Saint-Denis, historique
La ville de Saint-Denis est construite sur l’ancienne plaine du Lendit. Cette plaine alluviale, située sur l’ancienne route de l’étain (qui reliait l’Angleterre à l’Italie) et à l’est d’un méandre de la Seine, fut habitée depuis le néolithique, voire le paléolithique, comme en témoignent les pointes de silex, les sépultures, les poteries retrouvées sur place. Plusieurs mégalithes alentours nous sont connus, tels les menhirs le "pet au diable", la "pierre au lait" et la "pierre au lart" à proximité de l'église de Saint-Merry.
Les traces d’un habitat permanent sont attestées aux alentours dès 4 000 avant notre ère. Puis les Celtes de la culture de Hallstatt s'implantèrent sur le territoire : Nanterre, par exemple, tire son nom de « Nemetodurum », le nemeton.
C’est en ce lieu que convergeaient les territoires de quatre peuples gaulois : Bellovaques et Suessions au nord, Carnutes et Sénons au sud. C’était aussi la limite entre la Belgique et la Celtique. Quelques chercheurs pensent qu’en cet endroit un tumulus sacré fut construit au lieu dit de la « Montjoie », premier sanctuaire connu. Il semblerait que les tribus s’y retrouvaient pour le commerce, la politique et la religion. Les druides s’y retrouvaient en assemblée annuelle, comme à Autricum (Chartres) ou à Anicium (Le Puy).
« À proximité et sans doute sur le flanc même de la Montjoie du Lendit, existait un « Perron ». Ce genre de tumulus avec pierre plate date de l'âge du bronze ou de Halstatt, c'est-à-dire entre 1200 et 800 environ avant notre ère. Grâce au respect qu'il inspira aux ethnies successives, le Perron traversa les siècles et il est encore bien attesté au Moyen Age. L'auteur de Fierabras, chanson de geste du XIIe siècle, après s'être réclamé de ses sources san-dyonisiennes, raconte comment Charlemagne répartit, à son retour d'Espagne, les reliques conquises sur les Sarrasins. Ce partage solennel, opéré devant une foule immense, a lieu au « Perron du Lendit : A Saint Denis en France fu li tresors portés ; Au perron, au Lendi, fu parti et donnés. Pour les saintes reliques dont vous après orés, Par chou est il encore li Lendis appelés. »
Les « perrons » étaient des mégalithes jouant le rôle d’estrade ou de tribunes pour annoncer des jugements de justice ou des décisions de l’autorité publique.
Sur ce plan de Paris de 1565, sur la route menant de Paris à
Saint-Denis, sont encore figurées quelques colonnes et pierres de
l’ancien temple de la Montjoie.
Montjoie désigne aussi les tas de pierre que les voyageurs de l'antiquité accumulaient en l'honneur de Mercure, le dieu de la route, pour marquer le chemin. Ils devinrent petit à petit des oratoires, puis des promontoires d’où les pèlerins criaient leur joie à la vue du but de leurs pérégrinations.
D’après Anne Lombard-Jourdan, c’est aussi dans la plaine que fut érigé le pilier des Nautes, à l’époque de l’occupation romaine. Le premier bourg prit alors le nom de Vicus Catulliacus, du nom du propriétaire du domaine, Catullus. A cette époque existait déjà un cimetière gallo-romain, une nécropole. Puis vint l’ère chrétienne. Aux environs de l’an 250, trois missionnaires apportant d’Italie la bonne parole à Lutèce : Denis, Rustique et Eleuthère, furent martyrisés, et leurs corps ensevelis à Catulliacus.
La vie de saint Denis
Grégoire de Tours raconte qu’aux environs de l’an 250, le pape Fabien envoya en Gaule plusieurs missionnaires : Paul à Narbonne, Trophime à Arles, Saturnin à Toulouse, Martial à Limoges, Gatien à Tours, Austremoine à Clermont et Denis à Paris. Denis, Rustique le diacre et Eleuthère le prêtre apportèrent donc d’Italie la bonne parole à Lutèce.
Denis devint le premier évêque de la ville avant d’y subir le martyre avec ses compagnons, sous la persécution de Dèce ou de Dioclétien. Montmartre serait le lieu de la décapitation, dont l’étymologie propose le Mons Martis, mont de Mars, ou Mons Mercurei, mont de Mercure, ou bien le Mons Martyrium, mont des martyres. Les fouilles archéologiques montrent que de nombreux chrétiens furent inhumés sur la butte Montmartre.
Quoi qu’il en soit, selon l'hagiographie carolingienne, Denis se serait relevé, aurait mis sa tête sous le bras, et aurait marché vers le nord jusqu'au lieu de sa sépulture. Parfois, il est dit qu’à la fin de son trajet, il aurait donné sa tête à une pieuse femme originaire de la noblesse romaine nommée Catulla, ce qui rejoint le nom du propriétaire terrien du Saint-Denis de l’époque.
Denis fait partie des saints céphalophores, dont il est le plus illustre représentant (Bon, y’a aussi saint Tropez…). « On a pu interpréter cette particularité de porter sa tête entre ses mains par une considération iconographique : l'artiste aurait trouvé cette solution pour représenter dignement, avec toute sa tête, celui qui en fait l'avait perdue. Et la légende se serait ensuite créée afin de justifier de telles images. » Bof. Je n’y crois pas trop.
Je préfère me pencher sur la symbolique qui entoure ces saints : leur légende se développe selon des schémas récurrents : le saint part de l’endroit du martyre, traverse une rivière, gravit une côte, gagne un lieu élevé avant de parvenir au lieu qui lui accordera enfin le repos. Il lave sa tête dans une fontaine, la pose sur une pierre. La distance est toujours indiquée avec précision.
Puis un personnage féminin se charge des derniers soins à lui donner. Le lieu d’arrivée correspond à un ancien sanctuaire païen qu’il s’agit de christianiser : un mont sacré, un mégalithe, un arbre, une fontaine. En étudiant la légende, en lisant entre les lignes, on peut retrouver le culte préchrétien.
Denis, c’est aussi la forme latine du grec Dionysos. Dionysos est le fils de Zeus et de la mortelle Sémélé. C’est le dieu de la renaissance et de l'éternel recommencement, de la fécondité, de la végétation et de la vigne et surtout du vin, boisson des dieux.
Il est aussi le dieu de la transgression, le dieu d’un ancien et lointain rapport immédiat et parfois violent à la nature, mais en même temps il est le dieu central et indispensable du renouveau, de la joie et de la vie, de l'ouverture à l'autre, qui va contre la tendance de l'homme et de la cité à se replier sur les certitudes de leur maîtrise et de leur identité autochtone. Il est le dieu des grands arbres, ses fidèles brandissant le thyrse (bâton terminé par une pomme de pin) et du lierre (feuillage restant vert en hiver). On voit que Denis nous apporte une symbolique puissante.
Si vous voulez passer un bon moment, je vous propose un conte, écrit par Quinel et de Montgon, qui nous emmène à Catulliacus au temps de Denis : http://www.histoire-en-ligne.com/spip.php?article289
Leur martyr suscita une grande ferveur, et un premier mausolée fut vraisemblablement élevé à l'emplacement de leur tombe. La plus ancienne construction découverte en fouille, qui date de la fin du IVème siècle ou du début du Vème, fut une église de 20,60 mètres de long sur 9 m de large, dont les assises étaient constituées d’anciens blocs gallo-romains. Il se pourrait qu’elle corresponde à la chapelle funéraire que fit élever à Denis sainte Geneviève vers 475.
D’ailleurs, le nom de saint Denis apparaît pour la première fois vers 520 dans "la Vie de Sainte Geneviève". Cette chapelle fut le noyau primitif des églises ultérieures et l'embryon urbain de toute la ville actuelle. La chapelle fut agrandie entre 629 et 639, avec une nef entourée de galeries, œuvre de Dagobert Ier qu’il confia à son conseiller, saint Eloi. La dédicace se fit le 24 février 636.
Le roi Dagobert, dont le nom signifie '’brillant comme le jour’', était fin politique. Il se servit de saint Denis et du culte de plus en plus renommé, pour affermir son pouvoir royal. Il fonda le premier monastère et assura par la même occasion sa légitimité dynastique en choisissant d’y être inhumé, premier roi ayant une sépulture dans l'église, à côté des reliques des trois martyrs. La première foire du Lendit vit le jour, assurant des revenus importants.
Une autre légende vit alors le jour : « alors qu'il était adolescent, Dagobert partit à la chasse au cerf. Ses chiens en poursuivirent un qui se réfugia dans une chapelle édifiée à Catulliacum, sur le tombeau des Saints Denis, Rustique et Eleuthère. Un miracle empêcha les chiens d'entrer, impressionnant Dagobert qui conçut pour les saints une grande vénération ». Dagobert choisit alors Saint-Denis comme nécropole royale. Politiques et religieux y trouvèrent leur compte pour asseoir leur pouvoir.
La légende de Denis se mit en place. La reine Bathilde, en 650, dota la basilique du privilège d’immunité, et imposa aux moines la règle de Colomban, remplacée rapidement par celle de Benoit. Les dons affluèrent.
En 741, Charles Martel y fut inhumé, inaugurant la nécropole royale carolingienne. La construction d’une nouvelle église fut initiée en 768 par l'abbé Fulrad. Elle s’acheva en 775, grâce à l'aide de Charlemagne. L'édifice de 63 m sur 22,6 m, de plan basilical, était alors composé d'une nef à trois vaisseaux et de neuf travées et s'achevait par une abside surélevée, en raison de la présence d'une crypte annulaire bâtie de façon à permettre aux pèlerins d’accéder aux reliques.
Les récits hagiographiques virent le jour à compter du IXème siècle. Le plus célèbre fut sans doute celui que rédigea Hilduin, abbé de Saint-Denis, qui cherchait, encore à l’époque, à faire oublier les anciens rites païens. Le thème de la céphalophorie fut introduit afin de justifier le transfert du corps de Lutèce à Catulliacus. Hilduin, en 882, fit agrandir l’abbatiale à l’est, ajouta une chapelle dédiée à la vierge. L'implication progressive des abbés de Saint-Denis dans la vie politique atteignit son apogée quand Charles-le-Chauve s’appropria le titre d’abbé en 867. Le bourg monastique, doté d’un mur d’enceinte, prit alors le nom de Castellum Sancti Dionisii Martyris.
En 1125, Suger, abbé de Saint-Denis, mais aussi conseiller du roi Louis VI le Gros et de Louis VII le Jeune, affranchit des habitants du bourg et entreprit des travaux d'agrandissement de l'abbatiale carolingienne. Le massif occidental et le chevet apparurent, reprenant le principe du déambulatoire à chapelle rayonnante. Chacune des chapelles comporte de vastes baies jumelles munies de vitraux filtrant la lumière. Le voûtement adopte la technique de la croisée d'ogives qui permet de mieux répartir les forces vers les piliers.
Le narthex fut remanié, composé d'une façade dotée pour la première fois d'une rose et de trois portails de grandes dimensions. Il s’inspira du nouveau style entraperçu dans la cathédrale Saint-Étienne de Sens, inaugurant ainsi le francigenum opus, le premier art gothique. Le roi Louis VII en posa la première pierre le 14 juillet 1140. Suger remit pour la première fois à un roi de France la fleur de lis, remplaçant le crapaud mérovingien, et la bannière devenue célèbre sous le nom d'oriflamme.
A cette époque furent construits les « montjoies de Saint-Denis » qui reliaient par un chemin sacralisé l'abbaye à la capitale. Neuf petits monuments commémoratifs sur une base à trois arcatures où s'inscrivaient des statues de rois, surmontés d’une croix.
Oriflamme La bannière prit aussi le nom de Montjoie. Dans les combats, le nom de l'étendard consacré à Saint-Denis devient le cri de ralliement des soldats du roi : « Montjoie Saint-Denis », future devise du royaume, qui se place ainsi sous la protection du saint. Cette enseigne était systématiquement levée en temps de guerre par les souverains qui venaient la recueillir des mains de l'abbé sur l'autel des saints martyrs. Saint Louis prit l'oriflamme à Saint-Denis, en 1248.
En 1231, l'abbé Eudes Clément, avec le soutien de saint Louis et Blanche de Castille, décida de reprendre les travaux. Il conserva la façade et le déambulatoire rayonnant de Suger. Le chœur fut démonté jusqu'aux abaques des colonnes. Ces dernières furent remplacées par des piles plus solides, capables de soutenir une plus forte élévation. Les travaux furent achevés en 1260.
A la fin du Moyen Age, la bibliothèque du monastère était la plus importante du royaume. En 1435, les Anglais s'emparèrent de l’abbaye et en enlevèrent l'or, l'argent et les vases sacrés. La guerre de Cent Ans, les guerres de Religion, la Fronde accentuent le déclin de la ville et de l'abbaye. Jusqu'à la Révolution, Saint-Denis n'est plus que le dépositaire de la nécropole royale.
En 1793, les révolutionnaires s'attaquèrent aux symboles de la monarchie mais la basilique échappa à la destruction totale : les sépultures des rois furent profanées, les squelettes et les corps embaumés des Bourbons jetés dans une fosse commune. Une partie du trésor de la basilique fut transformée en monnaie. Quant aux gisants, ils furent en grande partie détériorés.
En 1806, Napoléon Ier ordonna la restauration de l’abbaye, les bâtiments monastiques furent attribués à la Grande Chancellerie de la Légion d'honneur. Puis Louis XVIII restitua à l'abbatiale son rôle de nécropole. Les travaux de restauration se poursuivirent tout au long du XIX ème siècle et furent dirigés par les architectes Debret puis Viollet-le-Duc à partir de 1846. En 1841, la flèche de pierre de la tour gauche menaçant de s'effondrer fut abattue.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_personnes_enterr%C3%A9es_dans_la_basilique_Saint-Denis ((liste des tombeaux des rois de France)
http://www.tourisme93.com/basilique/abbaye-saint-denis.html
http://www.musagora.education.fr/dionysos/default.htm
http://www.mythofrancaise.asso.fr/mythes/themes/cephalop.htm
http://fr.topic-topos.com/basilique-de-saint-denis-saint-denis
http://fr.wikipedia.org/wiki/Basilique_Saint-Denis
http://architecture.relig.free.fr/denis2.htm
http://www.uquebec.ca/musique/orgues/france/sdenisp.html
http://www.histoire-image.org/site/etude_comp/etude_comp_detail.php?i=856 (photo de la façade de Viollet le Duc)
http://revues.unilim.fr/nas/document.php?id=2170
Saint-Denis, la basilique (dossiers d'archéologie)
Saint-Denis, l'extérieur
Saint-Denis, la façade occidentale
Elle date de l’époque de Suger, première moitié du XIIème siècle. L’aspect massif de l’édifice est renforcé par l’absence de la tour nord. Derrière, on distingue le pignon de la nef, orné lui aussi d'une rose.
L’influence romane se fait encore sentir, mais la rosace est quand à elle résolument gothique. Elle fut la première rose de l’histoire des cathédrales.
Les deux portails latéraux sont surmontés de deux niveaux de baies à trois arcades. Le portail central est, quant à lui, surmonté d'une baie à trois arcs et d'une rose.
Le portail central
Restauré au XIX ème siècle, il inaugure un thème important, le Jugement dernier.
Au tympan, le Christ en majesté, les bras écartés tenant deux phylactères, domine le linteau, sur lequel est représentée la résurrection des morts.
Chose étonnante, seul le bas de son corps est contenu dans la mandorle, le haut étant représenté devant une croix. Il est entouré des apôtres, des anges et de la vierge. A ses pieds, la représentation, refaite, de Suger priant. Suger fit graver ces deux vers sur le linteau : « Accueille dans les prières de ton Suger, juge redoutable, dans ta clémence, fais que je sois reçu parmi tes brebis. » Au registre supérieur, quatre anges tiennent les instruments de la Passion.
Les voussures figurent les représentations de l’enfer et du paradis, les âmes sauvées étant recueillies dans le sein d'Abraham et dans les bras d’un ange, et les 24 vieillards de l’apocalypse.
En 1771, les statues colonnes latérales furent remplacées par des colonnes à motifs géométriques, le trumeau représentant saint Denis fut enlevé afin de faciliter le passage des dais.
Aux piédroits, les vierges folles (à droite) et les vierges sages (à gauche), représentation des élus et des réprouvés, est nouvelle pour l’époque.
Les portes en bronze furent refaites à l’identique au XIXème siècle.
Le portail de droite
Précurseur des programmes hagiographiques gothiques consacrés aux saints patrons, il représente la dernière communion de Saint Denis et de ses deux compagnons emprisonnés.
Le Christ, entouré d’anges, descend du ciel pour leur administrer le dernier sacrement. Derrière la prison, les bourreaux, le préfet romain assis sur son trône, Larcia, qui les dénonça, mais qui se convertit après le miracle de la communion. La voussure extérieure date du XIXème siècle.
Dans les piédroits sont représentées les scènes des 12 mois de l’année, à l’intérieur de rinceaux sortant de la bouche d’un lion.
Le portail de gauche
Seule la voussure extérieure, représentant Dieu remettant les tables de la loi à Moïse, et les piédroits, ornés des signes du zodiaque, sont d’époque.
Le tympan représentant le supplice de Saint Denis, est un bas-relief refait en 1839. Suger rapporte qu’il avait placé à cet endroit « une mosaïque, nouveauté contraire à l’usage ».
Saint-Denis, la façade nord
Le maitre d'œuvre de 1231, anonyme jusqu'à ce jour, décida de raccorder les deux extrémités de l'église que Suger laissa inachevées, en créant un transept aux dimensions gigantesques avec trente-neuf mètres de longueur.
La façade du bras nord du transept est dominée par une large rose rayonnante. En dessous de celle-ci, un portail et une claire-voie. Au-dessus de la rose, un pignon à crochets, orné d'oculi et encadré de pinacles, qui couronnent les contreforts.
Le portail
Le portail nord, construit vers 1240, réutilise un portail attribué à Suger.
Six statues de rois de l’ancien testament prennent place dans les ébrasements,
la vierge du trumeau date du XIIIème siècle.
Le linteau présente à gauche le préfet Fescennius ordonnant l’exécution, au centre la flagellation de Denis, à droite, la dernière communion donnée par le Christ.
Le tympan reprend la décapitation des saints, avec la couronne des martyrs dans la partie supérieure. Au XIXème siècle, toutes les têtes furent refaites et les draperies grattées.
Au XVIème siècle, Catherine de Médicis ordonna la construction d'un mausolée circulaire, à l'extérieur du bras nord, destiné à recevoir les tombeaux des Valois, d'où son nom de rotonde des Valois. Si la rotonde fut démolie en 1719, la porte nord conserva le nom de porte des Valois.
Saint-Denis, l’intérieur
année 475, église mérovingienne : 20,6 m (68 pi) de long sur 9,5 m (31 pi) de large
année 775, église carolingienne : 63 m (206 pi) de long sur 22,6 m (74 pi) de large
année 1140, église gothique : 108 m (354 pi) de long sur 39 m (128 pi) de large, 29 m (95 pi) de haut
La nef
Elle date des XIIème et XIIIème siècles, unissant ainsi deux époques de construction, celle de Suger en 1140 et celle du maitre d'œuvre de 1231. Après les deux travées du narthex construites par Suger, aux ogives massives, la nef comporte sept travées.
Les trois travées orientales recevaient le chœur des moines. Elles étaient jadis séparées du reste de la nef par un jubé. Au niveau des deux dernières travées, les bas-côtés s'élargissent pour recevoir des tombeaux.
Son élévation est à trois niveaux : les grandes arcades, le triforium ou galerie de circulation avec des fenêtres hautes à quatre lancettes et trois roses. Le triforium à mur de fond ajouré comporte des séries de quatre baies géminées aux arcs tréflés. La nef est couverte de voûtes d'ogives quadripartites sur plan barlong.
Les collatéraux sont larges et voûtés d'ogives sur plan carré. Leurs soubassements sont ornés d'arcatures tréflées aveugles. Ils sont surmontés de fenêtres à deux lancettes et de grandes roses rayonnantes.
Le chœur et le chevet
Le chœur, voûté d'ogives sur plan barlong et consacré aux reliques, et le double déambulatoire, sont largement surélevés pour laisser plus de place à la crypte qui n'est pas complètement souterraine. Ils datent du XIIème siècle.
Le chœur s'entoure de deux cercles concentriques de douze colonnes, symbolisant les douze apôtres et les douze prophètes mineurs. Formant une couronne de lumière en hémicycle, les sept chapelles rayonnantes sont intégrées au déambulatoire. L'emploi de la voûte d'ogives et la lumière créée par les vitraux sont des innovations gothiques.
Les stalles
Alignées face à face dans la nef de l'église , elles datent du XVIème siècle et proviennent du château de Gaillon, en Normandie. Elles furent exécutées vraisemblablement par un artiste italien pour la chapelle de l'archevêque de Rouen, le cardinal Georges d'Amboise. Les panneaux de marqueterie de couleur au-dessus des sièges présentent les Vertus et les Sibylles, et les bas-reliefs des hauts dossiers représentent les épisodes de la vie du Christ et de la Vierge, et du martyre de saint Jean Baptiste. Viollet-le-Duc décida de les placer dans la nef lors de la restauration.
Les retables
À partir de 1952, d'importants travaux de restauration et d'aménagement sont réalisés sous la direction de l'architecte Jules Formigé. Les chapelles rayonnantes du chœur sont débarrassées de leurs peintures du XIXème siècle et reçoivent des parties de dallages médiévaux et des retables des XIIème et XIIIème siècles retrouvés au cours des fouilles archéologiques.
La chapelle Saint-Firmin, la première au nord dans le déambulatoire, présente un superbe retable du XIIème siècle figurant le Christ et les Apôtres.
Mosaïque de pavement
Cette mosaïque de pavement provient d'une chapelle, dédiée à saint Firmin. Elle représente le portrait du moine Aubry, donateur, signant son œuvre comme Suger sur le vitrail de l'Annonciation. Cette pièce de mosaïques du XIIème siècle fut très restaurée au XIXème siècle, et remise à son emplacement d'origine en 1957. Ce médaillon fait partie d'une mosaïque plus importante aujourd'hui disparue, dont il nous reste aussi la représentation du mois d'octobre.
Les regalia
Le trésor de Saint-Denis est célèbre pour son rôle de gardien des instruments du sacre, les regalia, que l'abbé doit apporter à Reims pour chaque sacre royal. Ce trésor fut dispersé et fondu à la Révolution, toutefois, une centaine d'objets furent épargnés pour être déposés au cabinet des médailles de la Bibliothèque nationale et au Louvre.
Aujourd'hui, Saint-Denis possède les insignes de la royauté reconstitués pour les funérailles de Louis XVIII en 1824. La vitrine de ces ornements restaurés présente le grand manteau de catafalque en velours de soie violet orné de trois cent soixante dix fleurs de lis d'or, le heaume et son ' timbre ', petite couronne royale, les éperons et les gantelets d'or, les copies du sceptre d'or de Charles V et de l'épée dite de Charlemagne, la main de justice et les deux couronnes du roi et de la reine.
Autel de la confession
La dénomination d'autel de la confession désigne l'aménagement cultuel du chœur de l'église au-dessus du tombeau d'un saint. Viollet-le-Duc succède à l'architecte Debret, en 1846, et reprend les travaux de restauration en restituant l'aspect originel de l'intérieur de l'église. Il dessine d'une manière néogothique le nouvel autel de la confession présentant les châsses des trois martyrs : saint Denis, saint Rustique et saint Éleuthère. L'autel de Viollet-le-Duc fait allusion au célèbre autel des Corps Saints disparu en 1626, mais il remplace, aussi, les trois célèbres reliquaires fondus en 1793.
Tombeau de Dagobert
Le tombeau fut exécuté au milieu du XIIIème siècle à la demande des moines de Saint-Denis. Il adopte la forme d'un enfeu à haut pignon dont le fond est traité comme un tympan. Les bas-reliefs nous racontent le rêve de l'ermite Jean ayant vu l'âme de Dagobert emportée par les démons et finalement sauvée par saint Denis, saint Maurice et saint Martin. Aux piédroits, les statues de Nanthilde, sa femme, et de Clovis II, son fils, ainsi que le gisant sont des restitutions de Viollet-le-Duc au XIXème siècle.
Notre-Dame, vierge de la Carole
Cette statue de la Vierge à l'Enfant du XIIème siècle, dite de la Vierge de la Carole, est l'une des plus anciennes d'Île-de-France. Elle n'est pas originaire de Saint-Denis, mais elle provient d'une autre abbaye bénédictine de Paris, l'abbaye de Saint-Martin-des-Champs, transformée en conservatoire des arts et métiers par l'abbé Grégoire (1750-1831).
On retrouve des traces de ses anciennes peintures. La composition de la statue reste hiératique, figée. Seul l'Enfant anime quelque peu le mouvement de l'ensemble de la composition.
Les vitraux
Au XIIème siècle, l'architecture gothique apparait pour la première fois dans le chœur de la basilique de Saint-Denis. Ce chœur de Suger est entouré d'un double déambulatoire ouvert sur des chapelles rayonnantes et Suger fait exécuter des verrières, aussi bien pour les fenêtres de la crypte que pour celles des chapelles supérieures.
Ici, une représentation de l’arche d’alliance ou quadrige Aminadab.
Les vitraux qui subsistent sont considérés comme les plus anciens de France. L'arbre de Jessé est le premier vitrail représentant ce thème de l'arbre généalogique du Christ, il est le modèle de celui de Chartres.
L’orgue
En 1806, Napoléon décida de restaurer l'église et on envisagea de reconstruire un orgue. En 1836, l'architecte en chef de la basilique, François Debret dessina le buffet actuel qui, malgré ses dimensions, s'inspire de miniatures médiévales. Cavaillé-Coll est chargé de cette construction. L'inauguration officielle eut lieu le 21 septembre 1841. Ce fut le point de départ de la célébrité d'Aristide Cavaillé-Coll.
Le cloître
De l’ancien cloître du XIIIème siècle, il ne reste qu’une arcature adossée au flanc sud de la basilique. Certains chapiteaux sont néanmoins conservés dans la basilique ou au musée de Cluny, à Paris.
Saint-Denis, la crypte
Vert : mausolée du IVème siècle
Orange clair : période mérovingienne (Vème-VIIème siècles)
Noir : période carolingienne (VIIIème siècle)
Orange : chapelle d’Hilduin (XIème remaniée XIIIème siècle)
Blanc : période gothique (XIIème-XIIIème siècle)
Rouge : période moderne
Au XIX ème siècle, la crypte fut nettoyée, restaurée et aménagée. La crypte archéologique abrite les vestiges des basiliques primitives et les premières tombes de la nécropole.
Les fouilles menées ont permis de mieux connaître les basiliques qui se sont succédées sur la tombe de Denis.
Toutes s’implantaient selon l’orientation définie par le premier édifice.
Crypte mérovingienne et carolingienne
De la construction du IVème siècle subsistent de puissantes fondations constituées de blocs gallo-romains.
L’église primitive est sans doute agrandie par sainte Geneviève dès la fin du Vème siècle. La nef est prolongée vers l’ouest et augmentée de deux bas-côté, d’un vestibule et d’une abside. Des embellissements intérieurs sont entrepris durant le règne de Dagobert Ier.
L’abbé Fulrad fait édifier une nouvelle basilique en 775. De sa crypte annulaire ne subsiste que le mur extérieur percé de petites fenêtres. Certaines conservent des traces de polychromie imitant le marbre. L'élévation intérieure correspond dans la partie basse à une crypte-martyrium. Depuis 1972, un massif de tuiles restitue les corridors courbes de cette crypte.
Chapelle de la Vierge
En 832, l'abbé Hilduin édifie une crypte dédiée à la Vierge, à saint Jean-Baptiste, aux apôtres et à plusieurs saints.
On n'identifie plus aucun vestige de cette construction si ce n'est l'orientation déviante de cette partie de l'édifice. La chapelle centrale, voûtée en berceau cintré, a quant à elle conservé ses chapiteaux d'origine, qui sont de style roman.
La crypte est reconstruite au XIIème siècle sous la forme de trois nefs parallèles dont les parois intérieures sont ornées d'arcatures retombant sur les chapiteaux historiés. C'est chapiteaux sont les rares témoignages de la sculpture romane en Île-de-France. Six tombeaux en marbre noir de Tournai sont déposés dans la chapelle et le dernier, toujours vide, attend Charles X.
Crypte de Suger
Elle comporte un déambulatoire dont les chapiteaux ont été restaurés par Viollet-le-Duc.
La crypte n'est pas enterrée (ce qui explique la forte surélévation du chœur) et elle est éclairée par de grandes baies cintrées. Les voûtes d'arêtes retombent sur de grosses piles cylindriques ornées de chapiteaux à feuillages et palmettes. Sept chapelles rayonnantes établies pour supporter l'étage supérieur s'ouvrent sur le déambulatoire.
Chapiteaux romans
La partie supérieure du chapiteau, appelée tailloir, est ornée de palmettes plates. La partie inférieure, appelée corbeille, est sculptée d'une scène historiée. Les sujets des corbeilles sont divers, scènes de l'Ancien Testament, de la vie du Christ.
L’un des chapiteaux représente une scène de la vie de saint Benoit durant sa visite à l'ermite Romanus descendu au fond d'un puits pendant trois ans.