La symbolique de la roue de la Fortune
Sur le transept nord de la cathédrale de Trente se trouve une rosace appelée la roue de la fortune. Effectivement, la symbolique de la rosace ne laisse aucun doute.
Tout d’abord le cercle, la roue, la rosace : de tout temps, pour célébrer le sacré, les civilisations ont connu soit des réunions en cercle, soit des rondes autour d’un feu, d’un arbre, d’une source, d’une statue. Les druides ont pratiqué ces rondes, les évêques aussi et tout le monde connaît les rondes de la saint Jean. Le rond, le cercle, la roue ont donc une valeur sacrée bien spéciale, symbole du monde en état de rotation.
Dans les représentations hindoues égyptiennes ou grecques, c’est le serpent qui est disposé en cercle et qui signifie ainsi la vie universelle dont l’agent magique, l’agent moteur, est la lumière.
C’est le serpent enroulé qui est au moyen-âge appelé ouroboros et, comme la circonférence entourant les croix hermétiques, il représente pour les alchimistes, l’unité de la matière et en même temps le fluide universel ou la rénovation perpétuelle de la nature. Ce n’est pas le cercle en soi qui a une profonde signification sacrée, c’est le cercle en mouvement, c’est la ronde ou la roue.
Pour les initiés extrême-orientaux, la fleur de lotus en rotation marque la connaissance suprême et Bouddha est représenté dans les temples avec à ses côtés des roues, fleurs de lotus stylisées (la roue du Dharma est aussi appelée roue de la loi ou Dharmachakra.
Elle représente la loi Bouddhiste, enseignée par le Bouddha. Sa connaissance mène à la sagesse, à la discipline génératrice de bien-être, à l’éthique.
Pour la découvrir, il faut s’affranchir des illusions et des perceptions superficielles. Lorsque le Bouddha commence à enseigner, il met symboliquement en marche la roue de la loi. Elle symbolise aussi le cycle éternel de la réincarnation, le samsâra. C’est le principe de vie. En cercle aussi sont les représentations des chakras (dérivé du sanscrit et qui signifie roue ou disque).
Au moyen-âge, en Europe, il en est de même avec les rosaces censées représenter le mouvement circulaire de la rose emblématique des initiés. C’est pourquoi la grande rosace des cathédrales était appelée à l’origine «rota», la roue.
Lucien Carny nous propose une explication supplémentaire : « La rosace est un abrégé encyclopédique des connaissances et des croyances depuis les temps anciens jusqu'au Moyen Age. Cet abrégé, cette image en raccourci de la nature et des quatre éléments, le microcosme, est représenté symboliquement par l'homme qui est la clef de la création et aussi le Roi de la création divine.
Cette ascension de la roue de la fortune, c'est la tentative de reconquête de l'état primordial d'avant la chute. La chute de l'homme, c'est la dualité, l'histoire étant le déroulement de l'incarnation du Verbe Divin initiant l'homme à l'intelligence pour le conduire à la Connaissance. C'est l'obscurcissement, par la bêtise humaine, des révélations divines conduisant à la perte du Verbe. C'est le passage du Paradis Terrestre qui est le centre de la roue, à la chute, c'est-à-dire aux rayons, jusqu'à la circonférence de la roue. Le temps est l'énorme illusion et la plus belle invitation au sommeil.»
Puis la Fortune. Elle eut ses déesses : Fortuna (du latin fors : sort ou de fero : porter, apporter), la déesse romaine du hasard, était représentée tenant une roue à la main. Elle est aussi identifiée à Tyché. Dans la mythologie grecque, Tyché (du grec ancien Túchê : chance) est la divinité tutélaire de la fortune, de la prospérité et de la destinée d'une cité ou d'un État. Son équivalent germanique est Heil, le salut de l'âme. Tyché décidait du destin des mortels. Les représentations innombrables de la Fortune ont comme attributs principaux la roue, la sphère, le gouvernail, la proue de navire, la corne d'abondance. La déesse est tantôt assise, tantôt debout ; elle porte parfois des ailes.
La roue et la Fortune s’associent : bâtie sur le modèle de l’univers visible, la roue de fortune en intègre le symbolisme. Rien n’est fixe dans le cosmos sauf l’axe central, l’axe du monde matérialisé par l’étoile polaire et la pierre levée, le menhir, la montagne sacrée, ou l’arbre. La roue de la fortune est une image du mouvement du cosmos et de sa rotation autour de l’étoile Polaire, mais aussi du rythme des saisons, de l’alternance du jour et de la nuit, des cycles lunaires, de la course du soleil, de la course du Zodiaque dans le ciel, de la répétition des solstices marqués dans la chrétienté par la Saint-Jean d’été et la Saint-Jean d’hiver. Le recommencement est sans fin, inexorable.
Nous retrouvons ce thème dans l’arcane X du Tarot, qui clos le premier cycle décimal des arcanes majeurs. Elle met en mouvement le cycle suivant. Le X, 10, est symbole de l’univers, exprimant l’ensemble des connaissances humaines. Le 1, l’unité et le 0, la matière et le chaos duquel tout est sorti, représentent le créé et l’incréé, le commencement et la fin, la série des différents états que nous devons franchir jusqu'à notre libération finale. 5+5 représente les deux sens de courants contraires de la conscience : involution et évolution.
1 L’arcane X évoque la fin d'un cycle et le début d'un autre, le 10 c'est la Tetraktys de Pythagore. C'est le nombre parfait. Chez les Pythagoriciens, la Tetraktys est invoquée comme le dieu de l'Harmonie, qui préside à la naissance de tout être.
1+2+3+4=10, racine essentielle de 4, nous ramène à l'arcane IIII, l'Empereur, que nous retrouvons en tant que roi au sommet de la roue, ou sphinx dans le Tarot. Ce personnage couronné, c'est le Vieux Roi, c'est Saturne, c'est le Grand Architecte, celui qui a créé le monde et le surveille. C'est également celui qui conduit la Vie ( Zoé Diaconé, conduire la vie), qui surveille le Zodiaque. Dans la Kabbale, Malkout est le royaume personnifié par le Roi assis au sommet de la rose. Le point central de la rose, c'est aussi le Soleil hermétique, autour duquel évolue toute la création, l'or des Alchimistes, le Logos.
La roue de Trente est divisée par 12 colonnes à chapiteaux décorés de motifs végétaux, reliés par paires par un arc de manière à former douze pétales.
Au centre, un personnage fait tourner une roue plus petite sur laquelle sont sculptées des feuilles de vigne et des grappes de raisin (la vigne, arbre sacré des grecs, symbole de la renaissance et de l’initiation, de l’accès au spirituel). Peut-être la représentation du temps.
Au sommet de la roue se tient un homme couronné, au sourire un peu ironique, tenant dans ses deux mains une coupe.
Sur le pourtour de la roue, 11 personnages (ce qui nous donne 12 avec le roi) semblent tomber à gauche
et remonter à droite, ce qui donne à la roue un sens antihoraire.
Petite remarque : le roi ainsi que deux autres personnages de la roue, portent une broche (une croix à l'intérieur d'un cercle) qui ferme son manteau. On retrouve la même sur l’un des atlantes du portail est de la cathédrale.
http://claudedarche-intuition.over-blog.com/article-arcane-x-la-roue-de-fortune-arcane-de-l-alternance-72436224.html
Miniature de l'Hortus Deliciarum de Herrade de Landsberg du XIIe siecle, Paris, Bibliothèque Nationale de France.