Llafranc, Sant-Sebastià de la Guarda
LLafranc, village de pêcheurs construit sur la Costa Brava, dans cette partie du Baix Empordà (comarque de la province de Gérone) où les calanques n’ont rien à envier à celles de Marseille, de Piana ou de l’Esterel, possède une longue histoire.
Les premiers vestiges d’occupation humaine remontent au Néolithique. Vers le VIe siècle avant notre ère, un peuple aux origines mystérieuses, les Ibères, viennent s’y installer. Leur langage, comme celui des Basques, n’est pas issu des langues indo-européennes.
Au IIe siècle, le pays est occupé par les Phéniciens, puis par les Grecs (comme le montre cette carte des villages ibères et grecs entourant Sant-Sebastià de la Guarda) et bien sûr au IIe siècle par les Romains avant de tomber entre les mains wisigothes, arabes et franques.
Vestige de ces premiers peuples, le dolmen de Can Mina dels Torrents se situe tout près du centre de Llafranc, à côté d’une ancienne fontaine sacrée, la Font d’en Xecu.
Passé inaperçu des scientifiques, il fut découvert en 1954 au milieu d’une ancienne vigne abandonnée, au milieu des pins, servant de cabane à outils au propriétaire du terrain. L’hypothèse de la présence d’un cromlech ou d’un cairn reste envisageable, même si la structure a disparu.
Les fouilles furent commencées en février 1964. Le dolmen fut posé sur un rocher naturel existant, qui fut creusé afin de gagner de la hauteur à l’intérieur. Daté par les archéologues d’environ 3 500 avant notre ère, il mesure 2,10m de long et 1,60 de haut.
La dalle de couverture en granite, d’une seule pièce, couvre toute la chambre. Elle possède une épaisseur comprise entre 25 et 60 cm, et mesure 1,80 m dans l’axe nord-sud et 1,60 m dans l’axe est-ouest.
Une semaine après l’étude du monument, le propriétaire se dépêcha de faire tomber les pierres, de peur, soi-disant, que son fils s’y blesse en jouant. En septembre 1968, la ville de Palafrugell fit reconstruire le pauvre dolmen endommagé.
Le village ibère
Les Ibères, qui privilégiaient pour s’installer les collines dominant les vallées fertiles, trouvèrent le cap Sant Sebastià à leur goût. En effet, cet escarpement rocheux qui surplombe la Méditerranée du haut de ses falaises de 175 m, avait de quoi plaire.
Les Indigets, tribu ibère, créèrent un village près de cet endroit sacré d’où ils pouvaient surveiller les terres et la mer. Le village fut découvert en 1960 lors de la restauration de la chapelle Sant-Baldiri et fut daté du VIe siècle avant notre ère. Les premières fouilles commencèrent en 1984.
Beaucoup d’objets furent mis à jour, comme ces gobelets en céramique probablement utilisés lors de cérémonies rituelles, des stèles en pierre provenant certainement d'un cimetière non encore découvert et un os gravé représentant une tête de déesse.
Les gens du village utilisaient les objets en bronze, comme cet hameçon et ces aiguilles.
Des poids de métiers à tisser utilisés pour maintenir le fil tendu, des boutons, des broches, nous donnent un aperçu de leur façon de se vêtir.
Plusieurs pièces de vaisselle provenant de Grèce, d'Italie, des amphores contenant du vin de Marseille, prouvent que les échanges avec les autres peuples étaient nombreux.
Les maisons mitoyennes étaient très simples, constituées de deux pièces.
Les murs étaient faits de briques d'argile et de paille séchées, les plafonds de branches, de roseaux et de boue, le sol d'argile compactée.
Ils stockaient le grain, qui avait été pilonné à l’aide de mortier de pierre puis tamisé, dans des silos. Certains des quinze silos retrouvés font entre 4 et 5 mètres de profondeur.
L’agencement du village montre la présence d’espaces communs et publics comme des places et des rues, des silos, un four à pain ou des ateliers de céramique. Tout cela suggère une organisation bien structurée et une certaine hiérarchie sociale.
Les archéologues n'ont pas retrouvé de temple dans le village. Pas étonnant, à mon avis, il est sous la tour, à l'emplacement de l'ancienne chapelle.
La tour de guet et le premier sanctuaire
Les Ibères disparurent à la suite des invasions romaines, vers le IIe siècle avant notre ère. LLafranc devint un centre important qui perdura jusque sous la domination wisigothe. Puis les populations se déplacèrent vers l’intérieur des terres, redoutant les actes de piraterie. Le pays fut ensuite soumis aux arabes, puis aux francs.
Au sommet de la montagne San Sebastià, dominant la mer et la falaise (appelée le Salt de Romaboira), l’ancien sanctuaire devint ermitage. Dans une lettre adressée à la reine Marie de Castille, épouse d’Alfonso le Magnanime, est mentionné, à la date du 28 Janvier 1444, le premier ermite de Sant-Sebastià, Jaume Corbera.
Alfonso parlait aussi dans cette lettre de la permission de lever des fonds dans le royaume afin de terminer les travaux de la tour de guet en cours de construction.
C’est donc au cours du XVe siècle que fut érigée la tour. Sa présence est attestée par un écrit de l’évêque Bernat de Pau (1436-1457) qui la mentionne en tant que « Turris Sancti Sebastiani marrittimi Palafrugell »
Cette tour, avec son sommet couronné de créneaux et ses angles en granite, fut bâtie vers1445 et avait pour mandat de surveiller la zone côtière, pour la protéger des attaques pirates et corsaires, très fréquentes au cours des XVe et XVIe siècles. Sa forme rectangulaire avec une partie arrondie vers l'est, est due à la présence d’une chapelle du XIIe siècle, dédiée à saint Sébastien, sur laquelle la tour s’est construite.
La tour fut modifiée au long des années, on rajouta des escaliers, plus pratiques que les échelles primitives, mais l’atmosphère y est conservée.
A l’heure actuelle, la tour sert de galerie d’exposition aux peintres locaux. Et je dois dire que j’ai été agréablement surprise par la qualité des toiles.
Le saint auquel la chapelle primitive fut dédiée, Sébastien, est invoqué pour lutter contre la peste et les épidémies. Il est compté pour cela parmi les saints auxiliaires, c'est-à-dire intercesseurs.
Sébastien, né à Narbonne et citoyen milanais, fut un légionnaire apprécié des empereurs de son temps, qui le nommèrent centurion. Il fut pourtant martyrisé sur leur ordre pour avoir soutenu ses coreligionnaires dans leur foi.
Il fut tué par sagittation, c'est-à-dire par les flèches des archers (du latin sagittarius, archer). Dans la mythologie gréco-romaine, Apollon, le dieu-archer, est lui aussi protecteur contre la peste.
La chapelle Sant-Baldiri
En raison de la peste de 1650 - 1651, il fut décidé de construire une nouvelle chapelle et un hospice. Les travaux commencèrent en 1707.
Possédant un plan simple à une nef, elle fut construite attenante à la tour de guet, sur une esplanade jouxtant le village néolithique.
De style baroque, brûlée pendant la guerre d’Espagne, la petite église fut restaurée en 1960. Elle fut dédiée à celui que l’on nomme Baudile en France, martyr nîmois du IIe siècle, protecteur de la population contre les épidémies. La fonction du lieu sacré se perpétue.
Sant-Baldiri conserve la même orientation que la chapelle primitive. Cette orientation semble aussi être celle du village, ce qui me laisse à penser que les maisons furent construites après le premier sanctuaire, sur lequel se sont succédé les différents bâtis.
A mon avis, le premier devait être contemporain du dolmen de Can Mina dels Torrents. J’aurais aimé connaître le nom de la divinité à laquelle ce lieu fut dédié en ce temps là. Je parierai sur un Gargan quelconque.
L’hospice
L’hospice, quand à lui, fut transformé en auberge, où les pèlerins venaient passer la nuit. Différentes dates sont inscrites sur des linteaux : 1750 et 1756 à l'est, 1772 et 1832 à l'ouest.
A l’heure actuelle, l’auberge est devenue l’un des lieux magiques de la Costa Brava. C’est en effet devenu un hôtel de prestige, El Far, offrant une vue à couper le souffle sur la mer et les plages de Tamariu, de Llafranc et de Calella de Palafrugell.
Le restaurant gastronomique est à la hauteur de la prestation des chambres, c'est-à-dire exceptionnel. Dommage… Les hommes ont trouvé comment dénaturer cet endroit idyllique : ils ont planté une antenne relai juste en face. Hypersensibles aux ondes electromagnétiques s'abstenir.
Le phare
Juste avant l’antenne relai se dresse le phare de Sant-Sebastià. Il fut inauguré le 1er octobre 1857. Les machines, faites par l'ingénieur Josep Maria Faquineto, utilisèrent l’huile jusqu’en 1940, date à laquelle le phare fut électrifié.
D'avril 1963 à juillet 1966, la tour d'origine fut démantelée et le nouveau phare édifié. Il est à l'heure actuelle entièrement automatisé et sa lumière est visible en mer à plus de 60km, ce qui en fait le plus puissant de la côte catalane.
Merci à Terry Lair pour ses photographies.
http://www.hotelelfar.com/fr/costa-brava
http://www.terrylair.com/layer-slider/