Le prieuré de Saint-Thibault, historique
La tradition rapporte que des religieux de l’abbaye de
Saint-Rigaud-en-Mâconnais fondirent, au début du XI ème siècle, un
établissement dédié à Notre Dame dans le village appelé Fontaines. Grâce à une
donation en 1190 du seigneur de la contrée, Guy de Thil, sire de Saint-Beury,
ils purent développer ce petit prieuré et bâtirent une nouvelle église. Le prieuré reçut, aux environs de 1240, des
reliques de saint Thibault de Provins. Des miracles rendirent le lieu célèbre, et
le village prit le nom du saint en 1249.
Les legs se succédèrent : en 1257, Elisabeth de
Charny, dame de Thil, Hugues de Quincy, vicomte de Tonnerre, en 1298, le duc de
Bourgogne Robert II, puis en 1323, la duchesse Agnès de France, fille de saint
Louis et femme du duc Robert. Saint-Thibault devint l’un des plus célèbres pèlerinages
de France, favorisé par le duc de
Bourgogne, qui lance une nouvelle campagne de construction. L’édifice fut terminé
vers 1320, puis l’on entreprit la reconstruction des bâtiments du monastère.
Vers 1340, l’abbaye mère, d'obédience érémitique,
criblée de dettes, ne peut plus en assurer l’entretien. En 1359, les Anglais
brûlent le village et son église paroissiale. Saint-Thibault devint alors la
seule église du culte, et le prieur devint simple curé. Au milieu du XVI ème
siècle, le prieuré passa sous le régime de la commande : la décadence
n’est plus loin.
Des réparations furent quand même faites en 1682. Puis
un orage détruisit la charpente et les vitraux du chœur en 1701. En 1712, le
clocher s’effondra, entrainant de graves dommages au reste du bâtiment.
Grâce à
une loterie organisée par les habitants du village, qui rapporta 10 000 livres en 1723, la restauration fut
entreprise. Puis en 1728, un incendie ravagea le prieuré et déduisit la
charpente en cendres.
Un devis des travaux fut présenté en 1748 à l'intendant
de Bourgogne qui l'accepta en 1749 : le chœur fut consolidé et charpenté, les
anciennes fondations des murs de la nef sont reprises, le clocher est remonté
et terminé par une flèche de petites planches de bois.
La nouvelle église fut
consacrée en 1753. De nouveau en mauvais état, le prieuré fut remarqué par
Prosper Mérimée. Il fit l'objet d'une restauration en 1844 par Eugène
Viollet-le-Duc.
Voir la carte ici.
http://www.cestenfrance.net/art/Saint_Thibault_%28C%C3%B4te_d%27Or%29
http://www.theobaldus.org/content/notes-et-reflexions-sur-la-vie-de-saint-thibaud
Le prieuré de Saint-Thibault, l'extérieur
Le portail nord fut construit vers 1260. Autrefois
abrité sous un porche dont on voit les colonnettes qui supportaient les arcs de
chaque côté, il possède un tympan ouvragé consacré au couronnement de la Vierge. Des vierges sages et folles
séparées par un ange sur les voussures.
Le linteau présente la Dormition et
l’Assomption.
Sous le linteau, le trumeau présente saint Thibault,
revêtu des habits de prêtre.
Les deux panneaux de l’ébrasement formant les pieds
droits du portail ont à leur soubassement deux arcatures tréflées, dont les
angles inférieurs laissent apparaître de petites têtes coiffées parfois à la
mode du XIII ème siècle.
Les statues du portail ont été interprétées comme
étant la représentation de donateurs comme le duc Robert et son fils Hugues V,
sa femme Agnès et l’évêque d’Autun Hugues d’Arcy.
Mais il semblerait que ce
soient des personnages de l’ancien testament habillés à la mode du règne de
saint Louis : Aaron, David, Salomon et la reine de Saba.
La chapelle Saint-Gilles, du XIII ème siècle, offre un
chevet à pans coupés épaulés par de hauts contreforts. Les pinacles et les
gargouilles sont des ajouts de la restauration du XIX ème siècle. Chaque travée
est éclairée par une baie élancée à deux lancettes tréflées ajourées d’un ou de
trois oculus trifoliés.
La chapelle jouxte le chœur de la fin du XIII ème et du
début du XIV ème siècle, dont il ne subsiste que le chevet à 5 pans et la
travée de droite. Chaque travée est composée d’un soubassement puis d’un mur et
en retrait sur ce dernier une vaste baie à 4 lancettes surmontée d’un oculus et
d’une rose à 6 redents. Des contreforts minces montent jusqu’à la naissance du
toit, où quelques gargouilles d’époque pointent leur museau.
A droite de la façade ouest, une croix très abimée de
1396 s’élevait jadis sur le cimetière.
Tiré du livre "Saint-Thibault-en-Auxois" d'Albert Colcombet.
Le prieuré de Saint-Thibault, l'intérieur
La nef date du XVIII ème siècle. Les boiseries proviennent de Semur-En-Auxois.
Dans le chœur à quatre élévations décorées
de fines colonnettes, une ancienne piscine coiffée de deux
arcs trilobés retombant sur une clé intermédiaire. Elle comporte deux cuvettes
sculptées.
Au centre, un retable du XIV ème siècle consacré à
saint Thibault.
Thibault, fils du Comte Arnoul de Champagne et de Gisèle de
Vermandois (de la lignée de Charlemagne), naquit en 1017 à Provins.
Destiné au métier des
armes, il préféra à 18 ans renoncer au titre de chevalier et se retira en
ermite dans la forêt ardennaise, puis au Luxembourg où il fabriqua du charbon
de bois. Il prit finalement la route des pèlerinages, qui le mena à Compostelle
puis à Rome. Il passa la fin de sa vie dans l'Ordre des Camaldules à Salanique
en Italie (près de Venise), où il mourut en odeur de sainteté en 1066.
Son
corps fut ramené en France, placé dans l’église de Sens puis transféré près d’Auxerre, à
Saint-Thibault-aux-Bois. « A la Saint Thibault,
sème tes raves et arrache tes aulx. »…
Un enfeu du chœur abrite le tombeau d’un personnage
considéré traditionnellement comme étant celui d’un fondateur du prieuré, un
seigneur de Saint-Beury, peut-être Guy de Thil qui fit une donation en 1190. Dans l’enfeu, une peinture présente deux scènes des
funérailles. Elle pourrait être datée du XIV ème siècle.
Le gisant, du XIII ème siècle, reposant sur un
sarcophage, est représenté mains
jointes, vêtu d’une cote d’armes sous laquelle on voit apparaître son armure. Une
longue épée est prise sous son bras gauche, sa tête repose sur un coussin et
ses pieds sur un lion.
De chaque côté de sa tête, un ange tenant un encensoir
(très restaurés), aux pieds deux moines lisant.
La chapelle Saint-Gilles abrite une grande chasse de
saint Thibaut du XIV ème siècle, qui a notamment connu les dévotions de la
reine Jeanne, épouse de Jean le Bon, et de la duchesse de Bourgogne Marguerite.
Les pèlerins, après avoir bu à la fontaine miraculeuse non loin de l’église,
passaient dessous afin d’obtenir la guérison. En passant, ils enlevaient des
particules de bois, considérées comme des talismans. C’est pourquoi les
montants paraissent effrités.
Dans le chœur, un objet devenu rare dans les églises :
une crosse à la colombe eucharistique. En
l’absence de tabernacle, elle servait à conserver les saints sacrements dans un
petit ciboire qu’on suspendait à l’aide d’un filin à une grande crosse placée
au dessus de l’autel. Celle-ci date du XVI ème siècle.
Plusieurs très belles sculptures ornent les murs de l’église :
La vierge à l’oiseau, datant de 1330,
saint Thibault
assis de la fin du XIV ème siècle, et un évêque du XV ème,
une vierge à l’enfant
du XV ème également.