Eglise Saint-Séverin de saint-Saury
La paroisse est connue depuis le IXe siècle. L’église Saint-Séverin, bâtie en granit du pays, date de la fin du XIIe siècle, à l’origine composée d’une nef unique et d’un chœur.
L’abside reste le seul témoin de cette époque. En effet, la nef fut refaite au XVe siècle, puis au XVIe les bas-côtés furent rajoutés, qui doublèrent la superficie de l’église devenue trop petite.
Le clocher-peigne, percé de trois baies, fut quand à lui reconstruit en 1745. C’est en 1891 que furent refaites les voûtes en briques lambrissées
Il est dit que de l’ancien persbytère part un tunnel qui relie saint-Saury au Roc-Rôti, pierre des druides…
Le Roc Rôti
Entre Sousceyrac et Saint-Saury, sur la départementale 20, se dresse le « Roc Rôti ». C’est un ensemble naturel de rochers, dont le sommet du plus gros fut entaillé d'épaisses rainures.
Le rocher est constitué de deux parties séparées par une faille due à l’érosion.
Il semblerait qu’il y ait là une partie féminine, celle qui a été taillée, et une autre masculine, formant ce que l’on appelle une porte énergétique.
Il est dit qu’il servit à un ancien culte druidique si l’on en croit la tradition. Il y est même précisé que du temps des gaulois, un druide ermite y pratiquait des sacrifices d’animaux. Chance, pour une fois, on ne parle pas de sacrifices humains.
Merci Jules ! (allusion à La Guerre des Gaules, et aux commentaires de Jules César, le vainqueur, sur les gaulois, ces barbares vaincus, et leur religion, alors que tout le monde sait très bien que les gaulois avaient une civilisation bien plus raffinée que la romaine. Hein ? Mais si, je vous assure, allez chercher les bonnes infos !)
Revenons au rocher. Personne ne sait d'où provient son nom, regardons alors l’étymologie.
Rôtir vient du germanique raust ou rhost, qui veut dire cuire sur un feu, gril ou ce qui est cuit sur un gril, mais le sens au moyen-âge était un peu différent : en 1190 c'est « s'exposer à une forte chaleur, à un soleil ardent ».
Dans "Le Monde primitif analysé et comparé avec le monde moderne" d'Antoine Court de Gébelin il est dit que la racine RO designe la lumière, le guide, R définissant l'élévation et O l'œil et la lumière. Les deux associés peuvent signifier une lumière élevée, un flambeau élevé pour diriger. On obtiendra OR le soleil et RO le rayon, le guide, le roi. Nous nous rapprochons des druides il me semble, eux, les connaissants, qui guidaient les rois.
Mais il se pourrait aussi que l’endroit fut un lieu de culte dédié à une divinité solaire, tout simplement.
Une ancienne carte postale datant de 1907 représente le Roc Rôti avec ce commentaire : le Roc Roti, avec les restes d’enceinte druidique près St Saury (Cantal).
Effectivement, il existe tout autour du rocher de plus petites pierres et même en contrebas une source. Tout est là pour que ce soit bien un lieu sacré. Et pour finir, s’il persistait encore un doute, le simple fait qu’une croix chrétienne ait été fixée à son sommet suffirait à nous l’enlever.
Le prieuré d’Escalmels
Bertrand de Grifeuille, noble poitevin né vers la fin du XIe siècle, choisit la vie érémitique après avoir été moine dans l'abbaye bénédictine de Beaulieu en Corrèze. Il se retira donc en 1120 sur les terres de Grifeuille, dont il prendra le nom, se vouant à une vie de solitude et de méditation. Les habitants alentours, voyant en lui un homme vertueux, construisirent un oratoire dédié au Baptiste, patron des ermites.
Plusieurs moines, attirés par la notoriété de Bertrand, y formèrent le premier monastère. C’est là que vint le rejoindre Guillaume Robert, qui deviendra son disciple. Bertrand et Guillaume furent appelés par d’autres seigneurs afin de fonder des monastères sur leurs terres (plus par appât du gain que par piété d’ailleurs, l’édification d’un monastère mettant en valeur les terres).
Neuf prieurés ou monastères furent ainsi construits (dont Vauclair par Guillaume, annexe d’Escalmels), tous dédiés à Notre-Dame, et tous placés sous la dépendance des Augustins de Notre-Dame de la Couronne près d'Angoulême.
Bertrand fonda donc le prieuré d’Escalmels un peu avant sa mort en 1151. La chapelle fut tout d’abord dédiée, comme ses sœurs, à Notre-Dame, avant de passer sous l’égide d’Eutrope, que la légende dit originaire de Perse et patron de Saintes (ancienne Mediolanum), qu’il évangélisa et où il convertit Eustelle, fille du gouverneur romain de la ville et d’une druidesse.
Il est dit qu’il fut compagnon de saint Pierre ou de saint Martial, ou bien qu’il vit la passion du Christ en tant que treizième apôtre, ou encore qu’il vint en Europe en compagnie de saint Denis, ou bien de Marie-Madeleine dans sa barque. Quoi qu’il en soit, il est invoqué pour les maux de tête et pour les estropiés.
Le prieuré, ayant autorité sur la paroisse de Saint-Saury, fut appelé au cours des temps de diverses façons, allant de Chalmeils en 1275 dans le testament de Bertrand de Montal à Euscalmelhs en 1288, puis Carmels en 1367 dans les archives municipales d'Aurillac, Calmels, Carmelhs, Escalmeils, Scalmelz, Escalmel, Caumels enfin sur les cartes de Cassini.
Les moines défrichèrent la vallée étroite, construisirent les bâtiments monacaux et les canaux d’alimentation du moulin (qui existent encore), mirent en place plusieurs étangs à poissons.
Le prieuré compta plusieurs dizaines de moines entre les XIVe et XVe siècles. Jusqu’au jour où… le prieur Louis de Lamagne de Cardaillac se convertit au protestantisme, entrainant avec lui ses moines.
Ils brûlèrent leur prieuré en 1551. Seule la chapelle fut reconstruite, restaurée au XVIIIe siècle par l’abbé Jourdain de la Vercantière. Les pierres des bâtiments monastiques servirent à la construction des maisons du village. Depuis 1998 une association de bénévoles, les « Amis d’Escalmels », entreprit de restaurer la chapelle.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Saint-Saury
http://www.saintlaurentenchataigneraie.com/pages/saint-saury-8007870.html
http://cheminsperdus.blogspot.fr/p/les-estourocs-le-prieure-perdu-les.html
http://www.cantalpassion.com/deribier_st_saury.htm
Eglises romanes de Haute-Auvergne: Tome 2, de Pierre Moulier et Pascale Moulier
La légende de la Lozette
La légende
Décidément, les légendes vont bon train dans ce pays, pour notre plus grand bonheur. Et n’oublions pas que le mot légende provient du latin legenda qui veut dire « ce qui doit être lu » (à l’origine écrit basé sur des faits réels puis enjolivé, lu dans les monastères pendant les repas ou lors de la fête d’un saint). Ici, c’est l’histoire d’une certaine Louisette, ou Lozette, qui nous est rapportée, deux versions pour un même personnage.
Escalmels avait pour revenus, entre autres, le produit de la forêt qui se trouvait entre le prieuré et Sousceyrac. Le seigneur de Sousceyrac, ou de Castelnau, lorgnant sur cette manne, imagina un stratagème. Il avait un fils et une fille, Louisette. Une fille ? Cela ne sert à rien, il lui intima donc l’ordre de s’habiller en garçon, de se rendre au prieuré et de demander à y être reçu. Ce qu’elle fit. Le prieur vint malencontreusement rejoindre son créateur, et les moines, flattés d’avoir parmi eux un descendant des seigneurs de Sousceyrac, mirent Louisette à la tête de leur communauté, sans se douter de la supercherie. Louisette s’empressa donc de donner la forêt à son père, qui prit depuis le nom de forêt de Louisette.
La deuxième légende nous parle encore du seigneur de Sousceyrac et de sa fille unique, Lozette, ou Alozette, qu’il voulut donner en mariage à son rival et voisin, le seigneur de Castelnau de Bretenoux. Alozette refusa, et pour échapper à son père, elle s’enfuit et se cacha. Celui-ci partit alors pour les croisades. A son retour, sa fille vint lui demander pardon et avoua qu’elle s’était mal conduite durant son absence. Le père lui accorda son pardon, à deux conditions toutefois : la première, que la forêt entre Escalmels et ses terres, propriété de l’abbaye, lui revienne, et qu’Alozette en devienne le prieur. Bien des années plus tard, le prieur d’Escalmels vint rendre visite au vieux seigneur de Sousceyrac. Il lui donna alors l’acte de vente de la forêt qui lui revenait. Il enleva alors sa robe de bure, et se présenta comme Alozette… qui fut alors pardonnée.
L'étymologie
Les personnages ressemblent fort à ceux de l’histoire de sainte Spérie, elle aussi refusant le mariage avec le seigneur de Castelnau. La légende d’Alozette est toutefois moins fournie et moins explicite. Je me suis penchée sur l’étymologie du prénom de la fille du seigneur. Nous avons Louisette, qui, même s’il se rapproche d’Alozette, n’a peut-être pas la même origine. Louisette, issu de Louise, féminin de Louis, provient du germanique Hlodowig, de hlod, illustre, glorieux, et de wig, la bataille, le combattant. Cela donna Chlodowig, l’illustre combattant, Clovis chez nous, latinisé en Ludovicus. De Louise est issu Aloïza en langue d’Oc.
Mais Alozette pourrait provenir du celte alauda, de al, grand, et aud, le chant. C’est le nom de l’alouette, oiseau sacré des gaulois, la messagère des dieux, qui se dit Alauza en provençal.
Le symbolisme
L'alouette qui vole haut dans le ciel puis donne l’impression de se laisser tomber sur terre, représentait pour les gaulois la médiation entre le monde céleste et le monde terrestre, animal cosmo-tellurique par excellence. Elle est aussi l’un des attributs de Cérès/Déméter, l’antique déesse-mère de la fertilité, honorée dans les mystères d’Eleusis. Elle est aussi symbole de la liberté, de l’élévation de l’âme vers Dieu.
Notre Alozette devenant prieur d’Escalmels, femme devenant homme, pourrait être l’androgyne, celui vers qui l’humanité tend, la réunion des deux principes masculins et féminins. L’androgyne représente le début ou la fin d’un cycle, d’une expérimentation. C’est de cette union des principes, du roi et de la reine, que nait la pierre philosophale des alchimistes. Alozette, messagère des dieux, nous montre peut-être la voie guerrière qui amène l’esprit duel vers l’unité.
Le fait que la forêt soit convoitée nous apporte aussi quelques éléments. La forêt est un lieu d’épreuves initiatiques, un sanctuaire, le temple naturel du monde végétal, lieu de transition vers un nouvel état. L’arbre, par ses racines s’enfonçant dans le sol et ses branches s’élevant en l’air, relie la terre et le ciel, comme notre alouette. Il est aussi le symbole de la connaissance…