole chrétien ? Oui, mais avant….
Elles apparaissent à l'époque romaine, voire avant si l’on prend en compte par exemple les disques asturiens de l’Âge du Fer, et connurent une large diffusion entre les XIe et XVe siècles. Ces stèles subirent l’influence locale, comme celles d’Irlande (gaëlique et celtique). Leur diffusion s’est faite du Maroc jusqu'en Scandinavie et du Portugal jusqu’en Syrie.
Au pays Basque, où elles sont nombreuses, on les appelle hilarri klinthôn, de hil, la mort, et arri, la pierre. On en trouve aussi dans des cimetières étrusques en Italie, en Russie et en Norvège. Certaines furent sculptées alors que le christianisme n’était pas arrivé d’orient, et en des endroits reculés qui n’ont même jamais entendu parler de lui. Il vaut mieux, à mon avis, se tourner vers le symbolisme de leurs dessins et de leurs formes.
Ces stèles funéraires ont une partie circulaire posée sur une base de forme quadrilatérale, les plus anciennes étant trapézoïdales. Certains les voient d’aspect anthropomorphe, avec une tête importante posée sur un corps.
D’autres pensent qu’elles ont un rapport avec le signe de la déesse carthaginoise Tanit (connexion du monde terrestre avec le monde céleste en forme d’orant), qui ressemble à l’ankh égyptien (croix de vie ou ansée, symbole de la vie éternelle, clé des mystères qui ouvre les portes de l’au-delà), les deux possédant des vertus apotropaïques.
Arghhh…. Encore un mot savant qu’il faudra essayer de placer dans votre prochain repas de famille histoire de se la péter un peu : apotropaïque, du grec apotropein, détourner, est un adjectif appliqué à ce qui conjure le mauvais sort, à ce qui vise à détourner les influences maléfiques, comme par exemple…. la médaille de… saint Christophe.
Pour la forme, le cercle, c’est la représentation de la divinité, de la perfection, de l’éternité, des cycles de vie. Avec un point central, il devient actif, comme la roue (de feu, de fortune ou de vie) et protecteur. Le carré, c’est la terre, la matière, de l’incarnation, mais aussi de la connaissance secrète de la matière. Les deux sont reliés par un axe vertical.
Les dessins et signes gravés à l’intérieur du cercle peuvent donner l’axe horizontal. Souvent ils sont symboles solaires, parfois ils sont rouelles, quand le centre se déploie jusqu'à la périphérie telle la roue cosmique, parfois ils se rapprochent de la symbolique de la croix celtique, qui représente l’expérience humaine et son évolution.
Dans tous les cas, qu’elle soit chrétienne ou païenne, la stèle discoïdale porte toujours la même symbolique, reprise au fil du temps et des croyances, en rapport avec le passage du monde terrestre au monde céleste. Elle indique au visiteur qu’elle protègera le défunt se trouvant à ses pieds dans son voyage vers l’ailleurs. Héritage d’anciennes pratiques, promesse de vie éternelle, elle amène à la résurrection ou à la réincarnation, en tout cas à la renaissance dans un monde nouveau.