Arrêtons-nous à Grézieu le temps d’une petite visite à l’église Saint-Roch. Le village fut construit sur le tracé de l’ancienne route d’Aquitaine, la Via Agrippa, reliant Lyon à Saintes. Sur ses terres fut bâti l'aqueduc romain de l'Yzeron. Une première église existait en 913, bâtie par le comte Guillaume le Pieux, qui fonda l’abbaye de Cluny en 909. L'évêque Austerius consacra cette église à Marie Mère de Dieu.
Le village de Grézieu, dernière étape de l’ancien pèlerinage de saint Bonnet est mentionné en 927, en tant que Villa Grasiaco. Le village devint propriété des chanoines du chapitre de Saint Just et Saint Irénée qui le firent entourer d’une muraille épaisse. Une église romane remplaça l’ancien édifice au XIIe siècle. Une ecclesia de Graysiaco est mentionnée au XIIIe siècle dans le cartulaire de Savigny. Au XVe siècle l’église prit le nom de Saint-Roch.
Le bâtiment actuel fut construit dans les années 1870 par l'architecte lyonnais François Merlin sur l’emplacement de l’antique édifice qui fut rasé. Cerise sur le gâteau, l’église n’est même plus orientée est/ouest.
Pourtant, cette église contient une chose rare, une cuve baptismale devenue bénitier, datant du XIe siècle. D’une hauteur de 36 cm et d’un diamètre de 47, elle est posée sur une colonne en marbre blanc du XIXe. La tradition dit que Guillaume le Pieux lui-même en fit don à la paroisse.
La vasque, dont le bord supérieur est délimité par une torsade, est sculptée en bas-relief et en méplat. La base présente une frise de losanges. Le décor, d’un style archaïque et rustique, est typique de la période préromane. Tout d’abord, il faut se souvenir que l’eau est source de vie, moyen de purification et centre de régénération. La fonction de la vasque sera alors de renforcer les propriétés de l’eau, qu’elle soit bénitier ou cuve baptismale. Cela se fera par la forme, par l’emplacement et par l’intention qu’y posera l’officiant.
La symbolique des sculptures de la vasque est profonde. On peut la lire au premier degré, et parler, comme le plus souvent lu sur le sujet, de l’homme nu au milieu des animaux comme étant Adam au jardin d’Eden avant la faute, et d’une scène de chasse, évocation de l'homme pécheur.
Pour une lecture plus subtile, il faudra compter avec les 7 arcades, 3 à droite (activité) de l’homme et 4 à gauche (connaissance). Le nombre 7 est la somme du 3 (masculin, principe créateur, domaine de l’expérience, exprimant une forme d’achèvement, lien) et du 4 (féminin, principe de l’incarnation, domaine de la matière, mais aussi révélant les principes fondamentaux de l’éveil de la conscience). Le 7 est symbole de perfection, de plénitude, de transformation après un cycle accompli. Il manifeste le principe de la maitrise acquise par l’expérience.
A la gauche de l’homme nu (la nudité est utilisée pour indiquer la pureté des origines) se tient à côté de la représentation d’un palmier, lui aussi symbole de la connaissance. L’arbre en général est symbole d’éternité, mais aussi d’enseignement par l’esprit. Il fait la jonction entre la terre et le ciel, entre les énergies telluriques qu’il transforme et équilibre, et les énergies solaires et cosmiques qu’il capte par l’intermédiaire de ses feuilles. Il est entouré au dessus de sa tête, d’une fleur solaire à 9 pétales : elle contient le monde dans son unité (le cœur) et dans sa manifestation (les pétales), pour rejoindre l’harmonie cosmique. Les mains sont tournées vers le bas, pour capter les forces telluriques peut-être, comme ses jambes qui ressemblent à deux troncs d’arbre bien ancrés dans le sol. Mais il se pourrait aussi…
Sa main gauche, celle de la connaissance, reçoit les informations de deux poissons, l’un tourné vers le bas l’autre vers le haut. Il peut s’agir de saumons, animaux de la science sacrée, symbole de la connaissance et de la sagesse chez les Celtes (le saumon relie le monde lunaire invisible au monde solaire, il remonte à la source) mais aussi du premier signe des chrétiens et de l’ère qui s’y rattache.
A la droite de l’homme, peut-être la représentation stylisée d’un serpent, symbole de la connaissance, mais aussi de la force tellurique. Il se pourrait que ce soit là, comme dans l’église d’Avenas, la représentation de ce que l’on appelle la kundalini, l’énergie lovée dans la base de la colonne vertébrale et représentée comme un serpent enroulé sur un axe.
La main droite est tournée vers deux animaux se faisant face, je pencherai pour un sanglier tête en bas et un chien tourné vers le haut. L’un monte, l’autre descend. Le sanglier est représentatif de l’ancienne religion, celle des druides, dont il en était la représentation. Quand au chien, il est, dans l’art roman, le symbole de la maitrise, gardien des enfers et psychopompe. Il sera la représentation de la nouvelle religion. De chaque côté de l’homme, une stylisation de papillon, et une aile. Le papillon, dans la tradition grecque, représente l’âme. Dans l’art roman, il sera symbole de transformation.
4 arcades plus loin sur la gauche, on trouve une représentation d’une scène de chasse. La chasse peut représenter la mise à mort de ce que l’on veut éliminer comme l’ignorance, la peur, l’ancienne religion etc. mais aussi la traque, la recherche, la quête spirituelle. Le cavalier en général, dans l’iconographie romane, représente le triomphe, la puissance, celui qui maitrise la cavale ou cabale. Le fait qu’il maitrise ce cheval, animal noble, montre qu’il est au service d’un but supérieur. Sa monture possède une queue qui se termine par des fleurs, la première, ébauchée, se poursuit par une deuxième à 5 pétales qui contiennent chacun 3 parties. Le chasseur est accompagné de 5 chiens, et poursuit un cerf. Il semblerait que le serpent soit représenté au-dessus de sa tête, la gueule ouverte, comme s’il lui confiait quelque chose. Le cavalier sonne du cor, que l’on peut assimiler à une corne. La corne indique souvent la présence de la grande Déesse, la Magna Mater.
Le cerf, symbole de régénération de part ses bois qui repoussent chaque année, de renaissance, mais aussi de fécondité, de force et de vie, peut être la représentation de l’ancienne religion, en la personne du dieu Cernunnos. On a vu tout à l’heure le sanglier, représentant de la classe sacerdotale des druides et du pouvoir spirituel, il me semble que nous avons là l’ours, emblème de la classe royale et du pouvoir temporel. Nous retrouvons cette symbolique sur le chaudron de Gundestrup.
Cette cuve baptismale est comme ce chaudron, représentant l’attribut du dieu-druide celte Dagda, instrument de résurrection dans lequel les morts sont plongés avant qu’ils n’en ressortent vivants. La symbolique sera la même. Les images gravées nous montrent un rituel d’initiation. L’eau baptismale va permettre à l’impétrant de se purifier, lui qui mourra à l’ancien comportement pour entrer dans une nouvelle vie.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Gr%C3%A9zieu-la-Varenne
http://paroissestalexandre-lyon.cef.fr/patrimoine_grezieu1_sf.htm