La chapelle de Notre-Dame de Baroille
Baroille est actuellement un petit hameau dépendant du village de Saint-Georges-de-Baroille, situé sur un plateau élevé dominant les gorges de la Loire. L’endroit fut occupé depuis fort longtemps, comme en témoignent des haches de pierre du Paléolithique retrouvées à proximité. Plus tard, un oppidum gaulois fut construit : il en reste quelques traces au lieu-dit Châtellard-de-Chazy, où l’on mit à jour des fortifications en pierre. Des tuiles romaines puis quelques poteries prouvent que le site fut habité en continu depuis ces temps reculés.
Une ancienne voie, reliant Mâcon à Clermont, empruntait le pont de Pinay sur la Loire et passait à Baroille. Elle fut utilisée plus tard par les pèlerins de Compostelle se rendant au Puy-en-Velay. Les terres argileuses du plateau, de très bonne qualité (on trouvait de l’agile de différentes couleurs : brun rouge, blanche, ocre), en firent un endroit prisé des potiers : Baroille proviendrait baraille, qui, au Moyen-âge, désignait la vaisselle ordinaire.
La chapelle de Baroille fut construite au XIIIe siècle. Le clocher et une partie des murs furent remaniés au XVIe. Une pierre de l’ancien autel fut enchâssée dans le mur ouest.
Ancienne église communale, elle fut déclassée au XVIIIe siècle par Mgr Camille de Neuville, archevêque de Lyon, au profit de la chapelle Saint-Georges qui dépendait d’elle.
Elle devint patrimoine privé, tomba peu à peu presque en ruine. Rachetée en 1997 par l'Association des Amis de Notre Dame de Baroille, elle fut restaurée.
Cet endroit abritait, depuis le XIIe siècle, la statue d’une vierge noire, Notre-Dame de Baroille. Tous les 8 septembre, jour de la nativité de la Vierge Marie, les pèlerins venaient lui faire leurs dévotions, jusqu’en 1952, date à laquelle le pèlerinage tomba dans l’oubli. La statue fut alors vendue au musée du Louvre, où elle se trouve exposée depuis, dans un caisson en verre du pavillon Richelieu.
Les Amis de Notre Dame de Baroille firent sculpter grossièrement une autre Vierge, et rétablirent la manifestation en 1997.
Notre-Dame de Baroille, datée du XIIe siècle, mesure 52 cm de hauteur pour 21 cm de largeur et 16 de profondeur. La proportion est à peu près respectée, comme pour ses grandes sœurs en bois mesurant 70 cm sur une base de 30. Pourquoi toujours les mêmes nombres ?
Peut-être un début d’explication : le 3 représente la trinité, conjonction du 1 et du 2, ce qui produit l’union du ciel et de la terre, l’incarnation de la Vie, la descente de l’énergie primordiale dans la matière. Chez les druides et leurs triades, que l’on retrouvera dans la règle des templiers, ce sont les trois principes fondamentaux (eau, air et feu) d’où découleront les forces créées de l’univers. Ce sont aussi les trois aspects de la matière, les trois principes alchimiques (sel, soufre et mercure), les trois phases du Grand-Œuvre (noir, blanc et rouge).
Le 7 est un symbole d’accomplissement, de virginité, de perfection et de transcendance. Selon Hippocrate, il dispense vie et mouvement. Il est le nombre de l’homme réalisé. Chez les hébreux, il est le symbole de la totalité humaine, mâle et femelle à la fois, l’androgyne. Chaque période lunaire dure 7 jours, chaque mois lunaire 7x4, 28 jours. 28 = 1+2+3+4+5+6+7. Il est aussi la représentation de la montée de la conscience, qui se fait en 7 étapes. Ce sont les 7 plans de l’existence manifestée, pouvant se rapporter aux 7 centres vitaux (chakras), aux 7 corps de l’humain (physique, éthérique, astral, mental, causal, spirituel et divin). C’est aussi le nombre des arts libéraux qui se divisent en deux degrés : le Trivium et le Quadrivium. Le Trivium (les trois chemins en latin) concerne le « pouvoir de la langue » et se divise en grammaire, dialectique et rhétorique. Le Quadrivium (les quatre chemins) se rapporte au « pouvoir des nombres » et se compose de l'arithmétique, de la musique, de la géométrie et de l’astronomie.
3x7=21, symbole de la maturité, de l’accomplissement, de la plénitude, de la perfection par excellence, de la sagesse divine. La lame 21, c’est le Monde.
La statue, polychromée, a la particularité d’être faite d’un alliage de plomb repoussé.
Extrait du livre de Viollet-le-Duc et Pierrefonds, "Histoire d'un chantier" : « Les ornements à reproduire sont d'abord exécutés en plâtre pour servir de modèles, et ces modèles sont ensuite coulés en fonte de fer pour servir de matrices. L'épaisseur du plomb employé varie de 2 à 3 mm, selon la plus ou moins grande profondeur des ornements et selon la force qu'on veut donner. On étend une feuille de plomb sur le modèle en fonte et, avec des maillets à panne arrondie et des chasses en bois de peuplier, on lui fait prendre par le battage les formes générales du modèle. Le bois tendre de peuplier convient à ce premier travail parce qu'il repousse le plomb sans le maculer d'empreintes à chaque coup comme le ferait un bois dur. On achève l'ouvrage, au contraire, avec des chasses en buis ou en charme qui permettent de marteler le plomb et de le ciseler pour ainsi dire. L'habileté consiste à nourrir les creux avec de la matière prise dans les pleins, de sorte que le plomb repoussé présente partout la même épaisseur, comme avant le travail. »
Le travail sur le vil métal que l’on transforme…
Une autre Vierge Noire est sortie du même moule, celle de Châteauneuf-les-Bains, petite bourgade du Puy-de-Dôme aux eaux thermales connues depuis l’antiquité, située sur les bords de la Sioule. Celle-là fut rapportée des croisades, selon la légende, par le seigneur de Montmorin.
Les deux statues montrent la Vierge portant une colombe dans la main droite. La colombe, comme chacun le sait, est un symbole de pureté, de beauté. Elle est souvent messager des Dieux, ou illustration du principe féminin. Mais elle représente aussi l’âme, ou le Saint-Esprit descendant. Pour l’instant, l’oiseau est encore dans la main de la Vierge, puis bientôt la magie, l’âme agit.
Contrairement à ce que j’ai pu lire sur internet, la Vierge Noire de Thuir, elle aussi en métal, n’est pas faite à partir du même moule.
Toutes les caractéristiques des Vierges Noires sont ici présentes. Les couleurs, bleue pour la tunique de la mère, rouge pour sa robe, verte pour la robe de l’enfant et rouge pour sa tunique, auxquelles est ajouté de l’or en garniture. Le bleu, couleur du féminin sacré, vert de la coupe, le graal, taillé dans l’émeraude de Lucifer, contenant le principe vital par excellence, le sang rouge du futur Christ. Le noir de la fonction, le blanc de la peau, le rouge de l’habit, l’or des décorations, nous sommes bien encore une fois dans le Grand Œuvre alchimique.
Pour terminer, un petit cadeau de Jacques Bonvin qui, dans son ouvrage sur les Vierges Noires, donne une explication des couleurs : « Le vert est attribué à la Vierge, symbole des eaux primordiales. Le verre de couleur verte ne laisse passer à travers lui que les couleurs allant du jaune au violet, couleurs associées à l'évolution spirituelle. Le verre de couleur rouge ne laisse passer que ses propres radiations rouges et absorbe toutes les autres. Le rouge, attribué au fils, engendre l'énergie, créée la chaleur et la force. Il est la couleur de l'amour total. De leur union dans une Vierge Noire va se dégager une première symbolique. Par la position méditative, la statue de la Vierge capte l'énergie cosmique et tellurique qu'elle inverse et qu'elle envoie (qu'elle émet) par son fils, dont la couleur rouge engendre l'énergie. Le vert sert à neutraliser les forces extérieures et à recevoir uniquement les couleurs spirituelles. Le christ par le rouge ne peut recevoir que son propre rayonnement. Inversement, le fils, parce qu'il est l'énergie, le Verbe, canalise le courant émis par l'homme. La position du fils sur la statue fait qu'il est le catalyseur par qui tout passe. Il retransmet ce qu'il reçoit, par exemple une prière à sa mère, qui, par la puissance de son onde de forme et la puissance magnétique du vert, inverse les polarités et renvoie au fidèle la propre force de la prière transmutée. »
https://www.saintgeorgesdebaroille.com/les-amis-de-la-chapelle/