La symbolique du griffon
Tout le monde connaît le griffon, animal au corps de lion, à tête, serres et ailes d’aigle.
Sa première forme serait originaire de Mésopotamie, vers – 4 000. On le retrouve en Egypte sous la première dynastie, vers - 3 000, puis au Moyen Empire.
Il apparaît alors en Grèce et en Crête, et même en Inde. C’est à partir de là qu’il prend sa forme définitive d’être hiéracocéphale (divinité ou créature humanoïde à tête de faucon).
Il passera ensuite dans la culture romaine, avant de se répandre durant tout le moyen-âge en occident dans l’art, la littérature et l’héraldique. Il perdra alors son symbolisme de départ et se trouvera réduit dans le christianisme à un être maléfique, voire la représentation du démon.
Dans l’empire assyrien, aux premiers temps de son existence reconnue, les griffons avaient le rôle de gardien du seuil. On les postait de chaque côté des portes, afin qu’ils impressionnent les visiteurs et qu’ils surveillent le palais et le temple.
Ils avaient aussi la charge symbolique de surveiller l’arbre de vie, la colonne ou la déesse : les représentations montrent deux griffons affrontés les protégeant.
La Perse et le zoroastrisme lui donnèrent son sens de symbole de l’unité entre le Bien et le Mal. Les Hébreux le considéraient comme la représentation de la magie, la science des mages babyloniens. Le héros c’est Gilgamesh, le dieu c’est Ningishzida, dieu chtonien appelé le Seigneur du bon arbre.
En Egypte, il était déjà représenté sur des objets préhistoriques et considéré alors comme un animal du désert, proie des chasses symboliques. Au Moyen Empire, il figure sur les ivoires magiques comme un puisant génie.
Il est pour la première fois associé à un dieu ou à un héros : est représenté aux coté de Seth, sous le nom de Seferer ou Serref, puis Tech Tech ou Akhekh (félin à tête d’oiseau, portant une paire d’ailes à laquelle s’ajoute parfois une tête humaine).
Le griffon Seferer représente aussi Petbe, le dieu égyptien de la vengeance (Némésis chez les grecs). Son nom se traduit par l’âme du ciel, mais peut provenir d’une divinité introduite par les chaldéens, Pet-Ba’al, le seigneur du ciel. Isis fait appel à Seferer pour garder et protéger les restes d’Osiris avant sa résurrection.
En Inde, à Sânchî, petit village de l’état de Madhya Pradesh, l'empereur Ashoka construisit huit stûpas (structure architecturale bouddhiste) au IIIe siècle avant notre ère. Le griffon est sculpté sur la porte, où il représente l’Adrishta, l’invisible, qui peut prendre parfois la forme du destin.
En Grèce, le griffon est avant tout un gardien de trésors. Il veille sur l’or des hyperboréens dans le pays d’Apollon, où il combat les cyclopes géants Arimaspes de Scythie. Il veille sur la coupe contenant le vin du dieu Dionysos et supervise son caractère.
Il est attelé aux chars d’Apollon et de Némésis, déesse de la vengeance et de la juste colère. Némésis, que le griffon peut représenter, est aussi la déesse qui rythme le destin, et à ce titre possède comme attribut une roue de la Fortune.
Il apparaît dans la pièce d’Eschyle « Prométhée enchaîné », en 500 avant notre ère. On le retrouve un peu plus tard, dans le « Roman d’Alexandre » attribué au Pseudo-Callisthène : Philippe II, son père, tenait d’un persan deux griffons. Alexandre les fit jeuner, les attela à son char, et leur présentant des lièvres, les fit s’envoler.
Dans la Rome antique, le symbolisme commence à s’effriter. Le griffon, souvent représenté sur des frises, des pieds de table, des autels, et se lie au culte funéraire : il devient animal psychopompe ou gardien du monde des morts.
Le symbolisme reprend au moyen-âge avec l’arrivée du christianisme. La première basilique Saint-Pierre de Rome, bâtie par l’empereur Constantin au début du IVe siècle, était précédée d’un atrium rectangulaire que l’on appelait le Paradis. Au centre se trouvait une fontaine ornée de 4 griffons et surmontée d’une pomme de pin. Dans la symbolique chrétienne, la pomme de pin représente le fruit de l’arbre de vie, la glorification de la fécondité, l’éternel retour de la vie, l’immortalité.
Le griffon est mentionné dans le Physiologos, bestiaire chrétien qui eut une influence considérable. Iinitialement écrit en grec, les plus anciennes mentions datent du IVe siècle, comme dans l'Hexaéméron d'Ambroise de Milan.
Extrait du Physiologos: « Le griffon est un oiseau qui est d’une taille supérieure à tous les oiseaux du ciel. … Il déploie ses ailes et capte l’incandescence du soleil pour éviter que la terre habitée ne soit entièrement brûlée. … Un second griffon l’accompagne. … Toi qui donnes la lumière, donne au monde la lumière. … De la même façon la divinité est accompagnée de deux griffons en marche, autrement dit l’archange Michel et la sainte mère de Dieu, et ils captent l’incandescence du soleil, autrement dit la colère de Dieu, pour éviter qu’il ne dise à tous les hommes ‘’je ne vous connais pas’’, et que sa colère (rapport avec Petbe et Némésis) ne les brûle entièrement. »
L’art roman, qui parle le langage des oiseaux, s’en servit beaucoup. Il est représenté sur les piliers à l’endroit où les forces cosmiques et telluriques se rejoignent dans une église, au point d’entrée de la lumière dans le sanctuaire.
L’art roman transmit le griffon à l’héraldique, où il devient un emblème associant le courage et la force du lion à la ruse et la vigilance de l'aigle.
Le griffon est alors considéré comme la représentation d’une certaine dualité, une double entité, qui va devenir le symbole de la double nature du Christ, humaine et divine.
L’Islam lui porte des pouvoirs protecteurs : « Bénédiction parfaite, bien-être complet, joie parfaite, paix perpétuelle et santé parfaite, et bonheur et bons augures pour le propriétaire » est gravé sur cette représentation du Xe siècle.
Dante l’initié lui fait tirer le char de Béatrice, venant du futur. Elle apparait au paradis terrestre près de l’arbre de la connaissance, dénudé. Le griffon attache le char à l’arbre, qui refleurit aussitôt. Il prononce ces mots : « Ainsi se conserve la semence de toute justice ». Cette connaissance, l’enseignement originel, interdite depuis la chute, le griffon la restitue à l’homme.
Comme l’art roman, l’alchimie reprendra la symbolique du griffon, qui contrôle l’accès des sciences initiatiques. C’est lui qui marquera le résultat de l’opération qui couvre la préparation de la première matière de l’œuvre, la signature (griffon, gryphon, gryphe, griffe, matière griffée) : l’étoile à 5 branches de la voie sèche ou l’état luminescent dans la cornue.
Il sera un sel double, participant du fixe et du volatil, que l’opérateur va devoir séparer afin d’obtenir le lion vert. Il représente l’art de concilier les contraires, union du soufre et du mercure par le sel, mais peut aussi symboliser la source minérale où l’alchimiste vient chercher son eau hermétique.
Puis encore une fois la symbolique va s’effacer et laisser la place à l’obscurantisme. Le griffon sera alors comparé au Diable, et la superstition attribuera à ses griffes le pouvoir de détecter les poisons : les plus naïfs achetaient aux petits malins des cornes de rhinocéros afin d’obtenir des pouvoirs magiques ou guérir de la cécité.
La symbolique générale qui se dégage de tout cela évoque au départ la dualité, mais on se rend vite compte du lien solaire qui unit le pouvoir terrestre du lion et l’énergie céleste de l’aigle.
Le griffon représente la force qui relie l’esprit et la matière, le haut et le bas, le ciel et la terre, le cosmique et le tellurique. Il deviendra protecteur des frontières, passeur d’un monde à l’autre, maitre du destin qui venge l'injustice sur terre. Jadis, on l’appelait le sauveteur.
Le Physiologos lui prête les pouvoirs de saint Michel et de la vierge, les parèdres, qui ne vont pas l’un sans l’autre. C’est l’équilibre parfait du haut et du bas.
Dante lui prête quand à lui le pouvoir de rendre un trésor (l’or, représentation solaire par excellence) aux hommes, la connaissance, celle que le héros doit conquérir. Il en est le gardien.
Le trésor, au départ, sera l’arbre de la connaissance, la colonne centrale du temple, puis prendra la forme du vase sacré, celui qui contient le vin, le sang de la terre, le prana, la source.
Le vase sera aussi la représentation de la déesse, il sera alors la force et la sagesse qui protègent la beauté.
Les deux griffons affrontés autour du calice vont boire à la source, la connaissance, qui peut-être se tient dans Béatrice, la déesse, le féminin sacré…Sa tâche est donc de surveiller et protéger la Source. De là provient peut être le nom de griffon que l’on donne à l’émergence des eaux…
Le 13e signe du zodiaque de l’église Saint-Austremoine d’Issoire, très abimé et remplacé en 1995, montrait un griffon surmontant un animal difficile à identifier : un âne selon certains, un lièvre selon d’autres.
Ce griffon solaire, comme ceux d’Alexandre qui voulaient attraper le lièvre qu’il leur tendait, et qui, par ce stratagème, lui permirent d’atteindre les cieux, ne tient-il pas dans ses serres le symbole lunaire de la divinité, celui des eaux fécondantes et régénératrices, du renouvellement perpétuel de la vie ?
Le 13e signe n’est pas, comme nous le raconte l’historien de l’art, l'allégorie du Bien triomphant sur le Mal, le griffon symbolisant le Christ, l'âne la sottise ou le lièvre la luxure, mais bien le résumé de plusieurs millénaires de symbolisme. Et je souhaite à tous de pouvoir chevaucher votre propre griffon.
Et pour vous encourager, je vous offre un peu de Château Beychevelle.
http://www.toutankharton.com/Akhekh
http://benoitreveur.over-blog.com/article-le-griffon-54562282.html
http://fr.wikipedia.org/wiki/Griffon_%28mythologie%29
http://commanderiedestempliers.com/histoire/Tour-du-Griffon-symbolique.html