Fontaine-de-Vaucluse
Fontaine-de-Vaucluse, historique
Le pittoresque village de Fontaine-de-Vaucluse s’est développé près de l’exsurgence de la rivière Sorgue. Cette source jaillit d’un gouffre creusé au fond d’une vallée en cul-de-sac dominée par des falaises abruptes de 230 mètres de hauteur. Le nom de la commune provient du latin Vallis clausa, la vallée close, devenu en provençal Vau cluso. Le village de Vaucluse est à l’origine du nom du département.
Cet endroit, fort en énergies telluriques donc empli de magie, a attiré les gens depuis fort longtemps puisque le site fut occupé dès le Néolithique. Les vestiges d’un canal gallo-romain utilisant les eaux de la rivière existent toujours et de nombreuses pièces de monnaie votives furent remontées des profondeurs du gouffre (comme un Dupondius de Nîmes frappé du crocodile datant de -28 avant notre ère),
ainsi que des clous de fer, des bijoux ou des fibules, ce qui montre que la source était déjà l’objet d’une dévotion païenne du temps des Gaulois, certainement le culte d’une divinité de l’eau. C’est vers le IV e siècle qu’apparurent le plus de monnaies en or, ce qui indique une fréquentation du site par les classes aisées de la population. Cette pratique s’arrêta vers le Ve siècle, ce qui correspond à la période d’évangélisation poussée du pays.
Il est dit qu’au VIe siècle, saint Véran, évêque de Cavaillon, y détruisit un ancien temple et rebâtit sur son emplacement la première église où il fut inhumé à sa mort. Son tombeau devint un lieu de pèlerinage très fréquenté.
Un acte daté du 12 mai de l’an 979 dans le cartulaire de l’abbaye Saint-Victor de Marseille indique que Valcaudus, successeur de saint Véran sur le siège épiscopal, envoya des moines s’installer dans la Vallée Clause pour fonder un monastère près de l’ancienne église. Il fut restauré au XIe siècle par Isarn, abbé de Saint-Victor.
Le château date aussi de cette époque où Fontaine-de-Vaucluse comprenait trois parties distinctes : le monastère sur la rive droite, l’ensemble castral protégé par des remparts et le village sur la rive gauche.
L’endroit fut la résidence, au XIVe siècle, du poète et humaniste Pétrarque. Comme Dante avec Béatrice, Pétrarque est passé à la postérité pour la perfection de sa poésie qui met en vers son inaccessible amour pour Laure de Sade, ancêtre du fameux marquis. Pétrarque est considéré, avec Dante et Boccace, comme l’un des premiers grands auteurs de la littérature italienne.
Après son passage, le village fut dévasté par des pillards et les villageois, désirant se protéger, construisirent une muraille défensive. Vaucluse perdit son attrait et il fallut attendre le XVIIIe siècle pour qu’il retrouve une fréquentation après le passage de Mirabeau et plus tard de Chateaubriand, Lamartine, Stendhal ou encore Amantine Aurore Lucile Dupin de Francueil, baronne Dudevant, dite George Sand ou encore Frédéric Mistral.
Fontaine-de-Vaucluse devint, après la dévotion à saint Véran, un lieu de pèlerinage littéraire et romantique.
Sur la place centrale du village est érigée une colonne en granit. Elle fut mise en place en 1804 en face du gouffre pour commémorer le 500e anniversaire de la naissance de Pétrarque. Elle fut transférée sur la place du village en 1827.
Le château des évêques de Cavaillon
Ce sont les moines de l’abbaye de Saint-Victor de Marseille qui construisirent le château avant l’an 1000 afin de protéger le tombeau et les reliques de saint Véran. Il est fait mention d’un château à Vaucluse dans un acte de donation datant de1034.
Il est fort probable qu’il fut reconstruit à la fin du XIIe siècle puisque les ruines ont été datées de cette époque. Au XIIIe siècle, il devint la propriété des évêques de Cavaillon.
Philippe de Cabassolle en fit sa résidence d’été et c’est là qu’il rencontra le célèbre François Pétrarque. Ils devinrent amis. Le château appartint ensuite aux seigneurs de Vaucluse dès le XVe siècle. Il fut détruit au XVIe siècle par le baron des Adrets.
Les ruines du château, inscrit sur la liste des monuments historiques en 1931, surplombent le village de Fontaine-de-Vaucluse et le piton rocheux sur lequel il est perché suit la vallée de la Sorgue jusqu’au gouffre.
Le gouffre et la source de Fontaine-de-Vaucluse
La source de Fontaine-de-Vaucluse, la plus importante exsurgence d’Europe, classée au 5ème rang mondial, donne naissance à la rivière Sorgue aux pieds d’une falaise de plus de 240 mètres de hauteur.
C’est une curiosité hydrogéologique, l’émergence d’un immense réseau souterrain, qui a donné son nom aux autres sources de même type que l’on appelle vauclusiennes (sources karstiques de type vauclusien pour être exact). Son débit annuel atteint les 700 millions de m3 et sa température varie entre 11 et 14°. Son débit minimum est de 4m3/seconde, le maximum de 120 m3 /seconde.
C’est l’unique point de sortie des eaux de pluie infiltrées dans le massif du mont Ventoux, des monts de Vaucluse, du plateau d’Albion et de la montagne de Lure qui forment ce que l’on appelle un impluvium (aire de collecte des eaux de pluie et de la fonte des neiges).
L’eau s’infiltre en profondeur dans le calcaire des formations rocheuses, jusqu’aux strates de pierres plus dures ou non perméables comme l’argile, et forme alors des rivières souterraines ainsi que des réservoirs.
Lorsqu’elle est en crue, la fontaine se déverse directement du gouffre. En période de basses-eaux, l’eau s’écoule par diverses sources et sort par plusieurs griffons qui alimentent la rivière même en période de grande sécheresse.
Pas étonnant que la source de la Sorgue fut qualifiée par Pline l’Ancien, dans son Histoire Naturelle, de nobilis fons Orgae.
Saint Véran
Véran est originaire de Barjac, ou de Lanuéjols en Gévaudan. Il est aussi connu sous le nom burgonde de Wrain, francisation de Veranus. Ordonné prêtre en 540 par l’évêque Evanthe, il se retira dans un ermitage proche de la source de la Sorgue, à Vaucluse. Il partit en pèlerinage à Rome, devint prédicateur. Il fut choisi par Sigebert Ier comme évêque de Cavaillon en 568.
Véran siègea au concile de Mâcon en 585, reprocha à la reine Frédégonde le meurtre de l’archevêque de Rouen Prétextat, ce qui le mit dans les bonnes grâces de Childebert II dont le père Sigebert Ier avait été assassiné sous les ordres de la même Frédégonde. Il devint même le parrain de son fils Thierry II en 587. Il assista à un concile à Arles en 590 et serait décédé là-bas de la peste le 13 novembre. Son corps fut rapatrié à Vaucluse où il fut inhumé dans l’église. Son tombeau devint un lieu de pèlerinage célèbre.
Saint Grégoire de Tours, qui l'a connu, a écrit de lui : « Ce pontife était pourvu de grandes vertus en sorte que, souvent, avec la grâce de Dieu, il guérissait les malades par un signe de croix ».
Plusieurs légendes parlent de Véran et de la Coulobre ou du Gargolium qu’il terrassa, ce qui fait de lui un saint sauroctone. Nous verrons plus loin à quoi correspondent ces histoires au niveau symbolique.
Une partie des reliques du saint furent transportées en Orléanais au XIe siècle à la demande des moines de Jargeau après le saccage de leur monastère (monasterium Gergogiliense) par les Normands. Il est connu là-bas sous le nom de saint Vrain. Les reliques furent tout d’abord déposées dans un hameau près d’Orléans, La Fontaine-Saint-Vrain, puis dans l’église de Jargeau dont il devint le patron du chapitre, et enfin celle de Donnery.
Au XVe siècle, Pons Augier de Lagnes, évêque de Cavaillon, fit transférer ce qui restait des reliques du saint dans sa ville, au cœur du diocèse. J’imagine qu’il espérait en tirer grand profit, aussi bien spirituellement que financièrement (suis-je mauvaise langue… Mais les pèlerinages n'ont-ils pas toujours été d'un bon raport ?). Quoi qu’il en soit, la légende rapporte que lors du passage du cortège, les eaux de la Sorgue s’ouvrirent.
Dans l’imagerie populaire, Véran est représenté tenant enchainé cette fameuse Coulobre qui n’en demandait pas tant. Vénéré à Cavaillon, il l’est aussi dans le diocèse de Mende, et dans l’Orléanais, à Jargeau et à Donnery. Saint patron des vignerons de l’Orléanais et des bergers en transhumance, saint Véran est invoqué contre le delirium tremens.
Ses attributs seront bien sûr la grappe de raisin et le dragon qu’il foule aux pieds. Il est fêté le 10 novembre, mais aussi le 19 octobre, date de l’arrivée de ses reliques dans le diocèse d’Orléans, et enfin le 1er octobre, premier dimanche après la Pentecôte, date de leur translation solennelle.
L’église Notre-Dame-et-Saint-Véran
Fontaine-de-Vaucluse fut, aux alentours du Ier siècle, une colonie romaine, où se trouvaient certainement édifiés de riches domus ainsi que des temples. Tout a disparu mais certains éléments architecturaux ont été conservés en réemploi dans la construction de l’église qui fut classée au titre des Monuments Historiques en 1840.
Il est d’ailleurs fort probable que l’église primitive fut construite sur l’emplacement d’un antique sanctuaire dédié à une divinité païenne, certainement une divinité liée à l’eau. Comme la Vierge a souvent remplacé les divinités aquatiques, il n’est pas étonnant que la première dédicace de l’église ait été à la Vierge Marie.
Elle est gravée sur le montant droit de l’arc d’ouverture de l’abside : XV (?). KL. NOVEMBRIS/DEdICACIO.SCE/ MARIÆ ( le 15 des calendes de novembre [18 octobre], dédicace à Sainte-Marie). La dédicace fut plus tard partagée avec saint Véran.
La chapelle possède plusieurs pierres intégrées dans ses murs, des fragments d’un ancien chancel (barrière qui sépare le chœur des autres parties d'une église) du Xe siècle avec des décors d’entrelacs, de rinceaux de pampres en hélice et des frises de crossettes, des fragments de frise carolingiennes du VIIIe siècle.
A l’ouest de l’église furent retrouvés plusieurs sarcophages mérovingiens, non loin d’une autre église, Saint-Etienne, qui serait peut-être sur l’emplacement du premier ermitage de saint Véran.
L’église actuelle, de style roman provençal, fut bâtie au XIe siècle (certaines parties du mur sud de la nef sont même attribuables au Xe siècle) sur le même emplacement et fut restaurée au XIIe par les moines de l’abbaye de Saint-Victor de Marseille. Elle faisait partie d’un ensemble monastique comprenant aussi un cloitre.
De plan en croix latine, elle comprend une nef à trois travées et un transept qui s’ouvrait sur 3 absides en cul de four.
Bien placée sur la gauche en entrant, la cuve baptismale date du XIIe siècle. Elle fut retaillée et moulurée au XVIIe.
Dans la troisième travée se trouve une statue de la fin du XVe siècle représentant sainte Anne, la Vierge et l’enfant.
La colonne de la partie sud du chœur et le chapiteau de la colonne opposée ont appartenu à l’ancien temple.
La table de l’autel principal fut taillée dans une pièce de marbre gris-jaune d’origine romaine.
A la fin du XIIe siècle une petite chapelle fut construite entre l’abside et l’absidiole droite qui abrite un sarcophage mérovingien daté du Vie siècle. Posé sur deux anciennes colonnes romaines, il est considéré comme celui de saint Véran et devait contenir ses reliques.
La table d’autel en marbre est contemporaine du sarcophage. Elle fut taillée dans la pierre tombale d’un certain Sextus Aemilius Nigrinus dont on peut voir le nom sur la face inférieure de la table.
À l’extérieur, les murs gouttereaux de la nef sont ornés d’une corniche saillante reposant sur des modillons figurant des masques humains ou des animaux : lion, bœuf, renard, aigle, chauve-souris. Les modillons furent très restaurés au xixe siècle : ils reproduisent néanmoins des modillons abimés qui existaient à l’époque.
Le portail occidental fut remanié au XVIe siècle mais la partie haute de la porte avec un arc en plein cintre a été conservée.
Les légendes
La légende de la Coulobre et de saint Véran
Comme tout saint sauroctone, (du grec saûros, le lézard, et ktonos, le tueur) Véran terrassa un dragon. Les sauroctones se retrouvent à proximité d’un point d’eau, près d’une ville en expansion, combattant les menaces naturelles ou surnaturelles mettant en danger la population et/ou la religion.
Le point d’eau, c’est le gouffre, la source bouillonnante de la Sorgue, imprégnée des puissantes forces telluriques des roches traversées par l’eau. La ville en expansion, c’est Vallis Clausa, la vallée close. Ici, nous sommes en présence du Coulobre, vilain dragon ailé que maitrisa notre saint qui, rappelons-le, selon la tradition, détruisit l’ancien temple païen dédié à la divinité capricieuse de la source afin de construire une église dédiée à la Vierge, la sainte chrétienne qui remplace le plus souvent les anciennes divinités aquatiques.
L’étymologie de Coulobre proviendrait du latin coluber, la couleuvre, ou bien, selon Dauzat et Rostaing, de racines celto-ligures, kal, la pierre et briga, la colline, ce qui ferait du dragon une divinité ligure des eaux tumultueuses. Elle était appelée sous divers noms : Colobrice, Cobraz, Couloubre ou bien Colobrix.
Dans l’hagiographie de saint Véran, redoutable prédicateur et grand guérisseur qui convertit la région au christianisme, cette légende est considérée comme le symbole de son succès : il se débarrassa du dragon qui incarnait le mal, c’est-à-dire l’ancienne religion, l’antique culte pastoral célébrant la force des eaux et de la pierre.
La légende populaire parlait d’elle comme d’une pauvre bête aquatique qui, s’étant laissée séduire par un dragon, mit au monde des bébés salamandres noirs tachetés d’or. Le papa, peu délicat, la quitta et la laissa seule s’occuper de sa progéniture. Voulant se consoler de pareille infortune, elle chercha à séduire tout bel homme qui passait près de son trou afin qu’il devienne son compagnon et un père pour ses enfants. Étant très moche, ce fut plutôt difficile, et les malheureux qui se refusaient à elle étaient dévorés tout crus.
Nous avons sa description, faite en 1665 par le chanoine François Mathieu :
« Il y avait pour lors en ces quartiers-là, un dragon d’une prodigieuse grandeur, lequel désolait tout son voisinage, et rendait la campagne presque inhabitable. Ce monstre avait sa tanière dans une caverne des rochers du Vaucluse, d’où venant à sortir avec impétuosité, lorsqu’on y pensait le moins, il se ruait sur le bétail et sur les hommes qu’il trouvait dans les champs, égorgeant, dévorant tout ce qu’il rencontrait sans qu’il fût possible d’esquiver sa furie, à cause qu’il avait des ailes, et qu’aussi on n’avait pas le loisir de se mettre à l’écart. Outre son énorme grosseur, il était tout couvert d’écailles impénétrables à toutes sortes de traits ; son dos bigarré d’une multitude de couleurs jetait une lueur effroyable ; ses yeux rouges et étincelants ressemblant à deux soupiraux d’une fournaise ardente, et quand il ouvrait sa gueule pour hurler, on en voyait sortir une haleine fumeuse qui faisait juger de loin qu’il vomissait des flammes ».
Plusieurs versions de la fin de l’histoire nous sont présentées. Véran se présenta devant la Coulobre, et, d’un signe de croix, l’obligea à se coucher à ses pieds. Là, il l’enchaina et la traina jusqu’en Lubéron où il lui ordonna de quitter la région pour ne plus jamais revenir. Blessée, la bête s’enfuit en laissant tomber des gouttes de sang. C’est en ces endroits que naquirent les villages portant le nom de saint Véran. Ou bien elle partit en suivant la Durance et vint mourir à plus de 2 000 mètres d’altitude dans le village de Saint-Véran, dans les Hautes-Alpes, où se trouvaient d’antiques mines de cuivre de l’âge du Bronze et où les bergers et leurs troupeaux se plaçaient sous la protection du saint. Certains disent que la sculpture qui porte la colonne du porche d’entrée de l’église est une représentation de la Coulobre, ce n’est qu’un lion stylophore accompagné de son jumeau, vestiges de l’ancienne église détruite pendant les guerres de Religion.
La légende de Raymond de Provence
Une autre légende plus tardive parle de saint Véran. Au XIe siècle, le marquis de Provence, Raymond IV de Toulouse, décida d’aller chasser sur ses terres dans le Lubéron. Avant de partir, il demanda à l’évêque de Cavaillon, Benoit, grand donateur de l’abbaye de Sénanque, de l’attendre pour célébrer la messe. À son retour, bien évidemment, la messe avait été dite sans lui. Très en colère, il botta le cul de l’évêque. Mal lui en prit, sa jambe devint toute sèche ce qui l’empêchait de bien marcher. Il se rendit alors à Fontaine-de-Vaucluse implorer les moines pour qu’ils intercèdent en sa faveur auprès de saint Véran le guérisseur. Les moines, pas si bêtes, lui dirent que son pardon et la guérison lui seraient accordés contre la moitié du fief de Fontaine-de-Vaucluse. Ce qu’il fit immédiatement. Il repartit sur ses deux jambes, peut-être un peu moins lourd qu’à son arrivée.
La légende du Gargolium
Est-ce saint Véran lui-même où la procession de ses reliques qui vainquirent le dragon qui s’était installé à Jargeau ? Cette bête aquatique abominable s’appelait le Gargolium et terrorisait ceux qui s’approchaient des rives de la Loire (racine GRG, comme gargouille, du grec gargareôn, gorge, qui devint le synonyme d’avaler, dévorer, mais il pourrait aussi, comme Gargan, l’antique dieu solaire, provenir du celte gar, pierre, gan, géant, et tua, l’homme).
Le toponyme Jargeau pourrait se rapprocher de ce Gargolium mais aussi du prénom Georges, autre saint sauroctone.
Le prénom de Véran est lui aussi intéressant. Il provient du burgonde Wrain, en langue d’Oïl Vrain, francisation du nom Veranus ou du latin vérus, vrai, légitime, juste. On peut penser aussi au latin varanus, latinisation du mot égyptien waran qui signifie avertisseur. Les varans du Nil, espèce de gros lézard semi-aquatique, étaient censés avertir les hommes de la présence de crocodiles.
La Coulobre et Pétrarque
François Pétrarque, inconditionnel personnage de Fontaine-de-Vaucluse, y a vécu pendant une quinzaine d’années. Il y possédait une maison avec une importante bibliothèque où il écrivit la plupart de ses œuvres dont les fameux poèmes d’amour à Laure de Noves. Il parle de Vaucluse comme de la reine des fontaines : « Un rocher âpre et menaçant, qui reçoit les vents et les nuages, s’élève ici et va se cacher dans les airs. C’est à ses pieds que les sources de la fontaine ont un abîme, où les nymphes tiennent leur empire mobile. La Sorgue y voit sourdre les eaux majestueuses qu’elle conduit avec un doux murmure ». Il en a même laissé un dessin.
Il a lui aussi sa légende, probablement liée au pétrarquisme et à son influence sur le renouveau littéraire.
La Coulobre n'était pas insensible au charme du bel Italien. Elle nourrissait en secret la chimère de l'emmener vivre avec elle et ses enfants. Mais elle n'osait l'effrayer en se montrant à lui brusquement, comme elle l'avait fait à d'autres jeunes gens qu'elle avait dû croquer ensuite. Elle se tenait donc juste en dessous de la surface des flots, frôlant les rives des jardins, où elle le contemplait amoureusement, tandis qu'il écrivait et rêvait sous les feuilles.
Par un bel après-midi, la Coulobre vit entrer chez son bien-aimé, une femme si merveilleuse qu'elle comprit aussitôt qu'aucun rêve ne lui était permis. Jamais le bel Italien ne déciderait de son plein gré de venir vivre avec une créature monstrueusement laide sous les eaux.
Folle de rage et de douleur, elle bondit à la surface au moment où le poète se penchait sur la main de son invitée pour y déposer un baiser. Voyant surgir le monstre devant elle, Laure poussa un cri et tomba évanouie dans l'herbe tandis que Pétrarque, saisissant son épée, transperçait l'animal sans autre forme de procès. Afin d'éviter à la dame de son cœur une vision affreuse, le jeune homme rejeta le dragon à l'eau, avant qu'elle n'eût repris conscience. Et le cadavre vogua au gré des flots jusqu'au gouffre de la vallée close où il fut englouti à nouveau.
La nouvelle de cet exploit passa de bouche en bouche et le bel Italien devint bientôt aussi fameux que saint Véran parmi les gens du pays. Cela n'empêcha pas sa belle de demeurer aussi vertueuse et fidèle à son époux, auquel elle donna onze enfants.
Devenu célèbre par ses écrits, le poète repartit en Italie. Par un beau matin d'avril, il apprit que Laure était morte le jour de ses quarante ans, empoisonnée par une épidémie de peste dont le souffle avait pris naissance, à ce que l'on disait, dans les vapeurs du gouffre de la vallée close.
Le secret de la source, les nymphes, Mistral et Chateaubriand
Les deux écrivains, après Pétrarque, ont visiblement été marqués par l’ambiance mystérieuse de la source et y ont reconnu eux aussi la présence d’une nymphe, divinité féminine personnifiant les forces vives de la Nature.
« Parti pour faire danser les filles de l’Isle-sur-Sorgue, le vieux ménétrier Basile s’endormit à l’ombre un chaud jour sur le chemin de Vaucluse. Apparut une nymphe, qui, belle comme l’onde claire prit la main du dormeur et le conduisit au bord de la vasque où s’épanouit la Sorgue.
Devant eux l’eau s’entrouvrit et les laissa descendre entre deux murailles de liquide cristal au fond du gouffre.
Après une longue course souterraine, la nymphe, au milieu d’une souriante prairie semée de fleurs surnaturelles, arrêta le ménétrier devant sept gros diamants. Soulevant l’un d’eux, elle fit jaillir un puissant jet d’eau.
Voilà, dit-elle, le secret de la source dont je suis la gardienne, pour la gonfler, je retire les diamants, au septième l’eau atteint le figuier qui ne boit qu’une fois l’an et elle disparut en réveillant Basile » ...
Extrait de Mirèio (Mireille, 1859) de Frédéric Mistral
« J’allai à Vaucluse cueillir, au bord de la fontaine, des bruyères parfumées et la première olive que portait un jeune olivier. Cette claire fontaine, dans ce même bocage, sort d’un rocher ; elle répand, fraîches et douces, ses ondes qui suavement murmurent. À ce beau lit de repos, ni les pasteurs, ni les troupeaux ne s’empressent ; mais la nymphe et la muse y vont chantant ».
Chateaubriand, Mémoires d’outre-tombe, 1849
https://www.horizon-provence.com/fontaine-de-vaucluse/
https://fr.wikipedia.org/wiki/Fontaine-de-Vaucluse
https://www.fontainedevaucluse.fr/
https://islesurlasorguetourisme.com/decouvrir/terre-de-patrimoine/nos-villages/fontaine-de-vaucluse
https://clan-du-dragon.com/blogs/blog-le-clan-du-dragon/coulobre
https://www.saintveran.com/decouvrir/le-village-de-saint-veran/histoire
https://www.avignon-et-provence.com/sites-naturels/gouffre-de-fontaine-de-vaucluse
https://www.lasorgue.fr/la-sorgue/la-fontaine-de-vaucluse/la-source-de-la-sorgue-386.html
https://www.mas-seraphin.com/presentation/fontaine-de-vaucluse.html
http://eprimaire.free.fr/contes/tradi/recits_fr.html#r2
L’église Sainte-Marie et Saint‑Véran de Fontaine‑de‑Vaucluse de Guy Barruol et Yann Codou