Le disque fut retrouvé lors de fouilles à Phaistos en 1908 par Luigi Pernier, avec d’autres objets datés du début de la période Néopalatiale (une tablette en linéaire A par exemple), c’est-à-dire entre -1 700 et -1 600 avant notre ère. C’est un disque en terre cuite de 16 cm de diamètre sur 1 cm d’épaisseur couvert sur chaque face d’une inscription idéographique inconnue comportant 241 signes (122 face A et 119 face B) de 45 types différents.
L’inscription a la forme d’une spirale qui va de la circonférence vers le centre (ou l’inverse suivant l’interprétation qu’on pourrait en faire) et les signes sont organisés en 61 groupes (séquences) séparés entre eux par des lignes verticales, peut-être des mots.
Les experts semblent être d’accord sur le fait que chaque signe représente une syllabe plutôt qu’une lettre, avec parfois l’ajout d’un idéogramme (symbole représentant un mot entier). Le scribe devait écrire de droite à gauche.
Chacun des caractères a été imprimé séparément sur l’argile humide au moyen d’une estampe, un petit poinçon en métal ou en bois. C’est précurseur de la typographie. Parmi ces signes on reconnait des hommes, des femmes et des enfants, des animaux : poissons, oiseaux et insectes, des bateaux, des ustensiles, des outils, des plantes.
Le texte n’a pas vraiment été déchiffré. Certains pensent que c’est un hymne religieux à la Grande Déesse, d’autres des incantations magiques, ou bien un calendrier astral, un décret royal, un index de centres religieux, une partition de musique, un objet votif, une lettre de salutation, un rituel de fertilité ou un ancêtre du jeu de l’oie. Certains disent que le disque n’a pas été fait en Crète. On parle d’Anatolie, de Chypre, de Sumer, d’Égypte ou de Lybie, mais la femme représentée est bien une crétoise aux seins nus et à la jupe volantée. Quant au poisson, il ressemble plus à un esturgeon de la Caspienne ou de la mer Noire qu’à un thon ou un dauphin de Méditerranée.
La dernière thèse de Gareth Owens, linguiste gallois directeur du Bureau des relations internationales de l’Université hellénique méditerranéenne, spécialiste du linéaire B connu pour ses essais pour déchiffrer le linéaire A, me parait judicieuse. Il pense, après plus de 10 années d’études sur le disque en utilisant les valeurs phonétiques du linéaire B et la linguistique comparée, que le texte de la face A est une prière à la « déesse enceinte qui brille ». La face B pourrait être une prière à la déesse de l'accouchement, probablement la déesse Aphaia, liée à la déesse enceinte mentionnée sur la première face. Aphaia est identifiée en Crète minoenne à Diktynna, la déesse de l'accouchement, elle aussi liée à la lumière et à la fertilité. Il pourrait aussi s'agir d'une référence à Astarté ou à Aphrodite.
Ici un essai de la prononciation du texte. Ce serait donc l’ancienne langue de la civilisation minoenne.
C’est au sud d’Héraklion, posé à 97 mètres de hauteur sur un large plateau au sommet d’une colline dominant de tous côtés la grande plaine fertile de la Messara, que se dresse le palais de Phaistos, deuxième plus grand centre du monde minoen après Cnossos. À ses pieds coule la rivière sacrée des Minoens, le Geropótamos (ιερό ποτάμι, ierò potámi, littéralement rivière sacrée) qui reçoit un peu plus bas les eaux de son affluent sur les rives duquel se trouve Gortyne, le Litheos qui abreuvait Ágioi Déka et ses 10 saints miraculeux. Le Léthé est le fleuve des Enfers où passaient les âmes qui avaient obtenu la faveur de revenir dans le monde des vivants pour se réincarner. Lêthê veut dire l’oubli. Chose intéressante, avec un A privatif, lêthê devient alítheia, la vérité, c’est à dire l’absence d'oubli…
Diodore de Sicile attribue sa fondation au roi Minos, souverain de Cnossos. Radhamanthe, son frère, est aussi cité comme potentiel fondateur ou comme gouverneur. Tous deux sont devenus gardiens des Enfers. Homère dans l’Illiade et l’Odyssée la décrit comme une ville bien fondée au grand nombre d’habitants. Le petit fils de Minos, Idoménée, la fit participer au siège de Troie.
« Phaistos passe pour avoir vu naître Épiménide », dit Strabon dans Géographie, livre X-4, chapitre 14. Cette encyclopédie géographique fut écrite entre -20 avant notre ère et l’an 23.
D’après les mythes, le toponyme viendrait de Phaïstos, le petit fils d’Héraclès, tué par Idoménée. Homère dans l’Illiade, Rhapsodie V, en parle en ces termes : « Et Idoméneus tua Phaistos, fils du Maionien Bôros, qui était venu de la fertile Tarnè. L'illustre Idoméneus le perça à l'épaule droite, de sa longue pique, comme il montait sur son char. Et il tomba, et une ombre affreuse l'enveloppa, et les serviteurs d'Idoméneus le dépouillèrent ».
Les archéologues penchent plutôt pour une origine préhellénique. Ce serait pa-i-to, un mot issu du linéaire B, écriture mycénienne d’inspiration babylonienne apparue en Crète vers -1 375, signifiant brillant, glorieux.
Historique
La colline de Phaistos fut habitée dès le Néolithique, vers 6 000 avant notre ère. C’est vers -3 000 que la première agglomération fut construite. On retrouva quelques vestiges de maisons et des outils du Prépalatial.
L’utilisation d’objets en bronze (donc le besoin d’aller chercher de l’étain à rajouter au cuivre), l’essor de l’agriculture, de la marine et du commerce posèrent les bases de la future civilisation minoenne.
Le culte principal alors était celui de la Déesse-mère, aux formes variées. Deux ports sur la mer de Lybie desservaient la cité, Matala et surtout Kommos.
L’apogée de Phaistos se situe entre les IIIe et IIe millénaires, durant le Protopalatial. Les vases en céramique, les œuvres d’art, les bijoux de cette époque sont les témoins d’une esthétique et d’un raffinement extraordinaire. Phaistos devint, avec Cnossos, Malia et Zakros, l'un des centres les plus importants de la civilisation minoenne.
Le premier palais, le plus grand, fut bâti vers -1 950. Détruit vers -1 750, les ruines furent remblayées et un nouveau palais fut construit vers -1 600 sur un niveau plus élevé. Entre-temps Hagia Triada avait pris plus d’importance en devenant le centre politique de la région. Le culte de la Grande Déesse se poursuivit, avec peut-être l’ajout à ce moment d’un parèdre, Velchanos (Ϝελχάνος), son fils ou son jeune amant. Certains mythologues pensent qu’il fut l’ancêtre du Zeus de la Grèce classique que l’on fit naitre en Crète.
Ce deuxième palais du Néopalatial fut construit en une trentaine d’années. Il fut détruit vers -1 450 mais la colline de Phaistos continua à être habitée durant le Postpalatial, c’est-à-dire jusqu’en -1 100. Puis les Mycéniens s’en emparèrent. À l’époque d’Homère, la cité existait toujours et avait même de l’importance puisqu’elle est décrite dans L’Illiade comme ayant de nombreux habitants. C’est à cette époque, au VIIe siècle avant notre ère, que fut construit le temple de Rhéa (déesse grecque de la Fertilité issue d’une antique Déesse-mère de Phrygie, mère de Zeus) ou bien d’après les dernières recherches, de Léto Phytia (une Titanide mère d’Appolon).
Phaistos est alors une grande cité autonome, battant sa propre monnaie. Bien qu’elle fût une ville importante, Phaistos ne résista pas aux attaques de sa voisine, Gortyne, capitale romaine de la Crète, qui s’en empara vers -180. En – 160 avant notre ère, Phaistos n’existait plus et fut oubliée.
Elle fut retrouvée en 1853 par le capitaine Thomas Spratt qui s’appuya sur une citation de Strabon dans Géographie : « Des trois villes fondées en Crète par Minos (Cnossos, kydonia et Phaistos), la dernière, Phaistos, fut détruite par les Gortyniens : elle était située à 60 stades de Gortyne, à 20 stades de la mer et à 40 du port de Matalon ».
Les premières fouilles, conduites par Antonio Taramelli à la demande de Federico Halbherr, commencèrent dès 1894. L'École d'archéologie italienne sous la direction de Federico Halbherr et de son élève Luigi Pernier reprit les fouilles en 1900 jusqu’en 1904 et occasionnellement jusqu’à la fin des fouilles d’Hagia Triada en 1908, date à laquelle fut retrouvé le disque de Phaistos.
Doro Levi reprit les fouilles entre 1950-1971, Vincenzo la Rosa entre 2 000 et 2 004, et enfin Fausto Longo en 2 007. Contrairement à Cnossos, fouillé et (mal) restauré par Arthur Evans, le palais de Phaistos est resté tel qu’il a été découvert.
Description
Le site de Phaistos occupe 8 400 m² de terrain et s’étale sur trois niveaux. Les vestiges des deux palais, le plus ancien de -1 950 et le plus récent de -1 600 avant notre ère, sont imbriqués. Les deux palais, entourés de villas et de communautés urbaines, possédaient plusieurs fonctions. Demeure de rois-prêtres crétois, centre de commerce (entrepôts) et d’artisanat (magasins, ateliers), siège de la justice et de l’administration, ils étaient aussi un centre religieux important où se déroulaient des fêtes, des cérémonies et les initiations. Les escaliers monumentaux, les voies processionnelles, le théâtre, les nombreuses salles servant au bain lustral (purification), les différents sanctuaires dont le grand sanctuaire de l’aile ouest réservé au culte de la Déesse en sont la preuve. Il semblerait que le palais fut orienté en direction du lever du soleil à l’équinoxe.
1 Cour haute
2 Cour ouest et théâtre
3 Sanctuaire
4 Grands propylées
5 Salle à péristyle
6 Bain lustral du roi
7 Mégaron du roi
8 Mégaron de la reine
9 Cour nord
10 Crypte sacrée
11 Cour est et four à métaux
12 Cour centrale
13 Magasins
14 Puits
15 Salle aux deux piliers
16 Sanctuaire
17 Temple de Rhéa ou de Léto
En bleu les bains lustraux et puits
En violet la pièce où fut découvert le disque de Phaistos
La visite commence par la cour haute, située au nord-ouest, qui domine le site (1). Elle est recouverte de dalles irrégulières et est traversée du nord au sud par une voie processionnelle légèrement surélevée.
Elle fait partie du premier palais même si des bâtiments furent ajoutés lors de la période gréco-romaine.
À l’est ont été mis au jour quelques sarcophages de l’époque chrétienne.
Un escalier monumental datant du deuxième palais descend au sud.
Il arrive au sanctuaire protopalatial tripartite composé de 5 salles
dont l’une avec des banquettes le long des murs et d’une salle à ciel ouvert (3).
Dans l’une des salles furent découvertes une table d’offrande emplie de cendres contenant les restes d’ossements et un coquillage de libation.
De là on arrive dans la cour ouest (2) protopalatiale, recouverte de dalles irrégulières.
Elle est traversée par deux voies processionnelles surélevées dont l’une d’elle se poursuit sur huit larges marches formant ce que l’on nomme le théâtre, de 22 mètres de largeur.
Ces marches ressemblent effectivement à des gradins et les archéologues supposent qu’ici se tinrent des cérémonies religieuses ou des jeux comme la taurocatapsie. Lors de la construction du deuxième palais, cette partie fut totalement remblayée.
Au sud de la cour se trouvent quatre constructions circulaires, des kouloúres (κουλούρες), nommées ainsi par Arthur Evans qui les découvrit en 1903 à Cnossos et qui trouva qu’elles avaient la forme d’un pain rond fabriqué en Crète, le kouloúra.
Les explications vont de fosses à ordures à citernes en passant par des silos à grains. Récemment une théorie en parle comme des puits à offrandes. Je n’ai rien ressenti de particulier près de ces constructions à Phaistos, contrairement à Cnossos.
La partie est de cette cour donne sur la façade ouest du palais protopalatial. Au nord-est un escalier monumental de 12 marches (légèrement inclinées afin d’évacuer l’eau de pluie) donne accès au palais néopalatial par un propylon dont il reste la base du pilier central.
Après se trouve un vestibule revêtu d’albâtre qui donne sur un portique à triple colonnade délimitant un puits de lumière (4). Au sud, un sanctuaire et son bain lustral.
Puis vient un escalier menant au nord vers la salle hypostyle (5)
et les appartements royaux divisés en deux parties,
le mégaron du roi (7)
et le mégaron de la reine (8)
avec leur bain lustral (6).
À l’est Les mégarons royaux donnent sur la cour nord (9) et le complexe sacré protopalatial (10) utilisé également lors de la construction du deuxième palais. Au nord des compartiments en brique destinés à ranger les objets sacrés. Les archéologues appellent cet endroit les archives. C’est ici que fut retrouvé en 1908 le fameux disque de Phaistos (point violet). Au sud, plusieurs petites pièces dont l’une dallée d’albâtre possédant une banquette et ce qui fut certainement un bassin lustral.
Cette cour est reliée à la cour est (11) qui contient en son centre un ancien four à métaux.
L’escalier menant aux appartements royaux descend au sud vers une série de magasins ou des ateliers d’artisans (13) où furent découverts des vases polychromes d’une qualité exceptionnelle.
Ce sont des pithoi. Un pithos (πίθος) est un vase en céramique en forme de jarre datant de la Grèce antique, utilisé pour le stockage de produits alimentaires.
Ici également une grande salle où furent retrouvées les empreintes en argile d’un grand nombre de sceaux datant de l’ancien palais. Proche du vestibule, un escalier descend vers un bassin lustral probablement utilisé lors des cérémonies faites dans la cour centrale (12).
La grande cour centrale dallée, cœur du complexe néopalatial, destinée très probablement aux jeux et aux cérémonies religieuses, était déjà présente lors du premier palais. Elle mesure 51,50 m sur 22,30 m. Ses côtés est et ouest sont bordés de portiques à colonnades.
Toutes les parties du palais communiquent avec elle par des corridors étroits ou des allées qui devaient être très surveillées. Au nord, une construction à degrés laisse envisager la présence d’un autel. Un puits plus récent fut creusé dans sa partie sud (14).
La façade ouest donnait sur des pièces labyrinthiques dont la salle aux piliers (16)
et le sanctuaire principal (15) avec leurs banquettes caractéristiques aménagées le long des murs.
De l’autre côté, la partie est de la cour possède des pièces très luxueuses. L’accès à ce complexe se faisait en montant quatre marches et en passant sous un portique.
Un grand polythyron (pièce d'un palais ouvrant sur plusieurs côtés par des baies multiples que séparent des piliers) donnait sur un vestibule conduisant au bassin lustral. De nombreux objets rituels furent retrouvés dans cet espace.
C’est au sud de cette partie du palais, où affleure la roche brute, que j’ai ressenti le plus d’émotion. Le rocher parait travaillé, avec peut-être la présence de bassin et de cupules. Cette partie du palais s’est effondrée et on en retrouve des pierres le long de la pente abrupte de la colline.
Proche du rocher, en direction du sud-est, se trouvent les restes d’un ancien four ou d’une habitation en forme de dôme datant de la période Néolithique.
À l’ouest du four, construit sur un axe nord-est/sud-ouest se trouvent les ruines d’un temple de la période Gréco-romaine (17). Il fut au départ attribué à la déesse Rhéa pour ensuite passer à Léto. Quoi qu’il en soit, il y avait ici la présence d’un culte à la Déesse-Mère certainement depuis les origines du site. Elle change de nom suivant les époques mais reste l’archétype de la Déesse de la Fertilité.
Capitale de la Crète orientale, la petite ville portuaire d’Ágios Nikólaos (Saint-Nicolas) du golfe de Mirabello existe depuis longtemps. C’était le port de la cité de Latô, ou Latô pros Kamara, située quelques kilomètres plus haut dans les montagnes, et qui se développa surtout pendant la période gréco-romaine.
Au début du XIIIe siècle, après que la Crète fut prise par les croisés en 1204 puis vendue aux Vénitiens, le port prit de l’importance. Le fort de Mirabello fut construit en 1206 par le corsaire génois Enrico Pescatore qui s’était emparé de la Crète pour protéger la petite ville naissante. Détruite plusieurs fois puis reconstruite, la forteresse fut reprise aux Turcs par l’amiral vénitien Gianbattista Grimani et ses chevaliers de l’Ordre de Saint-Jean de Jérusalem qui finalement la firent sauter en 1645 lors de conquête de la Crète par les Ottomans.
C’est dans les années 60 que la ville prit son essor avec l’afflux des touristes, mais elle a su garder tout son charme.
Le lac Voulismeni (Λίμνη Βουλισμένη)
De forme circulaire, d’une profondeur de 48,8 mètres pour un diamètre de 137, bordé de falaises sur son rivage nord, le lac Voulismeni ou bassin d’Artémis est un ancien lac d’eau douce qui était alimenté par une source.
Il se forma lors de l’effondrement du plafond d’une ancienne cavité karstique, un véritable gouffre qui se remplissait de l’eau de la source.
En 1856 un séisme frappa l’ile d’Amorgos, au nord de Santorin, et provoqua des tremblements de terre et un tsunami avec des vagues de plus de 20 mètres qui atteignit Ágios Nikólaos. Une partie des falaises s’effondra et la source se tarit.
L’eau stagnante rendant l’atmosphère putride, le pacha Kostakis Adossisis, le gouverneur ottoman d’origine grecque, décida en 1870 de relier le lac à la mer en creusant un canal. C’est en 1905 que les troupes françaises, garantissant l’autonomie nouvelle de la Crète et demeurant à Sitia, agrandirent le canal et construisirent un pont mobile afin que les bateaux puissent s’amarrer dans le lac.
Sur la rive ouest du lac, où sont exposées quelques colonnes de Latô pros Kamara, l’ancienne ville, une grotte fut transformée en église. Elle est appelée la crypte du pêcheur.
À l'intérieur des grottes sont plus ou moins conservées des icônes et du vieux matériel de marins.
Un peu plus loin, une ancienne fontaine porte des caractères arabes, rappel de l’occupation de la ville par les Turcs.
Plusieurs légendes se rapportent au lac. La première parle d’une déesse, Artémis, qui venait s’y baigner. Cette déesse, fille de Zeus et de Leto, sœur jumelle d’Apollon, représente le côté lunaire alors que son frère est totalement solaire. Déesse de la Nature sauvage, protectrice des femmes, des chemins et des ports, rattachée à la fécondité, elle préside à la naissance des hommes. Elle est liée au passage, à la transition, à l’initiation. Ses attributs sont l’abeille, le chien, le cerf et l’ours.
Parmi ses nombreuses épiclèses, on trouve Agrotera, patronne des chasseurs, Delia, née sur Délos, Ennodia, patronne des chemins, Hagne, chaste et pure, Hêgêmonê, la conductrice, Hemerasia, celle qui apaise, Kourothropos, protectrice de la jeunesse, Limnatis, protectrice des lacs, Paedotrophos, nourrice des enfants, Phôsphoros, porteuse de lumière…
Son culte comprenait des éléments orientaux, empruntés aux anciennes déesses mères comme Cybèle ou encore Isis. Certains mythologues disent qu’Artémis établit sa demeure en Crète.
Les habitants de la ville disent que ce lac n’a pas de fond et qu’il est relié directement aux enfers, ou en tous cas aux abysses de l’au-delà. Pour preuve, les soldats allemands, pendant la seconde guerre mondiale, alors qu’ils quittaient la Crète, jeta des canons et des véhicules blindés dans le lac. Personne ne les a jamais retrouvés. Il n’y a pas si longtemps, les freins du camion qui servait au nettoyage des rues se desserrèrent et le camion tomba dans le lac. Lui non plus n’a jamais été retrouvé ! Chaque année, le soir de Pâques, les habitants se retrouve sur ses berges pour regarder le feu d’artifice et lancer des pétards. Peut-être pensent-ils effrayer les mauvais esprits du lac ?
L'église Panagia Vrefotrophos
À quelques centaines de mètre du lac Voulisméni, sur les flancs d’une des cinq collines d’Ágios Nikólaos, se trouve Notre-Dame Vréfotrophos. Construite au XIIe siècle, orientée à l’ouest, c’est l’une des plus anciennes églises de la ville et son nom signifie « nourricière de l’enfant ».
La construction de l’église, en pierre à une seule nef voûtée, date du XIIe siècle mais elle fut agrandie par les Vénitiens. La partie la plus ancienne est la partie occidentale.
A l’intérieur, des peintures murales, sous forme de fresques représentant des scènes de la vie du Christ et de la Vierge, datent du XIVe siècle.
La Panagia Vréfotrophos est la Vierge protectrice des enfants. En lien avec l’ancienne protectrice du lac, Artémis ?
L’église Ágios Nikólaos
La petite église Ágios Nikólaos ou Saint-Nicolas est la plus vieille de la ville et lui a donné son nom. Située sur une péninsule au nord-est, dominant la baie d’Ormos où les Romains puis les Byzantins amarraient leurs bateaux, elle fut construite au début du VIIe siècle, vers 827.
Elle fut dédiée à saint Nicolas, l’un des saints les plus vénérés de l’Église orthodoxe, protecteur des enfants et des marins. Son corps est conservé dans une église de Bari où son corps laisse suinter une huile que l’on dit miraculeuse. Je ne sais pas si le sarcophage contient le corps du saint, mais dans tous les cas, cette huile possède une puissance vibratoire étonnante.
Restaurée en 1303 après le tremblement de terre, elle a conservé des peintures murales du XIVe siècle et des motifs géométriques et floraux des VIIIe et IXe siècles.
Dans la plaine de Messara, à quelques kilomètres de Gortyne, sur une petite colline d’environ 170m de hauteur, se trouve le village d’Ágii Déka ou Ágioi Déka (Άγιοι Δέκα).
Partout des traces de son ancienneté : colonnes romaines en remploi, portes romaines des granges et des maisons, antiques sarcophages en guise d’abreuvoir.
Se trouvaient ici l’ancien quartier sud-ouest de Gortyne et ses nécropoles.
C’est dans ce village que se trouve l’église des dix saints, ou Ágioi Déka, qui lui a donné son nom.
Les dix saints, Théodule, Saturnin, Eupore, Gélase, Eunicien, Zotique, Pompée, Agatope, Basilide et Évariste (Theodoulos, Saturninos, Euporus, Gelasios, Eunikianos, Zotikos, Pobius, Agathops, Vasileides et Evarestos en grec), dont Il est dit qu’ils furent les disciples de saint Cyrile, évêque de Gortyne, furent martyrisés en 250 sous l’empereur Trajan Dèce qui demanda à tous les sujets de son empire de faire un sacrifice aux dieux romains afin d’obtenir la paix et éviter les invasions barbares.
Les dix saints crétois, attachés à leur foi chrétienne, refusèrent. Ils furent présentés devant le gouverneur, en résidence à Gortyne. Ils furent alors condamnés à des peines plus horribles les unes que les autres, faisons confiance au génie créatif des hommes. Mais cela ne suffit pas et il fallut, pour s’en débarrasser, les faire décapiter. Ce qui fut fait, le 23 décembre 250 dans l’amphithéâtre de Gortyne.
Le témoignage écrit le plus ancien sur les saints se trouve dans la lettre-confession de foi orthodoxe envoyée en 457 par les évêques de Crète à l'empereur Léon Ier. Les Dix Saints y sont déjà mentionnés comme protecteurs de la Crète.
L’église d’Ágioi Déka est une basilique à trois nefs, datant du XIIe siècle et remaniée durant la période vénitienne. Elle fut construite sur les fondations d’un bâtiment paléochrétien bien plus grand, du IVe siècle, dont on retrouve une colonne érigée sur le parvis. Cette basilique paléochrétienne fut elle-même bâtie à l’intérieur de l’amphithéâtre romain de Gortyne où se déroula le martyr des saints.
La nef centrale, en contrebas de l’entrée (le narthex fut construit au XXe siècle), couverte d’une voûte d’ogive, est probablement au même niveau de sol que l’ancienne église, ou du sol de l’arène romaine de l’amphithéâtre.
Elle est séparée des nefs latérales par des colonnes monolithiques. Les colonnes, provenant probablement des ruines de Gortyne, ont été renversées et la base se retrouve avec la fonction de chapiteau.
Les peintures murales entre les colonnes sont datées du XIIe ou du XIVe siècle.
Les nefs latérales, consacrées à saint Charalampos (évêque de Magnésie, martyr du début du IIIe siècle) et saint Tite (l’un des 72 disciples du Christ ayant reçu l’Esprit-Saint, compagnon de saint Paul et premier évêque de Crète mort à Gortyne), sont couvertes d’une voûte en berceau.
Dans l’église, protégé d’un coffre en bois de cyprès, se trouve la pierre en marbre sur laquelle, selon la tradition, les saints se seraient agenouillés avant leur décapitation, laissant l’empreinte de leurs genoux.
Proche de l’église, sur un terrain en contrebas du niveau actuel du sol, furent mises à jour les ruines d’une ancienne chapelle.
Agia Limni (Αγία Λίμνη), le tombeau des 10 saints
Quelques centaines de mètres plus loin, un peu à l’écart du village vers l’ouest, se trouve la chapelle d’Agia Limni.
C’est là que fut découvert au XXe siècle, après l’asséchage d’une pièce d’eau créée par les villageois, alimentée par les eaux de pluie et par la rivière Litheos (son nom vient du Léthé, le fleuve de l'oubli des Enfers. Avec un A privatif, il devient aletheia, la vérité ou absence d'oubli), une ancienne catacombe où se trouvent, selon la tradition, les sarcophages des dix saints.
Les habitants, qui l’appelaient, allez savoir pourquoi, le lac saint, l’utilisaient, bien que l’eau soit impure, pour abreuver leurs animaux et constataient de nombreux miracles et guérisons.
On raconte qu’un jeune homme, en 1898, faisant paitre ses bêtes près du lac, fut pris d’une forte fièvre. Les dix saints lui apparurent et lui recommandèrent d’aller boire de l’eau du lac. Ce qu’il fit. Et il fut guéri. Plusieurs autres cas similaires furent rapportés et la nouvelle se répandit et bientôt les crétois arrivèrent de toutes les régions pour trouver la guérison.
Les villageois, voulant en avoir le cœur net, firent appel à saint Euménios, chef spirituel du monastère de Koudoumas, qui leur confirma l’histoire des dix saints et c’est en 1902 que l’évêque d’Arcadie Vasilios Markakis, en visite à Agioi Deka, décida de vider le lac. Ils trouvèrent alors des tombes qui furent identifiées comme celles des dix saints.
Quatre d’entre eux se trouvent dans une petite crypte blanchie à la chaux, ancienne catacombe se trouvant actuellement sous le parvis de l’église qui fut construite entre 1915 et 1917.
Devant la porte, un récipient et un gobelet permet aux visiteurs de se servir d’eau bénite.
Devant l’église, sur le parvis, un baptistère quadrilobé.
Cette grotte, que je décris également dans la nouvelle de mon livre Les Sentinelles, se mérite. Il faut, pour la rejoindre, partir de la plage de Zakros, emprunter un chemin côtier, caillouteux à souhait, qui grimpe aux flancs de falaises où se perchent les agrimis, les chèvres sauvages de Crète.
Après une marche d’une heure et demi au milieu d’une végétation épineuse qui griffe les mollets, suivant tel le petit Poucet des points rouges peints sur les rochers, après avoir vidé entièrement la bouteille d’eau, après avoir traversé le lit à sec de Kakos Potamos, la mauvaise rivière, enfin, la grotte est là.
Pas de contrôle ni de barrière, aucune interdiction, point de gardien, pas d’emmerdeurs. Pas d’escalier non plus, pas de rampe, pas de corde, l’endroit est plutôt dangereux et la descente périlleuse, mais chacun prend ses responsabilités. À l’ancienne.
Le nom Pelekita vient du grec pelekitos (πελεκητής) qui veut dire tailler, ce qui est dû aux carrières de roches calcaires, en contrebas, qui furent utilisées pour la construction du palais minoen. La grotte est aussi appelée la grotte au figuier. Effectivement, un énorme figuier, déraciné en 2010, trônait à l’entrée. Il n’en reste qu’un petit rejeton qui, on ne sait trop comment, fait son chemin dans la paroi rocheuse.
La falaise est composée de calcaire du Crétacé supérieur et de dolomie du Trias (je me disais aussi, j’ai commencé un suiseki Yamagata- Ishi, une pierre en forme de montagne provenant des Dolomites —ce n’est pas le mien sur la photo—, et je trouvais les cailloux du chemin de Pelekita bien ressemblants…
La grotte, une des plus grandes de Crète (profondeur de 310 mètres pour une surface d’1,6 hectares), était le lit d’une rivière souterraine asséchée. Elle se compose de plusieurs salles, et il faut un équipement de spéléologue pour pouvoir atteindre le fond où se trouve un petit lac, reliquat de l’ancienne rivière.
L’entrée mesure 12 mètres de large par 6 mètres de haut. Le sol de la première salle, 22m de long, 20m de large et 7m de haut, est légèrement incliné vers le bas. En son centre, un renfoncement qui semble avoir un taux vibratoire élevé. Elle est parcourue de petits murets de pierre.
La deuxième salle mesure 65m de large, 45 de long et 15m de haut. De gros rochers, tombés du plafond, présentent d’impressionnantes concrétions calcaires, stalagmites et stalactites.
La température tombe vite, on arrive à 17° avec un taux d’humidité de plus de 70%. Les deux autres salles sont inaccessibles sans matériel de spéléo, tout au moins sans une lampe torche.
L’endroit fut utilisé depuis longtemps. Les fouilles ont mis à jour des vestiges datant du Néolithique, de la période minoenne (dont un magnifique taureau), puis romaine.
L’endroit, plutôt enveloppant et doux au niveau des énergies, semble appartenir aux sanctuaires dédiés à des divinités féminines.
Le mont Traostalos
Au-dessus de la grotte de Pelekita, dominant la mer, se dresse le mont Traostalos. Il abrite un ancien sanctuaire, comprenant une petite cavité semi-circulaire et trois constructions en pierres sèches datant de la période Proto-palatiale. Le plateau arasé du sommet mesure 20 m par 12 et se termine, à l’ouest par une pente abrupte. Il fut fouillé pour la première fois en 1963 par le directeur de l'institut archéologique de Crète, Kostis Davaras.
De nombreux objets furent mis à jour : des éclats de silex et de la céramique du Néolithique pour les plus anciens, des statuettes zoomorphes (chèvres, bovins, oiseaux, poissons, coléoptères et même un rhinocéros) et anthropomorphes (masculines et féminines) en terre cuite et en bronze, des jarres. Ils sont conservés pour la plupart au musée d’Héraklion.
Le poisson en argile aux lignes épurées nous rappelle la formidable créativité des artistes crétois.
Des orants en terre cuite nous montrent la façon de prier des occupants du lieu.
Stella Chryssoulaki, qui a fouillé le sanctuaire en 1978, a retrouvé, sous une couche de cendres mélangée à des os et des coquilles d'animaux marins calcinés, des dizaines de disques en pierre de 12-15 cm de diamètre disposés en couches successives, sans doute des tables à offrandes.
Une figurine féminine, assise, montre une jambe disproportionnée. Sommes-nous en présence d’ex-voto ? L’existence de statuettes mettant en avant des parties du corps et d’un bateau semblerait le confirmer.
Mais pour qui étaient ces offrandes ? En regardant l’histoire de la Crète et la configuration du lieu, je pencherai pour une Déesse-mère. À moins que ce sanctuaire, situé en hauteur et semblant protéger la grotte en-dessous, ne soit dédié au protecteur des énergies féminines. Une montagne, une grotte…
Zakros est un village situé à l’extrémité est de la Crète. Il se divise en deux, Epano Zakros, le vieux village situé sur les hauteurs et Kato Zakros, la petite station balnéaire proche des ruines du palais minoen. Les deux sont reliés par la vallée des morts. L’endroit est fréquenté depuis le Néolithique, le site proche de Traostalos ainsi que la grotte de Pelekita ont fourni les preuves d’une utilisation cultuelle très ancienne.
Le palais de Zakros, proche de la mer, avec lequel j’ai un lien très particulier (je le décris dans une nouvelle issue de mon livre Les Sentinelles), fut la principale raison de mon voyage en Crète et c’est avec beaucoup d’émotion que j’ai foulé ses allées de pierre. Zakros se situe à l’extrémité est de la Crète.
Le palais fut construit sur un emplacement stratégique pour le commerce et les échanges, dans une anse abritée des vents du nord, du sud et de l’ouest, où s’est développé un des ports principaux de la civilisation minoenne. Les archéologues pensent que Zakros fut l’un des quatre centres administratifs les plus importants de l’ile.
Le site fut fouillé pour la première fois à la fin du siècle dernier par des archéologues italiens Halbherr et Mariani. Les fouilles furent reprises en 1901 par l’anglais Gogarth, alors directeur de l’école d’archéologie anglaise d’Athènes. Il découvrit 12 maisons et de précieux artéfacts. La découverte fortuite de pièces d’or et d’une épée incita la reprise des fouilles et le crétois Nikolaos Plato, en 1961, dévoila le palais en entier qui dépasse les 8 000m² et comprend plus de 300 pièces.
Le palais tel qu’on le connait à l’heure actuelle fut construit vers 1 900 ans avant notre ère. Il fut détruit vers – 1600, reconstruit, de nouveau détruit en – 1 450 par le feu et contrairement aux autres, il fut abandonné à cette époque, ce qui permet une lecture plus visible de ses infrastructures.
Le port, grand centre commercial de transit entre la Crète, le Moyen-Orient et l’Afrique, envoyait dans ses navires du bois de cèdre, de l’huile d’olive et du vin et recevait de l’ivoire, de l’or, des lingots de cuivre et des pierres précieuses, travaillées dans les ateliers du palais. L’artisanat et l’industrie étaient très développés.
Le palais, construit avec des blocs de calcaire bien appareillés et pavé de carreaux de terre cuite, ressemble à ceux de Knossos et Phaïstos, différents bâtiments se regroupant autour d’une cour centrale pavée. Le palais s’est développé, comme les autres, selon un rythme que l’on nomme labyrinthique.
La cour centrale, le cœur du complexe, mesurant 30 mètres par 12 (100 pieds minoen par 40), est décentrée par rapport aux axes cardinaux, contrairement aux cours des autres palais. Les géobiologues peuvent essayer de trouver pourquoi. Elle était entourée de façades majestueuses avec des arcades soutenant des terrasses, possédait trois entrées à l’ouest et une au nord-est reliant une cour plus petite d’où partait une route dallée qui rejoignait le port, la grotte de Pelekita et les carrières de pierre ayant servi à la construction des bâtiments. Dans sa partie nord-ouest était dressé un autel, probablement l’endroit où se tenaient les cérémonies religieuses.
L’aile ouest comprenait au nord une imposante salle des cérémonies précédée d’un puits de lumière carré, le sanctuaire (où fut retrouvé le rhyton en forme de tête de taureau)
ainsi qu’une salle de purification où les officiants descendaient 8 marches avant d’atteindre le bain lustral. Juste à côté, le sanctuaire proprement dit, une pièce minuscule avec deux banquettes et plus au sud la sacristie, qui fut retrouvée intacte.
Au sud, un polythyron menait à la salle des banquets. À l’ouest se trouvait la salle du trésor ou des archives où furent retrouvés de nombreux ustensiles utilisés pour les rituels et des étagères sur lesquelles étaient posées de nombreuses tablettes d’argile gravées en linéaire A.
Qu’est le linéaire A ? Les Minoens utilisèrent l’écriture depuis le début de la période Proto-palatiale, c’est-à-dire vers 2 000 avant notre ère. Il y eut tout d’abord les hiéroglyphes crétois, utilisés entre -2 000 et -1 650, puis le linéaire A, entre -1 850 et -1 450, qui n’ont jamais été déchiffrés, suivis du linéaire B, développé à partir du linéaire A et utilisé entre -1 500 et -1 200, qui fut déchiffré en 1952 et qui transcrit la langue mycénienne.
Un peu plus au nord se trouvaient les magasins où ont été découverts de nombreux vases et d’énormes jarres.
Dans l’aile est, centre administratif du palais, se trouvaient les appartements royaux.
Les appartements de la reine ou mégaron, au nord, comprenait une zone interprétée comme les « bains de la reine », complexe de pièces avec un bassin aux parois décorées de fresques. Les personnes royales devaient s’en servir comme bain de purification. Plus au sud, le mégaron du roi. Les deux pièces principales possédaient un polythyron et des puits de lumière. À l’étage se trouvaient les chambres.
À l’est du mégaron du roi une grande salle à 5 colonnes, sans toit, appelée salle de la citerne. Elle contenait un bassin, cette fois circulaire, d’un diamètre de 7 m, qu’on atteignait en descendant encore une fois 8 marches. Ses parois étaient revêtues d’un mortier et le fond dallé.
Un autre réservoir situé au sud du bassin précédent, cette fois-ci rectangulaire, alimenté par une source, la fontaine Tyktè krènè, possède 14 marches. Un peu plus loin, vers l’ouest, un puits à 8 marches où furent retrouvés des offrandes, comme un vase plein d’olives.
Dans l’aile sud, indépendante, se trouvaient des ateliers, des magasins et les salles des parfumeurs.
L’aile nord dont une grande partie de la façade était composée d’un portique pavé à deux colonnes, comprenait une grande cuisine et une salle des banquets à l’étage équipée de lampes.
Au nord-ouest se trouvaient les maisons des artisans, tailleurs de pierre, potiers, et des forgerons.
Un four à métaux, équipé de quatre canaux d’aération, est encore visible.
Tout autour du palais se regroupaient les maisons d’habitation. L’ensemble était doté de puits et réservoirs, d’égouts, de latrines, ce qui montre un urbanisme élaboré.
Plusieurs routes sont très bien conservées autour du palais, notamment celle qui partait au nord/est vers le port.
De nombreux objets, découverts lors des différentes fouilles, sont regroupés au musée d'Héraklion.
Il semblerait que le palais de Zakros ait été orienté sur un arrêt lunaire majeur (major lunar standstill), ce qui correspond au moment où la lune se lève et se couche à ses points les plus extrêmes sur l'horizon.
Les gorges de Kato Zakros (Κάτω Ζάκρος)
Les gorges de Zakros furent creusées par les eaux du ruisseau Lygia dans une roche calcaire comprenant de nombreux fossiles marins.
Des mastodontes comme Gomphotherium, l’ancêtre des éléphants du Miocène, y furent retrouvés.
Les parois escarpées de la vallée furent creusées de nombreuses grottes, utilisées aux époques pré-minoenne et minoenne pour loger des tombes. C’est la raison pour laquelle les gorges furent appelées la vallée des morts.
La vallée se termine à proximité du site du palais minoen et s’ouvre vers le soleil levant, à l’est, ce qui pourrait avoir également une connotation cultuelle. Une tombe, datant de -2 300, fut découverte intacte. Elle contenait cinq squelettes de femmes.
Le taureau est omniprésent dans l’architecture et la vie quotidienne des Minoens. Peut-être est-ce dû à l’ère zodiacale du Taureau qui débuta vers -4 500/4 300 et se termina vers – 2 150/-1 700 (selon différentes études), dates auxquelles la civilisation minoenne débuta et s’épanouit. C’est la période où le taureau prend de l’importance au niveau de la symbolique : fécondité, puissance, force et courage.
L’origine des bovins domestiques se trouve dans la région du nord de l’Iran actuel aux environs de 10 000 ans avant notre ère (comme pour beaucoup d’autres choses, comme le blé ou la vigne par exemple). Ces animaux migrèrent avec leurs propriétaires et à la sélection naturelle s’ajoutera celle des hommes avec les croisements. La symbolique des bovidés est toujours en rapport avec la puissance, la fertilité et les forces créatrices et nourricières, avec le renouveau.
On retrouve le culte du taureau, devenu animal sacré, chez les Égyptiens avec Apis et Hathor, fils et fille de Râ. Dans le bassin de l’Indus, le védisme présente le roi des dieux Indra comme un taureau et la vache est considérée comme éminemment sacrée. Audhumia, la vache nourricière du premier être vivant, le géant Ymir, est une divinité nordique primitive. L’indouisme en fait Nandi, la monture du dieu Shiva.
Dans le croissant fertile, entre Tigre et Euphrate, en Assyrie, le taureau est l’animal symbole du dieu de l’orage, Adad. Chez les Hittites c’est aussi Tarhūnah, dieu de l’orage, principal dieu du panthéon, qui est accompagné d’un taureau. Akkad le représente en génie protecteur ailé aux portes des palais, le Lamassu. Chez les Hébreux, le veau d’or revient à la charge. Zeus, dans ses premières amours, se transforme en taureau pour séduire Europe qui donnera naissance au roi Minos. Les bovins, qui portaient souvent les dieux fondateurs sur leur dos, représentaient la structure de l’univers et son renouvellement.
Le taureau sera sacrifié lors de l’ère suivante, quand apparaitra dans le ciel la constellation du Bélier. Ram le bélier (Ram : racine indo-européenne qui veut dire bélier) apparait en Celtie et devient Belenos. Ab Ram, fils de Ram, devient Abraham. Gilgamesh tue le taureau céleste envoyé par la déesse Inanna, Khnoum entrera en Égypte ainsi qu’Amon auquel il est associé, Mithra répandra son sang et la tauromachie verra le jour.
L’ère actuelle, celle des poissons, a commencé avec l’apparition du Christianisme.
Des poissons, que Jésus va multiplier pour ses disciples pêcheurs, que l’église romaine primitive va prendre comme signe de reconnaissance avec l'acronyme ICHTUS, poisson en grec, Iêsoûs Khristòs Theoû Uiòs Sōtḗr, c’est-à-dire Jésus Christ, fils de dieu, sauveur. Le bélier laisse sa place, Jason part à la recherche de la toison d’or de Chrysomallos, l’agneau est sacrifié, le bélier est diabolisé, perd sa symbolique et devient un Baphomet cornu androgyne.
Ainsi vont les cycles.
Revenons à la Crète. Chez les minoens, à l’époque de l’ère du Taureau, apparut la taurokathapsia (tαυροκαθάψια) ou taurocatapsie, le saut du taureau, l’une des scènes les plus représentées dans l’art minoen. La plus connue est une fresque trouvée à Cnossos, où trois acrobates, dont deux femmes, exécutent les trois phases du saut par-dessus le taureau : prise des cornes, saut en salto sur le dos de l’animal et réception.
À Cnossos également fut retrouvé la célèbre représentation d’une tête de taureau sous forme de Rhyton, c’est-à-dire un vase servant lors de repas de gala, de cérémonies rituelles ou libations (lorsqu’on verse quelques gouttes de liquide sur le sol en l’honneur des dieux).
Le taureau minoen est aussi représenté dans les mythes et légendes qu’il ne faut pas prendre à la légère en sachant que derrière ces récits se tiennent toujours des vérités et des symboles universels. Le mythe du Minotaure en fait partie et même si ces légendes ne font pas partie de l'époque minoenne (aucune trace du minotaure dans cette civilisation), elles en découlent.
Au début de l’histoire, Zeus, toujours très actif sexuellement, jeta son dévolu sur Europe, une belle princesse Phénicienne fille du roi Agénor de Tyr, lui-même fils de Poséidon. Pour arriver à ses fins et se protéger de la jalousie de sa femme Héra, il se métamorphosa en un magnifique taureau blanc. La jeune fille, attirée par la beauté de l’animal, se rapprocha et monta sur son dos. Zeus en profita et partit en Crète avec sa conquête, à Gortyne plus précisément. C’est là, sous un platane, qu’ils s’unirent. Certains disent qu’elle fut consentante, d’autres non. Quoi qu’il en soit, Europe, enceinte, fut confiée par Zeus à Astérion, roi de Crète. De cette union avec Zeus naquirent Minos, Radhamante, futur juge des enfers avec son frère, et Sarpédon, tué par Patrocle lors de la guerre de Troie, tous trois élevés par Astérion.
Minos, à la mort de son père adoptif, réclame la couronne et pour évincer ses deux frères, demande l’aide de Poséidon. Le dieu de la Mer lui accorde sa protection et lui envoie, pour sceller leur pacte, un magnifique taureau blanc qu’il devra sacrifier après son couronnement. Minos devint roi, épousa Pasiphaé, qui avait pour sœur Circé la magicienne et pour frère Eétès, gardien de la Toison d’or. Pasiphaé est la fille du titan Hélios, le soleil, et de Persé, elle-même fille du titan Océan. Mais Minos, trouvant le taureau très beau, voulut le garder et le remplaça par un simple taureau qu’il sacrifia à sa place. Poséidon, pas né de la dernière pluie, s’en aperçut et pour se venger, rendit le taureau blanc furieux pour qu’il détruise une grande partie de l’ile, puis il inspira à Pasiphaé une passion dévorante pour l’animal. Celle-ci, afin d’assouvir son désir, fit construire par Dédale, l’architecte du palais, une génisse en bois et en cuir dans laquelle elle entra. L’accouplement eut lieu et de cette union contre nature naquit Astérios, l’homme à tête de taureau, le Minotaure.
Le Minotaure en grandissant devint féroce. Minos demanda à Dédale de construire un labyrinthe afin qu’il puisse l’y enfermer. Quelque temps après, le fils de Minos, Androgée, excellent athlète, fut tué par les athéniens à la demande du roi Égée, jaloux que le crétois gagne tous les prix aux fêtes Panathénées. Le roi de Crète attaqua alors la cité grecque qui, vaincue, dut lui payer un tribut : tous les 9 ans, Athènes devra livrer à Minos 7 jeunes hommes et 7 jeunes filles qui seront donnés en sacrifice au Minotaure.
C’est Thésée, fils d’Égée, qui viendra venger son peuple en empruntant le labyrinthe pour tuer la bête. Ariane, la fille du roi Minos, séduite par le beau jeune homme, va l’aider à en sortir en lui fournissant un fil qu’il va dérouler le long du chemin, ce qui lui permettra de sortir facilement, et en lui donnant l’épée de son père qu’elle a dérobée (offerte à Minos pour son mariage par Héphaïstos), tout cela contre la promesse d’un mariage.
Thésée tua le Minotaure, sortit du labyrinthe et s’enfuit avec Ariane, mais l’abandonna sur l’ile de Naxos ou de Dia selon Homère (ile située à quelques kilomètres au nord d'Héraklion). Certains mythographes disent qu’il n’était pas lâche mais fut obligé de le faire suite à une tempête qui emporta le navire après qu’il eut débarqué Ariane, ou bien en obéissant à un ordre d’Athéna qui lui apprit qu’elle était promise à Dionysos. Ariane se consola effectivement avec Dionysos et Thésée épousa Antiope, reine des Amazones, puis Phèdre, la propre sœur d’Ariane, qui eut des démêlés avec Hyppolite, le fils que Thésée eut d’Antiope, tout le monde connait l’histoire.
Entre temps, Égée, qui avait demandé à ce que la couleur des voiles du navire de son fils soit blanche en cas de victoire et noire en cas de défaite contre le Minotaure, attendait des nouvelles. Thésée ayant oublié de changer les voiles, à cause du chagrin d’avoir perdu Ariane ou des soucis du voyage, Énée, voyant les voiles noires, se jeta du haut d’un rocher dans la mer qui prit son nom en hommage.
Comment ne pas voir, dans ces récits, la démarche initiatique du héros qui se trouve lui-même, et l’allégorie de la Grèce se libérant du joug crétois par le meurtre du taureau (montrant aussi la fin de l’ère lui correspondant) et la domination et la séduction des femmes crétoises, qu’elles soient amazones ou pas, ne montre-elle pas dans le même temps la fin du matriarcat et son remplacement par l’hégémonie masculine des dieux guerriers ?
Mais ce mythe fut élaboré au VIIe siècle avant notre ère, bien après que la civilisation minoenne eut disparu. Thésée, représenté au départ affrontant des Centaures, devint roi d’Athènes. Le mythe le fit même en devenir son fondateur, ainsi que celui de la démocratie.
La symbolique du labyrinthe fut utilisée dans les siècles suivants, de la Rome antique jusqu’au XIIe siècle aux sols de nos cathédrales. En son centre, Astérios, l’homme à tête de taureau est très souvent représenté. Le voyage qu’il propose est bien entendu initiatique, c'est une quête à la recherche de la vérité, partant de la matière pour arriver au spirituel. Le héros devra parcourir ce dédale et trouver son chemin, qui mène au centre du monde, au centre de lui-même, là où il devra vaincre les forces du mal ou sa propre animalité.
L’adjectif minoen vient du nom d’un roi légendaire de Crète, Minos, issu de l’union de Zeus et d’Europe, fille du roi de Tyr, dont on dit qu’il fit construire le premier labyrinthe. L’architecture minoenne se répartit en plusieurs phases historiques :
Le Minoen ancien, ou Pré-palatial, du début de cette civilisation vers –3 500 à –2 000 ans avant notre ère. L’architecture reste rudimentaire, la base des constructions est en pierre et les murs en argile.
Le Minoen moyen, ou Proto-palatial, de -2 000 à –1 600 ans, des palais sont construits autour d’une cour centrale entourée de bâtiments de différentes fonctions. Les pièces sont nombreuses et reliées par des couloirs, ce qui peut leur donner un air labyrinthique. Différents quartiers, résidentiels, commerciaux et artisanaux, viennent se regrouper autour du palais. Les palais détruits vers -1 750 sont reconstruits. L’apogée architectural se trouve vers –1 700.
Le Minoen récent, ou Néo-palatial, de –1 600 à –1 450 ans. Peu de changements, l’art prend de l’importance.
La période Créto-mycénienne et dorienne, ou Post-palatial, de -1 450 à -1 100, où l’esprit minoen disparait petit à petit ; l’architecture devient plus massive et défensive.
Ces palais immenses possèdent de nombreuses caractéristiques communes et utilisent des techniques qui leur sont propres. Non fortifiés, ils possèdent tous une grande cour centrale rectangulaire.
Les murs sont couverts d’un enduit à la chaux orné de fresques aux couleurs vives réalisées à base de pigments naturels, les sols sont recouverts de gypses ou de stucs.
Les différentes parties du palais sont réparties par fonction, religieuse, administrative, sanitaire, artisanale. On trouve autour de la place centrale des sanctuaires avec bains lustraux ou bassins de purification, des appartements royaux, des salles d’apparat et d’audience, des salles du trésor et des salles du trône, des salles des archives et des sceaux, des cuisines et des salles de banquets, des magasins et des maisons d’artisans, notamment des parfumeurs. Le raffinement se retrouve jusque dans les systèmes de tuyauterie en terre cuite permettant d’amener l’eau depuis sa source et son évacuation. On trouvait des termes mais aussi des salles de bain avec baignoire et même des toilettes.
Les étages des bâtiments, reposant sur de grandes poutres de bois, sont faits de moellons liés au mortier. Les colonnes, toujours de nombre impair, sont évasées vers le haut et les chapiteaux ressemblent à une galette aplatie.
Certaines pièces sont ouvertes sur plusieurs côtés et sont éclairées par de grandes baies séparées par des colonnes. Elles sont alors appelées polythyrons. Les puits de lumière sont aussi utilisés.
Les fouilles archéologiques ont permis de dater les différentes phases de construction de ces palais, qui commence vers 2 000 avant notre ère. J’ai, quant à moi, la sensation qu’il y en eut de bien plus anciens.
Les différentes périodes de destruction ont eu des causes différentes. En –1 750 ou en -1 450, ce furent des causes naturelles comme des tremblements de terre ou des incendies volontaires à la suite d’insurrections ou d’invasions. Celle de -1 600 correspond à l’éruption de Théra, ou Santorin, datée actuellement avec précision (dendrochronologie, C14, étude des céramiques, etc.) entre -1606 et-1 589.
Les sites furent recouverts de pierre ponce et reçurent un tsunami qui fit des vagues de 20m de hauteur. La catastrophe épargna pourtant de nombreux endroits, dont le principal palais, Knossos, qui perdura jusqu’en -1 370, et les études les plus récentes montrent que la civilisation minoenne ne fut pas détruite à ce moment-là.
La Crète fait partie de la chaine de montagnes qui s’est formée au début de l’ère tertiaire, il y a 66 millions d’années, en même temps que les Alpes, les Pyrénées, et jusqu’à l’Himalaya. Les premières traces de la présence d’êtres humains en Crète semblent remonter au Paléolithique, il y a 130 000 ans, alors que le niveau des océans était plus bas de 120 mètres.
Le Néolithique vit l’arrivée de gens venus d’Anatolie (Turquie) et apporte un peu plus de vestiges, notamment dans la plaine de Messará. L’habitat passa de huttes en bois à des maisons aux toits plats et aux murs de pierres et de briques couverts d’enduits. Les nombreuses grottes des massifs calcaires de l’ile servirent aussi d’habitat puis de lieu de sépulture.
La civilisation que l’on appelle minoenne débuta aux environs de 3 500 avant notre ère pour finir vers -1 100. La Crète prit vite une place importante dans le bassin méditerranéen grâce à son agriculture et son élevage (vin, olive, blé, fromage de chèvre et tissus de laine), à son artisanat (comme les pithoi, jarres monumentales en céramique à petit col étroit et nombreuses poignées) et à sa flotte commerciale (il n’existait pas de flotte de combat).
Les ports se développèrent, les villes s’étendirent sans fortifications, les premiers palais furent bâtis vers – 2 000. Plusieurs évènements détruisirent en partie les constructions, vers -1 750, -1 600 (éruption de Théra), -1 520 et – 1 450. L’affaiblissement de la civilisation minoenne permit alors aux Mycéniens de prendre place, introduisant les cultes grecs, puis les Doriens envahirent l’ile vers – 1 100. Ensuite l’ile fut occupée par les Ptolémées (Égypte).
Vers – 67, ce sont les Romains qui envahirent la Crète et installèrent leur capitale administrative à Gortyne. La légende raconte qu’au Ier siècle, saint Paul fut le premier évangélisateur à accoster au sud de l’ile et christianisa une partie des Crétois avec l’aide de Tite, son disciple nommé premier évêque de Crète. L’ile passa sous contrôle byzantin vers 395. Les Arabes prirent le contrôle entre 824 et 961 et furent délogés par l’empereur byzantin Nikiphoros Phokas.
En 1204, la 4eme croisade va permettre à Venise de prendre le contrôle de l’ile. En 1453, avec la prise de Constantinople, la Crète devint terre d’asile pour les Byzantins qui construisirent de nombreuses églises. Les Ottomans prirent finalement l’ile en 1669. L’occupation ottomane durant 230 ans fut oppressive et de nombreux crétois entrèrent en résistance. En 1898 les Turcs furent battus avec l’aide de puissances occidentales et cela amena à l’indépendance de la Crète qui déclara en 1908 son union avec la Grèce. En 1923, les derniers musulmans crétois furent expulsés et remplacés par des réfugiés orthodoxes d’Asie mineure.
Sur une ancienne carte maritime gallo-romaine, l’ile est appelée Arica Insula. C’est dans un ouvrage du VIIe siècle, La cosmographie de l’anonyme de Ravenne (publié à Paris sous le titre d'Anonymi Ravennatis de geographia libri V en 1688), qu’elle se trouve mentionnée pour la première fois sous le nom de Ratis.
Elle fut appelée Radis dans les annales de Metz, Rodi dans une charte du IXe siècle. Beaucoup de provenances furent proposées : du gallois ryde, lieu d’ancrage, qui donna le mot rade et donc insula Radis. Ou bien du gaulois ratis, la fougère, qui existe dans d’autres langues celtiques comme le breton radenn, ou l’irlandais raith, qui pourrait être confondu avec ràith, muraille, fort. Plus tard, l’ile fut appelée Regum insula Reta ou Retia (du latin rete, filet de pêcheur). Puis Rea, Reacum et Reorum Insula, lieu d’exil pour les criminels (du latin reus, accusé).
Légendes et folklore
Certains voient dans le toponyme de Ré une allusion au dieu égyptien du soleil, Rê, démiurge d’Héliopolis créateur de l’univers ou bien à la déesse grecque Rhéa, personnification des forces naturelles, titanide fille de Gaïa et d’Ouranos, épouse de Cronos et mère d’Hestia, Déméter, Héra, Hadès, Poséidon et Zeus.
Une légende parle même de Ramsès II. Il aurait envoyé des bateaux qui se seraient échoués au Martray, isthme de l’ile proche du village d’Ars-en-Ré où ils auraient construit une petite pyramide.
Une autre légende rétaise parle d’un tremblement de terre ayant englouti la cité romaine d’Antioche. Lors de ce séisme destructeur seules deux iles survécurent, Ré et Oléron. Un dicton raconte que « quand Antioche réapparaitra, Ré disparaitra » et les anciens disent que les ruines de la cité mythique sont toujours visibles sous l’eau lorsque le temps est clément ! Une légende nous raconte qu’en 1809, le capitaine d’un bateau échoué sur le récif de Chanchardon au sud de l’ile a vu un dallage de calcaire qui avait bien l’air des restes d’une construction romaine.
D’autres expliquent que le pertuis d’Antioche, détroit situé au sud de l’ile donnant sur le golfe de Gascogne, tirerait son nom du fait que les croisés l’utilisaient au départ de leur voyage de la Saintonge vers le Proche-Orient où se trouve la principauté d’Antioche.
Jusqu’au XIXe siècle, les rétais participaient à la fête du coq. Des combats de coqs se déroulaient sur l’ile et les propriétaires des animaux vainqueurs prenaient le titre de roi, dauphin, duc ou marquis. Ils devaient se déguiser et défilaient dans les rues en trainant un grand coq de bois monté sur roulettes et dont le bec s’ouvrait pour recevoir les offrandes des passants.
Encore récemment, lors du carnaval (du latin carne levare, retirer la chair), les jeunes se maquillaient le visage en noir, s’habillaient en chemise et bonnet de nuit et allaient réclamer aux villageois des œufs et de la farine pour faire des crêpes. Un bœuf couronné de fleurs était promené dans les rues était ensuite sacrifié chez le boucher et tout le monde mangeait sa viande lors de la semaine grasse, période festive avant le jeune du Carême (le mardi gras en est l’apothéose, calculé en fonction de la date de Pâques, le premier dimanche qui suit la pleine lune qui suit l’équinoxe de printemps, et se situe 47 jours avant, 41 jours + 6 dimanches). Bon, là ce n’est pas un bœuf, c’est une Highland, mais j’aime bien.
Cette fête païenne, anciennement les Calendes de mars, célébrait la fin de l’hiver, le début du printemps et le renouveau de la Nature. Cette période, comme lors les bacchanales (liées aux mystères dionysiaques) ou les lupercales (rites initiatiques liés au dieu des troupeaux et de la forêt, Faunus), donnait lieu à des fêtes débridées durant lesquelles on se déguisait et où tous les interdits étaient transgressés et l’ordre social inversé.
Historique
Les légendes sont souvent basées sur des faits historiques. L’ile de Ré fut autrefois, au Jurassique (il y a 150 millions d’années), un archipel de 3 iles différentes. Avec la période glaciaire de Würm, les eaux reculèrent, l’archipel de roches calcaires disparut et devint une partie du continent, l’océan se retrouvant à plus de 150 km à l’ouest. Les premiers humains arrivèrent vers – 20 000 ans avant notre ère. Des traces de l’Âge du Fer puis du Bronze furent retrouvées. Arriva une période de réchauffement climatique et les eaux, suite à la fonte des glaciers, remontèrent.
L’archipel se reforma et quatre ilots réapparurent : Saint-Martin, Loix, Ars-en-Ré et Les Portes-en-Ré. Des restes d’habitations datant de – 5 000 avant notre ère furent mis à jour. Les géographes nous expliquent que les iles se soudèrent progressivement avec la dépose d’alluvions argileux, les mouvements du sable et plus tard les digues des marais salants.
Pourtant les écrits anciens ne parlent jamais de Ré comme d’une ile : Ptolémée, le savant grec du IIe siècle, parle d’un promontoire rocheux. Il se pourrait alors que l’insularité de Ré ait été provoquée ensuite (c’est-à-dire durant l’Antiquité gallo-romaine tardive) par un séisme, ce qui serait à la base des légendes. Quoi qu’il en soit, l’endroit fut occupé par des gaulois de la tribu des Lémovices (ils ont donné leur nom au Limousin et à Limoges). Les Vikings au IXe siècle y firent quelques excursions : il reste des traces de pillages et d’incendies de cette époque à Sainte-Marie.
Le peuplement dense de l’ile ne date que du Moyen-âge. Au XIIe siècle, l’abbaye cistercienne Notre-Dame-de-Ré prit une importance considérable et maitrisa la plus grande partie des terres rétaises. Les moines introduisirent la culture de la vigne puis la fabrication du sel et les écluses à poissons. La population diminua lors de la guerre de Cent ans puis lors des guerres de Religions. L’ile, afin de se protéger des ennemis, commença la construction du fort de la Prée en 1625.
Sous Louis XIV, Vauban fut chargé de la construction d’un complexe défensif impressionnant, murailles, places fortes, fortification du port de Saint-Martin. Au XIXe siècle, une partie de la forteresse servit de prison, escale pour les bagnards avant leur transfert en Guyane ou en Nouvelle-Calédonie, et ce jusqu’en 1938. De célèbres prisonniers tels que le capitaine Alfred Dreyfus, Guillaume Seznec ou Henri Charrière, dit Papillon, y furent incarcérés.
La construction du phare des Baleineaux commença en 1849 ainsi que celle du phare des Baleines, à côté de la vieille tour érigée entre 1669 et1682 sur l’ordre de Colbert d’après le programme de Vauban. Les deux phares furent mis en service en 1853.
La position stratégique de l’ile de Ré lors de la guerre de 40 intéressa les autorités allemandes installées à La Rochelle et Saint-Martin devint un de leurs centres principaux. De nombreux bunkers furent construits avec des batteries d’artillerie. En 1942, la marine allemande installa son quartier général à la Couarde. La résistance s’organisa et l’ile fut libérée lors du protocole de reddition le 9 mai 1945.
À noter que quelques scènes du film Le jour le plus long furent tournées en 1961 sur la plage de Rivedoux et à la conche des Baleines aux Portes. Le XXe siècle fut marqué par la construction du pont de Ré qui relie l’ile au continent. Il fut inauguré en 1988.
Les lieux sacrés
Les mégalithes
L’ile possédait quelques mégalithes, aujourd’hui disparus : le menhir de la Pierre-qui-vire, au Bois-Plage-en-Ré. Le site de T4T35 en raconte la légende : « à la veille de Noël, les pêcheuses de varech déposaient dans les cavités du menhir du pain destiné aux oiseaux. Elles espéraient ainsi faire bonne pêche toute année. Toutefois, elles devaient parler à la pierre en lui disant trois fois ‘’Tourne ou vire‘’. La pierre avait la réputation de tourner trois fois sur elle-même quand sonnait minuit au soir du 24 décembre de chaque année ». Cette pierre était faite de roche jurassique et était en grande partie ensablée. Dans son voisinage, se trouvait le tumulus du Peu-Pierroux, lui aussi disparu.
Les chapelles, temples et églises
Les chapelles sont au nombre de 4 :
- La chapelle de La Redoute aux Portes-en-Ré, à l’origine fort carré sous Vauban en 1674, devenu un magasin à poudre sous la Révolution
- La chapelle Notre-Dame à Sainte-Marie-en-Ré. Selon la tradition, une dame espagnole sauvée d’un naufrage la fit ériger. Devenue lieu de pèlerinage elle devint prieuré en 1236 jusqu’aux guerres de Religion. Elle fut relevée de ses ruines en 1838 et à nouveau consacrée en 1912.
- La chapelle Saint-Sauveur à Sainte-Marie-en-Ré. Construite à la fin du Moyen-âge, ruinée en 1604, elle fut démolie après la Révolution et rebâtie en 1913.
- La chapelle du couvent de la congrégation des Filles de la Sagesse datant de 1838. Cédée à la municipalité d’Ars-en-Ré en 1997, elle sert de lieu d’exposition pour les artistes.
Il existe 2 temples :
- Plusieurs lieux de culte à Saint-Martin dès 1560, puis seule l’ancienne église Saint-Louis, ancien couvent des Capucins, jusqu’en 1811. Le nouveau temple fut érigé en 1836 place de la République.
- À La Flotte, un temple dans le quartier du Puits Lizet dès 1600, puis dans un ancien chai où un nouveau bâtiment fut édifié en 1828.
Symbolique. Voyage initiatique. Anciennes civilisations. Menhirs et dolmens, églises romanes et gothiques, cathédrales, cloitres, vierges noires et gardiens, sources, arbres, fontaines sacrées et temples. Tous les hauts-lieux énergétiques.