La Couvertoirade
Historique
Le plateau du Larzac fait partie de ce que l’on appelle les paysages karstiques. Un karst le plus souvent résulte des écoulements d’eau dans les roches calcaires perméables. Le calcaire laisse passer l’eau, rendant le plateau semi-désertique.
Le karst est donc constitué par un ensemble de formes souterraines et de surface, parfois utilisées par l’homme, comme les dolines par exemple, dépressions naturelles, aménagées pour faire des lavognes (de l’occitan lavanha, la mare) : tapissées d’argile et pavées, elles formaient un point d’eau où allaient se désaltérer les troupeaux.
1 terrain non karstique
2 canyon
3 reculée
4 vallée sèche
5 résurgence de rivière
6 perte
7 doline
8 ouvala
9 lapiez
10 aven
11 grotte
12 source vauclusienne
13 rivière souterraine
Le sud du plateau semi-désertique du Larzac fut fréquenté depuis l’époque mégalithique. De nombreux dolmens, quelques menhirs,
et quelques statues-menhirs comme celles que l’on trouve dans le sud de la Corse entourent le village de La Couvertoirade qui se situait probablement sur un antique chemin gaulois puis romain reliant Segodunum (Rodez, capitale de la tribu celte des Rutènes) à Cessero (Saint-Thibéry, proche d’Agde) où elle rejoignait la via Domitia.
Le nom du bourg, Cubertoirata, apparaît pour la première fois au XIe siècle dans un cartulaire de l’abbaye de Gellone (Saint-Guilhem le Désert). Son étymologie nous apprend qu’il est issu de l’occitan cubert, recouvrir. Ce serait donc « quelque chose de recouvert, ou couvrant ». Il est mentionné en 1135 dans une bulle du pape Innocent II qui donne l’église « Sancti Xristophori de Cupertoirada » à la nouvelle abbaye de Nant. Le village est alors à 800 m plus à l’est qu’aujourd’hui.
En 1181, Richard de Montpaon (Ricartz de Munpaon), seigneur local, céda aux Templiers de la commanderie de Sainte-Eulalie le « mas Aismar de La Cobertoirada ». Ils s’installèrent loin du village de Saint-Christol et terminèrent le château, bâti sur le rocher de la partie la plus haute, en 1249 (après l’autorisation, accordée par Raymond Bérenger, comte de Barcelone, en 1158, d'élever des fortifications et de créer des villages sous l’autorité de leur commanderie de Sainte-Eulalie). Les Templiers construisirent leur propre chapelle à l’intérieur du château. Un nouveau village s’étendit sous leur protection, l’ancien périclita.
Malgré les attaques des seigneurs voisins, comme le comtour Arnal de Roquefeuil, ils développèrent l’élevage (chevaux, bovins et ovins), ainsi que la culture céréalière. Après l’arrestation des Templiers en 1307, qui furent emmenés prisonniers au château de Najac, la maison du Temple de la Couvertoirade passa aux mains des Hospitaliers qui firent construire une nouvelle église paroissiale à l’emplacement de l’une des basses-cours.
Afin de protéger les habitants, devenant de plus en plus nombreux, des exactions de la guerre de 100 ans, ils décidèrent de fortifier le village. Une muraille épaisse s’éleva en 1439, et des tours de garde furent construites, le tout fut terminé en 1442.
Le rempart côté est du village dut partager le cimetière en deux avec l’autorisation de l’évêché. Les tombes furent déplacées. Lors de la Révolution, les biens de l’ordre furent vendus comme biens nationaux en1792. Le château était déjà en mauvais état faute d’entretien. En 1895, les remparts furent classés Monuments Historiques, ainsi que l’église, le château et quelques maisons du village en 1945.
Le village
Chose étonnante, le village de La Couvertoirade est installé sur un lieu aride sans source ni rivière.
Les habitants, au Moyen-âge, allaient chercher l’eau dans une grande citerne naturelle creusée dans le rocher, la Conque, qui récupérait l’eau du toit de l’église, puis mirent au point un système individuel de récupération de l’eau de pluie sur les toits des maisons.
Le surplus d’eau s’écoulait ensuite le long des ruelles en pente et allait alimenter une lavogne en contrebas.
Au nord de l’église, proche du trou de la Conque, la muraille est percée d’un trou appelé le « don de l’eau ». Cela permettait aux habitants de faire passer l’eau puisée de la conque dans une auge en pierre, que les gens à l’extérieur des murailles pouvaient récupérer quand le village était fermé, lors des épidémies ou en temps de guerre.
Le village possède quelques belles maisons, comme le presbytère, daté du XIIe siècle, l’hôtel de Grailhe, du milieu du XVIIe, ou, adossée au rempart, la maison de la Scipione, du XVe siècle, qui accueille les visiteurs.
Ce nom, qui lui fut donné au XIXe siècle, provient de la veuve de Scipion Sabde, propriétaire de l’époque. On disait d’elle qu’elle évoquait les esprits et qu’elle était un peu sorcière. La maison possède une belle tour d’escalier à vis et des fenêtres à meneaux.
Les autres maisons du village sont typiques de l’architecture rurale caussenarde. Bâties comme des chapelles romanes, deux ou trois voûtes se superposent : au rez-de-chaussée, souvent creusés dans la roche, se tiennent la bergerie (A) et le réservoir d’eau alimenté par des chenaux provenant du toit. On accède au premier étage, où se trouvent les pièces d’habitation et la cheminée (B), par un escalier extérieur donnant sur une petite terrasse, le balet (D), souvent protégée par un auvent. Le dernier étage est occupé par le grenier (C), et la couverture du toit est faite de lauzes, plaques de calcaire taillées en écaille.
Les remparts
C’est à la suite de nombreux raids contre La Couvertoirade que les Hospitaliers, à la demande des villageois, construisirent une enceinte protectrice.
Les travaux commencèrent en 1439 et se poursuivirent jusqu’en 1445, période à laquelle l’évêque de Vabres donna son accord pour que la muraille coupe l’ancien cimetière en deux. A l’intérieur devaient être protégés les points d’eau, la lavogne et les citernes, l’église et les maisons.
Les remparts, percés de meurtrières (les archères, pour les armes de jet, les bombardières, pour les armes à feu), mesurent 420 m de long sur 1,30 m d’épaisseur. Ils sont agrémentés de plusieurs tours rondes reliées par un chemin de ronde et percés de plusieurs portes.
La porte nord, appelée « lou portal d’Amoun », est surmontée d’une tour carrée couronnée de mâchicoulis.
Elle possède côté village une niche où est posée la statue du saint patron, Christol.
La porte sud, « lou portal d’Abal », équivalente de celle du nord, s’écroula en 1912. Plusieurs tranches de restaurations seront encore nécessaires pour la remonter.
Proche du château, une petite ouverture, la portanelle, permettait d’aller au moulin (restauré en 2009), situé sur la colline d’en face, et à la grange des Templiers.