Daté des années 1140 à 1150, il s’apparente aux sculptures bourguignonnes. La lecture doit se faire, comme dans toute œuvre romane, de gauche à droite et de bas en haut.
Les chapiteaux
Côté lunaire, à gauche, nous avons la représentation de la chute de Simon le Magicien. C’est de son nom qu’est tiré le mot « simonie » (achat et vente de biens spirituels), dont Pierre l’accusa et qui fut pourtant pendant des siècles d’usage courant dans le clergé. Simon fut à l’origine d’une religion, le simonisme, mélangeant les pratiques des mages babyloniens et des chrétiens.
On lui prête les fonctions d’alchimiste, de médecin et de magicien. Il fut, de la part de quelques chercheurs en théologie, assimilé à Paul de Tarse, initiateur du christianisme. Héléna Blavatsky le considéra comme un maitre de la Grande Loge Blanche. Ce mage, adversaire de Pierre, fut aussi accusé d’être un démon ayant pris forme humaine, préfigurant Merlin l’enchanteur.
Les Homélies pseudo-clémentines résument la doctrine que Simon prétendait démontrer par les Écritures : « le Dieu suprême est un dieu autre que celui qui a créé le ciel et la terre ; il est inconnu et ineffable et il pourrait être appelé le Dieu des dieux ». Irénée et Hippolyte firent de lui le père du gnosticisme.
Le chapiteau, comme à Autun, le montre dans l’épisode de la fin de sa vie, quand il voulut prouver à Néron qu’il savait voler en se jetant du haut d’une tour (le Capitole) et que les démons, lui enlevant leur soutien sous la prière de Pierre, le laissèrent tomber. C’est à ce moment là que Néron condamna Pierre et Paul. Sur les chapiteaux d’Autun, on le voit s’envoler puis tomber.
Ici, son âme, sous la forme d’un enfant, est attendue par un démon. Un démon, d’après Denys l’Aréopagite, n’est ni bon ni mauvais, il représente simplement ceux qui vont à l’encontre de leur nature. Le diable, n’est que la représentation de ce qui divise, de nos pulsions qui nous renvoient dans la matérialité. Simon chute, il est à l’envers, ses pieds touchent le ciel, ses mains la terre. Sa tête est relevée par les cheveux (la force), l’obligeant à regarder un personnage qui porte un bâton, comme un espoir de redressement…
Côté solaire, à droite, la représentation de l’épisode de la vie de Daniel, la fosse aux lions. Là aussi, Un homme est tiré par les cheveux, Habacuc, qui apportait, tenu par l’ange, de la nourriture à Daniel dans la fosse. Normalement, 7 lions sont présents, dont un qui lèche les pieds de Daniel. Ici, il lèche l’épaule gauche du prophète. Daniel est le héros solaire, celui qui a vaincu la mort, la promesse de la transcendance des forces de la nature et de la rédemption, l’accès à la vie spirituelle pour le pèlerin qui entre dans l’athanor de l’église.
30 Ils le jetèrent aussitôt dans la fosse aux lions et il y demeura six jours
31 Il y avoit dans la fosse sept lions et on leur donnoit chaque jour deux corps avec deux brebis mais on ne leur en donna point alors afin qu ils dévorassent Daniel
32 En ce même temps le prophète Habacuc étoit en Judée et ayant apprêté du potage il le mit avec du pain trempé dans un vase et l alloit porter dans le champ à ses moissonneurs
33 L ange du Seigneur dit à Habacuc Portez à Babylone le diner que vous avez pour le donner à Daniel qui est dans la fosse aux lions
34 Habacuc répondit Seigneur je n ai jamais été à Babylone et je ne sais où est la fosse
35 Alors l ange du Seigneur le prit par le haut de la tête et le tenant par les cheveux il le porta avec la rapidité d un esprit céleste jusqu à Babylone où il le plaça au dessus de la fosse aux lions
36 Et Habacuc dit avec un grand cri Daniel serviteur de Dieu recevez le dîner que Dieu vous a envoyé
37 Daniel répondit O Dieu vous vous êtes souvenu de moi et vous n avez point abandonné ceux qui vous aiment
38 Et se levant il mangea Mais l ange du Seigneur remit aussitôt Habacuc dans le même lieu où il l avoit pris
39 Le septième jour le roi vint pour pleurer Daniel et s étant approché de la fosse il regardoit dedans et il vit Daniel qui étoit assis au milieu des lions
La Sainte Bible par Lemaistre de Sacy, Daniel, Chapitre 14
Le linteau
La Bande-Dessinée Le linteau nous présente en premier lieu la représentation d’Adam et Eve entre l’arbre de la connaissance et l’arbre de Vie. Eve, la déesse mère des hommes (lunaire et initiatrice), n’a pas encore cueilli le fruit défendu, la connaissance, montrée par le serpent tentateur/initiateur gardien secret des énergies, et Adam cache non pas son sexe mais sa gorge, en fait le chakra correspondant aux énergies de communication, qui va permettre de relier l’homme et le cosmique. Cette chute dans la matière sera rachetée par le Christ qui permettra à nouveau aux hommes de retrouver la voie de la lumière.
Cet épisode est symbolisé par la Cène présentée à droite, côté solaire. C’est bien la Cène, et non pas le repas chez Simon à Béthanie comme on peut le trouver sur le net.Le Christ est accompagné des 12 apôtres. Les évangélistes tiennent leur livre respectif, les autres un flacon de vin ou du pain.
Marie-Madeleine est présente lors de ce repas, ce qui a pu induire en erreur l’analyse. Sa présence fait le penchant avec celle d’Eve dans la première partie du message. Je vous renvoie à la symbolique de Marie de Magdala.
Le tympan
Le tympan est une membrane fibreuse chargée de récolter les vibrations de l’air dans l’oreille externe et de les transmettre à l'oreille moyenne. Pour qu’on puisse « entendre », plusieurs transformations se produisent dans l'oreille, composée de trois parties, l’oreille externe, l’oreille moyenne et l’oreille interne (appelée aussi labyrinthe…) qui ont le rôle de transmission, de réception puis de perception. Les ondes mettent en vibration le tympan (énergie mécanique). Des osselets (Marteau, Enclume, Etrier) transmettent cette énergie et l'amplifient, pour éviter la perte d'énergie liée au passage du milieu aérien au milieu liquide. L’onde ainsi créée met en vibration une membrane (dans ce que l’on appelle le limaçon) qui va permettre une première analyse du son notamment en fréquence. Puis les impulsions électriques partent sur le nerf auditif et sont analysées dans l'aire auditive. Je ne veux pas donner un cours d’anatomie, mais voyez ce qu’un tympan contribue à percevoir et les mots employés…
Donc notre tympan va nous permettre « d’entendre » quelque chose. Il représente la scène de l'Epiphanie. Je vous renvoie au lien (il faut cliquer sur le mot, tout simplement). Il nous parle encore une fois de transformation, avec sa symbolique alchimique :
« Les rois-mages, leurs nombre, la couleur de leurs manteaux, représentent les 3 phases du grand œuvre alchimique, l’œuvre au noir, au blanc puis au rouge, qui amènera à la transmutation du vil métal en or. L’étoile les guidant apparaît dans l’une des phases de l’œuvre sur la matière première. Elle est, dit-on, plus marquée dans la voie sèche de l’antimoine. Elle guide vers l’enfant roi, vers la fin de l’œuvre. »
L’enfant, nous le retrouvons sur les genoux de sa mère, la grande déesse, Marie. Elle est ici représentée avec les attributs d’une vierge noire : datant du XIIe siècle, représentée en majesté, dans un lieu connu depuis l’antiquité, ses grandes mains transmettant à son fils déjà adolescent l’énergie de transformation.
Ses deux pieds sont posés non pas sur les représentations de Luc et de Marc, mais sur deux vouivres ailées.
Celle de gauche est nettement féminine et bovine : on remarque ses sabots et ses cornes. La vache, à l’instar d’Hator, est le symbole lunaire de la Terre-Mère, la grande nourrice, modèle par excellence du principe féminin, souveraine des quatre coins du ciel et maîtresse des points cardinaux.
Celle de droite est masculine et léonine. Le lion est ici représentatif du principe solaire. En héraldique, le lion dont la queue passe entre ses jambes est appelé « couard ». Ici ce n’est pas infâmant, mais simplement le signe de sa maîtrise des choses du sexe puisque sa queue remonte vers le cosmique. Les deux animaux sont ailés, signe que les énergies dont ils sont maitres se dirige vers le haut. Seule la vierge pose ses deux pieds sur leur dos. Les rois-mages sont portés par l’aile de la vache, l’ange portant un livre dans lequel il écrit, l’intermédiaire, est porté quand à lui sur l’aile du lion.
Le tout est entouré de quatre anges jouant de l’olifant. Eugène Viollet-le-Duc parle de cet instrument : « L'olifant était un cor de guerre et de chasse, servant à donner des signaux, à rallier les troupes. L'olifant était donc un instrument considéré comme noble que portaient les chefs, ou un homme qui les suivait. L'olifant était alors une marque distinctive de commandement, de dignité ». Ici, ce noble instrument présente l’enfant-roi. Les anges, dont le bas du corps est caché, ont une aile (capteur d’énergie) regardant vers le ciel, l’autre vers la terre.
La voussure intérieure du tympan, ornée de palmettes et représentant l’arc céleste, sort de la bouche de deux bêtes. Le palmier, transformateur et équilibrant, est un symbole de victoire et de régénérescence. La bête symbolise ici les forces brutes. Le ciel ne peut être atteint si l’homme ne s’appuie pas sur la force de sa nature. Et l’on retrouve alors l’un des symboles que porte le Baphomet au centre du chevet, dans l’axe solaire et l’axe de l’eau, à l’emplacement du point menhir, là où les énergies sortantes ont été transformées dans l’athanor de l’église.