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lieux sacrés

3 septembre 2023

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BONJOUR A TOUS

Vous êtes 3,5 millions à m'avoir rendu visite, ayant visionné 7 millions de pages depuis la création de ce blog et je voudrais vous en remercier.

Les reportages (portant uniquement sur des lieux que j'ai pu visiter personnellement) sont basés sur des documents trouvés sur place, sur les sites que je trouve sur le net ou bien dans les livres de ma bibliothèque, et bien sûr, sur mes ressentis personnels. Dans la mesure du possible, tous sont cités. Les photos sont ©madame_dulac.

En parlant de mes photos... Elles sont libres de droit pour un usage privé, sous réserve de mention du lien vers le blog. Toute autre utilisation doit faire l'objet d'un accord écrit de ma part.

Sincèrement vôtre,  Madame Dulac.

PETITE NOTE EXPLICATIVE

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Pour accéder directement aux sites, cliquez sur la carte ci-dessus. Bon, ce n'est pas à jour, suite au désistement du technicien... Si vous ne trouvez pas, vous pouvez toujours faire une recherche en haut à droite.

Voici mes bannières.

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6 juin 2025

La chapelle Saint-Gabriel de Tarascon

Historique

 

C’est aux pieds des Alpilles, dans leur partie la plus à l’ouest, que fut construit, il y a fort longtemps, un oppidum protohistorique. Le site était propice, de par sa position géographique et énergétique, en fin de chaine montagneuse.

 

 

 

 

Une ville s’y développa, au bord de la rivière Duransole (ancien bras de la Durance devenu aujourd’hui le canal du Viguiérat) et au carrefour d’antiques voies (les voies romaines Domitia -allant vers l'Espagne-, Aurelia -venant de Rome par le littoral- et Agrippa -venant d’Arles et rejoignant Lyon-).

 

 

 

 

 

La cité, relais routier majeur, devint au VIe siècle avant notre ère le chef-lieu d’une peuplade gauloise appartenant à la nation salyenne, les Nearchi, puis prit le nom d’Ernaginon, Ερναγινον en grec, pour devenir la gallo-romaine Ernaginum, proche de Nemausus (Nimes), Arelate (Arles), Glanum (Saint-Rémy), Aqua Sextiae (Aix) et Massilia (Marseille).

 

 

 

 

 

 

La découverte du cippe funéraire de Marcus Frontonus Euporus, patron de la corporation des utriculaires de la ville (bateliers qui utilisaient des embarcations soutenues par des outres pour assurer le trafic sur des cours d'eau de faible tirant d'eau ou sur des marécages), à l'époque impériale, atteste de l’importance du lieu. En 480, Ernaginum fut entièrement détruite par les Wisisgoths.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Reconstruite, elle fut à nouveau rasée par les Sarrasins au IXe siècle. Les habitants, lassés des invasions, trouvèrent nombreux refuge à Tarascon. Le site fut exploité pour la pierre et des carrières furent mises en place. L’assèchement des marais et la disparition de la Duransole qui supprima un accès à la mer firent que le lieu fut peu à peu déserté. Pourtant, au XIIe siècle une chapelle y fut construite.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Datée du troisième quart du XIIe siècle (1180), elle fut bâtie sur l’emplacement d’un ancien édifice du VIIe, Saint-Philippe, remanié au IXe siècle (elle n’est mentionnée qu’en 1030 dans une charte de l'abbaye Saint-Victor de Marseille sous le nom de Saint-Gabriel), construit lui-même sur ancien temple (certains parlent de Mithra, d’autres de Cybèle). Les fouilles alentours ont permis de retrouver un cimetière paléochrétien.

 

 

 

 

 

Des études d’architecture ont montré que sa construction serait due à un maitre d’œuvre ayant travaillé sur Saint-Trophime à Arles. Le site, protégé par une tour défensive au sommet de la colline.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Au XVIe siècle, la chapelle connut des transformations importantes, notamment la construction d'un clocher et l'ajout de décorations intérieures. Pendant la Révolution elle fut utilisée comme lieu de stockage et subit des dommages importants. Son classement aux Monuments Historiques en 1840 permit sa restauration.

 

 

 

 

 

 

La chapelle, orientée avec un petit décalage de quelques degrés (dédicace à saint Philippe ?) est dédiée à l’archange Gabriel. C’est l’ange messager entre les mondes, chargé d’annoncer les interventions divines et de révéler le sens des visions, de franchir les seuils. Il annonce, il ouvre la voie, il révèle. L’histoire de Daniel est très intéressante au niveau symbolique :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Daniel (dont le nom signifie Jugement divin), ancien conseiller de Nabuchodonosor, se mit au service de l’empire et de Cyrus. Les Babyloniens vénéraient Bel mais aussi un dragon, peut-être un serpent. L’empereur Cyrus demanda à Daniel d'adorer ce dernier, ce qu’il refusa de faire. Daniel affirma qu'il pouvait tuer le dragon, qui n’était certainement pas un Dieu, sans épée, ni bâton. Il fabriqua des boules empoisonnées qu’il donna à manger à la bête qui mourut.

 

 

 

 

Les prêtres de Bel, furieux, exigèrent qu’on leur livrât Daniel qui fut jeté dans la fosse où se trouvaient sept lions affamés. Daniel y resta six jours. Le prophète Habacuc, qui préparait à manger chez lui, en Judée, fut transporté alors à Babylone par Gabriel qui le tenait par les cheveux au-dessus de la fosse afin qu’il puisse le nourrir. Le septième jour, Cyrus vint chercher Daniel, toujours face aux lions qui n’avaient pas bronché. Impressionné par ce miracle, il ordonna de délivrer Daniel puis d’emmener les prêtres dans la fosse où ils se firent dévorer par les lions en quelques minutes.

 

 

 

 

 

 

 

 

Description

 

Il faut, pour arriver sur le parvis, monter une première volée d’une quinzaine de marches taillées dans le calcaire du coin puis une deuxième de 5 paliers nous amène dans le sanctuaire. Un effort physique permet de se vider un peu avant de recevoir.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La façade occidentale, d’une iconographie inspirée des décorations romaines du Bas-Empire, se lit comme une véritable catéchèse de pierre. Le premier portail, surmonté d'un tympan sculpté et encadré par deux colonnes surmontées de chapiteaux corinthiens à feuilles d'acanthe, est compris dans un deuxième portail, lui-même flanqué de deux colonnes initialement cannelées, surmonté d'un fronton triangulaire rappelant les temples gréco-romains. Ce double portail est abrité sous un immense arc de décharge en plein cintre, lui-même surmonté d'un oculus

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Dans un ordonnancement symétrique, la façade expose des scènes emblématiques : sur le premier tympan, dans un demi-cercle, à gauche, le prophète Daniel, visité par l’archange Gabriel (épisode de la fosse aux lions) qui tient Habaquq par les cheveux pour qu'il donne un panier de nourriture à Daniel. A droite, Adam et Ève autour de l’Arbre du Bien et du Mal, un figuier où se love le serpent (voir la symbolique de la chute d’Adam).

 

 

 

 

 

Au niveau supérieur, dans un quadrilatère, l’Annonciation et la Visitation (Elisabeth reconnaît Marie comme la mère du Messie). Les personnages sont inscrits à l’intérieur de trois arcatures. L’ébauche d’une quatrième, sur la gauche, laisse penser que le bas-relief est un réemploi. Entre chaque arcature, un oiseau qui porte une graine ou un grain de raisin dans son bec. Les inscriptions sont grossièrement taillées :

AVE MARIA GRATIA PLENA DOMINUS TECUM (je vous salue Marie pleine de grâce le seigneur est avec vous)

ANGELUS GABRIEL - SANTA MARIA MATER DOMINI - ELISABETH (l’ange Gabriel-sainte Marie mère de Dieu-Elisabeth)

 

 

 

 

En haut du triangle, surmontant le tout, l’Agneau mystique. La présence de cette figure, symbole du guide spirituel qui conduit le troupeau vers la lumière, évoque la dimension sacrificielle du Christ et son rôle de médiateur entre l’homme et le divin. Il ne s’agit pas d’un simple ornement : ce symbole condense toute une théologie de la rédemption et affirme la vocation salvatrice du lieu sacré. Son étendard, parfois représenté, symbolise la victoire du Christ sur la mort et le péché, offrant aux croyants la promesse d'une vie nouvelle et éternelle. Comme expliqué dans le dictionnaire des symboles de Chevalier et Gheerbrant, « Guénon a suggéré un rapprochement - purement phonétique - entre l'agneau et l'Agni védique, lequel est d'ailleurs porté par un bélier. La similitude ne saurait être fortuite car, outre le caractère sacrificiel d'Agni, l'un et l'autre apparaissent comme la lumière au centre de l'être, celle qu'on atteint dans la quête de la Connaissance suprême ».

 

 

 

 

Encadrant l’oculus, les symboles des quatre évangélistes (le tétramorphe : lion, taureau, aigle et homme ailé) évoquent aussi les quatre éléments, les saisons, les directions cardinales, comme une croix cosmique implicite (voir le symbolisme des quatre vivants).

 

 

 

 

 

 

 

Sur plusieurs pierres du bâtiment apparaissent des signes gravés : croix, chevrons, spirales… Ces marques de tâcheron, laissées par les tailleurs de pierre, avaient certes une fonction pratique, mais elles semblent aussi coder un savoir symbolique.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’une d’entre elles ressemble à une croix templière, ce qui a fait dire que les moines-soldats ont participé à la construction de la chapelle. S’il est vrai que la présence de 3 commanderies situées à moins de 10 km les unes des autres dans le secteur est attestée (chose très rare), rien ne permet de l’affirmer. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le chevet pentagonal, simple et non décoré, recouvert de dalles calcaires, est équipé d'une petite baie qui permet de voir l'intérieur lorsque la chapelle est fermée.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Dans la dalle de l’autel principal est encastrée une plaque quadrangulaire qui semble en métal. Elle est gravée aux quatre coins ainsi qu’au centre d’une croix. Peut-être les dimensions du carré solsticial. En général, les reliques étaient posées dans un creux sous ce genre de plaque.

 

 

 

 

 

 

La nef rectangulaire est divisée en trois travées voûtées en berceaux séparés par des arcs doubleaux.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L'abside, semi-circulaire à l'intérieur mais à pans coupés à l'extérieur et couverte d'un cul-de-four.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Au sud et à l’est de la chapelle se trouvent les restes des anciennes carrières de pierre, utilisées depuis l’Empire pour les constructions alentours, comme à Arles où fut retrouvé par les archéologues un navire encore chargé des pierres de Saint-Gabriel.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La tour

 

Au XIIe siècle, le site était protégé par une tour flanquée de deux constructions plus simples et plus petites.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Elle se caractérise par l’utilisation de pierres à bossage. De nombreuses inscriptions et signes lapidaires y sont gravés,

 

 

 

 

 

 

 

 

dont une écrite en hébreu qui fut traduite en 1935 par la revue des études juives qui dit que c’est une date, 1193.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les amis de la chapelle pensent que sous la tour se trouve un accès à l'un des nombreux aqueducs souterrains qui alimentaient Arles.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

http://amissaintgabriel.chez.com/index.html

https://fr.wikipedia.org/wiki/Chapelle_Saint-Gabriel_de_Tarascon

https://provence-alpes-cotedazur.com/que-faire/culture-et-patrimoine/lieux/chapelle-saint-gabriel-tarascon-fr-4735945/

2 juin 2025

L’histoire d’Arles

Le site d’Arles (anciennement une ile entre Rhône et marais) fut occupé dès la période mégalithique (premières sépultures collectives en forme d’hypogées comme à Fontvieille). Au Xe siècle avant notre ère les Ligures y installèrent un oppidum. Ils se mélangèrent avec des tribus celtes et échangèrent avec les Phéniciens.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Au VIe siècle, les Phocéens en firent un comptoir, Thélinè, de Telo, ancienne divinité aquatique ligure que l’on retrouve à Toulon (ce toponyme dériverait du grec θηλή qui signifie « mamelle », traduit par les romains comme « la nourricière », en hommage à Artémis d’Éphèse).  Au IVe siècle la ville fut réoccupée par les Volques Arécomiques (peuple gaulois de la Gaule narbonnaise) qui lui donnèrent le nom d'Arelate, issu du celtique Arlath, que l’on peut traduire par « près des eaux dormantes », la ville des marais.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Après la conquête romaine Arelate prit le statut de colonie et prit le statut de résidence impériale sous Constantin Ier. La ville devint un grand port, un emporion, où se construisirent les bateaux aussi bien fluviaux que maritimes et prit le nom de Sextanorum Arelate, préfecture des 7 provinces, capitale des Gaules.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La ville se nomma ensuite Arelas duplex, Arles la double : rive gauche du Rhône, sur le rocher s’élevait la ville haute, le castrum romain, orné de grands monuments (comme un théâtre de plus de 16 000 places, un cirque, une basilique, des arcs de triomphe, un amphithéâtre, des thermes, de nombreux temples) et rive droite s’étendait l’insula suburbana gallica, l’ile du faubourg gaulois. Son nom survit dans le quartier du Gallèque, près de Trinquetaille. La prospérité de la société arlésienne s'exprimait alors par les importations de somptueux sarcophages de marbre.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

En 254, Marcianus devint le premier évêque attesté d’Arles. Constantin Ier, qui séjournait fréquemment à Arles, y fit construire un palais et y convoqua, en 314, le premier grand concile d’Occident. La ville obtint du pape, pour son archevêque, le titre de primat des Gaules en 417. En 476, Arles fut prise par Euric et devint wisigothique puis ostrogothe en 508 et enfin franque en 536.

 

 

 

 

 

 

 

 

Le premier saint patron d’Arles fut Genès (Génisius). Ce jeune garçon cathéchumène (pas encore baptisé), greffier au tribunal romain, refusa de transcrire l’édit de la condamnation à mort de chrétiens, sous Dèce en 250 ou sous Dioclétien en 303. Poursuivi, il s’enfuit en traversant le Rhône à la nage et fut rattrapé à Trinquetaille où il fut décapité devant les colonnes d’un temple. La nécropole chrétienne des Alyscamps, où fut transféré son sarcophage, prit une ampleur exceptionnelle et le pèlerinage de Compostelle y attira de nombreux voyageurs.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La ville se transforma. Les monuments romains servirent de carrière, les temples furent remplacés par des églises, le théâtre fut saccagé par le fanatisme chrétien.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La première cathédrale fut construite vers 450 hors des remparts sur l’emplacement d’un ancien temple dédié à Diane, Notre-Dame la Major sur celui de Cybèle et l’ancienne Notre-Dame du Temple sur celui de Minerve. La cathédrale fut transférée près du forum au Ve siècle et prit le nom de Saint-Étienne.

 

 

 

 

 

 

 

 

Au Moyen-âge, la ville devint celle de nombreux saints. La ville haute comptait 7 paroisses en plus des couvents et des chapelles. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Saint-Étienne fut remplacée par la primatiale Saint-Trophime, ses bâtiments canoniaux et son cloître. En 1178, Frédéric Ier Barberousse s’y fit couronner roi de Bourgogne.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Au XIIe siècle, la cité perd de l’importance, politique au profit d’Aix et religieux à celui d’Avignon. La peste de 1348 propulse Arles dans un profond déclin. Durant la Révolution, Arles devint un foyer de rébellion contre la République. En punition, la Convention ordonna de détruire les remparts.

 

 

 

 

 

 

 

Guide de la Provence mystérieuse, Les guides noirs, chez Tchou

Guide illustré des Alyscamps, textes de Andreas Hartmann-Virnich et Marc Heijmans

http://www.patrimoine.ville-arles.fr/document/Alyscamps%20miniguide.pdf

http://www.patrimoine.ville-arles.fr/index.php?obj=site&idx=1&quartier=1

http://www.patrimoine.ville-arles.fr/index.php?action=edifice&id=1

https://fr.wikipedia.org/wiki/Alyscamps

30 mai 2025

Les Alyscamps d’Arles

 

Présentation

 

La plus illustre terre sainte d’Arles est sans conteste le site des Alyscamps (du latin Allïssii campi, les Champs Elysées, partie du royaume des morts réservée aux âmes vertueuses et aux héros). Cette nécropole antique était déjà célèbre au début de la période Gallo-romaine.  Située au croisement d’anciennes routes conduisant à Lyon (via Agrippa), Rome (via Aurelia), Briançon par Montmajour et les sites mégalithiques de Cordes (via Domitia), les Alyscamps servirent de cimetière païen avant de devenir l'un des premiers cimetières chrétiens en Europe.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Célèbre pour ses allées bordées de sarcophages, il symbolise la transition au IVe siècle entre le paganisme et le christianisme.

Dante y fera référence dans son poème La Divine Comédie, dans le chant IX de L’Enfer : « Comme près d’Arles, où le Rhône devient stagnant, comme à Pola, près du Quarnaro qui ferme l’Italie et en baigne les limites, la plaine est toute bosselée de tombes ».

 

 

 

 

 

Historique

 

 

Dans notre lointain passé, les sépultures étaient souvent disposées dans des nécropoles situées le long d’axes routiers : le monde des morts et celui des vivants ne se mélangeaient pas. Ce fut le cas à Arles où le site des Alyscamps fit partie des 5 nécropoles hors les murs connues de la cité. Durant l’Empire romain, le long de la Via Aurelia, se succédèrent tombes à incinération, sarcophages et mausolées.

 

 

 

 

 

 

Cimetière païen devenu romain, puis chrétien, le site prit de l’importance au Ve siècle, quand le culte de saint Genès se répandit. On se souvient de ce jeune cathéchumène martyrisé au IIIe ou au début du IVe siècle (voir l’histoire d’Arles). A sa suite, les évêques d’Arles se firent inhumer dans une chapelle leur étant dédiée.  

 

 

 

 

 

 

De toute l’Europe, nombreux fidèles, attirés par les reliques du saint (plus on était enterré près de lui, plus on profitait de ses bienfaits) et par l’aura qui se dégageait du lieu, voulurent en faire de même. Faute de place, les morts se retrouvèrent rangés sur plusieurs niveaux et faute de matériaux, les anciens sarcophages furent réutilisés.

 

 

 

 

 

 

La partie occidentale de la nécropole fit partie du couvent de femmes Saint-Jean, fondé par l’évêque Césaire au début du VIe siècle, en 512. Les abbesses portaient alors des noms charmants tel Césarie, Liliole ou Rusticule puis Ermengarde. De grandes dames y firent escale, en visiteuse ou en prisonnière, telles Radegonde, Marcratude ou Teutéchilde (épouse de Gontran, roi de Bourgogne, répudiée en 565).

 

 

 

 

 

 

En 1040, l’archevêque céda la basilique Saint-Genès et la partie orientale des Alyscamps à l’abbaye Saint-Victor de Marseille qui y construisit le prieuré Saint-Honorat (en hommage à Honorat, évêque d’Arles entre 426 et 429, fondateur du monastère de l’île de Lérins. Voir ici son histoire et sa symbolique.

 

 

 

 

 

 

Au XIIe siècle, la nécropole et l’église nouvellement bâtie devinrent alors une étape incontournable du célèbre pèlerinage de Compostelle malgré le transfert, en 1152, des reliques de saint Trophime à la cathédrale Saint-Étienne, qui lui enleva une partie de son prestige.  Le cimetière fut pillé plusieurs fois, les sarcophages emportés pour servir d’abreuvoir et le lieu fut pratiquement abandonné. C’est en 1615 qu’une partie du site fut donnée par Louis XIII aux frères Minimes qui construisirent leur couvent. Ils se servirent de quelques pierres tombales pour les fondations et posèrent les autres dans la cour, le long de l’allée menant à l’église.

 

 

 

 

 

 

La Renaissance permit aux gens d’importance, prélats, seigneurs et princes, de se servir des plus beaux sarcophages pour leurs collections privées. Au XVIIIe siècle, le père Dumont rassembla dans la cour ce qui restait des tombes et de nombreux objets archéologiques. Le site, ouvert au public en 1785, devint l’un des premiers musées archéologiques de France. La Révolution, à son habitude, détruisit un grand nombre de ces trésors. Les monastères furent vendus comme bien national. Les pièces importantes qui par miracle échappèrent à la vindicte populaire sont aujourd’hui conservées au musée de l’Arles antique. 

 

 

 

 

 

 

En 1842, une grande partie du site fut détruite par le passage de la voie ferrée Paris-Lyon-Marseille puis par la construction des ateliers de la SNCF. Les Alyscamps devinrent un lieu de promenade champêtre, romantique à souhait, qu’Alexandre Dumas, Mistral, Gustave Fayet, Vincent Van Gogh et Paul Gauguin contribuèrent, chacun à sa manière à faire connaitre.

 

 

 

 

 

 

Description

 

L’allée des sarcophages

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les vestiges de l’église Saint-Césaire-le-Vieux, qui appartenait au couvent Saint-Césaire, se trouvent à l’entrée de l’allée.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Il n'est pas impossible que cette église ait succédé à l'église funéraire Sainte-Marie, où l'on inhumait les moniales. Il n’en reste que le porche roman.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le site possédait de nombreuses chapelles, aujourd’hui disparues. Reste la chapelle Saint-Accurse, bâtie en 1520, par Antoine de Quiqueran de Beaulieu en expiation pour le meurtre d’Accurse de la Tour, provoqué en duel.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La maison du garde fut construite dans un style néo-roman en 1860 par l’architecte arlésien Auguste Véran.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le monument des consuls date de 1722 et fut bâti en l’honneur des consules et conseillers municipaux morts pendant la grande peste de 1720 qui ravagea Marseille et une bonne partie de la Provence.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La chapelle funéraire de la puissante famille des Porcelet quant à elle date du XVe siècle. La famille des Porcelets, illustres aristocrates provençaux, est connue depuis le Xe siècle. Son premier membre connu, Daidonat (950-1019) considéré comme le fondateur, apparaît dans des actes dès 972, fit partie des notables d'Arles. Son fils Volverade (987 - 1067) s'associa aux comtes de Provence, notamment Bertran Ier et Jaufre Ier. Il fit des donations au monastère de Saint-Victor de Marseille.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Son fils Rostaing fut actif dans l'entourage comtal du XIe siècle, soutint l'installation des comtes de Barcelone en Provence.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Une légende raconte que la famille doit son nom à la malédiction d’une mendiante qui, bousculée par une dame, lui jeta un sort : elle mettrait au monde en une fois autant d’enfants qu’une truie du voisinage ferait de petits porcelets

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’allée mène à l’église Saint-Honorat. Devant l’entrée se trouvent les restes de la nécropole paléochrétienne. Les sarcophages, très simples, sans décors ou inscriptions, sont disposés dans un ancien enclos funéraire datant probablement de la fin des IVe et Ve siècles.

 

 

 

 

 

 

 

 

Les mythes et légende

 

Les légendes

 

Les Alyscamps sont également le théâtre de nombreuses légendes. Celle de Genès, le premier patron d’Arles, raconte qu'après son martyr, le saint décapité (céphalophore donc ) aurait pris sa tête dans ses mains et l'aurait jetée dans le Rhône d'où, conduite par un ange, elle aurait atteint l'Espagne.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Une autre légende veut qu’après sa condamnation à mort, il parvint à s’échapper, passa le Rhône mais fut repris dans le quartier de Trinquetaille. On le décapita sur place devant les colonnes d’un temple (l’église, construite sur place, existe toujours, c’est Saint-Genès de la Colonne, sur une propriété privée). On dit encore aujourd’hui que l’hiver, quand le Rhône charrie des glaçons, le passage de saint Genès est toujours calme. Grégoire de Tours raconte que sur le lieu de son martyr poussa un mûrier aux vertus miraculeuses. L’église des Alyscamps enfin reçut le sarcophage du saint, toujours plein d’une eau pure que l’on disait miraculeuse.

 

 

 

 

 

 

A partir du Ve siècle, la réputation de la nécropole devint si prestigieuse que de nombreuses personnes souhaitaient y être inhumées. Une légende dit que les corps étaient placés dans des tonneaux et confiés au Rhône qui se chargeait de les amener jusqu'à Arles, quelle que soit la force des vents. Charlemagne, qui, dans cette histoire, livra bataille contre les Sarrasins aux Alyscamps, vit d’antiques tombes sortir de terre pour accueillir les dépouilles de ses hommes tués lors des combats.

 

 

 

 

 

 

 

 

Pétrarque Avignon ? Connais pas Avignon. C’est bien à Arles, aux Alyscamps, que le poète florentin Pétrarque (1304-1374) rencontra son amour impossible, Laure de Sade, inspiratrice de ses célèbres sonnets. D'autres histoires parlent de rencontres avec des âmes errantes ou de manifestations paranormales, ajoutant une dimension mystique à ce lieu déjà chargé d'histoire.

 

 

 

 

 

 

 

 

Le culte des reliques

 

« Pour comprendre cet engouement, il faut se pencher sur un des phénomènes les plus originaux du christianisme ancien : le culte des saints. Dans l'esprit des premiers chrétiens, le corps d'un saint martyr protégeait les fidèles aussi sûrement que les remparts de la cité. Ils cherchaient pour cette raison à se faire inhumer près de la tombe du saint. C’est aussi pour propager ces énergies que les anciens construisirent les lanternes des morts

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Cette force divine ne se limitait pas au corps proprement dit mais tous les objets qui avaient été en contact avec lui en étaient imprégnés, et notamment ses vêtements. La biographie de l'évêque Hilaire rapporte ainsi que, lors de ses funérailles aux Alyscamps, en 449, les fidèles cherchaient à arracher un morceau d'étoffe et faillirent mettre le corps en pièces ».

 

 

 

 

 

 

 

 

La symbolique des sarcophages

 

Les sarcophages sont en calcaire local, assez simple, et ne portent pratiquement pas de décors, à l’exception de gravures de forme simple, comme une équerre avec fil à plomb

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

et d’une herminette ou fascia (consécration de la tombe placée sous protection divine) ainsi que de cartouches à queues d'aronde dont les inscriptions funéraires sont illisibles.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Souvent les couvercles, qui imitent un toit, portent aux angles des acrotères (socles soutenant des ornements, disposés sur un fronton. Par extension, les acrotères désignent les ornements eux-mêmes : statuettes en pierre, vases). Le couvercle, souvent massif et patiné par les siècles, conserve parfois aux extrémités des décorations triangulaires gravées, sans doute à valeur apotropaïque (protectrice). Ce type de motif, souvent interprété comme un chrisme stylisé, une pyramide symbolique ou même une allusion au delta lumineux, rappelle la présence divine et la promesse de salut.

 

 

 

 

 

 

Le panneau central est souvent encadré par une bordure géométrique en forme de ruban noué ou de cadre architectural. Ce cadre solennel pourrait suggérer une fenêtre symbolique sur l’au-delà, ou simplement une mise en valeur du nom du défunt, à l’image d’un cartouche funéraire romain.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

D’autres se distinguent par la richesse de leur iconographie. Celui-là par exemple, conservé dans l’église, possède un couvercle à double pente orné aux extrémités de visages ailés ou de masques anthropomorphes. Ce détail évoque les anges psychopompes ou des hommes initiés ailés (les ailes permettent de monter au ciel), guides de l’âme vers l’au-delà, ou encore des masques théâtraux, symboles du passage entre deux mondes.

 

 

 

 

 

 

 

Le registre inférieur est décoré de reliefs figuratifs, bien que partiellement érodés par le temps. On y distingue clairement deux figures masculines ailées aux extrémités. Elles semblent représenter des génies ailés, peut-être des victoires, voire des amours funéraires (Erotes), figures souvent utilisées dans l’Antiquité pour signifier l’élévation de l’âme.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Leur posture dynamique encadre un panneau central désormais lisse, peut-être anciennement peint ou portant une inscription effacée.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le traitement du couvercle en forme de toiture rappelle que le sarcophage est conçu comme une maison éternelle. Cette conception funéraire, très répandue dans le monde romain, se retrouve dans le mot même de « sarcophage », littéralement « mangeur de chair », mais que la tradition chrétienne a transformé en un lieu de repos dans l’attente de la résurrection.

Ce type de sarcophage incarne une synthèse entre héritage païen et espérance chrétienne. Les symboles antiques y sont conservés, mais réinterprétés dans une perspective eschatologique. Le corps, enfermé dans la pierre, attend une transfiguration promise.

 

 

 

 

 

 

La Vierge noire

 

 

Jacques Bonvin dit que "dans une ville où la déesse-mère était vénérée (l'église de la Major était un temple de Cybèle) et où on l'a retrouvée sous différentes formes (Isis, Mithra, etc.), il était normal de voir apparaitre un culte à la Vierge noire. La statue était la gardienne du cimetière des Alyscamps et fut échangée contre une Vierge blanche par des Huguenots avant de redevenir noire à la Restauration. Elle a disparu au début du siècle. Ce pourrait-âtre celle qui orne l'église de Barbegal". 

Notre-Dame-des-Alyscamps ou Notre-Dame-de-Grâce aurait été une Vierge noire offerte, en 1203, par l’archevêque à l’église des Alyscamps. Elle fut remplacée, au XVIIe siècle, par une vierge en marbre blanc ; l’original aurait été déposé dans la tombe de saint Trophime.

 

 

 

Guide de la Provence mystérieuse, Les guides noirs, chez Tchou

Guide illustré des Alyscamps, textes de Andreas Hartmann-Virnich et Marc Heijmans

http://www.patrimoine.ville-arles.fr/document/Alyscamps%20miniguide.pdf

http://www.patrimoine.ville-arles.fr/index.php?obj=site&idx=1&quartier=1

http://www.patrimoine.ville-arles.fr/index.php?action=edifice&id=1

https://fr.wikipedia.org/wiki/Alyscamps

30 mai 2025

L’église Saint-Honorat d’Arles

 

Historique

 

C’est au XIe siècle, en 1040, que les Bénédictins de Saint-Victor de Marseille, ayant reçu des mains de l’archevêque d’Arles Raimbaud de Reillanne (formé à Saint-Victor, peut-être par l’abbé Isarn et soutenu par la famille Porcelet) la partie orientale des Alyscamps, construisirent un prieuré qui prit le nom de Saint-Honorat. La nouvelle église fut construite sur la crypte et les restes d’un ancien bâtiment préroman, peut-être l’ancienne chapelle qui contenait autrefois les reliques de Genès et Honorat et où furent enterrés nombre d’évêques à leur suite.

 

 

 

 

 

 

Elle fut reconstruite au XIIe siècle dans le style roman provençal et devait à l’origine comporter une nef à cinq travées, flanquée de bas-côtés. Une seule fut achevée et l’édifice fut fermé par une grande façade. C’est à cette époque que la nécropole et l’église nouvellement bâtie devinrent une étape incontournable du pèlerinage de Compostelle, malgré le transfert, en 1152, des reliques de saint Trophime à la cathédrale Saint-Étienne, ce qui lui enleva une partie de son prestige. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le chantier ambitieux fut abandonné au début du XIIIe siècle. Des enfeus (niches à fond plat recevant un sarcophage) furent rajoutés puis elle fut remaniée, au XIVe et au XVIe, et les piliers et arcades du transept furent enchâssés dans d’épaisses piles cylindriques afin de renforcer le soutien des voûtes vieillissantes.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Au XVIIe, deux chapelles furent rajoutées et la porte de la façade refaite. Puis Saint-Honorat tomba en désuétude et ne fut plus entretenu. Le site se dégrada, et il fallut attendre 1982, après l’effondrement du transept sud, pour que des travaux de rénovation soient entrepris.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Description

 

 

 

L’église Saint-Honorat, située à l’extrémité orientale de la nécropole, s’inscrit dans la longue continuité cultuelle du lieu. De nombreux vestiges architecturaux attestent de l’existence d’un vaste édifice préroman.  L’église actuelle, bâtie en pierre de taille, date en grande partie du XIIe siècle et du début du XIIIe. Elle devait recevoir une nef à bas-côtés de cinq travées dont une seule, à l’est, fut construite.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Son premier portail date du XIIe et donne sur une cour ouverte, ancien musée lapidaire en plein air au XVIIIe, dont les murs font partie de l’ancien bâtiment du XIe siècle. Il fut restauré au XXe siècle.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Sur la gauche, la chapelle des Mollégès, de style gothique flamboyant, fut rajoutée au XVe siècle.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La nef est relativement étroite, avec des murs en pierre de taille bien appareillés, soutenus par des contreforts extérieurs. Elle est couverte d’une voûte en berceau, soutenue par des arcs doubleaux reposant sur des piliers massifs. L’éclairage est limité, provenant de petites fenêtres hautes.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

À partir du XVe siècle, de nombreuses chapelles funéraires vinrent s’ajouter à l’église : enfeus, oratoires, édifices gothiques comme la chapelle des Mollégès,

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

la chapelle Saint-Genès ou encore la chapelle baroque de la famille d’Oraison témoignent de la piété de fidèles désireux d’être ensevelis au plus près des reliques sacrées, afin de afin de bénéficier de leur aura.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La croisée du transept est coiffée d’une coupole sur trompes, surmontée d’un clocher octogonal à deux étages d’arcatures, dans le style des lanternes des morts, qui domine le cimetière alentour. Son architecture s’inspire des monuments antiques, notamment de l’amphithéâtre romain.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les piliers et arcades du transept furent modifiés au XVIe siècle et enchâssés dans d’épaisses piles cylindriques et arcs de renfort.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le chevet présente trois absides en cul-de-four, typiques du style roman, dont les pierres sont pourvues de nombreuses marques lapidaires.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Sous l’abside principale surélevée se trouve la crypte, structure semi-enterrée de plan rectangulaire aménagée dans l’abside d’un édifice plus ancien. Elle fut conçue pour abriter les reliques des saints Honorat et Genès et d’autres figures chrétiennes, notamment des évêques locaux, dans un contexte de vénération des martyrs, faisant du lieu un pôle de pèlerinage majeur sur la route de Saint-Jacques de Compostelle.  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Datant principalement du XIe siècle, avec des éléments réutilisant des vestiges antiques, elle est accessible par deux longs couloirs latéraux en chicane (pour renforcer la dimension initiatique du parcours vers le sacré ?).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Elle se compose d’une petite salle voûtée, certains réemployant des matériaux romains (chapiteaux, fûts). Les murs, en appareil soigné, présentent des niches destinées aux sarcophages ou reliquaires.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Une pierre gravée sert de linteau. En voici la traduction :

 

 D O M (D.O.M.: Deo Optimo Maximo). Hic locus venerabilis in quo Trophimus unus ex septuaginta discipulis praefuit primam in Galliam post Petrum apostolum evangelicam fidem cum primo universae Provinciae Galliae episcopo receptus erat sacris huius loci cultoribus...

À la gloire de Dieu. Ce lieu vénérable, dans lequel Trophime, l’un des soixante-dix disciples, exerça son ministère, fut le premier en Gaule, après l’apôtre Pierre, à recevoir la foi évangélique. Ce lieu, avec le premier évêque de toute la province de Gaule, fut confié aux ministres sacrés de ce lieu…

 

 

Le pèlerinage de Compostelle

 

C’est à Aimery Picaud, moine des environs de Vézelay, qu’est attribué Le Guide du Pèlerin, qui constitue le Ve et dernier livre du Liber Sancti Jacobi ou Codex Calixtinus, recueil de textes liturgiques, historiques ou hagiographiques à la gloire de Saint-Jacques le Majeur.

 

 

 

 

 

 

 

 

Écrit au XIIe siècle, en 1139 plus exactement, il décrit les quatre chemins principaux menant au sanctuaire de Saint-Jacques-de-Compostelle : la via Turonensis (Tours), la via Lemovicensis (Limoges), la via Podiensis (Le-Puy-en-Velay) et la via Tolosane (Toulouse) qui nous intéresse ici.

 

 

 

 

 

 

 

Les Alyscamps sont mentionnés : « Tout d’abord ceux qui vont à Saint-Jacques par la route de Saint-Gilles doivent rendre visite à Arles au corps du bienheureux Trophime, confesseur (...), le corps du bienheureux Césaire, évêque et martyr (...), et dans le cimetière de la même ville on doit chercher les reliques de l’évêque saint Honorat (...). C'est dans sa vénérable et magnifique basilique que repose le corps du très saint martyr Genès ».

 

 

 

 

 

 

 

 

Certains historiens suggèrent que la crypte et les reliques contenues dans l’église faisaient de Saint-Honorat un sanctuaire de départ, à l’instar du Puy-en-Velay ou de Vézelay. L’inscription de l’église dans les guides pèlerins et sa proximité avec l’ancienne voie Aurélienne, réutilisée comme chemin de pèlerinage, renforcent cette hypothèse. De plus, les Jacquaires rencontraient ici les Romieux, pèlerins en route pour Rome.

 

 

 

 

 

 

 

L’église Saint-Honorat servit dans tous les cas d’étape spirituelle et de locus credibilis : un lieu où les pèlerins pouvaient faire bénir leur bourdon, leur besace, et prier pour la protection du saint avant d’entamer leur long périple.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La symbolique était forte : quitter une antique nécropole, veillée par des centaines de sarcophages et protégée par une église placée sous la protection d’Honorat, abbé de Lérins, signifiait traverser les limbes de la mort pour entreprendre une quête de vie, de lumière et de résurrection spirituelle. Le chemin devenait ainsi un rite de passage, et les Alyscamps, une porte initiatique.

 

 

 

 

 

 

 

Guide de la Provence mystérieuse, Les guides noirs, chez Tchou

Guide illustré des Alyscamps, textes de Andreas Hartmann-Virnich et Marc Heijmans

http://www.patrimoine.ville-arles.fr/document/Alyscamps%20miniguide.pdf

http://www.patrimoine.ville-arles.fr/index.php?obj=site&idx=1&quartier=1

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https://fr.wikipedia.org/wiki/Alyscamps

 

 

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5 mai 2025

L’abbaye Saint-Roman de Beaucaire

Nichée au sommet d’une colline calcaire dominant le Rhône, l’abbaye Saint-Roman, dans le Gard, est un site monastique entièrement creusée dans la roche calcaire du massif de l’Aiguille.

 

 

 

Ce massif est un éperon rocheux que l’on appelle une butte témoin, c’est-à-dire une partie de roches plus résistantes isolée par l’érosion au milieu d’un bassin sédimentaire, appartenant à un ancien massif bien plus grand.

 

 

 

 

Lieu chargé d’histoire, l’abbaye est un chef-d’œuvre d’architecture troglodytique, entièrement creusée dans la roche calcaire. Il est accessible par un sentier balisé de 600 mètres qui grimpe à travers la garrigue méditerranéenne (prothèses du genou s’abstenir ou s’armer de courage).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Historique de l’abbaye Saint-Roman

 

 

 

L’histoire de l’abbaye Saint-Roman remonte à des temps reculés, avec des traces d’occupation humaine attestées dès la préhistoire dans les grottes du massif calcaire. L’ancien port de Nîmes sur le Rhône, Ugernum, appelé aujourd’hui Beaucaire, devint une enclave du diocèse d’Arles vers le Ve siècle.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

C’est à ce moment-là que des ermites virent s’installer sur la colline, aux confins des diocèses d’Arles, de Nîmes, d’Uzès et d’Avignon, attirés par son isolement propice à la méditation et par une vie ascétique inspirée des Pères du Désert égyptiens (voir la vie de saint Antoine).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Au VIIe siècle, ces ermites adoptèrent la règle de Saint Benoît, transformant le site en une abbaye bénédictine. La première mention écrite de l’abbaye apparaît en 961 dans les possessions de l’archevêque d’Arles, Manassès, marquant son importance croissante. C’est lui qui dota l’abbaye de relique, en particulier celles de saint Roman, martyr romain lors des persécutions du IIIe siècle. C’est certainement à ce moment-là que l’endroit devint aussi une nécropole rupestre.

 

 

 

 

En 1102, l’abbaye fut rattachée à celle de Psalmodi près d’Aigues-Mortes par l’archevêque d’Arles Gibelin de Sabran, devenant un simple prieuré. Malgré cette rétrogradation, Saint-Roman conserva une certaine autonomie dans la gestion de ses biens. En 1203, le comte de Toulouse, Raymond VI, accorda au prieur des droits judiciaires sur le site, renforçant son influence locale. L’abbaye, donnée en fief ainsi que Beaucaire à Simon de Montfort (on se souvient du bourreau des Cathares) par l’archevêque d’Arles, servit alors de place forte.

En 1360, le pape Urbain V créa un collège de clercs et un studium, établissement d’enseignement pour les enfants.

 

 

 

 

En 1537, Saint-Roman fut sécularisée en même temps que Psalmodi par une bulle du pape Paul III. Les religieux abandonnèrent le monastère. En 1538, François de Conseil échangea l'abbaye contre sa maison d'Aigues-Mortes, transformant Saint-Roman en forteresse avec un petit château sur la terrasse supérieure, un mur d'enceinte inférieur et une barbacane d'entrée.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les matériaux de l'abbaye furent utilisés pour ces constructions. En 1789, la toiture fut vendue comme bien national et le reste tomba en ruines. En 1850, le dernier propriétaire fit abattre ce qui restait du château pour ne pas avoir à payer d'impôts et vendit les pierres.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le site fut oublié. Ce n’est qu’à partir des années 1960, sous l’impulsion de la Société d’Histoire et d’Archéologie de Beaucaire, que des fouilles furent entreprises. En 1988, la commune de Beaucaire acquit le site, classé Monument Historique en 1990. Des recherches archéologiques récentes (2019-2021) permirent de mieux comprendre son histoire.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Descriptif de l’Abbaye Saint-Roman

 

 

 

Le site comprend deux parties, une basse avec des vestiges du château (barbacane, poterne, mur)

 

 

 

 

 

 

 

et ceux de l'abbaye, ces derniers étant troglodytiques.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La terrasse supérieure est divisée en deux par une profonde entaille. Elle est entièrement recouverte de tombes creusées dans le roc. La plupart furent comblées lors de la construction du château. Un système de collecte des eaux de pluie avec bassin de décantation, rigoles, citernes, palliait l'absence de source ou de puits dans la partie nord-est et surtout dans la partie basse.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le monastère comprend plusieurs éléments remarquables :

 

1- La chapelle abbatiale : Longue de 22 mètres, elle est taillée dans le roc.  

 

 

 

 

 

Elle serait la crypte d’une chapelle aérienne disparue et résulterait d’un agrandissement des XIe et XIIe siècles.

 

 

 

 

 

 

 

 

De nombreuses tombes sont creusées dans son sol. Estimées au départ comme des sépultures paléochrétiennes, il semblerait qu’elles ne fussent que des copies médiévales des premières tombes des catacombes romaines, elles-mêmes copies des hypogées antiques orientaux (voir les Alyscamps).

 

 

 

 

 

Les parois naturelles de la grotte du départ furent creusées pour accueillir les sépultures. Une d’entre elles est une cuve anthropomorphe, creusée sous un arc en plein cintre dessinant une niche.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

D’autres sont posées dans une sorte de bas-côté, dans un couloir funéraire creusé pour les recevoir.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Un siège monolithique est taillé dans le roc calcaire de la chapelle. Il est adossé au mur, légèrement surélevé par rapport au sol, ce qui lui donne un caractère d’autorité ou de préséance. Ce siège est souvent interprété comme un trône abbatial, destiné à l’abbé ou au supérieur de la communauté.  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’exploitation du site en carrière rabaissa une partie de la chapelle de plus de deux mètres. Des escaliers furent taillés dans le roc à ce moment-là.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

2-  Les cellules monastiques : Creusées sur trois niveaux, elles témoignent de la vie austère des moines, avec des espaces réduits pour le repos et la prière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

3- La grande salle était divisée en trois niveaux. Les deux premiers, du XVIe siècle, disposaient de voûtes d’arêtes en plein cintre.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le niveau supérieur, plus ancien, possède un plafond creusé à l’époque romane. Un grand bâtiment, aujourd’hui disparu, était plaqué contre la falaise.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La grande salle, qui fut probablement un réfectoire ou une salle capitulaire, présente des gravures assez discrètes représentant des croix (marques de consécration, ex-voto ou simples repères symboliques), des graffiti médiévaux et des motifs géométriques ou floraux.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

4-L’installation viticole comprenait un fouloir maçonné et des logements creusés pour accueillir un pressoir.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Cette cave à vin est un exemple de réemploi des anciennes cellules monastiques.

 

 

 

 

 

 

 

 

5 -La nécropole rupestre : Sur la terrasse supérieure, 174 tombes creusées dans la roche, certaines de petite taille, forment une nécropole impressionnante, probablement destinée à des moines ou à des pèlerins cherchant la proximité des lieux sacrés pour garantir le salut de leur âme.

 

 

 

 

 

 

 

 

6 -Le site inclut également les vestiges d’une fortification médiévale, succédant à l’abbaye, dont il ne reste que quelques traces.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Depuis la terrasse, le panorama est spectaculaire, offrant une vue sur le Rhône, les Alpilles, le Luberon, et le Mont Ventoux.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Énergétique du Lieu

 

 

 

 

 

Presque orientée nord/sud, l’abbaye Saint-Roman dégage une atmosphère particulière, souvent décrite comme mystique et hors du temps. Son emplacement isolé, perché sur une colline dominant le Rhône, et son caractère troglodytique renforcent cette sensation. Les ermites du Ve siècle, puis les moines bénédictins, ne choisirent pas ce lieu au hasard : ici, on s’élève.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le site, entouré de garrigue et de pins d’Alep, est baigné par les énergies telluriques du massif calcaire. La nécropole, avec ses tombes orientées vers le Rhône, évoque une quête d’éternité et de lien avec le sacré, renforçant l’impression d’un lieu chargé de mémoire spirituelle. Il est vrai qu’une sensation de calme profond nous accueille dès l’arrivée aux pieds de la falaise.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La Colline de l’Aiguille

 

 

 

 

Mon attention fut attirée par un site au nord de l’abbaye. La colline de l’Aiguille, culminant à 156 mètres, fait face au plateau calcaire de Saint-Roman. C’est un prolongement naturel et historique du site qui porte des traces d’occupation très ancienne (outils lithiques, fragments de céramique, restes d’un habitat protohistorique, celto-ligure probablement, y furent découverts par les archéologues).

 

 

 

 

 

 

 

 

Les deux lieux sont intimement connectés.

 

 

 

 

 

Des ermites y vécurent également dès le haut Moyen Âge, et le site devint une annexe de l’abbaye Saint-Roman. Des vestiges troglodytiques, moins spectaculaires que ceux de l’abbaye, y subsistent, témoignant de cette vie érémitique. La végétation, typique de la garrigue méditerranéenne, abrite des chênes kermès, des orchidées, des cistes, et même des boucs sauvages, ajoutant au charme sauvage du lieu. Sa force tellurique manifeste se ressent à distance. Saint-Roman élève, Aiguille ancre.

 

 

La géologie particulière du lieu, avec ses dalles calcaires fendues, ses failles naturelles et ses abris sous roche sont peut-être les signes d’anciens rites liés à la terre, à la fécondité ou à l’initiation.

 

 

 

 

 

Un lieu Saint-Michel, pic rocheux à l’état brut, relié à un lieu Notre-Dame, abbaye creusée au ventre de la terre ? Le dragon, la fameuse Tarasque du Rhône, est à un jet de pierre…

27 décembre 2024

Les légendes et coutumes de l’île-de-Sein

L’île-de-Sein, habitée depuis très longtemps comme nous l’avons vu dans l’historique, fut de tout temps considérée comme un lieu sacré, une terre permettant l’accomplissement d’actes magiques, ce qui nous est dévoilé par la présence de sites tels que le tumulus de Nifran ou la chapelle Saint-Corentin.  Les Celtes qui s’y installèrent laissèrent derrière eux bon nombre de légendes, reprises par les premiers adeptes de la nouvelle religion chrétienne et agrémentées par la mythologie bretonne. La mémoire, l’imagination et la sensibilité des sénans permirent qu’on puisse, encore de nos jours, les raconter aux enfants. Et tout le monde sait que les légendes sont des récits qui s’inspirent du réel, le déformant, cachant entre ses lignes des vérités qui pourraient nous paraitre, à nous gens issus d’un monde sans poésie, contes imaginaires. 

 

Les druidesses

 

Les premières traces tangibles de la légende des druidesses furent écrites par Pomponius Mela au Ier siècle :

« L’île de Sena, située dans la mer Britannique, en face des Osismes, est renommée par un oracle gaulois, dont les prêtresses, vouées à la virginité perpétuelle, sont au nombre de neuf. Elles sont appelées Gallicènes (Gallisenae, Cènes ou Senes), et on leur attribue le pouvoir singulier de déchaîner les vents et de soulever les mers, de se métamorphoser en tels animaux que bon leur semble, de guérir des maux partout ailleurs regardés comme incurables, de connaître et de prédire l’avenir, faveurs qu’elles n’accordent néanmoins qu’à ceux qui viennent tout exprès dans leur île pour les consulter ».

Voyons ce que la mémoire populaire peut nous apprendre.

C’est dans un essai de René Coupigny, Voyage de Pythéas en Brittanie, que nous allons trouver de quoi travailler :

« Sur l’Ile de Sena, vivait une toute petite population d’hommes et de femmes dans un village au centre de l’île. Neuf de ces femmes n’étaient pas comme les autres. Elles ne vivaient pas dans le bourg, et refusaient les hommes. Elles refusaient l’argent. On les appelait les Neuf Gallesinae. On disait d’elles qu’elles étaient très belles et qu’elles vivaient en virginité perpétuelle. Il leur arrivait d’aller sur la mer et d’y rencontrer des hommes, mais au retour sur l’île, elles retrouvaient leur virginité primitive. Elles étaient connues de très loin principalement pour deux de leurs connaissances. Elles étaient savantes dans l’art de guérir l’inguérissable, et dans celui de l’augure : le pouvoir des plantes et la divination n’avaient aucun secret pour elles. De leurs chants, elles savaient provoquer à volonté les plus violents ouragans, ou calmer les mers les plus démontées. Elles commandaient aux vents, à la pluie et aux courants. La plus sollicitée était la plus savante, la plus belle et la plus jeune des neufs : Velléda. Elles honoraient l’ancien Dieu, vénérant en lui l’Entité Créatrice qui avait pour nom Oiv : l’être absolu figurant trois aspects : l’Amour, la Connaissance et la Puissance. Ce nom était si sacré que nul n’avait le droit de le prononcer. Mais elles fêtaient aussi Dana, la Terre nourricière, la mère de toute chose vivante, minérale, végétale ou animale, si présente sur Sena ; Lug, représentant la Lumière et la Vérité ; Belen, le symbole de l’Esprit Solaire et du disque flamboyant nécessaire à toute vie ; Esus, représentant la Foudre et la Force vivante ; Ogmios, représentant le Verbe emblème de l’éloquence ; et enfin Don, symbole de la Mer si ardente. Elles étaient filles de Dana et pensaient que la force d’Oiv était dans chaque parcelle de ce qui vole comme les oiseaux, court comme les biches, marche comme l’homme, rampe comme le serpent, saute comme la sauterelle, germe comme le grain, grandit comme l’arbre, roule comme le galet, tombe comme la pluie, chauffe comme le soleil. Druidesses, Prêtresses, Maîtresses de la porte entre les deux Mondes, sous la protection de Dana. ».

Ces 9 druidesses, selon la tradition, étaient considérées comme des médiatrices entre les humains et les dieux. Elles veillaient sur leur île, protégeant les marins de la profondeur mystérieuse des flots imprévisibles. Elles pouvaient soigner les maladies incurables d’un seul toucher, et certains récits leur attribuaient même le pouvoir de ressusciter les morts. Ce don de résurrection est rare dans la mythologie celtique et cela leur conférait un statut presque divin. Elles étaient comparées aux fées ou aux divinités protectrices de la nature.

On pourra remarquer le nombre 9, « principe de perfection réalisé sur les 3 plans : physique, mental et spirituel. Ce nombre sous-entend que ces 3 niveaux ont été harmonisés et maitrisés chacun dans leur propre triplicité. 9 est pour cela l’illustration du 3 que multiplie 3, la triple couronne et le nombre du Grand-Œuvre. L’Arcane 9 du Tarot est celui de l’Hermite détenteur de lumière, de la sagesse et de la connaissance ». Le 9 est souvent associé au sacré et au mystique dans la culture celtique. Selon une légende plus récente, les femmes de l'île-de-Sein seraient les descendantes de 9 sœurs, filles du roi des eaux, qui auraient autrefois protégé la mer et les navigateurs. Ces sœurs incarnaient des puissances féminines maritimes et des entités protectrices des marins.

Que dire de leur virginité ? Dans certaines traditions ésotériques, la virginité est associée à la pureté spirituelle, à la perfection intérieure et à l'absence de souillure psychique ou énergétique. Elle peut aussi symboliser un état de préparation ou d'initiation spirituelle, marquant le passage vers une compréhension plus profonde des mystères. Dans certains cas, la virginité est liée à la préservation et à la gestion de l'énergie créative et vitale, souvent associée à des pratiques de transmutation et de sublimation énergétique. Les druidesses commencent à nous parler.

Les druidesses, grâce à leurs chants, maitrisaient les éléments… Le chant sacré, c’est l’union de la parole et de la mélodie. La parole c’est le symbole du souffle créateur, le verbe. C’est une force à l’origine de la création du monde dans de nombreuses traditions. Le chant, qui assemble souffle et parole dans une harmonie rythmée et mélodique, devient une forme supérieure de cette force créatrice. Il transcende les simples mots pour incarner une puissance capable de façonner la réalité.

Selon d’autres légendes, les druidesses, qui connaissaient le passé et l’avenir et dominaient les éléments, vendaient aux marins des flèches enchantées qui, lancées à la mer par une main vierge, calmaient la tempête et les vagues. Elles siégeaient sur les pierres de Kador (le point le plus élevé de l’île) et, telles la Pythie de Delphes, se tenaient près de ces rochers afin de rendre leurs oracles. Il est dit qu’autrefois, sous les blockhaus du Kador, se trouvait une faille très profonde. C’est ce qui émanait de cette faille qui donnait leurs pouvoirs aux druidesses. 

Elles étaient censées être immortelles. Mais les temps changèrent et le christianisme s’empara des légendes. Elles furent toutes accusées d’être des sorcières et tuées au Ve siècle, quand l’île fut, selon ceux qui reprirent le pouvoir aux Dieux celtes, évangélisée par saint Guénolé.

Selon une vieille légende sénane, les femmes de l'île de Sein seraient les descendantes de neuf sœurs, filles d'un roi des eaux, qui auraient autrefois protégé la mer et les navigateurs. Ces sœurs incarnaient des puissances féminines maritimes et des entités protectrices des marins. Réminiscence des anciennes prêtresses ?

Au travers de ces légendes, on peut voir que les druidesses de l’île-de-Sein représentent une vision féminine du pouvoir spirituel de la mythologie celtique. Peut-être une réminiscence de l’époque où étaient vénérées les Déesses-Mères primitives ? L’île de Sein, dans ce contexte, peut être vue comme un sanctuaire inaccessible, un lieu mystique isolé, un portail entre le monde des vivants et celui des esprits ou des dieux.

 

La Légende du Diable

 

Plusieurs histoires se rapportent au Diable. Elles reflètent la lutte des insulaires contre les forces naturelles et surnaturelles, et montrent l’influence grandissante de la religion chrétienne. Le Diable, toujours présent quand il s’agissait d’inculquer la peur dans l’esprit des gens afin de mieux les tenir sous la coupe de cette religion nouvelle qui prit la place des anciennes croyances païennes, fut mêlé à toutes les sauces. Il ne restera pourtant que diaballein, celui qui sépare, face à symballein, son antonyme, celui qui rassemble (voir l’article sur le symbole ).

 

Ces légendes nous parlent donc de la lutte du bien (la religion chrétienne et ses saints) contre le mal (l’ancienne religion et ses figures diaboliques qu’étaient devenues les druidesses) et illustrent la peur viscérale des marins et des habitants de l’île face aux éléments et aux puissances mystérieuses qui semblent contrôler la mer et leur destin.

 

La première d’entre elles nous parle du pont de saint Guénolé, gallois d’origine, disciple de saint Budoc et fondateur de l’abbaye de Landévennec.

 

L’abbé Guénolé, ami du roi Gradlon, se rendait souvent sur l’île de seidhun. Ces nombreuses visites avaient attiré l’attention du Diable, nommé Polig, autrement dit petit Paul. Il s’intéressait fortement à ce petit bout de terre depuis qu’il avait entendu parler des Gallicènes, femmes de mauvaise vie qui y avaient élu domicile, et du culte qu’elles portaient à Nehalennia, leur déesse païenne. Il lui tardait donc de prendre possession des âmes des seidhunais. Il avait vainement essayé de faire la traversée en se cachant dans une des barques de pêcheur, mais ses sabots brûlants mettaient rapidement le feu aux planchers de bois.

Polig, épiant Guénolé, avait appris qu’il avait promis au capitaine de l’île de construire un pont entre la pointe du Raz et Seidhun. Fortement intéressé, il prit la forme d’un beau jeune homme et vint le trouver.

- Bonjour Guénolé !

- Que veux-tu, Polig ? (Le saint, qui n’était pas né de la dernière pluie, avait bien remarqué les sabots fourchus du Malin sous son apparence séduisante.)

- Oh pas grand-chose, juste t’aider à construire le pont et traverser jusqu’à Seidhun avec toi.

- Hors de question ! Jamais je ne te laisserai mettre un sabot sur l’île !

- Très bien. Alors construit ton pont tout seul et je le prendrai. Si tu ne le construis pas, tu seras parjure puisque tu l’as promis au capitaine et tu perdras ta sainteté : j’aurai ton âme !

Guénolé était bien embêté : d’un côté il perdait son âme, de l’autre ses ouailles. Il pria si fort que Dieu l’entendit et lui vint en aide. Il souffla un vent si froid qu’il transforma les eaux de la passe en un pont de glace très solide. Polig, ravi, s’élança le premier et courut le plus vite possible pour faire la traversée.  Mais ses pieds fourchus brûlants firent fondre la glace et il fut précipité dans les eaux furieuses du raz, en un endroit qui s’appelle depuis la cheminée du Diable, au lieu-dit l’enfer de Plogoff. Le réchauffement brutal des eaux sous la chaleur des sabots eut pour effet d’amplifier les courants déjà violents, ce qui mit les habitants de l’île à l’abri des assauts du Diable pendant longtemps. Les seidhunais, pour remercier Guénolé, se signèrent désormais à chaque fois qu’ils passaient devant la pointe du Raz.

 

La deuxième, qui met elle aussi Guénolé à l’honneur, est plus sombre.

 

L’histoire raconte qu’à une époque reculée, les habitants de l’île de Sein vivaient dans une grande misère. Les tempêtes détruisaient leurs récoltes et leurs embarcations, et les marins périssaient régulièrement en mer, pris dans les courants traîtres qui entouraient l’île. Désespérés, certains insulaires conclurent un pacte avec le Diable pour améliorer leur sort. Le Malin leur promis prospérité et protection contre les tempêtes en échange de l'âme de certains habitants qu’il viendrait chercher chaque année à une date précise.

Arriva saint Guénolé. Mis au courant de cette affaire, il décida de libérer les habitants de l’emprise du Diable. Un jour, le démon aux pieds fourchus vint sur l’île réclamer les âmes promises. Guénolé, armé de sa foi, se confronta à lui et un violent combat entre le Bien et le Mal éclata. De violentes tempêtes se déchainèrent et des éclairs illuminèrent le ciel. À la fin du combat, Guénolé fut vainqueur et chassa le Diable dans les profondeurs de la mer, où il fut enchaîné à jamais sous les eaux tumultueuses entourant l’île de Sein.

Certains sénans pensent encore que bien qu’enchainé sous la mer, le Diable continue d'influencer les éléments et qu’il peut périodiquement tenter les âmes des habitants, cherchant à les entraîner dans la damnation. L’invocation de saint Guénolé reste encore leur meilleure protection.

 

La légende des Arbres

 

L’île de Sein est dépourvue d’arbres, à l'exception de quelques rares spécimens protégés dans des recoins abrités. La présence constante du vent et l’environnement maritime rendent la croissance des arbres très difficile. Cette réalité géographique fut expliquée dans les légendes.

La première se plonge dans les racines culturelles de l’île.

Selon cette légende, l’île de Sein était, il y a très longtemps, couverte d’une forêt luxuriante. Les habitants vivaient en harmonie avec la nature, profitant de l’abondance de bois pour construire leurs maisons et leurs bateaux. Le temps passa. Les habitants, habitués à l’abondance et ne montrant aucun respect pour la terre qui les nourrissait, coupèrent les arbres sans mesure et surtout sans replanter de jeunes pousses.

Face à cette ingratitude et à ce manque de respect, les anciens Dieux, en accord avec les Esprits de la Nature qui veillaient sur l’île, décidèrent de les punir. Une terrible tempête s’abattit alors et en une nuit tous les arbres furent arrachés du sol et emportés par la mer, ne laissant que des landes dénudées et battues par les vents. Le châtiment continua dans le temps et depuis ce jour, aucun arbre ne fut autorisé à pousser sur l’île.

 

La deuxième prend une connotation plus chrétienne.

En des temps fort reculés, la terre de la pointe s’avançait beaucoup plus loin et les arbres n’avaient aucun mal à pousser. Seidhun, la pointe de la pointe du bec du Raz, s’enorgueillissait de voir sur son sol des hêtres, chênes et autres bouleaux, en une belle forêt sous laquelle les druides par la suite aimaient à se promener. L’île un jour se sépara du continent et les arbres continuèrent à pousser. Lorsque le Sauveur naquit, Dieu demanda à tous les éléments de la terre, animaux et végétaux, de venir reconnaître l’enfant roi, ce qu’ils firent tous, sauf les arbres de Sein, effrayés par la traversée périlleuse et dont la foi n’était pas encore à l’abri de la crainte du voyage, comme en général dans les pays celtiques. A part les chênes, trop fiers, et les saules, trop occupés à faire de la musique, tous les autres arbres étaient bien trop craintifs. Ils restèrent donc sur l’île et aucun représentant des arbres de Seidhun ne fit le déplacement, ce que Dieu remarqua évidemment et il leur en demanda la raison. Lorsqu’il vit que les motifs étaient aussi futiles, et le manque de confiance qu’ils avaient en leur seigneur et maître, ainsi que leur absence de dévotion, il entra dans une très grande colère et fit souffler sur Sizun une énorme tempête qui en déracina tous les arbres ainsi que leurs jeunes pousses. Dieu promit de répéter ces bourrasques de façon régulière, afin qu’aucun descendant de ces végétaux impies ne puisse reprendre racine en ce lieu. Et c’est ainsi que, depuis deux mille ans, les tempêtes reviennent régulièrement souffler sur la pointe du Raz et l’île dont les végétaux ont manqué de foi en Dieu. C’est pour cela qu’il n’y a pas d’arbres à Sein et qu’il y a tant de tempêtes.

Tiré de l’Histoire de l’île-de-Sein, PDF.

 

Les légendes du Bag an Noz et des bateaux fantômes

 

Bag an Noz en breton veut dire le bateau de la nuit. L’île de Sein partage cette légende avec une grande partie de la Bretagne, et notamment avec la baie des Trépassés  qui, comme chacun le sait bien, tire son nom du breton Boë an Aon, la baie du ruisseau, devenu bien plus tard Boë an Anao, la baie des âmes en peine. Trépasser, comme on pourrait le croire, ne vient pas de « passer trois fois » mais de l’ancien français trespasser, de tres, issu du latin trans : au-delà, et du latin vulgaire passare, dérivé du latin passus, le pas : traverser. Trépasser représente donc l’action de passer de la vie à la mort, avec une notion de changement.

La base de la légende parle d’une barque aussi noire que la nuit, éclairée par un fanal lugubre, qui, surgissant de la brume à la tombée de la nuit, vient chercher les âmes des morts et les conduit en direction du soleil couchant vers les îles Bienheureuses où ils poursuivent leur destin. Au gouvernail se tient pendant un an le Tremeneur (qui mène vers l’au-delà), le premier noyé du mois de janvier, sauf sur l’île de Sein qui choisit le dernier de décembre. Si, par malheur, on la voit passer, il faut réciter le Requiescat in pace, prière pour les défunts prononcée lors de la messe de requiem :

Requiem æternam dona ei, Domine.

Et Lux perpetua luceat ei.

Requiescat in pace.

Amen.

Donne-lui le repos éternel, Seigneur.

Et que la lumière éternelle l'illumine.

Qu'il repose en paix.

Ainsi soit-il.

La plus ancienne histoire raconte que le Bag an Noz attendait sur le rivage de la baie des Trépassés les âmes des druides de Gaule et les emmenait sur l’île de Sein où se trouvaient leurs sépultures.

La légende se transforma avec l’arrivée du christianisme. Au Ve siècle, saint Patrick, après avoir évangélisé l’Irlande, revint en Bretagne. Proche de Dieu, il lui demanda de faire en sorte qu’une partie des âmes destinées au purgatoire irlandais, trop nombreuses, soient reçues sur l’île de Sein. Le bateau de la nuit et son capitaine d’une année, l’Ankou de la mer, qui récupèrait les âmes de tous les morts destinées au purgatoire le lendemain de la Toussaint, partait alors de la baie des Trépassés. Arrivées au milieu de la passe du Raz, les âmes, devenues de petites flammes, étaient prises dans un grand rayon de feu qui les conduisait autour de l’antique autel des druidesses sur l’île de Sein, le fameux dolmen entouré de menhirs, là où auparavant se tenaient les sépultures des druides.

 

Le bateau semble aller à la dérive et être à l’abandon, toutes ses voiles dehors. Si les marins veulent l’aborder, le Bag Noz s’éloigne doucement, incitant les hommes à le suivre imperceptiblement toujours plus près des écueils acérés. Ceux qui l’ont suivi sont tous morts. Mais souvent, les pêcheurs informés comprennent qu’ils sont face au Bateau de la Nuit et ne le suivent pas. Un signe de croix est alors le plus sûr moyen de se protéger et d’éloigner la mort qui rode devant eux. Pourtant, ils savent tous que le Bag an Noz est annonciateur d’un décès prochain. Il ne leur reste plus qu’à rentrer au port et à prier pour la paix des âmes des trépassés. Ils savent que sous peu la mort va encore frapper. Doué da bardono an Anaon ! Dieu pardonne aux défunts ! Lorsque la tempête se donne en spectacle et que les embruns fouettent les visages, que les granits se transforment en de gigantesques remparts ruisselants et que le Bag Noz pousse des cris lugubres et froids, l’Ankou aime alors quitter sa barque et venir s’asseoir sur un rocher de l’Ile de Sein. Il aime regarder la mer se déchaîner et s’ouvrir en symphonie sur les écueils. Il sait bien que son travail sera rude à la suite de ce spectacle. Il va falloir prendre tous les morts et leur faire traverser la mer, loin, très loin, vers l’Autre Monde où reposent les âmes.

Tiré de l’Histoire de l’île-de-Sein, PDF.

Les sénans redoutaient également le bag sorcerez ou bateau des sorcières, qui, la nuit, transportait les veuves de l’ile que l’on appelle les vieilles du sabbat. Ces femmes, considérées comme de véritables sorcières, conversaient avec les mauvais esprits des eaux, utilisaient des pouvoirs surnaturels pour contrôler les éléments, provoquer des tempêtes ou guérir les malades. Lorsqu’un sénan par exemple souhaitait la mort de quelqu’un, il part voir une de ces femmes après la tombée du jour. Souvent elles logeaient entre le village et le phare, au lieu-dit an lliz, l’église. La sorcière se rendait alors à 3 sabbats et remettait au démon du vent et de la mer un objet appartenant à celui ou celle qui devait périr…

 

Encore aujourd’hui il se dit que le Bag an Noz peut surgir à tout moment devant les marins, ils sont nombreux à l’avoir vu.  L’île de Sein pourrait bien être le domaine des anaon, les âmes errantes, nombreuses sur l’îlot de Trevennec parait-il. Elles empêchent même les oiseaux de nicher. Ces fantômes sont appelés krierien, les crieurs, en raison de leurs cris et de leurs lamentations nocturnes. Regroupés par 7, ils sont habillés d’un ciré et portent le suroit, chapeau de marin imperméable. Parfois ils annoncent la tempête et on les entend crier « hola ! tenna ar bagou da siac’ha ! », « oh ! Tirez vos bateaux au sec ! »

 

La sirène

 

De nombreuses personnes ont vu, dans les environs de l’île de Sein, une sirène portant de longs cheveux. C’est peut-être une fée des eaux, une Marie-Morgane, créature issue du peuple des Morgan. En breton, mor signifie mer et ganet, né. Ce sont des êtres nés de la mer… Certains pensent que c’est l’âme d’Ahès-Dahut, la fille du roi Gradlon, qui prévient les marins qu’une tempête va se lever.

 

 

 

 

 

La cité d’Ys

 

Une autre légende semble puiser ses racines aux temps de la Grande Déesse, celle du roi Gradlon et de la ville de Ker Ys. Bien que fortement christianisée, empreinte des fautes et autres indicibles horreurs imputées aux femmes depuis l’arrivée des hommes au pouvoir, pétrie des bons sentiments des saints contrant les vilaines coutumes païennes, elle contient encore une merveilleuse symbolique : on y retrouve le mythe de la ville engloutie et celui des gardiennes des eaux ou de l’autre monde. Ker Ys aurait pu se situer, d’après certains, entre Sein et la baie des Trépassés.

 

« Il était une fois, au fin fond de la Bretagne, en Cornouaille, un roi bon et beau qui s’appelait Gradlon Meur. On le disait fils ainé du légendaire roi Conan Meriadec et de sainte Darerca, la sœur de saint Patrick. Lors d’un voyage en Irlande, il tomba amoureux de Malgven, reine du Nord, que certains disaient magicienne, d’autres même fée ou sirène. Mariée au vieux roi Harold, elle s’arrangea pour que Gradlon, devenu son amant, le tue en lui faisant boire un poison. Le forfait commis, ils s’enfuirent tous deux montant Morvarc'h, le cheval noir de Malgven qui soufflait du feu par ses naseaux et galopait sur les flots. Pour le malheur du roi, elle mourut en donnant naissance à leur fille, Dahut. 

Rentré seul chez lui, Gradlon fit construire une magnifique cité côtière, protégée des assauts de la mer par une immense digue, au milieu de laquelle se trouvait une porte de bronze dont il gardait précieusement la clé. Il éleva seul sa fille. Un jour, un saint homme, Guénolé, vint de l’abbaye de Landévennec pour les voir et les convertir à la religion du vrai Dieu. Dahut, devenue une belle jeune fille aux cheveux d’or, ne voulut rien entendre. Elle préféra continuer à mener une vie de luxure et de débauche, au milieu des soieries, des ors et des festins. Le saint homme mit en garde le roi, devenu pieux, l’avertissant que les péchés de sa fille pouvaient précipiter la chute de la ville.

Mais Gradlon aimait trop Dahut pour la punir. Un soir, elle eut la visite d’un séduisant étranger tout vêtu de rouge. Elle passa la nuit avec lui, et, au matin, il lui demanda la clé de la porte de bronze. Sous le charme, elle la vola à son père et le soir venu la remis au visiteur qui s’empressa d’ouvrir la porte avant de disparaître. Les flots envahirent la ville. Guénolé réussit à s’échapper avec le roi qui montait Morvarc'h, le cheval magique. Ils allaient arriver sur la terre ferme lorsqu’ils entendirent Dahut appeler au secours. Gradlon vit sa fille se débattre dans les vagues mugissantes. Il fit demi-tour, l’agrippa et la fit monter sur son cheval. Mais Morvarc'h ne pouvant porter le poids des péchés de Dahut, s’enfonçait dans les flots... Guénolé ordonna de l’abandonner à son sort. Gradlon s’enfuit donc sans sa fille à Quimper qui devint sa nouvelle capitale. »

  

Pas terrible pour un père d’abandonner sa fille même si elle a commis une erreur, et pas très charitable de la part d’un saint homme de conseiller la fuite… À moins qu’il ne faille remplacer « Dahut » par « ancienne religion druidique » et « Guénolé » par « la nouvelle, le christianisme ». Quoi qu’il en soit, Dahut, transformée en sirène, hanterait encore les eaux. En breton moderne, le préfixe ker se rattache à l’idée de ville ou de village, mais il provient du vieux breton caer, qui veut dire forteresse, citadelle. Ys serait issu d’izel, ce qui est en bas, ou sous quelque chose. Ker Ys serait donc la forteresse du bas, ou la forteresse dessous (la mer).

 

Les coutumes et traditions

 

Sur l’île de Sein, lorsqu’une femme est atteinte d’une maladie grave, il est de tradition que neuf veuves partent à la chapelle implorer saint Corentin. Elles apportent avec elles un cierge et du pain. Une fois le premier Pater récité, elles allument le cierge qu’elles placent sur un chandelier aux pieds du saint et déposent à côté le pain. Trois fois elles récitent cette phrase : « saint Corentin, guérissez notre sœur malade. Si vous ne pouvez la guérir, faites-la mourir promptement ». Puis elles sortent, et, précédées de la croix, elles font trois fois le tour de la chapelle.  Elles récitent une prière au Midi, à l’Orient, au Septentrion et enfin au Ponant. La plus âgée rompt alors le pain et chacune en mange un morceau. Ce qui reste est apporté chez la malade.

 

Une autre tradition faisait balayer la chapelle de Saint Corentin aux sénanes et disperser la poussière aux quatre vents pour obtenir à leurs maris une bonne traversée en mer.

 « Saint Corentin, guérissez notre sœur malade. Si vous ne pouvez la guérir, faites-la mourir promptement »

Coutume de pêcheurs

“ La chapelle de Saint-Guénolé, au port, qui est la paroisse de l’île, est bâtie depuis peu d’années et remplace la primitive dont la fondation remonte au XII ème siècle. On y voyait une petite statue du patron, tenant un navire dans sa main droite. Comme le poignet de la main était à pivot, le marin qui venait prier Saint Guénolé de lui obtenir un vent favorable donnait au navire la direction pour laquelle il le sollicitait, puis déposait dans le tronc quelques pièces de monnaie. La statuette a disparu.

 

 

 

 

Us et coutumes

Il est encore d’usage, dans l’île de Sein, de se mettre à genoux devant la nouvelle lune et de réciter en son honneur l’oraison dominicale. Au premier de l’an, on fait une offrande aux fontaines, en y jetant un morceau de pain couvert de beurre, représentant, selon nous, les productions végétales que nous devons à la grande Koridgwen (Voy. la Vie de Michel de Nobletz, par le père Saint-André)

 

 

 

 

 

Le culte du soleil

La génération par le feu, folklore du Cap-Sizun et de l’île-de-Sein, rapporté par H. Le Carguet - BSAF-tome XXV - 1898

... Souvent, autour des feux de la St-Jean, lorsque le bûcher était près de s’éteindre et la foule retirée, nous avons remarqué des personnes âgées survenir, apportant chacune sa brindille de bois, attiser à nouveau le feu, et, pleine de recueillement, se livrer à des cérémonies toutes différentes des farces usuelles qui venaient de se passer. Nous avons observé, interrogé ces personnes ; nous avons prolongé notre enquête durant plusieurs années, et avons pu reconstituer en partie ces rites, tels qu’ils se pratiquaient dans l’ancien temps. Voici le résultat de nos recherches : Le bûcher était entouré d’un cercle de neuf pierres, appelé Kelc’h an tân, le cercle du feu. On l’allumait en neuf endroits différents, en commençant par l’Orient. Aussitôt que la flamme s’élevait, des jeunes gens, armés de torches ou de tisons pris au bûcher, alternant avec des jeunes filles, les cheveux épars sur le dos, et tenant à la main une tige verte d’orpin (sedum latifolium), défilaient processionnellement, devant le foyer, en faisant trois fois neuf tours. Nous n’avons pu déterminer, avec certitude, le côté par lequel commençaient les circonvolutions. Les jeunes filles inclinaient, au-dessus du feu, les tiges qu’elles avaient à la main, tandis que les jeunes gens agitaient, au-dessus de ces tiges, leurs torches enflammées, en décrivant des séries de trois cercles. Le dernier des tours achevé, la procession s’arrêtait. Les jeunes gens franchissaient, en sautant, trois fois, le foyer ; puis, s’emparant des jeunes filles, les balançaient neuf fois, au-dessus du feu, en faisant l’invocation : “ An nao !... An nao !... An nao !...” Les jeunes gens se répandaient ensuite à travers la campagne, décrivant, avec leurs torches, des cercles de feu, en criant, à tous les échos : “ An nao !... An nao !... An nao !...” pour indiquer que le rite mystérieux était accompli. Les jeunes filles, au contraire, entraient chez elles, pour accrocher, aux poutres, les tiges qui avaient été passées au feu, et qui devaient, comme conséquence de ce fait, sans terre, sans eau, suspendues en l’air, croître, fleurir er fructifier. A l’Ile-de-Sein, on allumait trois feux. La procession des torches se faisait au déchal (marée descendante qui découvre la grève) de la mer, à l’extrémité Est de l’île, en inclinant toujours la flamme vers l’Orient. Ces feux exerçaient une influence sur les éléments : ils ramenaient le calme sur la mer et dans l’air, pendant leur durée. Le lendemain des feux de la Saint-Jean, tout travail était interdit aux jeunes filles, même le travail de la maison. Ces cérémonies sont les restes du culte du soleil, ou la génération par le feu.

Le bûcher, tân-tad, le feu père, entouré d’un cercle de neuf pierres et s’allumant à l’est, du côté où le soleil se lève, c’est l’emblème de l’astre qui ranime la nature, donne le germe de la vie. La plante verte qui a reçu, par le feu, ce germe, est l’image de la terre, de la nature, fécondée par le soleil. An nao, les neuf, c’est le nombre des mois que l’enfant est porté dans le sein de sa mère ; l’espace de temps que la graine, confiée à la terre, met à germer, croître et fructifier. C’est aussi le nombre des degrés qui constituent la famille indo-européenne, comme le nombre trois, indiquant celui des degrés de parenté en ligne directe, est la base de cette famille. Une autre cérémonie qui se pratiquait anciennement à l’extrême pointe du Raz rappelle également ce mythe. Après qu’une lande était défrichée et que la terre avait reçu, pour la première fois, la semence, les laboureurs, avant de quitter le champ, réunissaient, en faisceaux, leurs instruments, les manches fichés en terre. L’un d’eux se hissait sur les fers, et debout, tourné vers l’orient, prononçait les mots magiques : “ An nao !... An nao !... An nao !”, qui devaient attirer la fécondation sur le champ. Actuellement, l’herbe de la Saint-Jean passe pour posséder des propriétés merveilleuses : Sortie de la flamme du bûcher, on la pose toute fumante, sur la figure, pour donner la clarté aux yeux, fortifier la vue. C’est un signe de vie dans la maison où elle croît ; un signe de mort, avant la fin de l’année, là où elle se flétrit, ou tombe. Lumière et vie ! toujours l’ancien culte du soleil.

 

Les dictons

 

« Qui voit Molène voit sa peine. Qui voit Ouessant voit son sang. Qui voit Sein voit sa fin ». Ce dicton fait référence à la dangerosité des eaux entourant les îles, lieux réputés pour leurs récifs et courants traîtres. Il exprime la peur qu'inspiraient ces zones dangereuses aux marins.

« Sein est là où commence l'enfer ». Ce dicton souligne la réputation de l'île de Sein comme un endroit sauvage et rude, où les tempêtes sont fréquentes et la vie difficile. L'isolement de l'île et les dangers de la mer ont alimenté cette vision.

« À Sein, le vent n’est jamais loin ». Ce dicton illustre la nature venteuse de l'île de Sein, où les vents marins soufflent presque constamment. Il est utilisé pour rappeler la rigueur du climat sur cette petite île battue par les éléments.

« Qui se méfie de Sein ne fait jamais rien ». Ce dicton valorise le courage des marins qui bravent les eaux difficiles autour de l’île de Sein. Il signifie que la peur de cette région ne doit pas empêcher d'agir, notamment dans les activités de pêche ou de navigation.

« Sein bat sa mesure et fait danser la mer ». Ce dicton poétique fait allusion à la puissance des courants marins qui entourent l’île de Sein, donnant l’impression que l’île elle-même contrôle les mouvements de la mer. Il témoigne aussi du lien intime entre l'île et l'océan.

« Quand Sein se couvre, le marin découvre ». Ce dicton est une référence aux changements de météo souvent rapides sur l'île de Sein. Quand des nuages s'accumulent autour de l'île, les marins savent qu'ils doivent préparer leurs bateaux ou ajuster leur itinéraire, car une tempête ou du mauvais temps est imminent.

« À Sein, la mer est toujours reine ». Ce dicton reconnaît l'importance omniprésente de la mer dans la vie des habitants de l'île de Sein. La mer gouverne non seulement les activités quotidiennes des insulaires (comme la pêche), mais elle façonne aussi la culture et l'imaginaire de l'île.

« Les gens de Sein sont gens de bien, mais l’enfer est sous leurs pieds ». Ce dicton évoque la bravoure et la ténacité des habitants de l'île, qui sont réputés pour être des gens robustes et solidaires malgré les conditions difficiles. L’enfer fait référence aux dangers de la mer et aux récifs traîtres qui entourent l'île.

 

Ces dictons montrent la dureté des conditions de vie sur l'île de Sein et le respect des habitants pour la mer, tout en soulignant le courage et la résilience des marins et insulaires face aux dangers maritimes.

 

http://librenecessite.over-blog.com/article-le-bag-noz-ou-bateau-de-nuit-115540892.html

https://www.premar-atlantique.gouv.fr/uploads/atlantique/arretes/1408628046-index-2014-070.pdf

https://occidere.wordpress.com/wp-content/uploads/2010/03/histoire-de-lile-de-sein.pdf

https://bibliotheque.idbe.bzh/data/cle_217/ile__de__sein.pdf

https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%8Ele_de_Sein#L%C3%A9gendes_locales

https://pennarbed.fr/histoire-et-culture-de-lile-de-sein/

http://www.infobretagne.com/ile-de-sein.htm

https://occidere.wordpress.com/wp-content/uploads/2010/03/histoire-de-lile-de-sein.pdf

http://enezsun.chez-alice.fr/Tourisme/Eglise.htm

https://fr.wikipedia.org/wiki/Saint_K%C3%A9-Coll%C3%A9doc

Histoire de l’île de Sein, compilation chronologique de tous les documents - cartes, textes, légendes, dessins et photos - trouvés sur l’île et ses environs. file:///C:/Users/Utilisateur/Downloads/Sein_livre1_MB-2.pdf

Photo de saint Corentin : https://bretagne-en-3d.com/

3 octobre 2024

L’île-de-Sein

Historique

 

L’île-de-Sein ou Enez-Sun en Breton, île principale d’un archipel de la mer d’Iroise, fait partie d’une chaine granitique datant de 300 000 millions d’années et dont la pointe du Raz à l’est (7 km) et les récifs de la chaussée de Sein à l’ouest (25 km) font partie. Le granite qui forme l’île n’est pas homogène, si bien que l’érosion a fait ressortir des rochers prenant bien des formes mystérieuses.

Des galets aménagés, c’est à diremodifiés par l’homme pour en faire des outils, retrouvés par une équipe d’archéologues, furent identifiées et datés d’environ 420 000 ans avant notre ère, soit durant le Paléolithique inférieur, à l’époque de l’ère glaciaire de Mindel où la Baie d’Audierne était une plaine et l’île de Sein un plateau d’altitude. C’est aussi l’époque de la domestication du feu (voir le Menez Dregan à Plouhinec.)

 

 

 

 

 

Il y a 120 000 ans, le climat étant devenu plus chaud chaud, le niveau de la mer s’éleva de sept mètres. C’est à cette période que se formèrent les plages de galets fossiles qui constituent la surface actuelle de l’île.

 

 

Après les différentes périodes glaciaires, la dernière, Würm IV (entre -30 000 et -11 700 ans) fit descendre la mer à 120 mètres en-dessous du niveau actuel (le littoral se situait alors à 40 km à l’ouest) et l’île était alors reliée au continent. Les humains s’y installèrent et beaucoup de leurs œuvres furent englouties lors du dernier réchauffement climatique. De nombreuses haches polies, des tessons de poteries sont toujours retrouvées dans les éboulis côtiers.

Durant le Néolithique, les hommes dressèrent de nombreux monuments sur l’île. Il n’en reste malheureusement que quelques-uns, mais avec un peu d’imagination et avec l’aide des fées et des korrigans, il nous sera facile de nous promener sur cette terre sacrée que les Gaulois, puis les Romains, occupèrent.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Pomponius Mela, géographe romain du Ier siècle, écrit (Chorographie, III, 42) : « L’île de Sena, située dans la mer Britannique, en face des Osismes, est renommée par un oracle gaulois, dont les prêtresses, vouées à la virginité perpétuelle, sont au nombre de neuf. Elles sont appelées Gallicènes (Gallisenae, Cènes ou Senes), et on leur attribue le pouvoir singulier de déchaîner les vents et de soulever les mers, de se métamorphoser en tels animaux que bon leur semble, de guérir des maux partout ailleurs regardés comme incurables, de connaître et de prédire l’avenir, faveurs qu’elles n’accordent néanmoins qu’à ceux qui viennent tout exprès dans leur île pour les consulter ».

 

 

 

 

 

 

Les Osismes, peuple gaulois de la pointe du Finisterre, furent déjà cités sous le nom d'Ostimioi au IVe siècle par le géographe Pythéas, dans les parages d’un cap Kabaïon, proche d’Ouessant. Leur nom signifiait « les plus hauts », « ceux du bout du monde », Penn-ar-Bed en Breton.

 

 

 

 

Une légende rapporte que l’île aurait été donnée en 440 par Gradlon, roi de Cornouaille, à saint Guénolé, qui, lassé du continent, y aurait établi un prieuré avec quelques disciples avant de devenir le fondateur de l'abbaye de Landévennec. Les légendes liées à Gradlon et à saint Guénolé sont riches en symbolique. Si vous voulez en avoir un aperçu, c’est dans mon article sur la baie des Trépassés et sur le Menez Hom (cliquer sur le nom).

A noter : « L’Île de Sein reçoit la croix de la Libération le 1er janvier 1946. En juin 1940, la quasi-totalité des hommes en âge de combattre choisit de partir rejoindre les Forces Françaises Libres en Angleterre ». Pour mémoire, 5 villes françaises ont reçu cet honneur : Paris, Nantes, Grenoble, Vassieux en Vercors et l’île-de-Sein.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’étymologie

 

Le toponyme reste mystérieux. Certains l’attribuent à une divinité, à un saint (Sidonius), d’autre à une contraction du nom du cap Sizun, ou bien au breton seiz hun, les 7 sommeils, qui seraient reliés aux prêtresses gauloises. Le mot gaulois senos, vieux, et le latin sinŭs, anse, golfe, baie, ont peut-être fusionné, la forme de l’ile étant courbe.  Au IVe siècle ce fut Sina, au XIe insula Seidhun, Sayn au XIVe, Insule Sedun au XVe, isle Seizun au XVIIe.

 

Carte des différents lieux de l'article

 

 

L’église Saint-Guénolé

 

1 sur la carte. D’après la tradition sénane, la première église de l’île-de-Sein, dont on ne connait pas la dédicace, fut construite par saint Guénolé en 440 sur l’emplacement de l’actuelle mairie. Après le départ du saint, c’est l’abbaye de Landévennec qui en assura le service religieux.

 

 

 

 

 

 

 

 

La deuxième église fut construite au XIIe siècle sur l’emplacement de la première par les bénédictins de Landévennec et dédiée à saint Collodan.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Saint Collodan est connu sous différents noms : Ké, Kéa, Kénan, Quay, Kinanus, Kelly, Colledoc, Colodoc, Kecoledocus, la liste est sans fin.  Il serait venu du Pays de Galles, ou d’Irlande, ou de Grande-Bretagne, traversant la mer du Nord dans une auge en pierre pour débarquer sur la côte nord de la Bretagne, à Saint-Quay-Portrieux dans le département des Côtes-d'Armor. Lorsqu’il arriva, les habitants, le prenant pour un démon, le malmenèrent et il fut gravement blessé. Il ne dût la vie sauve qu’au jaillissement d’une source dont l’eau miraculeuse lui permit de guérir.

 

 

 

 

 

 

L’église Saint-Collodan de Sein devint trop petite, humide et insalubre, étant construite 1 mètre en-dessous du sol du cimetière attenant. C’est en 1898 que la décision fut prise de construire une nouvelle église.

 

 

 

 

 

 

Cette fois elle sera bâtie au point culminant de l’île, sur un terrain qui appartenait alors au conseil de fabrique (au sein d'une paroisse catholique, le conseil de fabrique est, jusqu'en 1905 en France, un ensemble de personnes, clercs et laïcs, ayant la responsabilité de la collecte et de l'administration des fonds et revenus nécessaires à la construction et entretien des édifices religieux et du mobilier de la paroisse).  Elle fut vendue pour démolition en 1912 à Clet Marzin, gardien de phare.

La troisième église fut donc construite entre 1898 et 1901 sur les plans de l’architecte breton Armand Gassis dans un style néo-roman.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Elle fut, cette fois, dédiée à saint Guénolé.

 

 

 

 

 

 

Elle comporte une nef à collatéraux mais sans transept, avec un chevet à trois pans. Ce sont les habitants de l‘île, principaux donateurs, qui se chargèrent eux-mêmes du transport des pierres et sur le portail est gravé une inscription latine qui leur rend hommage : Stat virtute Dei et sudore plebis, elle se dresse par la puissance de Dieu et la sueur du peuple. Dédiée cette fois à saint Guénolé, ses murs sont en granite, son toit en ardoise.

L'ex-voto de l'église Saint-Guénolé est une réplique d'un navire de guerre de la fin du XIXe siècle, réalisée aux environs de 1870.

 

 

 

 

 

Les bannières et statues de procession sont des représentations de Notre-Dame de l’Espérance, de saint Guénolé et saint Corentin.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

J’ai eu le plaisir d’y rencontrer le cousin. J’ai trouvé cette statue très belle.

Rien de bien particulier en ce lieu, il faut aller un peu plus loin et un peu plus haut pour ressentir quelque-chose.

 

 

 

 

Les Causeurs

 

2 sur la carte. Les deux menhirs les plus connus de l’île-de-Sein sont dressés près de l’église Saint-Guénolé, posés côte à côte, orientés nord/sud. L’un d’eux a l’air d’être tourné vers l’autre comme s’il lui parlait, d’où leur nom. En breton, ils sont appelés Ar Fillistérien (les causeurs, le grand et le petit) ou bien Ar Prégourien (les prêcheurs).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ils sont tous les deux faits du même granite blanc. Le plus gros mesure 2,80 mètres de hauteur sur 1,40 de large et le plus petit 2,30 mètres de hauteur sur 1,20. Il reste sur les pierres quelques vagues dessins, traits et signes qui auraient pu indiquer une orientation par rapport aux étoiles, datant peut-être de l’époque où les Phéniciens, se rendant en mer Baltique pour aller chercher de l’ambre, s’arrêtaient dans le port de l’île-de-Sein.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Au XIXe siècle, ils étaient plantés sur une petite butte et entourés de petits menhirs en forme de cromlech. Il fut question de les déplacer lors de la construction de l’ancienne église Saint-Collodan et finalement restèrent sur place. Autrefois, ces menhirs étaient reliés au tumulus de la croix de Nifran par un chemin, sorte de voie sacrée bordée de pierres dont il reste quelques exemplaires.

 

 

 

 

 

 

 

 

Selon la légende, les malades atteint de fièvre devaient mettre 9 galets dans leur mouchoir et aller les déposer à leurs pieds pour être guéris. Malheur à celui qui ramassait le mouchoir, il prenait le mal !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le dolmen de Nifran

 

3 sur la carte. Le long d’un petit chemin partant de l’église Saint-Guénolé et menant au point culminant de l’ile sont couchées plusieurs pierres mégalithiques surmontées d’une croix érigée en 1776.  Nifran, c’est littéralement le nid du corbeau. Cet endroit fut appelé ainsi parce que, selon la légende locale, un couple de corbeaux, chaque année, venait y faire son nid.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Autrement appelé le trou des korrigans, il ne reste pas grand-chose de ce qu’il fut vraisemblablement un dolmen ou une allée couverte, en tous cas un groupe de sépultures réunies sous un tumulus. Les archéologues ont retrouvé les restes d’objets rituéliques, poteries brûlées, galets brisés, silex.

 

 

 

Cet endroit, malgré la présence du nid des corbeaux, est lié aux énergies de la Mort, la Renaissance se retrouvant plus haut, au bout du chemin initiatique commencé dans le cromlech de l’église Saint-Guénolé.

 « Le plus important des monuments de l'époque néolithique est, sans contredit, le tumulus du Nifran, recouvrant un groupe de sépultures réunies, plusieurs cist-ven (tombeaux mégalithiques à quatre faces) isolés ou adossés, de petites galeries aboutissant à des chambres funéraires, un dolmen simple et un autre reposant sur un cist-ven. Tous les genres de sépultures usités à l'époque se trouvent épars dans l'île, le Nifran les réunit tous. Leur diversité indique que cette station fut occupée à toutes les périodes du néolithique. L'incinération paraît avoir été le seul rite en usage. Les fouilles ont révélé que le culte des morts y était très développé et réduit à une extrême simplicité. Des offrandes funéraires étaient déposées dans les tombeaux. »

Extrait du livre de Stanislas Richard : Sein, l'île des Trépassés – 1959 – Éditions André Bonne

 

 

Les rochers du Kador

 

4 sur la carte. En partant de la rue du Nifran vers le nord, on passe devant les ruines d’un ancien moulin et on arrive sur l’esplanade du Kador (ou ar Gador, la chaise) qui domine quelque peu les flots et où de nombreux rochers granitiques aux formes particulières se dressent.

 

 

C’est ici que deux corbeaux revenaient chaque année se poser sur un des blocs de pierre, ceux-là même qui allaient nicher ensuite dans le tumulus du Nifran.

 

 

Les habitants, voyant que les deux oiseaux avaient l’habitude de faire leur ronde annuelle, comme s’ils surveillaient les alentours de l’île, ne tardèrent pas à en faire deux esprits protecteurs. Afin de leur rendre hommage, ils appelèrent alors l’endroit Karreg ar Vran, la roche du corbeau.

 

Une ancienne légende parle des neuf Gallicènes de l’île-de-Sein, les fameuses prêtresses de Pomponius Mela. Elle raconte que ces vierges, telles la Pythie de Delphes, se tenaient près de ces rochers afin de rendre leurs oracles. Certains des iliens, les plus hardis, disent qu’autrefois, sous les blockhaus, se trouvait une faille très profonde et que ce qui émanait de cette faille donnait leurs pouvoirs aux druidesses.  Ces deux casemates, construites par l’organisation Todt (groupe de génie civil et militaire du Troisième Reich) pendant la guerre de 39/45, furent appelées avec humour Kremlin et Vatican.

De vieilles cartes postales montrent cet amas de granite sous le nom de « la chaise du curé ».

 

 

 

 

 

Ce que j’ai remarqué, ce sont les cupules, presque des bassins par leur taille, creusées dans les roches granitiques. Elles ont certes été façonnées par les éléments, mais certaines sont vraiment profondes et reliées entre elles. De l’eau lustrale servant de source sacrée, un dolmen, des rochers, des corbeaux, des druidesses… Presque la cathédrale du Puy-en-Velay. Une fois arrivée là, quelque-chose me retenait, je n’ai pas eu envie d’en partir.

 

 

 

 

 

 

 

Le dolmen du Sphynx

 

5 sur la carte. Du Kador, il faut traverser l’île dans sa largeur vers l’isthme de Kourrigou pour aller vers la rive sud.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Situé à l’est du rocher du Sphynx, il ne reste plus que deux orthostates debout de ce dolmen.

 

 

 

 

Le Sphynx

 

6 sur la carte. Ce rocher, situé au bord de l’eau au centre de l’ile, sur le lieu-dit Maen Eonog, ne laisse pas indifférent. Il fait la joie des enfants qui grimpent à l’assaut d’un château imaginaire, le bonheur des photographes quand les rayons du soleil laissent paraitre des formes évocatrices et le ravissement de ceux qui perçoivent au-delà des sens. Certains voient dans la roche une face humaine et l’autre simiesque et disent que le rocher est le gardien de l’île contre les démons qu’il pétrifie.

Le toponyme breton Maen Eonog signifierait pierre courageuse, pierre brave. Les légendes parlent d’un autel dressé devant le rocher, qui serait un ancien lieu de culte. Personnellement, je m’y suis sentie bien, apaisée, prise dans une douceur enveloppante.

 

 

 

La pointe de Beg al Lann

 

7 sur la carte. Cet endroit fut, parait-il, un ancien lieu de culte. Une cabane en pierre y fut restaurée en 2006. Plusieurs menhirs ainsi qu’une allée couverte sont répertoriés alentours, mais il est très difficile de les voir, même à marée basse. De nombreux artéfacts, comme des tessons de poterie, furent aussi retrouvés dans le coin.

 

La commune fit restaurer les parements en pierre sèche d’un ancien chemin-digue : débroussaillage, démontage des parties effondrées, stabilisation des fondations, remontage manuel du parement. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Plas ar Skoul

 

8 sur la carte. Ar Skoul est le nom d’un oiseau de proie, le milan. Mais skoul c’est aussi le croquemitaine… L’amer (point de repère fixe et identifiable utilisé par les marins pour la navigation) blanc et rouge fut construit près du rivage ouest de l’île, face à la chaussée de Sein, prolongement vers l'ouest, sur environ 25 kilomètres, des formations granitiques de la pointe du Raz.

 

Il est pratiquement impossible aux navires de franchir cette passe aux nombreux récifs, rochers escarpés, secteur de l'Iroise qui connaît en plus des courants de marées très intenses, des brouillards fréquents et de nombreuses tempêtes.  

 

Proche de l’amer, deux rochers granitiques forment, dirait-on, une belle porte de vie. Dans l’article de Monsieur Hyacinthe Le Carguet du Bulletin de la Société Archéologique du Finistère paru en 1897, il est fait mention en cet endroit d’un tumulus, petite butte de 3 mètres non explorée.

 

La chapelle Saint-Corentin

 

9 sur la carte. Saint Guénolé, disciple de saint Corentin (premier évêque de Quimper), vint construire, en l’an 440, un prieuré sur l’île de Seidhun avec quelques compagnons. Ils bâtirent ensuite au Goulenez, près d’un puits (ou bien s’installèrent-ils ici en premier), un ermitage adossé à un petit oratoire sur l’emplacement, dit la tradition, d’un ancien lieu de culte druidique.

 

 

 

 

 

 

 

Après son départ et la fondation de Landévennec, c’est cette abbaye qui se chargea de son entretien. De nombreux ermites s'y succédèrent, survivant grâce à leur jardin (chardin an Iarmit) protégé des vents et des embruns par des murets de pierres sèches et la petite fontaine miraculeuse du placître (terrain vague herbeux, délimité par une clôture ou un mur, entourant les chapelles, églises ou fontaines en Bretagne) d’où coulait une eau potable.

 

L’oratoire devenu trop petit et vétuste pour les ermites, une chapelle dédiée à saint Corentin fut édifiée sur son emplacement entre les XVIe et XVIIe siècles. Mais au début du XXe siècle, la chapelle était en ruines. Lors du départ des sénans pour l’Angleterre après l’appel du général De Gaulle en juin 1940, les habitantes de l’île firent le vœu de reconstruire la chapelle à la victoire de la France et au retour de leurs hommes.

 

 

 

 

 

Il leur fallut attendre quelques années puisque ce n’est qu’en 1971 que l’abbé Yves Marzin, recteur de l’île, commença la restauration de l’édifice.

 

 

 

 

 

 

 

Il voulut la chapelle plus grande et commença à creuser de nouvelles fondations. C’est alors qu’il trouva l’ancienne table d’autel de la chapelle primitive marquée de la croix de consécration, un menhir de plus de 3 mètres de long enfoui, ainsi que de curieuses pierres creusées en forme d’auge (deux sont restées dehors, et j’aimerai savoir si le bénitier retaillé sur la gauche en entrant n’en ferait pas partie).

 Il remonta les murs avec les anciennes pierres trouvées sur place et remplaça l’ancien clocher par un clocheton de l'ancienne église du bourg. Enfin, la chapelle fut inaugurée le 13 août 1972.

 

 

 

La découverte du menhir et des auges en pierre qui ressemblent fort à une ancienne fontaine druidique, le puits à l’eau miraculeuse, tout cela confirmerait la présence en ce lieu de druides (ou avant eux de druidesses, ces fameuses Gallicènes). L’alignement de petits menhirs semble être une réalisation bien plus tardive…

 

 

 

 

 

À l’intérieur de la chapelle se tenait une statue de saint Corentin. Avant qu’elle ne soit volée au XIXe siècle, les marins tournaient sa crosse d’évêque dans la direction qu’ils avaient choisie pour des vents favorables et lui demandaient une bonne pêche. « Autrou sant Korentin, avel Nord, ni o pedomp !  Monsieur saint Corentin, vent du nord, nous vous prions » ! S’ils n’étaient pas exaucés, ils enduisaient la statue de goémon ou de jus de leurs chiques et la tournaient contre le mur pour la punir. Lorsque les vents tournaient enfin, la statue, lavée et remise en place, recevait des offrandes et des prières particulières.

 

 

L’îlot des Milinou

 

10 sur la carte. Pas très loin de la chapelle Saint-Corentin, en face du grand phare de Goulenez, après une petite anse de galets, se dresse sur l’îlot des Milinou (anciennement Emelenou) un amas de rochers granitiques, accessible seulement à marée basse. Ne me demandez pas pourquoi, mais je sens qu’il est important. Peut-être a-t-il été le théâtre de processions et de rituels d’un autre âge ?

 

Les fontaines

 

Dans le centre du village, près de la mairie, une petite ruelle part vers le Guéveur. Elle se nomme la rue des Fontaines. L’eau est depuis toujours un souci pour les habitants de l’île qui est dépourvue de source. Ce que l’on nomme « fontaines », ce sont des puits creusés dans lesquels l’eau de mer, s’infiltrant à travers la roche et le sable, s’accumule, décante et se désalinise naturellement. C’est l’un de ces puits que l’on trouve près de la chapelle Saint-Corentin, qui date des années 1970. Ce puits a rapidement été abandonné à cause de sa production insuffisante. L’eau des puits reste quand même saumâtre et les sénans avaient pour habitude d’utiliser l’eau de pluie qu’ils conservaient dans des réservoirs. Une citerne communale fut construite au Nifran en 1897 (elle récolte les eaux de pluie tombées sur la toiture de l’église Saint-Guénolé) et en 1972 fut mis en place au Goulenez un système de dessalement d'eau de mer (osmoseur). L'eau, prélevée près du phare, est traitée puis acheminée vers la citerne du Nifran. En 2008, un osmoseur plus performant remplaça l’ancien.

La première fontaine de la rue, Saint-Guénolé, est située contre une maison du XIXe siècle. C’est un puits, vieux de plusieurs centaines d’années, qui est actuellement recouvert d’une dalle en béton. L'accès se faisait par un escalier en pierre d’environ 8 mètres et un seul seau d'eau par jour et par famille était autorisé.  Le puits ne s’est jamais tari et son niveau peut s’élever de plusieurs mètres selon les marées.

 

 

 

 

 

 

La deuxième, plus bas, c’est Sainte-Anne. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Elle fut, autrefois, honorée lors de célébrations qui commençaient par une procession. Il est vrai qu’une belle énergie s’en dégage, et sainte Anne protège sûrement ceux qui l’honorent, assis sur le banc de pierre proche du petit édifice en granite qui recouvre le puits.

 

Prochain reportage, les légendes de Sein...

11 septembre 2024

Le symbole

Le symbole

Le Robert en donne cette définition : « Être, objet ou fait perceptible, identifiable, qui, par sa forme ou sa nature, évoque spontanément (dans un groupe social donné) quelque chose d'abstrait ou d'absent. Par exemple, la colombe est le symbole de la paix ».

Le Larousse à son tour : « Signe figuratif, être animé ou chose, qui représente un concept, qui en est l'image, l'attribut, l'emblème : le drapeau, symbole de la patrie ».

Ce mot, fréquemment utilisé, possède une si profonde signification qu’il mérite qu’on s’y attarde un peu. Jean Chevalier et Alain Gheerbrant, dans leur fameux dictionnaire, parlent de l’expression symbolique comme « la traduction d’un effort de l’homme pour déchiffrer et maitriser un destin qui lui échappe à travers les obscurités qui l’entourent ». Regardons et essayons de voir pourquoi.

Le mot symbole vient du latin symbolum, lui-même issu du verbe grec symballein (σύμβάλλειν), composé des radicaux sum (avec, ensemble) et ballein (jeter, lancer), prenant le sens de jeter ensemble, assembler des parties pour former un tout, joindre.

De ce verbe dérive le mot sumbolon. C’est, à l’origine, chez les grecs, une partie d’un objet brisé que l’on montrait comme signe de reconnaissance à celui qui possédait l’autre partie. Un tesson de poterie était cassé en deux par exemple et chacun partait avec un morceau. Pour se reconnaitre, il fallait que les deux morceaux s’emboitent parfaitement. À Rome, le mot est devenu synonyme de signe, d’emblème, devenant une marque servant à accréditer un envoyé ou à se faire reconnaitre de quelqu’un, comme un cachet ou un sceau. Dans mon dictionnaire de latin, symbolum est un signe, une marque servant à accréditer un envoyé ou à se faire reconnaitre de quelqu’un.

Il prend ensuite une connotation d’union, de connexion, de rassemblement.

Ce symbole, au fil du temps, va assimiler plusieurs idées fondamentales comme l’unité et la connexion qui vont dépasser la forme physique et va représenter des idées, des personnes ou des concepts qui sont liés de manière significative. Il va porter une signification plus profonde qu’une simple image ou un mot, qui pourra être cultuelle, religieuse, politique ou personnelle.  Il va permettre de partager des idées complexes de manière concise et souvent universelle, tout en sachant que leur interprétation peut varier selon le contexte. Pour autant, il continue à jouer un rôle identique au premier, utilisé pour reconnaitre des individus, des groupes, des idées.

Aujourd’hui, le symbole, utilisé pour transmettre des significations complexes de manière concise et unifiée, est devenu un élément essentiel dans la communication humaine. Au figuré, le symbole devient l’ensemble qui lie deux représentations ayant la même signification.

 

Qu’en est-il de son contraire ?

 

Si le symbole vient du latin symbolum, lui-même issu du verbe grec symballein (σύμβάλλειν), son antonyme, le diable (διάβολος), vient du latin diabolum, issu du grec diaballein (διαβάλλειν), composé cette fois du préfixe dia (séparant, divisant) et toujours du verbe ballein (jeter, lancer). Le verbe diaballein signifie littéralement "jeter à travers" ou "disperser". Son sens s'est étendu pour inclure des notions telles que "diviser", "accuser faussement" ou "calomnier".

 

La symbolique du terme diaballein va s’imprégner quant à lui des idées contraires de symballein. Il n’unit pas, il divise, il sépare. Il devient la représentation de la fragmentation, de la désunion des individus, des groupes, des idées. Il prend aussi la connotation de calomnie ou de mensonge, de fausse accusation visant à créer des conflits. Il s’oppose à l’unité, à l’harmonie, à la vérité, cherchant à détruire l’ordre établi. Dans la religion chrétienne, le terme diable désigne Satan, l’ennemi de Dieu, son opposé. Il est nommé le tentateur, l’accusateur, l’incarnation du mal, mais surtout celui qui divise.

 

Le Diable qui divise et détruit représente la force opposée au Symbole. Ces concepts mettent en lumière la dualité des forces à l'œuvre dans le monde : l'une cherchant à créer l'harmonie et la compréhension, l'autre semant la discorde et la confusion. Ces deux concepts sont opposés mais complémentaires. Point d’ombre sans lumière.

 

Prenons un peu de hauteur et regardons le monde des humains. Avons-nous aujourd’hui tendance à nous unir ou bien à nous diviser ? Qui dirige notre planète ? Celui qui divise ? Celui qui met les bouchées doubles depuis quelques années pour séparer les familles, les proches, les amis, les voisins, les citoyens, les politiques, les pays, les nations ? Mais peut-être que les forces du Symbole, restées cachées, sont-elles à l’œuvre ?  À moins qu’il ne faille passer par la dissolution pour retrouver une recomposition de l’être et aboutir à l’alliance finale, le Rubedo…


La Nature est un temple où de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles ;
L'homme y passe à travers des forêts de symboles
Qui l'observent avec des regards familiers.

Charles Baudelaire

 

28 juillet 2024

Kommos (Κομμόςun)

Le site archéologique de Kommos est situé au sud de la Crète, dans le golfe de la Messara près de Matala, et donne donc sur la mer de Lybie. Les iles de Paximadia, au large de la côte, là où la légende fit naitre Apollon et Artémis, devaient, avant que le niveau des eaux monte, protéger le rivage. Kommos devint alors le port de Phaistos et de Hagia Triada. Kommos est un nom correspondant à la période grecque classique, le nom minoen, d’après l’Odyssée, serait Amyklaion (Αμύκλαιον).

La première occupation du site semble remonter à la fin du Néolithique. Au début de la période Protopalatiale minoenne, la ville prit de l’ampleur et un premier grand bâtiment civique fut bâti.

Durant le Néopalatial, elle fut reconstruite et s’agrandit (jusqu’à 3,5 hectares), devenant un port majeur qui connut son apogée entre le XVIe et le XIIe siècle avant notre ère.

En raison de sa position stratégique dans le Bassin Méditerranéen, il servit de point d’échange de marchandises venant d’Anatolie, d'Égypte, de Tunisie, de Chypre, du Liban, de la Syrie et de la Sardaigne. De nombreux objets provenant de ces pays furent découverts (poteries, sculptures, rhytons, figurines, etc.) ainsi que de nombreuses poteries minoennes et mycéniennes, des tablettes en linéaire A et B, des ancres de pierre, des pressoirs à olive ou à raisin. Tous sont exposés au musée d’Héraklion.

Après le déclin de la civilisation minoenne, Kommos passa sous l'influence des Mycéniens. Les structures architecturales de cette période montrent une continuité d'occupation et d'utilisation du site et la ville portuaire resta un centre commercial important. Le site fut partiellement abandonné vers -1 200, laissant le port de Matala prendre de l’ampleur, puis connut une réoccupation au cours de la période archaïque. Les vestiges de cette époque montrent un faible retour à l'activité commerciale et maritime.

 

 

 

 

 

 

 

Vers -1 020, des sanctuaires furent érigés, indiquant une importance religieuse croissante. Les marchands phéniciens utilisèrent un temple, entre -800 et -600, autour duquel furent retrouvées les figurines en faïence des déesses égyptiennes Sekhmet et Nefertoum, indiquant un lien avec Memphis, en Égypte, où Sekhmet, épouse de Ptah, était la mère de Nefertoum. Un dernier sanctuaire fut construit aux environs de -400 et fréquenté jusqu’en l’an 150. Sous la domination romaine, Kommos continua à être habitée, puis fut progressivement abandonnée laissant le sable enfouir toute trace de son existence.

 

 

 

 

 

 

 

Le site fut fouillé entre 1976 et 1994 par des archéologues canadiens sous la direction de Joseph W. Shaw de l'Université de Toronto. Depuis, rien n’a été fait pour l’ouvrir au public et il est impossible de le visiter. Il reste toutefois visible, les barrières laissant facilement la possibilité de prendre des photos. Au nord, sur de petites collines, se situent les quartiers résidentiels et les infrastructures civiques furent construites au sud, dans la partie plus plate et proche du rivage.  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Plusieurs structures importantes furent découvertes : un bâtiment important présentant toutes les caractéristiques de l'architecture palatiale minoenne (une grande cour centrale entourée d'ailes) avec des bâtiments administratifs et commerciaux, un sanctuaire, puis des structures en pierre qui servaient de centre de stockage et de distribution des marchandises ou bien de hangar pour la protection des bateaux, des maisons privées, des bâtiments résidentiels et des espaces où les artisans travaillaient la poterie, le métal et d'autres matériaux.

Le site montre un plan urbain sophistiqué avec des rues pavées et des systèmes de drainage. Les bâtiments furent construits en pierre locale et les murs épais et les fondations profondes indiquent que certaines structures étaient à étages multiples. Chose intéressante, la ville produisait probablement du colorant violet, apprécié des élites.

https://en.wikipedia.org/wiki/Kommos_(Crete)

https://www.megalithic.co.uk/article.php?sid=11634

https://viagallica.com/grece/village_tympaki.htm#plage_kommos

https://www.megalithic.co.uk/article.php?sid=11634

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