Mozac, historique
Le village de Mozac, du latin Mauziacum (placé au milieu des eaux), est situé à quelques pas de Riom sur la voie Augustonemetum-Avaricum (Clermont-Bourges). Il se développa au bord des ruisseaux d’Ambène et des Moulins-Blancs.
Au sud du bourg, un ancien temple, peut-être dédié aux Génies Arvernes, fut construit : des pierres de réemploi et un autel en marbre datant du Ier siècle furent découverts. C’est sur cet emplacement qu’au VIIe siècle, selon la tradition, saint Calmin fonda la première abbaye. Une première église fut construite sous le vocable de Saint-Pierre, dont il nous reste quelques vestiges au rez-de-chaussée du clocher-porche.
En 848, Pépin II d'Aquitaine fit transférer reliques de saint Austremoine, premier évêque d’Auvergne au IIIe siècle, de Volvic à Mozac. Les pèlerins affluèrent, les dons aussi. Une deuxième église vit le jour, dont il nous reste la base du clocher-porche et la crypte.
Placée dès l’origine sous la règle de saint Benoit, l’abbaye, placée sous protection royale, fut rattachée à Cluny en 1095, comme Marsat qui en dépendait. S’ensuivit la construction d’une troisième église, dont seuls subsistent le premier étage du clocher-porche, les bases du transept, la nef centrale et le bas-côté nord, le reste ayant été détruit au XVe siècle par une série de tremblements de terre.
Une inscription latine sur un pilier mentionne le nom d’un chevalier fondateur : Bégo de Lastic. Il semblerait que la construction de l’église romane ait été le fait d’un abbé choisi par Cluny en 1131 : Eustache de Montboissier, descendant de Hugues de Paillers-Montboissier dit le Décousu (fondateur de la Sacra di San Michele), neveu de Hugues II de Semur (abbé de Cluny représenté sur le linteau de l’Hommage) et frère de Pierre le Vénérable (abbé de Cluny successeur de son oncle et ami de saint Bernard).
Les parties romanes détruites de l’abbaye (dont le grand clocher octogonal) furent restaurées avec de petits moyens par l’abbé Raymond de Marcenat qui fit reconstruire en gothique, avec l’utilisation nouvelle de la pierre de Volvic, le chœur, le transept, le bas-côté sud, le cloître et les bâtiments conventuels.
Il fit également réparer, à la même époque, le prieuré Saint-Priest de Volvic, dépendant de Mozac. Il se servit largement des pierres en réemploi, ce qui permit d’en retrouver quelques-unes. La crypte, comblée par l'effondrement du chœur, fut oubliée. Elle ne sera redécouverte qu’en 1849 par l’architecte Aymon Mallay.
Les derniers grands travaux, le remplacement du plafond en bois par une voûte en pierre, furent faits en 1741 par Jean Chalat, maître tailleur de pierre de Riom. A la révolution, après un lent déclin, il ne restait plus que 7 moines qui furent chassés, et l’abbatiale, propriété de la commune, devint paroissiale en 1790 sous le nom de Saint-Austremoine.
Le cloître fut détruit par les nouveaux propriétaires, ainsi qu’une partie des bâtiments conventuels. En décembre 2007, le conseil municipal racheta l’ensemble de la propriété qui redevint publique.
http://architecture.relig.free.fr/mozac.htm
http://fr.wikipedia.org/wiki/Abbaye_de_Mozac
http://fr.wikipedia.org/wiki/Calmin
http://www.art-roman.net/mozac/mozac2.htm
Mozac, la vie de saint Calmin et le trésor de l’abbaye
Saint Calmin est de nos jours invoqué pour toutes les maladies de la langue. Difficile de séparer ce qui vient de la légende de la vie réelle de ce personnage. Plusieurs sources nous parlent de Calmin et de Namadie : tout d’abord du XIIe siècle l’hagiographie écrite par les moines de Mozac, puis les informations que nous donne la châsse contenant ses reliques, puis « Histoire de la vie de saint Calmin », écrite en 1646 par Thomas d’Aquin. Ces sources parlent d’un haut personnage, homme de guerre, puis sénateur romain avant de devenir duc d’Aquitaine et comte d’Auvergne, vivant au temps de Justinien (527-565).
Homme très fortuné, issu d’une grande famille romaine installée à Clermont, Calminius décide de vivre une vie religieuse. Il part dans le Velay en tant qu’ermite.
Rejoint par des cénobites, il fonde un premier monastère, au Monastier-sur-Gazeille.
Il reprend la route et s’installe près de Tulle, où il fonde un deuxième monastère à Laguenne. Il se rend à Rome, afin d’obtenir définitivement la consécration du Monastier. Il passe en revenant par l’abbaye de Lérins, sous la règle de saint Benoit qu’il découvre. L’abbé lui confie une vingtaine de moines, et il se rend à Mozac. C’est la fondation de son troisième et dernier monastère.
Il reprend une dernière fois la route pour Rome et obtient du pape une partie du crâne de saint Pierre (maxillaire). Rentrant à Mozac, il s’arrête à Agen d’où il repart avec une portion du bras de saint Caprais. Ces précieuses reliques vont agrémenter l’abbaye de Mozac, ainsi que la renommée de Calmin, considéré comme un saint de son vivant. Il meurt en odeur de sainteté et est enterré dans la crypte. L’église est alors dédiée à saint pierre et saint Caprais.
Pendant ce temps, son épouse Namadie fonde l’abbaye de Marsat pour les moniales. Devenue veuve, elle s’y retire et y meurt vers l’an 700. Leurs reliques sont conservées dans une châsse, fabriquée au XIIe siècle. L’hagiographie de Calmin date de cette période et se base sur des légendes, enjolivées afin de renforcer la renommée de l’abbaye. En réalité, Calmin ne put pas être duc d’Aquitaine, ni comte d’Auvergne, ces deux titres n’existant pas à son époque. Il s’agit plus de titres honorifiques. Quand au monastère de Marsat, Il fut fondé par l’évêque de Clermont, saint Priest, afin de veiller sur les reliques de la Vierge.
Quoi qu’il en soit, la châsse contenant leurs ossements fait partie du trésor de l’abbaye. Elle échappa aux destructions de la Révolution grâce à un habitant du village, conseiller municipal, qui la cacha.
Datant du XIIe siècle, elle est en bois sur lequel sont fixées 14 plaques de cuivre supportant des émaux champlevés de Limoges. Ses dimensions (0,81 × 0,24 × 0,45 m) en font la plus grande qui soit parvenue jusqu’à nous.
Trois des panneaux représentent la fondation des abbayes par Calmin, la mort des époux et la célébration d’une messe par l’abbé Pierre III de Mozac, donateur de la châsse. S’y trouvent aussi représentés une crucifixion, un Christ en gloire, les apôtres, une vierge à l’enfant en majesté et saint Austremoine.
L’abbaye possède justement quelques-unes des reliques d’Austremoine. Elles furent transférées d’Issoire à Volvic, puis à Mozac, qui prit quelquefois le vocable de ce saint. Elles sont contenues dans une châsse en bois peint datant du XVIIe siècle, elle aussi cachée pendant la Révolution. Les peintures représentent les 12 apôtres.
En même temps que les châsses sont exposés un calice en argent et sa patène, ainsi que d’autres reliquaires de moindre importance.
Le musée des tissus de Lyon a fait l’acquisition du suaire d’Austremoine, une soierie datant du VIIIe siècle ayant appartenu à Mozac. Elle est byzantine, et représente deux empereurs chassant le lion de chaque côté d’un arbre de vie.
Dans la chapelle Saint-Austremoine, se tient une statue de saint Antoine représenté avec un cochon. Cette tradition du cochon comme attribut du saint date de la fin du XIVe siècle, Antoine n’ayant dans sa vie jamais eu à faire avec cet animal. Par contre, les Antonins, ordre religieux fondé en Dauphiné en 1095 pour s’occuper des malades atteints du mal des Ardents à Saint-Antoine-l’Abbaye (possédant les reliques du saint) avaient seuls le droit de laisser en liberté leurs cochons, nourris par les habitants. D’où l’amalgame.
Mozac, l’extérieur
Le plan basilical de l’église romane Saint-Pierre et Saint-Caprais de Mozac en croix latine avec 4 chapelles rayonnantes et déambulatoire, était identique à celui des églises majeures d’Auvergne de la même époque.
Ses dimensions égalaient celle d’Issoire. La présence de ces 4 chapelles indique qu’en dessous courent 4 rivières souterraines, artificielles ou naturelles, servant à relier l’autel aux informations énergétiques de l’eau. Le nombre de chapelles pose un problème : en effet, les églises dédiées à la vierge en possèdent un nombre pair. L’église aurait-elle en secret un rapport avec la Vierge ?
Ce qui semblerait confirmé par le linteau en bâtière de la porte du XIIe siècle, reliant le transept sud au cloitre avant d’être murée.
Ce linteau, dit de « l’Hommage », représente la Vierge en majesté, assise sur une cathèdre, tenant l’enfant sur ses genoux. Comme toutes les représentations des vierges noires auvergnates, ses mains sont démesurément longues. L’enfant bénit de sa main droite et tient un livre fermé de sa main gauche.
A la droite de la Vierge, saint Pierre et ses clés, saint Austremoine montrant de la main Hugues de Semur, neveu de saint Hugues de Cluny et abbé de Mozac, qui porte hommage. Il est le seul à se tenir penché, prosterné, sans regarder la Vierge. Entre eux, un personnage inconnu.
A gauche, saint Jean, deux évêques tenant la crosse et un troisième personnage. Pourquoi pas parmi les inconnus saint Caprais et saint Calmin, dont les reliques se trouvent dans l’église en même temps que celles de saint Austremoine ?
L’entrée se fait actuellement par un portail ouvert sur le côté nord, réaménagé au XIXe siècle quand l’église devint paroissiale. L’encadrement date de 1802. L’archivolte au-dessus, en arkose, appartenait au portail roman.
Y sont gravés ces vers : « En pénétrant dans cette église, portez votre regard vers les choses d’en haut… »
L’intérieur du porche et son portail restent roman. Le tympan présente un dessin d’une descente de croix, d’âge indéterminé.
Sur la gauche s’élève le clocher-porche, dont la base date du IXe siècle. Les pierres utilisées furent empruntées à un édifice gallo-romain. Le premier étage date du XIIe, quand cette tour faisait partie du système de fortification de l’abbaye.
Elle était crénelée et servait de porte d’entrée. Le deuxième étage date du XVe. Raymond de Marcenat fit enlever les créneaux et transforma la tour en clocher quand celui de la croisée des transepts fut détruit.
La façade nord en arkose et l’appareil alvéolé date du XIIe siècle. Les ajouts en pierre de Volvic sont du XVe.
En haut à gauche restent les traces d’un essai de reconstitution extérieure par l’architecte Ruprich-Robert au XIXe siècle des anciens niveaux d’élévation, qui nous montre la hauteur réelle de l’église du XIIe.
Le chevet roman à chapelles rayonnantes fut remplacé par un chevet gothique à trois pans, tenu par trois contreforts peu harmonieux.
Le côté sud, entièrement remanié au XVe siècle, donne sur l’ancien cloitre dont il ne reste plus que deux arcades gothiques, le reste ayant été détruit après la révolution. Les galeries couvertes ont été démolies et l’on ne distingue plus que quelques corbeaux où s’accrochaient les appentis.
D’autres portes donnent sur le cloitre, portant les écussons d’abbés de Mozac, Duprat et Marcenat.
La porte ouverte sur la première travée, du XVIe siècle, possède un arc en accolade.
L’angle sud-est est ouvert par deux arcades sur l’ancienne salle capitulaire, devenue réfectoire puis débarras.
http://195.220.134.232/numerisation/tires-a-part-www-nb/0000005380084.pdf
http://www.archipicture.free.fr/france/auvergne/puy_dome/mozac.html
« Mozac, l’abbaye royale et l’église des bénédictins » de l’abbé J.Bonnet
Mozac, l’intérieur
La nef (50 m de long sur 17m de large avec les bas-côtés) comporte six travées voûtées d’ogives.
Le plafond date de 1741. Les arcs reposent sur des culs de lampes ornés de feuilles d’acanthe. Les trous sont des échéa (vases d’argile destinés à améliorer l’acoustique).
Les piliers sont lisses du côté de la nef, ce qui indique plusieurs choses : pas d’arcs doubleaux sous l’ancienne voûte, et ceux qui empruntaient la voie centrale n’avaient pas besoin du message des chapiteaux.
Les trois autres côtés ont des colonnes engagées aux chapiteaux posés sur deux tores séparés par une moulure. Les piliers sont reliés par des arcs en plein cintre.
Côté ouest, une porte gothique fut percée vers 1460 afin de faire communiquer la nef et l’ancien porche devenu clocher.
Les collatéraux sont voûtés d'arêtes.
Le bas-côté nord n’a pas été restauré et garde ses fenêtres d’origine.
Le mur du bas-côté sud fut refait au XVe siècle, percé de fenêtres tréflées. Il possède des chapelles latérales dont celle qui conservait les reliques.
La troisième chapelle, dite de Saint-Pierre, possède une armoire gothique au-dessus de laquelle une inscription de 1480 donne le nom du fondateur : Dom Guillaume Focaud, sacristain, en l’honneur de saint Sébastien.
Le chœur et le transept, réalisés par l’abbé Raymond de Marcenat au XVe siècle, étaient séparés de la nef par un jubé.
C’est sur la croisée du transept que l’on retrouve les stalles en chêne sculptées de miséricordes datant de 1410, installées par l’abbé Philibert Archimbaud.
Mozac, la crypte
La crypte carolingienne de l’église abbatiale date du début du Xe siècle, ce qui en fait l’une des plus anciennes de l’Auvergne avec celle de la cathédrale de Clermont-Ferrand qui date de 946.
Elles possèdent d’ailleurs toutes deux à peu près le même plan : une pièce centrale, divisée en trois petites nefs ou niches, entourée d'un mur plein très épais. A cette époque, la vocation d’une crypte est de conserver les reliques des martyrs et des saints, d’où le nom premier de martyrium.
C’est dans la nef centrale que se trouve le puits, prise de terre naturelle. Il harmonisait le lieu en déversant le trop plein des forces cosmiques et telluriques en préservant l’équilibre. Profond de 2 mètres, il a une circonférence de 60 cm.
Les murs nord et sud, contenant des remplois gallo-romains, atteignent 2,40 m d’épaisseur.
Les voûtes sont soutenues par des colonnes à chapiteaux feuillus, certainement remplacés au XIe siècle.
Au XIIe siècle, à l’époque de la reconstruction de l’église romane, un déambulatoire agrémenté de 4 chapelles rayonnantes se rajouta.
La crypte fut utilisée jusqu’au XVe siècle, puis fut comblée après le tremblement de terre qui détruisit le chœur roman, et sa reconstruction en gothique par Raymond de Marcenat.
Elle fut partiellement dégagée en 1616, afin d’aménager un caveau funéraire, par un religieux bénédictin originaire de Riom, Dom Richeroy. Oubliée, elle fut redécouverte en 1849 par l’architecte Aymon Mallay, qui, travaillant pour Violet-le-Duc, la déblaya et la restaura.
C’est lors de ces travaux que les deux chapiteaux de l’ancien chœur roman exposés dans la nef seront retrouvés. Les restes du déambulatoire et des 4 chapelles rayonnantes furent retrouvés lors de fouilles faites en 1966.