Le cloître
Le cloître d'Elne est un des rares grands cloîtres roussillonnais conservé presque intact. Commencé à l'apogée de l'art roman, et continué au long de la période gothique, il rassemble, sous une unité architecturale romane, une grande diversité de sculptures.
Bâti en marbre blanc veiné de bleu de Cérêt, il forme un quadrilatère irrégulier, adossé au côté nord de la cathédrale, desservant les salles capitulaires et la chapelle Saint-Laurent.
La construction du cloître s'est faite en plusieurs étapes : la galerie sud a été réalisée à la fin du XIIème siècle, la galerie est au début du XIIIème siècle, la galerie nord à la fin de ce même siècle et la galerie ouest au début du XIVème siècle.
Le cloître comptait autrefois un étage, sans doute du XIVème siècle, mais il fut détruit en 1827.
Chaque galerie compte cinq piliers quadrangulaires et huit colonnes géminées réunies par des arcs en plein cintre. L'espace central est occupé par un jardin qui n'était sans doute pas accessible à l'époque médiévale, la margelle des galeries n'étant interrompue par aucune porte.
A chaque angle du cloître, subsistent les statues des quatre évangélistes sur lesquelles on trouve des traces de couleur.
Tout autour du cloître des pierres tombales, épitaphes ou tombeaux décorés de feuilles de vigne ou de motifs orientaux.
Des lions, des griffons, des paons, des serpents, des sirènes, des chevaliers...
Le lion est la force incarnée dans la matière, de nature double : éveillé ou endormi... symbole de résurrection ou de réalisation solaire. Il peut, non libéré de cette matière, représenter l'égo empêchant l'avancement de l'initié.
Le griffon, au corps de lion et aux ailes d'aigle, est le symbole des deux aspects de la force solaire, matérielle et spirituelle. Il relie le haut et le bas.
Le paon est le symbole du rayonnement solaire et de l'immortalité. Par la multitude de ses "yeux", et les couleurs de ses plumes, c'est la manifestation d'un principe de totalité, de plénitude solaire. Souvent représenté par paire, les deux s'abreuvant au calice, il représente la dualité harmonisée et l'initié libéré des désirs et du pouvoir de l'égo.
Le serpent nous montre les points d'entrée et de sortie des énergies cosmo-telluriques. Il nous est représenté ici avec plusieurs "nœuds", indication de plusieurs croisements de réseaux, ou ailé, nous montrant l'entrée des énergies cosmiques.
La sirène est ici bifide, et multiple. Elle nous montre le nombre de courants d'eau souterrains.
Le chevalier initié par ses voisins, l'un portant son bouclier, l'autre mettant la main sur son coeur.
Une clef de voûte nous montre même un pélican (symbole bien connu des alchimistes) nourrissant ses enfants, au nombre de 3 (corps-âme-esprit) qu'un serpent vient "enseigner"...
Des karoubims (chérubins), leurs ailes déployées, accueillant bras ouverts ceux qui savent, alors que la tradition en fait les gardiens de l'arbre de vie après que Dieu ait chassé Adam et Eve du jardin d'Eden.
De partout, les signes des énergies, montant à travers les piliers, de façon dextrogyre ou sinistrogyre,
la svastika, les énergies doubles du caducée, les spirales et les fleurs alchimiques.
Galerie sud, fin du XIIème siècle
La galerie sud, passage entre les salles capitulaires et la sacristie, c'est l'aile la plus ancienne. Les sculptures ont été réalisées après celles de Saint-Michel de Cuxa et de Serrabone, ce qui permet de voir leur similitude d'un bâtiment à l'autre.
Ces sculptures se rattachent donc aux dernières manifestations de l'activité des ateliers romans roussillonnais. Elles se caractérisent par des thèmes symboliques : végétaux (palmettes, acanthes) et animaux (lions, griffons, bouquetins, sirènes). On trouve quelques scènes historiées. Le travail des détails est précis, le rendu sec et nerveux, les volumes harmonieux.
Scène du quo vadis, tirée de la vie de saint Pierre : l'apôtre est à genoux devant le christ bénissant.
La création de l'homme : dieu modèle Adam dans la glaise, et tire Ève de sa côte, puis le péché originel.
La voûte sur croisée d'ogives a remplacé la couverture primitive de bois. A la retombée des arêtes de la voûte, des bas-reliefs représentent la passion du christ et la résurrection. Tout au long de la galerie, pierres tombales et épitaphes d'évêques et de chanoines.
La porte gothique d'entrée de la cathédrale est en marbre blanc et rouge, avec des pentures en fer forgé de tradition romane.
Galerie ouest, début du XIIIème siècle
Les piliers et les chapiteaux s'inspirent de ceux de la galerie sud. Quelques chapiteaux à thème végétal adoptent un vocabulaire gothique. Sur le mur intérieur, quelques pierres tombales, sarcophages de l'école d'Aquitaine des VIème et VIIème siècles. Les voûtes sont sur croisées d'ogives retombant côté mur sur des culs-de-lampe du XIIIème siècle.
Galerie nord, milieu du XIIIème siècle
Elle voit apparaître des œuvres inspirées de l'art gothique de l'Ile-de-France (fin XIIIème). Elle permet d'atteindre la chapelle St Laurent.
Des chapiteaux sont encore clairement inspirés de l'époque romane, d'autres sont nouveaux, avec une large place aux thèmes végétaux.
Galerie est, début du XIVème siècle
Entreprise vers 1315-1325, cette galerie poursuit l'architecture de la claire-voie romane. Alors que la voûte et les sculptures montrent une parfaite maîtrise de la technologie romane. Une place prépondérante est donnée aux compositions historiées.
Scènes illustrant la vie du Christ : annonciation et visitation, naissance de Jésus, annonce faite aux bergers, les rois mages chez Hérode.
Les mages suivant l'étoile, l'adoration, le songe, le massacre des innocents.
L'enfance du christ : fuite en Egypte, circoncision, Jésus au temple avec les docteurs de la loi, dormition de la vierge, rencontre du christ avec Marie-Madeleine.
Aux angles intérieurs de chacune des galeries, les quatre évangélistes surmontant leur symbole.
Plusieurs représentations du taureau laissent à penser que Mithra n'est pas loin.
Chapelle Saint-Laurent
Les anciens bâtiments claustraux sont occupés par des salles d'histoire et d'archéologie abritant une collection d'objets d'art d'Elne,
dont le plus notable est une armoire liturgique de la fin du XIVème siècle décorée d'une Vierge allaitante, qui est de retour depuis peu à Elne.
Une vierge noire occupait la place. Est-ce l'une des statues que l'on trouve dans le musée, dans la chapelle Saint-Laurent, la vierge de Tres Portales, ou la vierge du portail de Perpignan ?
Il est dit que cette statue ressemblerait fort à celle de Pézenas, Notre-Dame de Bethléem, rejetée à la mer et rapportée par un marin, ou bien apportée de Rhodes par par un commandeur de Saint-Jean de Jérusalem.
Mais alors, où se trouve Saint Michel ? Sur le retable gothique, dans la cathédrale...