La fontaine Saint-Winoc
Il suffit de remonter le chemin qui passe devant la chapelle de saint-They, entre les hameaux de Kerfendal et de Filibéré, de trouver au milieu des broussailles l’entrée d’un petit sentier et de se diriger vers le nord, dans une végétation assez dense et un sol carrément boueux, pour arriver devant la fontaine Saint-Winoc.
Cette fontaine de dévotion n’a pas été datée. Sa première mention date du cadastre de 1836 où elle est citée près d’un pré appelé Prat ar Venoc. L’église paroissiale dont elle dépend, Saint-Winoc de Plouhinec, se trouve à plus de deux kilomètres, ce qui est fort rare. Comme cette église fut construite vers 1530/1540 sur un édifice plus ancien, notre fontaine pourrait être plus âgée qu’on ne le pense.
Construite dans un vallon très humide, elle resta longtemps abandonnée, inaccessible, au milieu d’une véritable mare. Depuis sa remise en état en 1999 après des travaux de drainage du ruisseau, elle est à nouveau fréquentée et la niche où devait s’abriter la statue du saint contient aujourd’hui des offrandes, bougies, coquillages, vases emplis de fleurs, images pieuses et croix sommaire en bouts de bois.
La fontaine, d’une forme originale, surmontée d’un toit en bâtière en granite (toit à deux versants opposés, les deux autres côtés du bâtiment formant un mur pignon), fut construite en pierre de taille au centre d’un enclos en pierres sèches.
Deux échaliers (sorte de petit escalier surmonté d’une dalle servant le plus souvent à entrer dans les enclos paroissiaux en Bretagne tout en empêchant les animaux de passer) permettaient d’accéder à l’eau guérisseuse qui était réputée pour guérir les phlébites.
Un peu plus haut, le lavoir de forme rectangulaire est alimenté en amont par le ruisseau.
A côté, une pierre levée, qui parait gravée, ressemble à un bornage.
Mais qui était ce Winoc ?
Le nom de Winoc proviendrait de la forme originelle Uinnoc, dérivée de l’adjectif uin, devenu gwenn en breton ou gwynn en gallois, qui veut dire blanc au sens propre et aïeul au figuré. Winoc est né en Armorique, à Saint-Méen-le-Grand ou à Dol (Ille -et-Vilaine) au début du VIIe siècle (entre 627 et 640). Les uns le disent fils du légendaire roi Hoël III, d’autres le font frère, fils ou neveu de saint Judicaël, roi de Domnonée. Selon la légende, il quitta sa famille et partit avec trois compagnons, saint Ingenoc, saint Madoc et saint Quadanoc, ou bien son oncle saint Josse, saint Madoc et saint Arnoc, ou encore saint Doetval, saint Ingenoc et saint Eumaël, vivre en ermite. Ils arrivèrent en Flandres (Pas-de-Calais), à Sithiu (devenu Saint-Omer), où fut enfermé le dernier des rois mérovingiens, Childéric III)). Ils y ils furent accueillis en tant que moines par l’abbé Berthwun (saint Bertin), disciple d’un successeur de saint Colomban.
Devenus des modèles de la vie monastique, Berthwun leur demanda, en 685 ou 695, de fonder un monastère sur des terres marécageuses données par un certain Hérémarus à Wormhold. Winoc, après avoir construit l’église, les bâtiments monastiques et l’hôpital sur le modèle de Sithiu, en devint l’abbé sous la règle de Saint-Benoît et c’est là qu’il mourut le 6 novembre 717.
Ses reliques furent transportées à Sithiu puis à Bergues suite aux attaques des Normands (anciennement le mont Baal/Belen, connu aussi sous le nom de Groenberg puis Winocsbergen d’où provient le nom de Winoc de Bergues. Une légende parle d’un sorcier qui débarrassa la région des serpents, worm en germanique voulant dire serpent ou ver).
Le culte de saint Winoc est attesté en Cornouailles où il est connu sous le nom de Wednack, à Lanwenock et à Landewednack. Au Pays-de-Galles, il est saint Gwynnog, patron de Llanwnog. En Écosse, il est connu à Lochwinnoch près de Glasgow. En Bretagne, on retrouve son culte à Landévennec, anciennement LanToWinnoc, mais surtout à Plouhinec où un acte du Saint-Siège daté du 25 octobre 1374 mentionne déjà une église en ce lieu lui étant dédiée. En 1900, le curé de Plouhinec et de nombreux paroissiens accompagnèrent l’évêque de Quimper à Bergues afin de demander des reliques du saint qui arrivèrent sur place en juin de la même année.
De nombreux miracles lui furent attribués. La légende rapporte que le saint devint le meunier de sa communauté. Devenu vieux, devoir tourner la meule à la seule force de ses bras lui prit de plus en plus de temps, l’empêchant de faire ses dévotions. C’est alors que Dieu envoya des anges faire le travail à sa place. C’est ainsi qu’il devint le saint patron des meuniers de Flandre.
Plus tard, au XIe siècle, un enfant d’une riche famille de Bergues se noya dans la Colme, rivière bordant la ville. Les parents demandèrent d’apporter les reliques de saint Winoc au bord de l’eau, ce qui leur fut accordé. La châsse touchant l’eau, le petit en sortit sain et sauf. Depuis, le jour de la Sainte-Trinité, la châsse était portée dans la Colme où l’on baignait les enfants malades.
Saint Winoc fut aussi réputé pour son pouvoir sur les éléments : il était invoqué pour arrêter les pluies torrentielles, pour éviter la sècheresse, pour éloigner la foudre. Mais aussi pour son pouvoir de guérisseur : on le demandait pour éloigner la fièvre, la jaunisse, la coqueluche et pour aider la délivrance des femmes enceintes.