L’abbaye Saint-Martin du Canigou
L’abbaye Saint-Martin du Canigou se situe sur le territoire du village de Casteil, sur les pentes du Canigou. Elle fut construite sur un piton rocheux. Dédiée à Saint-Martin, il serait étonnant qu'elle ne fut pas la suite de quelque site mégalitique.
Il est bien connu que Martin détruisait les mégalithes, et qu'il les remplaçait par des églises chrétiennes... Les légendes en font foi. Le conflent est riche en menhirs et dolmens. Je me demande si la pierre servant à receuillir l'eau destinée à désaltérer les marcheurs à l'arrivée sur l'abbaye...
Ces marcheurs doivent grimper sur le chemin de Saint-Martin, qui s’amorce à Casteil, et traverser la forêt de Marialles. Les chataigners en sont les gardiens. L'eau descend de la montagne en suivant des canalisations étonnantes.
Ils doivent passer par une belle porte de vie, qui marque une première enceinte énergétique, avant d'arriver à la chapelle de Saint-Martin le Vieux, qui servit de chapelle funéraire à l'abbaye et qui fut la première église paroissiale de Casteil.
Cette longue ascension est nécéssaire, comme dans tous les sanctuaires d’importance, afin de se vider physiquement et spirituellement, et se remplir d’énergie nouvelle arrivant en haut.
L’historique
L’abbaye est fondée le 12 juin 1005 par Guilfred Cabreta, comte de Conflent et de Cerdagne, avec la collaboration de son jeune frère Oliba, évêque d'Elne, sur l'emplacement d'une ancienne église.
Le 13 novembre 1009, l'abbé Oliba "vint au lieu appelé Canigou, pour consacrer en l'honneur de Saint Martin, de la Sainte Vierge Marie et de St Michel archange, l'église située en ce lieu qu'on appelle monastère du Canigou, construite dans la montagne par un prêtre que l'on nomme Sclua."
Les parèdres Saint Michel et Marie, sur l'ancien site sacré.
Quelques années plus tard, l'église se dote des reliques de saint Gaudérique, que Guilfred, avec l'aide de ses hommes, a gentiment dérobées à l'église St Sernin de Toulouse. L'abbatiale est alors agrandie par l'afflux des dons et re-consacrée.
Le comte se fera moine et rejoindra la communauté bénédictine qu'il avait créé. Il creusa lui-même sa tombe dans le roc du Canigou Il mourut en 1049 et y fut enterré. La taille de cette tombe montre que le comte mesurait près de 2 mètres, au contraire de sa femme, nettement plus petite.
L'abbaye commença alors rapidement à décliner : dès le XIIème siècle, elle est rattachée à l’abbaye de Lagrasse, dans l'Aude. Cela fut cause d'un conflit, avec mise à sac et pillage, qui se régla finalement par arbitrage du pape. Les moines survivants réinstallèrent le monastère. Les deux siècles suivants marquèrent une période de calme et de prospérité. Mais le terrible tremblement de terre de 1428 ébranla sérieusement le monastère : de nombreux bâtiments furent détruits, le clocher fut écrêté, l'église résista tant bien que mal. Ce fut quasiment la fin de l'abbaye car les terres qu'elle possédait, et donc les revenus engendrés (en argent ou en main d'œuvre) n'étaient pas suffisantes pour tout reconstruire.
En 1506 l'abbaye est placée sous commende et finit par être sécularisée en 1782 par Louis XVI.
Lors de la Terreur, l'abbaye fut fermée après expulsion des derniers religieux, et tous ses biens furent éparpillés, les reliques de saint Gaudérique sont transférées à Perpignan et les ossements de Guilfred furent descendu dans l'église de Casteil. En 1793 ils seront dispersés par les soldats de Ricardos. Les bâtiments se transformèrent alors en carrière de pierre pour les habitants des environs, les chapiteaux du cloître furent pillés, de même que les sculptures et le mobilier.
Il faudra attendre le début du XXème siècle pour que l'abbaye reprenne vie. L'évêque de Perpignan alors en fonction, monseigneur de Carsalade du Pont, entreprit la reconstruction du monastère, dont il ne restait plus grand chose, si ce n'est le clocher, l'église (dont une partie de la voûte s'était effondrée), et trois galeries du cloître inférieur.
De 1952 à 1983, dom Bernard de Chabannes achève la restauration de l’abbaye et y rétablit la vie spirituelle. Le monastère est actuellement occupé par la communauté des béatitudes.
http://architecture.relig.free.fr/canigou1.htm
http://notes.romanes.free.fr/images/catalan66/stmartin/texte.htm
http://fr.wikipedia.org/wiki/Abbaye_St_Martin_du_Canigou
http://www.encyclopedie-universelle.com/abbayes%20-%20plans.html (plan)
L'église abbatiale
Elle est
constituée de deux églises superposées : l'église inférieure, dédiée à Notre-Dame-sous-terre,
et l'église supérieure, dédiée à saint Martin.
L'église
inférieure est majoritairement souterraine, mélange de style pré-roman et de
roman primitif. Sa hauteur sous voûte n'excède guère
3 mètres
.
La partie
orientale (absides et travée attenante) remonte vraisemblablement à la
consécration de 1009, certains archéologues la font remonter au VIIIème siècle,
au temps des carolingiens, ce qui confirme la présence d’un ancien sanctuaire.
Le
reste de l'édifice date des années 1010-1020, en concordance avec les travaux
menés après l'acquisition des reliques de saint Gaudérique et la nouvelle
consécration de l'église.
Certaines colonnes et leurs chapiteaux ont été emprisonnés dans des piliers de maçonnerie pour les renforcer. Ils ont été dégagés récemment, et ont une ressemblance avec les colonnes de l’église supérieure.
L'abside et les deux absidioles voûtées en cul de four sont
taillées dans la roche.
La vierge
vénérée dans la crypte fut bien évidemment volée, remplacée par une copie.
L'église
supérieure est le résultat d'une seule campagne de construction, à savoir
celle menée dans les années 1010-1020 (en même temps que l'agrandissement de
l'église inférieure).
Sa construction a nécessité le renforcement des colonnes
de l'église inférieure, qui furent englobées dans des piles carrées.
Comme
l'église inférieure, l'église Saint-Martin est composée de trois nefs, séparées
par des colonnes monolithes et voûtées en berceau en plein cintre (sauf entre
la troisième et la quatrième travée, où la paire de support est de forme
cruciforme et soutient un arc doubleau).
Plus tardivement, on a adjoint à cette
église une petite chapelle afin d'y placer les reliques de saint Gaudérique :
cela a résulté dans la création d'une quatrième abside au chevet de l'église.
La
tour-porche, simplement adossée à la partie est de l'église, abrite une
chapelle dédiée à Saint Michel. Elle ne
fait plus que
19 mètres
,
après sa destruction partielle en 1428. Elle ne fut en effet jamais rétablie
totalement. Au premier étage, les faces sont percées de deux petites baies en
plein cintre surmontées de bandes lombardes (une seule baie côté ouest). Au
second étage, les faces sont alternativement percées de deux baies simples ou
de deux ensembles de baies géminées. Le crénelage date de la reconstruction.
Dans le
clocher, tout en haut, Saint Michel. Dans la crypte, tout en bas, la vierge. Normal.
Saint Michel nous est présenté maîtrisant le dragon à côté de la fontaine. Comme
Gaudérique, il est maître des eaux…
Le cloître
Les
restaurations des années 1900-1920 furent assez libres dans le cloître, dont il
est difficile d'imaginer l'aspect original. Il a la forme d'un quadrilatère
irrégulier (
14 mètres
de longueur pour les galeries nord, sud et est,
10 mètres
pour la galerie
occidentale).
Il comportait
deux niveaux, construits pour le premier au tout début du XIème siècle et pour
le deuxième à la fin du XIIème siècle. Le niveau inférieur, qui présentait des
galeries voûtées et des arcades en plein cintre dénudées de tout décor, n’a
conservé que trois galeries qui ont été fortement restaurées, leur faisant
perdre leur caractère d'origine.
Le niveau supérieur, couvert en appentis,
possédait des chapiteaux de marbre, qui furent éparpillés après la fermeture du
monastère à
la Révolution.
restauration a permis d'en récupérer certains, qui furent intégrés dans la nouvelle galerie méridionale. Cette galerie est en effet pure fantaisie, car l'aile méridionale des bâtiments conventuels avait totalement disparu et sa reconstruction était invraisemblable : d'où l'établissement de cette galerie sud, ouvrant sur le précipice, et réutilisant des chapiteaux tant de l'ancien étage supérieur (en marbre blanc, vers 1170) que d'autres leur étant postérieurs (marbre rose, courant XIIIème siècle).
Quelques
uns sont historiés. Nous trouvons la danse de Salomé, expliquée bien entendu
comme une allégorie de la luxure (arghhh),
une procession liturgique de moines,
des animaux
ailés tenant dans leurs gueules le bout de leurs ailes,
un arbre de vie sous
lequel ondule un serpent (connaissance) ou un poisson (Ichtyus, symbole de l’ère
des poissons que nous quittons),
la représentation de colonnes torves
surmontées de grenades (temple de Salomon ?). Difficile de trouver une
progression.
Les
pierres tombales, de style gothique, de trois abbés de Saint-Martin sont
insérées dans les piliers du cloître.
Le reste
des bâtiments conventuels date du début du XXème siècle : il ne restait
pratiquement plus rien des anciens locaux.