Le
vocable de Notre-Dame de Confession est connu à partir du XIIème
siècle. La statue, d’une hauteur de 98 centimètres, fait partie de la
renommée de l'abbaye, et se situe dans la crypte. Quant à son histoire,
elle est ancienne. On affirmait autrefois qu'elle avait été rapportée
par Lazare, et sculptée par saint Luc dans un bois de fenouil. En
réalité, elle serait du XIIIème siècle, et en bois de noyer très
sombre. Son autre surnom de Feunou serait issu, non pas de fenouil,
mais du feu nouveau. La Vierge, couronnée et voilée, trône en majesté,
tenant, de la main gauche, l’enfant Jésus sur ses genoux.
Il semble attesté qu'à la Chandeleur, le 2 février, la Vierge était et
est habillée de vert, et que les fidèles appelés à la procession
reçoivent des cierges bénis de couleur verte. François Marchetti
signale cette pratique dans son livre "Explications des usages et
coutumes marseillais", paru en 1683.
Pendant la Révolution, cette statue a pu être sauvée mais le trésor,
constitué de vêtements et bijoux, est dispersé en 1794. La statue est
vendue aux enchères et adjugée à M. Laforêt, officier municipal ; elle
est ensuite exposée dans différentes églises.
Le 19 mai 1804, veille de Pentecôte, l'église supérieure est rendue au
culte et devient paroissiale. Le lendemain, 20 mai, on rapporte la
Vierge Noire de l'église de Saint-Jérôme (aujourd'hui Saint-Charles), à
Saint-Victor. Le 2 février 1822, la Vierge Noire est descendue dans sa
chapelle souterraine enfin restaurée.
Actuellement,
l'office se célèbre dans les catacombes et la tradition est de toucher
la robe verte de la statue avec des cierges verts et de ne les allumer
qu'ensuite. On y vend des patisseries dont la fabrication est gardée
secrète de père en fils. Elles portent le nom de navettes et affectent
très exactement la forme de la barque d'Isis, ou, pour les marseillais,
la barque qui, selon la légende, aurait amené aux
Saintes-Maries-de-la-Mer Marie Salomé, Marie Jacobé et Marie Madeleine
accompagnées de Sarah. Cette fête, typiquement marseillaise, très
populaire, a rassemblé au début du XIXème siècle entre 60 000 et 80 000
personnes.
La
Vierge noire de Marseille ouvre, symboliquement, le Mystère des
Cathédrales de Fulcanelli, dont elle fournit la première planche.
"Notre Dame de Confession, célèbre Vierge noire des cryptes saint
Victor, à Marseille, nous offre un beau spécimen de statuaire ancienne,
souple, large et grasse. Cette figure, pleine de noblesse, tient un
sceptre de la main droite et a le front ceint d'une couronne à triple
fleuron", commente brièvement Fulcanelli. Les Vierges noires figurent,
dit-il, "dans la symbolique hermétique, la terre primitive, celle que
l'artiste doit choisir pour sujet de son grand ouvrage. C'est la
matière première, à l'état de minerai, telle qu'elle sort des gîtes
métallifères, profondément enfouie sous la masse rocheuse. Dans le
cérémonial prescrit pour les processions de Vierges noires, on ne
brûlait que des cierges de couleur verte."
"Une
jeune fille de l'antique Massilia, nommée Marthe, simple petite
ouvrière, et depuis longtemps orpheline, avait voué à la Vierge noire
des Cryptes un culte particulier. Elle lui offrait toutes les fleurs
qu'elle allait cueillir sur les coteaux, - thym, sauge, lavande,
romarin, - et ne manquait jamais, quelque temps qu'il fît, d'assister à
la messe quotidienne.
La veille de la Chandeleur, fête de la Purification, Marthe fut
éveillée, au milieu de la nuit, par une voix secrète qui l'invitait à
se rendre au cloître pour y entendre l'office matinal. Craignant
d'avoir dormi plus qu'à l'ordinaire, elle se vêtit en hâte, sortit, et
comme la neige, étendant son manteau sur le sol, réfléchissait une
certaine clarté, crut l'aube prochaine.
Elle atteignit vite le seuil du monastère, dont la porte se trouvait
ouverte. Là, rencontrant un clerc, elle le pria de bien vouloir dire
une messe en son nom; mais, dépourvue d'argent, elle fit glisser de son
doigt un modeste anneau d'or - sa seule fortune -, et le plaça, en
guise d'offrande, sous un chandelier d'autel.
Aussitôt la messe commencée, quelle ne fut pas la surprise de la jeune
fille en voyant la cire blanche des cierges devenir verte, d'un vert
céleste, inconnu, vert diaphane et plus éclatant que les plus belles
émeraudes ou les plus rares malachites ! Elle n'en pouvait croire ni
détacher ses yeux...
Quand l'Ite missa est vint enfin l'arracher à l'extase du prodige,
quand elle retrouva au dehors le sens des réalités familières, elle
s'aperçut que la nuit n'était point achevée: la première heure du jour
sonnait seulement au beffroi de Saint-Victor.
Ne
sachant que penser de l'aventure, elle regagna sa demeure, mais revint
de bon matin à l'abbaye; il y avait déjà, dans le saint lieu, un grand
concours de peuple. Anxieuse et troublée, elle s'informa; on lui apprit
qu'aucune messe n'avait été dite depuis la veille.
Marthe, au risque de passer pour visionnaire, raconta alors par le menu
le miracle auquel elle venait d'assister quelques heures plus tôt et
les fidèles, en foule, la suivirent jusqu'à la grotte. L'orpheline
avait dit vrai; la bague se trouvait encore au même endroit, sous le
chandelier, et les cierges brillaient toujours sur l'autel, de leur
incomparable éclat vert."
Citant
l'abbé Laurin, et sa Notice sur l'antique abbaye saint Victor de
Marseille (1915, nombreuses rééditions), et Hippolyte Matabon et sa
Légende des cierges verts (1889), il précise, s'agissant de la légende:
"Cette légende contient, derrière le voile allégorique, la description
du travail que doit effectuer l'alchimiste pour extraire, du minéral
grossier, l'esprit vivant et lumineux, le feu secret qu'il renferme,
sous forme de cristal translucide, vert, fusible comme de la cire, et
que les sages nomment leur vitriol."
Dans
le numéro 26 de la revue Liber Mirabilis (2002-2003) Myriam Philibert
revient elle aussi sur la signification symbolique, hermétique et
alchimique de la verdeur des cierges de "Marseille la mystérieuse": "Il
faut se rappeler qu'il s'agit de naissance, sur le plan végétal donc de
printemps. En matière d'alchimie, deux interprétations sont possibles:
les trois couleurs de l'OEuvre, le noir qui devient vert, le blanc et
le rouge. Mais on peut aussi envisager les trois principes: soufre
(rouge ou jaune), mercure (blanc), sel (vert)."
Notre-Dame de la Sagesse, la nouvelle Vierge noire
Cette
Vierge en majesté de 1m20, installée à l'entrée de la chapelle du
Saint-Sacrement, a été réalisée en bois de châtaigner d'après une
Vierge catalane du XIème siècle appartenant à un collectionneur de
l'Aude. L'artiste a redonné l'austérité des Vierges romanes, qui n'ont
pas l'attitude d'une mère : l'enfant reste dans son giron, ses mains ne
le touchent pas. La Vierge est assise sur un trône, mains ouvertes.
L'enfant se tient sur son genou gauche, côté du coeur, de la force
vitale. De sa main droite, il bénit.
