Manosque, Notre-Dame-de-Romigier
Manosque, historique
On sait, d’après les vestiges retrouvés en centre-ville près de l’église de Notre-Dame-de-Romigier, que le site de Manosque fut occupé dès le Néolithique (IIIe millénaire avant notre ère) et que cette occupation fut poursuivie de façon continue jusqu’à l’époque romaine (des fouilles archéologiques ont mis à jour les vestiges d’un premier centre urbain du IIIe siècle dans ce secteur), et le haut Moyen-âge.
D’autres habitats castraux étaient établis sur les hauteurs des cinq collines avoisinantes, comme les castrums du Mont d’Or, de Toutes Aures, de Montaigut, Saint-Pierre et Saint-Maxime. Vers l’an 900, les Sarrasins pillèrent et incendièrent la ville. Les habitants revinrent peu à peu s’installer et Manosque en se développant se dota de remparts ouverts par des portes posées aux quatre points cardinaux. Deux ont survécu au temps.
L’église Notre-Dame-du-Romigier
C'est vraisemblablement au cinquième siècle que la première église de Manosque fut construite et dédiée à Notre-Dame. Cette église primitive fut bâtie sur l’emplacement d’un ancien sanctuaire dédié à Cybèle, déesse de Phrygie dont le nom signifie la caverne. C’est la personnification des forces naturelles, la Magna Mater, la Grande-Déesse, mère des Dieux, l’initiatrice adoptée par la suite par les Grecs puis les Romains.
Les anciens mystères phrygiens comprenaient un rituel d’initiation où un taureau était sacrifié. Pour de nombreux historiens, la Vierge Marie aurait hérité de ses symboles et de ses fonctions. De cette époque furent retrouvés, concentrés autour de l’église, des éléments qui témoignent d’une vie communautaire déjà organisée (céramique fine estampée grise des Ve et VIe siècles, des sculptures du VIIIe).
C’est après la destruction de la ville par les Sarrasins vers l’an 900 que l’église fut reconstruite. On a fêté le millénaire de l’église en 1960 mais les travaux de construction ne furent achevés qu’autour de 980. L’église de Notre Dame devint le lieu le plus important de la ville autant sur le plan religieux que sur celui des affaires de la cité. Une charte de l’abbaye de Saint-Victor datée de 984 relate la présence de Guillaume 1er, comte de Provence, dans l’église où il tenait ses cours de justice. Guillaume 1er, dit le Libérateur, est célèbre pour avoir vaincu et chassé les Sarrasins de Provence en 979.
A cette époque, l’église et ses dépendances constituaient un prieuré placé sous l’autorité de l’abbaye Saint-Victor de Marseille. Jusqu’au XIIe siècle, Notre-Dame restera la seule église paroissiale de la ville. De nombreux miracles furent attribués à la Vierge noire de Notre-Dame de Romigier. Cette reconnaissance suscita la jalousie de l’autre église de Manosque, Saint-Sauveur, construite entre le XIIe et le XIVe siècle et dépendante du chapitre de Forcalquier, qui devait recevoir beaucoup moins de dons.
Au début du XVIIe, la voûte, effondrée suite à un tremblement de terre, fut reconstruite. L’église fut transformée en magasin de fourrages durant la période de la Révolution après le pillage et le saccage du mobilier. Heureusement, encore une fois, la Vierge noire fut cachée et protégée de la fureur destructrice des hommes.
Dans la deuxième moitié du XIXe siècle (entre 1886 et 1890) elle fut entièrement rénovée par des artistes italiens et la Vierge noire fut posée dans une niche tapissée d’un tissu bleu qui ne la mettait pas en valeur.. Restaurée dans les années 1970, elle n’est véritablement réouverte au culte qu’en l’an 2000.
Description
L’église Notre-Dame-de-Romigier est un édifice de style roman remanié au cours des siècles.
Les travées 2 et 3 sont les seuls vestiges de l’édifice du Xe siècle. Elles sont séparées par des pilastres flanqués de quarts de colonnes engagées et surmontés de frises-chapiteaux très finement décorés.
Les murs latéraux, massifs, dont on remarquera le dévers, sont ornés d’arcs de décharge à double rouleau très large et pas très haut.
Cette nef romane en voûte d’arêtes nervurées se prolonge par une travée de chœur.
Se substituant très vraisemblablement au sanctuaire du Xe siècle, le chœur actuel, composé d’une abside pentagonale flanquée d’absidioles également pentagonales, précédées de petits croisillons réunis par un passage assez étroit à la travée de chœur, correspond à une extension du monument réalisé dans la première moitié du XIIIe siècle.
L’abside centrale, éclairée par trois baies qui s’ouvrent sur une arcature de plein cintre, est couverte d’une voûte d’arêtes dont les nervures, rayonnant autour d’une clef ornée de l’Agneau pascal, prennent appui sur des colonnettes.
Les bas-côtés ainsi que la première travée de la nef, bien que du XVIIe siècle, sont également couverts d’une voûte d’arêtes nervurées.
Le portail occidental, très sobre, présente un tympan sans sculpture et un encadrement renaissance. Cet encadrement, abimé au cours des ans, se trouvait dans un état lamentable il y a 30 ans. Il a été restauré ainsi que le parvis.
Le chevet roman est décoré de petites arcatures saillantes portées par des modillons historiés.
Le pentagramme
Sur le parvis de l’église apparait un pentagramme, une étoile à 5 branches fabriquée en mosaïque de cailloux noirs et blancs et de briques rouges, les trois couleurs du Grand Œuvre. Ici, ce pentacle (étoile à cinq branches composée grâce au tracé des diagonales du pentagone régulier) est censé, d’après les guides de voyage, être la représentation des 5 plaies du Christ. Le pentagramme est fondé sur le nombre 5, union du 2, principe féminin et du 3 masculin. Il représente donc l’union des contraires ou l’androgynie. Le pentagramme droit (pointe en haut) représente l'esprit sur la matière, le pentagramme inversé (pointe en bas) représente le contraire, la matière sur l'esprit.
Déjà utilisé chez les Sumériens chez qui il représentait les cieux et les 4 directions de l’espace, il devint signe de reconnaissance chez les pythagoriciens (selon Pythagore, le pentacle est un signe symbolisant l'harmonie, la beauté et la santé et il ouvre la voie du secret). Chez les gnostiques, il était le symbole des 5 éléments (esprit, terre, eau, feu et air). Plus tard, il prendra, en plus de sa représentation symbolique de la connaissance, une connotation magique et les adeptes de magie s’en serviront comme moyen de conjuration et d’acquisition.
La Vierge noire
Sculptée dans une seule pièce de bois d’aulne, elle mesure 70 cm de haut, 24 de large, 18 d’épaisseur.
C’est une Vierge en majesté, assise sur une cathèdre. Elle tient l’enfant sur son genou gauche. Elle est vêtue à la mérovingienne d’une tunique, d’une longue robe ornée d’une large bordure (stola), et d’un manteau fermé d’une agrafe ronde (pallium). Sa tête, portant une couronne, est couverte et encadrée d’un voile court. Sa main gauche repose sur la cuisse de l’enfant, sa main droite a disparu.
L’enfant est vêtu d’une robe longue et d’un manteau revenant sur ses genoux et décoré d’un col à large bordure. Il porte lui aussi une couronne de style mérovingien.
Lors de sa restauration en 1993 elle perdit sa couleur noire et des traces de polychromie apparurent sur les vêtements : du bleu pour la robe de la Vierge, du rouge pour celle de l’enfant.
Les experts délégués par les Monuments historiques l’ont datée du Xe siècle ce qui fait que Notre-Dame du Romigier est l’une des plus anciennes Vierges noires de France.
Elle est classée aux Monuments Historiques depuis 1909. Au XIXe siècle, la statue était recouverte de vêtements et d’étoffes luxueuses comme on peut encore le voir sur les ex-voto qui la représentent.
Elle avait le pouvoir de ramener à la vie les enfants mort-nés le temps de leur baptême. Cette Vierge Noire était particulièrement invoquée pour protéger les femmes en couches, pour redonner la vie aux enfants mort-nés et contre les chutes mortelles.
La légende de la Vierge noire
Une très ancienne légende parle de la vénération des habitants de Manosque pour une antique statue de la Vierge. Beaucoup de gens venaient en pèlerinage l’invoquer pour sa protection. Vers l’an 900, Manosque fut pillée et incendiée par les Sarrasins. La statue fut cachée puis oubliée. Les habitants, qui s’étaient réfugiés dans les collines environnantes du Mont d’Or, de Toutes Aures et de Montaigut, revinrent peu à peu s’établir dans le bourg. Dans la ville, en partie reconstruite, les jardins et les petits champs labourés étaient nombreux.
Un jour vers l’an 973, un paysan défrichait et labourait près des ruines de l’ancienne église dédiée à la Vierge. Ses bœufs soudainement s’arrêtèrent devant un roncier (roumi en provençal). Le laboureur mit le feu au buisson et reprit son travail mais son attelage refusa d’avancer et les bœufs s’agenouillèrent. Stupéfait, le paysan appela les passants et ensemble ils décidèrent de creuser là où se trouvait le roncier. Ils trouvèrent alors un sarcophage sculpté en marbre blanc. Ils firent venir un prêtre qui procéda à son ouverture. Le sarcophage contenait, enveloppé d’étoffes précieuses, une statue de la Vierge tenant son enfant sur ses genoux. Aussitôt la foule réclama la construction d’une église pour abriter la statue. Il fut décidé de relever de ses ruines l’antique église dédiée à Notre-Dame et on y installa la statue qui fut appelée Notre-Dame-de-Romigier en souvenir de sa découverte miraculeuse.
Le sarcophage a servi d’autel à la statue de la Vierge puis est devenu l’autel majeur de l’église.
Le sarcophage de l’Anastasis
Classé monument historique le 25 janvier 1898, l’autel majeur est un sarcophage paléochrétien en marbre de Carrare attribué aux ateliers d’Arles et daterait de la fin du IVe siècle ou du début du Ve.
En haut relief, sous la voûte céleste suggérée par des étoiles, sont représentés les 12 apôtres faisant le geste d’acclamation vers le signe de la résurrection, la croix de l’Anastasis (mot grec signifiant résurrection, action de se relever, utilisé pour dénommer le sanctuaire de la Résurrection abritant, à Jérusalem, le tombeau du Christ). Cette croix coiffée d’une couronne a disparu lors de la restauration du tombeau. De part et d’autre de son emplacement, le soleil et la lune. Au pied, deux soldats à qui il manque la tête sont les gardiens du sépulcre.
Sur la face latérale gauche, le péché originel : Adam et Eve au jardin d’Eden.
Sur la face droite, 3 hébreux ayant refusé d’adorer la statue d’or de Nabuchodonosor, sont jetés dans la fournaise : ils chantent et ne brûlent pas. Le roi reconnait alors qu’il n’y a pas d’autre Dieu qui puisse délivrer ainsi (Livre du prophète Daniel, ch.3).
La croix de pierre
C’est une croix du début du XVIe siècle qui se trouvait dans le cimetière de l’église Notre-Dame, placée à l’intérieur de l’église au XIXe siècle. Du côté visible elle porte l’image de la Vierge, de l’autre le Christ en croix posant les pieds sur un crâne. Elle est entourée d’un décor gothique, le seul de tout l’édifice.
https://notre-dame-de-romigier.jimdofree.com/historique/
https://www.ville-manosque.fr/
https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89glise_Notre-Dame-de-Romigier_de_Manosque
http://www.paleotime.fr/rue-sans-nom-manosque-alpes-de-haute-provence/
La chapelle Saint-Pancrace de Toutes Aures
La chapelle Saint-Pancrace
Dominant la ville de Manosque, la colline de Toutes Aures porte en son sommet, à 416 mètres d’altitude, une grande chapelle dédiée à saint Pancrace, appelé san Brancaï en provençal. Son nom lui vient de sa situation sur une hauteur exposée à tous les vents.
Le bâtiment, tout en longueur, possède une entrée ornée d'un portail daté du XVIIe siècle. Il est abrité par un porche qui fut rajouté en 1756.
Le bâtiment se prolonge côté ouest par un ermitage, proche du puits.
Toutes Aures est le nom d’un village aujourd’hui disparu, celui-là même où s’étaient réfugiés une partie des habitants de Manosque lors de l’attaque des Sarrasins en 900. Il comptait deux églises et un château.
La première indication de l’existence d’une chapelle dédiée à Notre-Dame est fournie par une charte de donation de Guigues, comte de Forcalquier, aux Hospitaliers de Saint-Jean, en juin 1149.
En 1377, le village, déserté par ses habitants à cause du danger des bandes armées, est en ruine et ses églises est en très mauvais état. L’une d’elles fut restaurée en 1422 en utilisant les pierres des deux bâtiments puis elle fut dévastée par les Huguenots en 1561.
En 1631, Manosque est victime d’une épidémie de peste qui dure d’août à novembre et emporte une grande partie des habitants. Les consuls font alors le vœu de reconstruire l’église de Toutes Aures et de venir en procession le 21 novembre de chaque année, jour de la présentation de la Vierge. Le sanctuaire, toujours sous la titulature de la Vierge, est reconstruit entre 1634 et 1637, mais les travaux ne sont vraiment achevés qu’en 1665. Le service dominical est assuré par des Carmes puis par un chapelain.
En 1708, suite à un tremblement de terre qui ébranle Manosque, les consuls font le vœu de venir en pèlerinage tous les ans, le dimanche suivant le 15 août (date de l’Assomption ou Dormition de la Vierge).
En 1710, les patrons de Manosque, saint Sébastien et saint Roch, furent détrônés par saint Pancrace dont le culte a été introduit par les Carmes.
Le culte du petit martyr prit de l’ampleur. Les Carmes de Rome offrirent à Manosque quelques fragments de ses os et le 12 mai 1712, la première fête de San Brancaï est célébrée à Toutes Aures. Les reliques firent naitre un pèlerinage annuel qui débuta en 1725. A l’occasion de ce premier romérage (pèlerinage ou encore roumavagi en provençal), un buste reliquaire de saint Pancrace en bois doré est installé en grande pompe dans la chapelle. Durant la Révolution l’édifice est dévasté et pillé, le buste est brûlé, mais les reliques furent sauvées. La chapelle considérée comme bien national fut mise en vente et achetée par quatre manosquins. Le romérage put reprendre dès 1795, le buste actuel du saint est installé en 1796.
En 1921 la chapelle, alors propriété privée est acquise par le syndicat d’initiative qui la cède en juillet 2011 à la ville de Manosque.
Les derniers travaux de restauration ont été effectués de 2002 à 2004.
Légendes et histoires singulières
Une légende se mit en place lors de l’installation du buste reliquaire de saint Pancrace en 1796. Elle prétend que le sculpteur reçut le jour même la commande de la ville de Volx dont la patronne est sainte Victoire et que, confondant les deux commandes, il livra à Manosque l’effigie de la sainte. Effectivement… Le buste de saint Pancrace représente une personne ressemblant plus à une femme qu’à l’adolescent de Phrygie que fut saint pancrace à sa mort en martyr à 14 ans en 304. Et inversement, le buste que reçut l’église de Vox (anciennement l’église abbatiale Notre-Dame de Baulis) ressemble plus à un jeune homme qu’à une Victoire !
Depuis le XIIe siècle un ermite réside presque sans interruption et assure l’accueil. Le dernier ermite de Toutes Aures, le frère Cyril Barbier et son neveu, furent assassinés le 17 août 1900. Le meurtrier fut arrêté puis relâché à cause d’une erreur du médecin légiste sur l’heure de la mort de l’ermite.
La procession des reliques fut installée chaque 21 novembre à partir de l’épidémie de peste de 1631. A la suite du tremblement de terre de 1708, une nouvelle procession annuelle fut instaurée chaque dimanche suivant le 15 août. Puis une autre fête prit place le 12 mai, fête du saint patron de la ville (fête actuelle le deuxième week-end de mai), puis chaque lundi de Pâques. Aux XVII et XIIIe siècles, les pèlerinages d’inspiration religieuse s’accompagnaient de défilés militaires et de festivités profanes d’inspirations beaucoup plus païennes. Il est vrai qu’à Pâques, les paysans, ayant tué le cochon en hiver, sortaient les saucissons prêts à être dégustés. Les Manosquins, aimant les réjouissances et les traditions populaires, mirent vite en place, après la messe et la bénédiction des champs, une vraie fête avec des jeux, des danses, des concours (le meilleur aïoli), des cavalcades et surtout… la pastissade !
Saint Pancrace
Né en Phrygie dans une famille noble, devenu orphelin, il fut élevé par son oncle Denis à Rome. Devenu fervent chrétien, il fut décapité en 304 sur l’ordre de Dioclétien après avoir refusé de renoncer à sa foi. Son corps fut enterré et en 604, le pape saint Symniaque fait ériger sur son tombeau une basilique. Pancrace est devenu le saint patron des enfants, mais il est aussi en France le protecteur des troupeaux, des animaux domestiques et en Allemagne celui des chevaliers.
En Corse il est le patron des bergers et des bandits qui, à partir du 12 mai, jour de sa fête, respectent une trêve de 8 jours. Il protège toujours les gens de bonne foi et dévoile les parjures, les menteurs et les calomniateurs. Il est invoqué pour la guérison des rhumatismes, des crampes et des engelures.
Il fait partie des saints de Glace où il est en deuxième position entre saint Mamert et saint Servais.
https://www.mouv-in.com/A-Manosque-les-traditions-pascales-sont-toujours-dans-le-vent_a995.html
https://fr.wikipedia.org/wiki/Chapelle_Saint-Pancrace_de_Manosque
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