Theodulf d'Orléans
C’est vers 755 au nord de l’Espagne, au sein d’une noble famille wisigothique, que naquit Théodulf (Theodelphus en latin). Après un début de vie laïque, où il se maria et eut un enfant, il entra au monastère d’Aniane. Remarqué pour son intelligence, il fut pris sous la protection de Benoit d’Aniane, abbé fondateur de l’abbaye.
Theodulf devint théologien. Grand orateur, il fut aussi poète et écrivit beaucoup. Charlemagne l’appela à la cour impériale où il devint son conseiller, en même temps que le célèbre Alcuin, abbé de Saint-Martin-de-Tours.
Vers 797 il fut nommé évêque d’Orléans et reçut les charges de nombreuses abbayes, dont la principale fut celle de Fleury, appelée plus tard Saint-Benoit-sur-Loire. Il y instaura la règle de Saint-Benoît d’Aniane.
Il développa l’enseignement élémentaire dans l’Orléanais et mit en place un enseignement supérieur à Sainte-Croix-d’Orléans et dans les abbayes dont il avait la charge, en même temps qu’il réforma le système hospitalier.
Il fut l’un des missi dominici (envoyés chargés de faire respecter les ordres aux vassaux) de l’empereur. En tant que tel, il fit à l'Empereur la relation de son voyage en Septimanie dans un poème, le « Paraenesis ad judices ». Il y est fait mention de la ville de Redhae, devenue le village très connu de Rennes-le-Château.
Iconoclaste, il rédigea au nom de l’empereur le « Libri Carolini » dans lequel il condamne la pratique de l’adoration des images. En 816, le pape Etienne IV lui conféra le privilège de porter le pallium.
Peu après la mort de Charlemagne, il fut accusé en 818 d’avoir soutenu la révolte du roi Bernard en Italie (contestant le partage de l’empire carolingien) contre le fils de l’empereur, Louis le Pieux. Il fut exilé à Angers où il mourut le 18 décembre 821. C’est là qu’il composa l'hymne "Gloria Laus" qui est toujours chanté à Orléans et à Germigny-des-Prés lors de la procession des Rameaux. Il fut canonisé ensuite par l’Eglise.
En tant que participant à la renaissance carolingienne, membre de l’académie Palatine (fondée par Alcuin et Charlemagne, comptant autant de membres que de muses, c'est-à-dire 9, modèle de toutes les académies occidentales), grand érudit de son temps, Théodulf, devant parfois recevoir quelques intellectuels de son monde, fit reconstruire une villa dans le Val d’Or, sur les bords de la Loire, non loin de son évêché d’Orléans.
L’histoire de Germigny-des-Prés
Les berges de la Loire furent peuplées dès le Paléolitique. Bien plus tard les celtes prirent le relai, puis les gallo-romains. Parmi eux, un certain Germaniacus se fit construire une villa dans le Val d’Or, qui devint propriété des abbés de Fleury.
Un autre Val d’Or porte une merveille, celui de Paray-le-Monial au bord de la rivière Bourbince.
Théodulf venait se reposer à la campagne dans la villa de Germaniacus, qu’il fit reconstruire vers 800 pour recevoir ses illustres amis. Vers 803 il lui adjoignit un oratoire.
Terminée probablement vers 806, richement décorée, la chapelle privée fut consacrée sous le vocable de Saint-Sauveur, et non pas dédiée à sainte Geneviève et saint Germain, inscription faite sur un pilier par (un) Chrétin, faussaire patenté, lors de la restauration de l’église au XIXe siècle.
La date de sa dédicace, un 3 janvier, est gravée sur un pilier, « Tertio nones januarias dedicatio hujus aecclesiae ».
Germigny fut le siège d’un concile en 843 au cours duquel fut débattue une réforme des ordres monastiques. En 854 et 865 y résida le roi Charles le Chauve.
L’oratoire fut incendié à la fin du IXe siècle, probablement par les Normands. Au XIe siècle, entre 1060 et 1067, Hugues, abbé de Fleury, fit ajouter une nef en détruisant l’abside ouest.
L’oratoire devint église prieurale dépendante de Fleury en 1168, puis paroissiale au XIIIe siècle. L’église fut rénovée au XVe siècle, une nef plus grande fut reconstruite. Au XVIe siècle durant les guerres de religion, elle fut endommagée. La nef fut reconstruite, surmontée d’un clocher, et en 1755 l’intérieur de l’église fut recouvert d’un épais badigeon.
Classée monument historique en 1839 après la découverte de mosaïques en 1820, elle fut entièrement rénovée et pratiquement reconstruite par l’architecte Juste Lisch de 1867 à 1876. C’est juste Juste qui allongea la nef, supprima les absidioles orientales et détruisit l'étage supérieur de la tour.
Germigny-des-Prés, l'oratoire
L'oratoire carolingien de Théodulf, devenu à l’heure actuelle l’église de la Très-Sainte-Trinité, est l'une des plus anciennes églises de France.
Il fut probablement réalisé par l’architecte Odon (Eudes) de Metz, un arménien qui fut maître d'œuvre de celui d'Aix-la-Chapelle, construit pour Charlemagne en 792.
Les influences peuvent venir d’Italie (mausolée de Galla Placida à Ravenne),
mais aussi d’Espagne (église wisigothe de San Pedro de la Nave près de Zamora).
Construit en pierres calcaires, l’oratoire de Théodulf présente un plan centré en croix grecque (tradition hellénistique et byzantine. Ici, 4 absides semi-circulaires sur 4 côtés d'un carré de 10m par 10m).
Les 4 piliers centraux déterminent 9 cases (carré de Saturne?). Celle du centre délimite les contours de la tour lanterne s’élevant au-dessus. Pour les amateurs de géométrie sacrée, voir « La géométrie comparée et la géométrie sacrée » D’Yvo Jacquier, ouvrage consacré à Germigny :
La façade occidentale du XIXe siècle, dominée par un pignon abritant deux cloches, et dont le portail cintré est surmonté d'un oculus, ne présente aucun intérêt. L’entrée se faisait du temps de Théodulf par l’abside orientale, plus grande que les autres. Elle était reliée à sa villa.
Le chevet à l’est, dépouillé de ses absidioles (prothesis au nord dévolu à la préparation eucharistique et diakonikon au sud réservé au matériel liturgique), laisse au photographe la possibilité de faire un cliché très romantique.
On accède au sanctuaire carolingien par la nef de cinq travées, recouverte par une charpente en bois. Rajoutée au XIXe siècle, elle non plus ne présente aucun intérêt.
Le centre de la partie la plus ancienne est délimité par 4 arcades surmontées d'une tour lanterne. La base de la tour lanterne est composée d'un triforium à trois baies aveugles. La coupole date du XIXe siècle.
Chaque arc (légèrement outrepassé) ouvre sur une travée voûtée en berceau cintré, donnant sur les chapelles semi-circulaires. Toutes les chapelles devaient être décorées de mosaïques, mais une seule nous est parvenue, celle de la chapelle orientale.
La mosaïque de Germigny
Découverte sous le badigeon vers 1820, restaurée en 1841, cette mosaïque se situe sur la demi-coupole en cul-de-four de l'abside orientale, au-dessus d'une série de petites arcatures aveugles ornées elles-mêmes de mosaïques détruites par notre ami Juste.
Les mosaïques furent commandées par Théodulf au IXe siècle, lui qui condamnait l’adoration des images. Il y avait là des motifs floraux et géométriques, des arabesques, des palmettes caractéristiques de l’art omeyyade, des Karoubim (chérubins).
Il trouva un thème symbolique pour le chœur, remplaçant le Christ entouré des évangélistes ou la Vierge en majesté que l’on y trouve habituellement: l’Arche d’Alliance, surmontée de deux chérubins, le tout encadré par deux anges.
Tous ces symboles vont bien plus loin. Une étude assez complète fut faite, que vous retrouverez ici. Pour ma part, je pense que l’étude peut aller encore plus loin, au troisième degré de lecture.
L’inscription qui court sous l’arche, « ORACLUM SCM ET CERUBIN HIC ASPICE SPECTANS ET TESTAMENTI MICAT ARCA DEI HAEC CERNENS PRECIBUSQUE STUDENS PULSARE TONANTEM THEODULFUM VOTIS IUNGITO QUAESO TUIS », peut se traduire ainsi: « Vois ici et contemple le Saint Oracle et ses chérubins, ici resplendit l'Arche du Testament Divin. Devant ce spectacle, efforce toi de toucher par tes prières le Maître du Tonnerre et ne manque pas, je t'en prie, d'associer Théodulf à tes vœux »
D’après Geneviève Béduneau, il y aurait 3 niveaux de lecture : “Le premier niveau de lecture nous invite à contempler l’Arche et à prier pour Théodulf. Le deuxième est un conseil aux chantres pour bien placer leur voix dans cet édifice dont les proportions sont celles de la gamme naturelle, qui donc résonne au moindre souffle. Le troisième niveau de sens est sans doute alchimique, avec une allusion à la valeur purificatrice du son des cloches.
http://de-caen-au-puy-en-tandem.wifeo.com/germigny-des-pres.php
http://www.encyclopedie-universelle.com/germigny-les-pres-oratoire.html
http://www.tourisme-loire-foret.com/mediatheque/ORATOIRE/fiche_visite_oratoire_F.pdf
http://theudericus.pagesperso-orange.fr/Donnery/Theodulphe_Orleans/Theodulphe_Orleans.htm
http://jfbradu.free.fr/mosaiques/germigny/03theodulf.htm
http://architecture.relig.free.fr/germigny.htm
http://rlcpalimpsesta.blogspot.fr/2011/12/germigny-des-pres.html