Saint-Cado, historique
Le petit fleuve côtier appelé l’Étel creusa jadis une vallée profonde. Aujourd’hui, avec la montée des eaux, la vallée est devenue un aber (mot celtique signifiant estuaire), plus couramment nommé ria, c’est à dire une vallée envahie par la mer à marée montante. La ria d’Étel, Stêr an Intel en breton, forme une petite baie parsemée d’ilots à son embouchure, près de Belz, dont le nom provient du dieu celte Belenos, le brillant.
Sur la commune de Belz, sur le site de Kerdruellan, fut retrouvé un champ de menhirs d’une soixantaine de pierres, qui font entre 60 cm et 2 m. Des haches de bronze, des bijoux en or, attestent de l’occupation ininterrompue du site depuis fort longtemps.
C’est sur l’un des ilots de la baie, selon la légende, que vint s’installer saint Cado au début du VIe siècle.
Saint Cado (Cadou, Cadoc, Catuod, Catoc, Cazout, Cadochus, Catuog, Cadfan, Kadvaël ou Kadvoz), serait né en 522 dans le Glywysing, ancien royaume du sud-est du Pays de Galles, fils du roi saint Gwynllyw, et de son épouse sainte Gladys. Le prénom serait issu du mot gallois « cat », le combat (peut-être est-ce l’explication du fait qu’il soit devenu le saint patron des lutteurs).
Cado, après avoir reçu l’éducation qu’il convenait d’avoir en tant que fils de roi, refusa de suivre ses ancêtres dans une vie guerrière et préféra la vie monastique. Il fonda de nombreux monastères dont l’abbaye de Llancarfan, où son hagiographie fut écrite au XIe siècle (l’abbaye forma saint Brandan, saint Gildas et saint Malo entre autres).
A la suite des persécutions saxonnes, il vint se réfugier en Bretagne avec nombre de ses confrères et s’installa en ermite sur une petite ile de la rivière d’Étel. Une légende raconte qu’il en chassa tous les serpents (depuis, il n'y a plus un seul serpent dans la région de Belz, dit-on).
Il se consacra alors à l'évangélisation du pays. Il bâtit un oratoire sur son ile, où les fidèles, de plus en plus nombreux, virent l’écouter. Lassé de voir les frêles embarcations chavirer entre l’ile et le continent, il décida de construire un pont. C’est l’épisode de son miracle le plus connu, que je vais vous conter :
Cado reçut un soir la visite du Diable qui lui proposa de l’aider à bâtir le pont. Se vantant, il lui dit qu’il serait fini avant le lendemain matin. Il ne demandait qu’une petite chose en échange, l’âme de la première créature vivante qui le traverserait. Cado accepta. Le Diable, aidé par sa mère, avait presque terminé l’ouvrage à l’aube. Cado, caché près d’un rocher, envoya un chat sur le pont, et la bête traversa.
Le Diable, berné, entra dans une colère noire et voulut détruire son œuvre. Mais il ne put le faire, car le saint l’avait déjà béni… Il hurla à sa mère, qui transportait les dernières pierres, de les jeter dans le courant, ce qu’elle fit. Ce sont aujourd’hui les deux rochers formant l’étranglement de Pont-Lorrois.
Là, deux versions de l’histoire. La première parle de Cado qui, voulant empêcher le Diable de détruire le pont en se battant avec lui, glissa sur le rocher où son pied laissa une trace. La deuxième raconte que Cado, voyant le Diable en pleine déconfiture, rit tant qu’il perdit l’équilibre et glissa.
Quoi qu’il en soit, la marque de son pied sur le rocher s’appelle aujourd’hui la « glissade de saint Cado », et les gens, autrefois, ne passaient pas devant sans s’incliner. La trace fut protégée par une grille et une croix y fut érigée, devenue le calvaire de Pen-er-Pont. Moi je dis… avant d’aller chercher plus loin, se poser devant cette croix.
Si c’est pas de la pure énergie de dragon, ça ! Et encore une fois un gallois, saint et sauroctone, maitrise la bête. Pourtant celui là ne fait pas partie des 7 fondateurs de la Bretagne. Ah oui, j’oubliais : le drapeau du Pays de Galles s'appelle le dragon rouge, « Y Ddraig Goch » en gallois. Souvenons-nous d’Uther Pendragon et des fondations de son château ébranlées par le duel du dragon rouge et du dragon blanc.
Après cet épisode, Cado partit en Palestine, puis au retour, s’arrêta à Rome où le pape le fit évêque. Il retourna ensuite au Pays de Galles, dans son abbaye de Llancarfan où il mourut en martyr, tué par les saxons. La Bretagne garda son souvenir, et dans les chapelles qui lui sont dédiées, il est invoqué pour guérir les maux d’oreilles, les rhumatismes, les plaies et ulcères, les écrouelles, les furoncles, l’eczéma et autres maladies de la peau.
L’ermitage de saint Cado devint monastère, « Sancti Catuoedi monasterium », mais, malgré les dons des seigneurs locaux, il n’arriva pas à se suffire à lui-même. En 1089, le duc de Bretagne Alain IV le met donc sous l’égide des Bénédictins de l'abbaye Sainte-Croix. Le petit monastère devint alors simple prieuré dépendant de Quimperlé. Les moines construisirent une chapelle prieurale dédiée à saint Cado, et aussitôt un pèlerinage se mit en place.
La chapelle
La chapelle actuelle, mesurant 16m sur 10m, restaurée en 1959, date du XIIe siècle. De plan classique, elle comportait une nef à 3 travées, deux bas-côtés et une abside semi-circulaire en cul de four prolongeant la nef, entourée de deux absidioles qui ont disparu. La sacristie et la chapelle sud furent rajoutées en 1842.
Cette sacristie, vraisemblablement construite sur un ancien bâti, est collée au portail roman méridional du XIIe siècle, en plein cintre, abrité sous un porche moderne.
Le portail occidental à anse de panier sous une accolade, surmonté d’un oculus, date du XVIe siècle. Les bancs de pierre engagés le long des murs extérieurs servaient au repos des pèlerins.
Le chœur, à charpente apparente, est éclairé par trois fenêtres. Deux d’entre elles, en plein cintre, datant du XIIe siècle, furent occultées et rouvertes lors des travaux de 1959.
Sur la droite on remarque une porte maintenant bouchée. Elle donnait probablement sur un cloître qui n'existe plus.
Un escalier en pierre du XVIe siècle monte jusqu’à la tribune. Restaurés en 1954, les panneaux en bois sculpté de style gothique flamboyant datent du XVIème siècle. Si un amateur de géométrie sacrée veut bien se donner la peine…
Je commence le travail descriptif : les motifs sont supportés par 4 colonnes surmontées de 4 trous en forme de larme. Le premier motif, rond, est un quadriskell dextrogyre. Il possède en tout 8 trous dont 4 trous ronds et 4 trous en cœur. Le deuxième, rond, est sénestrogyre et possède 8 trous en forme de larme. Le troisième, rond, sénestrogyre, possède 16 trous, dont 8 trous ronds et 8 trous en forme de larme. Le quatrième, carré, possède une fleur centrale à 4 pétales, et 12 trous en larme, dont 4 gros et 8 petits. A vous les studios.
La nef est séparée des bas-côtés par des arcades en plein cintre reposant sur des piliers carrés et du chœur par une arcade en plein cintre retombant sur des colonnes engagées, à chapiteaux décorés de feuillages et de crossettes. La plupart des baies en plein cintre l’éclairant, longues et étroites, furent condamnées.
Dans l’église se trouvent plusieurs statues intéressantes, dont une piéta du XVe siècle.
Au mur se trouvaient 4 tableaux devant dater du XVIIe siècle représentant divers épisodes de la vie de saint Cado. Les tableaux ont disparu, mais le texte peint au-dessus est resté :
Anglois de nation, prince de Glamorgan, puis abbé, vient, débarque et réside céans.
Les jugements de Dieu sans cesse méditant, c'est ainsi, pèlerins, qu'il a vécu céans.
Aux pirates pervers en ce lieu l'assaillant, il dit : « Je suis sans biens, solitaire, céans ».
« Oratoire, mon œuvre, adieu, dit-il, pleurant, Belz, t'oublierai-je ? Non ». Il cyngla de céans.
Le lit de saint Cado
Dans la chapelle sud se trouve un assemblage de blocs de pierre que l’on appelle le lit de saint Cado. Les pierres de la base sont en petit appareil alors que les pierres du dessus sont bien plus importantes.
La plus grosse pierre, grise, est gravée d’une croix de consécration, laissant imaginer qu’elle servit un jour d’autel.
Aurait-elle pu servir à autre chose, dressée dans la terre, bien avant toutes ces histoires à dormir debout… à défaut de s’allonger sur le lit de Cado (peut-être même que le monde onirique se rapproche bien plus de la réalité que ce triste monde d’ici-bas) ?
Une deuxième pierre, rouge, prolongée par un « oreiller », est située au-dessus d’un espace vide, où les pèlerins désirant retrouver l’ouïe introduisaient leur tête afin d’appliquer leur oreille sur la pierre du fond. Selon la légende, ils étaient guéris quand ils entendaient le bruit de la mer. Peut-être pourrions-nous même entendre bien plus, partant de l’écoute pour aller dans l’entendement ?
Le calvaire
La chapelle conventuelle était située dans un enclos entouré d’un muret qu’on appelait le « placitre » et dans lequel se trouvait souvent un calvaire.
Erigé en 1822 sous l’instigation du curé de Belz, l’abbé Joseph Marec, celui de Saint-Cado possède trois larges escaliers menant sur une plateforme délimitée par 4 piliers carrés surmontés de pinacles ornés de têtes d’anges et de langues de feu en relief.
La croix, érigée au centre de la plateforme, présente d’un côté le Christ, et de l’autre la Vierge Marie.
La fontaine Saint-Cado
En contrebas de la chapelle, vers l’est, quelques marches d’escalier construites en 2004 conduisent à la fontaine de dévotion dédiée à saint Cado.
Erigée au XVIIe siècle, restaurée en 1936, elle est protégée de la mer par un enclos de pierre. En effet, chaque marée montante envahit l’enclos, et l’eau monte jusqu’au bassin.
Ce petit bassin, carré, se trouve sous un édifice voûté en plein cintre, surmonté d’une croix d’allure celtique plus récente au centre de laquelle est sculptée une crucifixion.
Au fond de la niche, une statue de saint Cado récente.
L’îlot de Nichtarguér
En face du pont de Saint-Cado, un îlot émerge du fleuve côtier Étel. Minuscule petit bout de terre de 25 mètres de diamètre à marée haute, bande de sable d’une centaine de mètres de long à marée basse, il porte une maison aux volets bleus et au toit d’ardoises roussies par le lichen. L’endroit n’est pas sacré, mais tant de photographes s’y sont penchés qu’elle doit dégager quand même quelque chose…
Construite en 1894, aujourd’hui inhabitée, elle était destinée au gardien des parcs ostréicoles voisins qui profitaient de la rencontre des eaux salées de la mer et des eaux douces de l’Étel. Fort de cette histoire, certains pensent que le nom de l’îlot, anciennement appelé Sterguer, provient de la fonction de la maison, c'est-à-dire « an istr er gêr », de istr, les huîtres et gêr la maison, donc l’îlot de la maison des huitres. D’autres, plus pointus, pour qui « an istr er gêr » se traduit par « les huîtres à la maison », ce qui ne veut absolument rien dire, pensent que le nom provient tout simplement de ster, beau et guer, le fleuve, donc tout simplement l’îlot du beau fleuve.
http://www.infobretagne.com/belz.htm
http://chaussepied.over-blog.com/2015/09/ria-d-etel-et-st-cado.html
http://saint.cado.free.fr/chapelle.htm