L'abbaye Saint-Philibert de Tournus
Tournus est située au bord de la Saône sur une terrasse facile à
défendre et à l'abri des crues. Située sur de grandes voix de
communication, Tournus était déjà un castrum romain. En 175, les
Romains ont implanté un camp fortifié sur le site. Il sert de relais
pour les légions et les courriers de l'Empire. Entre 177 et 179,
Valérien évangélise à Tournus. Les Romains le décapitent. Il est alors
inhumé à l'emplacement de la crypte actuelle de l'église et le tombeau
du martyr devient alors un lieu de recueillement clandestin pour les
chrétiens. Au IVème siècle, ils construisent le premier oratoire sur la
tombe du saint. Au VIème siècle, le roi de Bourgogne Gontran implante
un communauté monastique sur les lieux : c'est un monastère de
fondation royale ne dépendant pas des puissances locales.
Le 19 mars 875, l'abbaye de Saint-Valérien et ses dépendances ainsi que la ville de Tournus et son castrum sont donnés par l'empereur Charles II le Chauve à la communauté des moines bénédictins de l'abbaye Saint-Philibert de Nourmoutier. Les moines fuyaient depuis 836 pour se protéger des invasions vikings.En mai 875, les moines de Saint-Philibert s'installent à proximité des moines de Saint-Valérien. Ils apportent les reliques de saint Philibert.
Le corps de saint Philibert est déposé dans le choeur, ce qui provoque
l'ire des partisans de saint Valérien. Le problème est réglé par le
dépôt du corps de Valérien dans la crypte.
Une consécration de l'abbatiale a lieu en 1019. A cette date le choeur
et le transept sont probablement terminés. L'édifice est quasiment
achevé lors de la dédicace en 1120. Deux tours, une sur la croisée et
l'autre au nord de la façade, sont ensuite ajoutées.
Quatre chapelles gothiques (trois dans le collatéral nord et une au sud
du déambulatoire) ont été adjointes au reste. La plupart des bâtiments
conventuels datent des XI-XIIème siècles. La salle capitulaire a été
refaite au XIIIème siècle. Le palais abbatial actuel est construit au
XVème siècle. Un collège de chanoines remplace les moines en 1627.
L'abbatiale est restaurée par l'architecte Questel entre 1845 et 1850.
On procède à un nettoyage au début du XXème siècle. Les bâtiments
conventuels sont également remis en Etat.
http://www.tournugeois.fr/
http://fr.structurae.de/structures/data/index.cfm?id=s0003188 :
http://architecture.relig.free.fr/tournus.htm :
http://www.art-roman.org/abbaye.php
L'église St Philibert de Tournus
C'est l'un des plus grands monuments romans de France. Elle a été construite principalement au XIème siècle. Elle est composée d'un ensemble de sanctuaires répartis sur trois niveaux : la crypte, la grande église de plain-pied, nef et choeur, l'avant-nef formant entrée, et une église supérieure. Adjacents à l'église sur son flanc sud, subsistent les principaux bâtiments conventuels, cellier, réfectoire, salle capitulaire disposés autour du cloître.
La façade est ornée d'un jeu de bandes lombardes. Le massif se compose de deux principaux niveaux. Le premier, assez haut, voit l'alternance d'ensembles de deux bandes à quatre arcs pendants avec des bandes à sept arcs. Le portail cintré, surmonté d'un fronton triangulaire, s'incrit dans ces bandes.
Au deuxième étage, on trouve des bandes à trois arcs pendants, interrompus par une bande très large dont les arcs échelonnés répondent au fronton du portail. Des créneaux remplissent l'espace entre la tour et l'amorce de tour sud, percé de baies géminées.
La tour nord se détache du massif par trois niveaux. Au premier sont percées de petites baies géminées retombant sur des colonnettes. Au-dessus d'une frise d'arcatures aveugles, on trouve de niveaux de baies cintrées garnies d'abat-sons : au premier étage, elles sont quatre (géminées), reposant sur de fines colonnes.
Au niveau supérieur elles sont trois, plus larges, reposant sur des colonnettes et deux statues colonne, représentant Valérien et Philibert.
On trouve deux autres statues aux angles sud-ouest et nord-est. Les autres angles sont ornés de colonnes à motifs géométriques.
L'avant-nef ou narthex
Elle est sombre et massive avec d'énormes piles rondes maçonnées. Le narthex comporte trois travées centrales voutées d'arêtes et bordées de collatéraux coiffés de berceaux perpendiculaires au vaisseau central.
Ses piliers cylindriques sont particulièrement massifs. Des vestiges de peintures murales du XIIème et du XIVème siècles.
L' élan des piles rondes, la hauteur des voûtes, la lumière, la couleur à dominante rose semée de blanc, l'équilibre et la puissance des masses architecturales constituent à chaque visite autant de sujets d'admiration pour le visiteur.
La série des cinq berceaux transversaux qui couvrent les travées de la partie centrale constitue l'une des originalités les plus frappantes de Tournus.
Cette solution architecturale audacieuse offre un double avantage : elle reporte les poussées sur les massifs de l'abside et de l'avant-nef ce qui a permis de décharger les murs latéraux et d'ouvrir dans ceux-ci les dix larges fenêtres hautes qui inondent de lumière le grand vaisseau.
Cette étonnante réussite architecturale n'eut cependant pas de suite du fait certainement de sa technique très élaborée et de son prix élevé. A remarquer également : quelques peintures murales ainsi qu'une très belle statue-reliquaire Notre-Dame-la-Brune installée dans le bas-côté sud. On admirera le majestueux buffet d'orgues du XVIIème siècle de style Renaissance, classé Monument Historique.
La croisée du transept
Elle est voûtée d'une coupole octogonale sur trompes. Ces dernières sont soutenues par des groupes de six colonnettes entre lesquels s'intercalent des baies.
Les piliers de la croisée sont ornés de chapiteaux historiés. Chaque bras, couvert par un berceau, ouvre sur une absidiole. Le collatéral nord est éclairé par une grande baie gothique.
Le chœur et le déambulatoire
Le chœur a été restauré au XIIème siècle . Elégance et richesse de la décoration et des chapiteaux : feuillages, personnages fantastiques, scènes historiées. Le reliquaire placé au centre abrite les reliques de Saint Philibert.
Le déambulatoire ouvre sur 5 chapelles rayonnantes dont la centrale dédiée à Saint Philibert. Ensemble exceptionnel de mosaïques du XIIème siècle découvertes lors de la dernière campagne de restauration, représentant des signes du zodiaque et les activités humaines liées aux saisons.
La crypte de Saint-Philibert de Tournus
dédiée à St Valérien, martyrisé à Tournus au IIème siècle, à demi-enterrée en raison de la pente du terrain, elle sert d'assise au chevet de l'église. On remarquera les particularités du voûtement, réalisé en une sorte de béton grossier et laissé brut de décoffrage, héritage des techniques de voûte préromane.
Le choeur de la crypte est décoré de colonnes du XIIème siècle. La chapelle centrale abrite le sarcophage présumé de Saint-Valérien.
La crypte reproduit le plan du choeur. Plusieurs chapelles orthogonales, voûtées en berceau, viennent se greffer sur le déambulatoire. On y trouve de nombreuses fresques.
La partie centrale de la crypte est presque entièrement isolée du déambulatoire par un mur épais. Quelques arcades cintrées permettent d'y pénétrer. Cet espace est divisé en quinze petites travées voûtées d'arêtes par de fines colonnes.
Dans la partie ouest est logé un puits, encadré par deux colonnes galbées aux chapiteaux végétaux.
Les mosaïques de l'église Saint-Philibert
En France, très peu de mosaïques ont été conservées en place datant de cette période. Les thèmes du calendrier et du zodiaque, qui représente le temps de Dieu à travers le cycle cosmique, celui de la nature et celui des travaux des hommes, en illustraient d'autres pourtant au XIIème siècle.
Les tesselles sont taillées dans les calcaires de provenance locale, gris-beige roses ou noirs pour l'essentiel. Mais on noteaussi quelques éléments de marbre, blancs ou bleutés, et quelques fragments de roche d'importation très colorés, sans doute récupéré de placages antiques , ainsi que des morceaux de terre cute. On peut distinguer les étapes successives du travail des mosaïstes, à des lignes de césure qui marquent les différents mortiers de préparation. Style et technique relèvent d'une influence antique, peut-être relayée par des modèles italiens.
Quatre médaillons, au sud, sont bien conservés : le mois de mai, illustré par un splendide cavalier, blanc comme sa monture ; le signe du gémeaux, représenté par deux personnages nus, accompagnés de l'inscription entièrement conservée « SOL : IN : GEMINIS » ; le mois de juin, « IUNIUS », avec un faucheur, torse et pieds nus ;
enfin, le signe du cancer formulé par son inscription et un animal à carapace rouge, avec huit pattes fourchues. Un demi médaillon figurant le mois de juillet - « ...LIV... » pour « IULIUS »-, dont ne reste que la demi couronne décorative, s'inscrit à l'extrémité sud-ouest de l'hémicycle
Les bâtiments conventuels de Saint Philibert
Ils furent entrepris dès le milieu du Xlème siècle : autour du cloître, dont la galerie septentrionale vient s'accoler à l'église (seule des quatre galeries subsistant aujourd'hui), s'étend dans un premier temps l'aile occidentale avec le parloir (ancien locutorium) et le cellier.
L'aile orientale, en revanche, sera conservée dans son état primitif jusqu'à la fin du XIème siècle. Elle abrite, depuis, la salle capitulaire, reconstruite après un incendie au milieu du XIIIème siècle.
Dans la première moitié du XIIème siècle, l'aile sud est réédifiée, abritant le réfectoire voûté, dont on peut toujours admirer l'élévation. Seule l'ancienne cuisine des moines a disparu, en 1656, qui jouxtait le réfectoire depuis le milieu du XIIème siècle.
Dans le chauffoir se trouve actuellement le musée lapidaire.
Chapelle Saint-Michel de Saint-Philibert
Au dessus du narthex se situe la chapelle Saint Michel, qui comporte également trois vaisseaux de trois travées. Le vaisseau central est voûté en berceau cintré, soutenu par des piles rondes trapues.
Les premières travées des collatéraux soutiennent les tours. Elles communiquent avec la partie centrale par une baie géminée. Les deux travées orientales des collatéraux sont voûtées en demi-berceaux assez bas.Tous les vaisseaux bénéficient d'un éclairage direct.
La chapelle domine les collatéraux de la nef, qu'on peut voir par des baies cintrées. Elle se situe également au-dessus de l'orgue, dont on peut observer les mécanismes.
L'inscription mystérieuse dans Saint-Philibert
Sur l'une des arcades, dite "arcade de Gerlannus", figure un mystérieux texte gravé dans la pierre qui n'a pu être déchiffré à ce jour; cela fait donc depuis environ mille ans.
Constatons tout d'abord qu'il ne s'agit pas là d'un simple graffiti. Les lettres, en majuscules romaines, bien formées, sont l'œuvre d'un sculpteur de métier. En outre, cette façon d'inverser le S, de lier des lettres entre elles dans un jambage commun - les deux N, le deuxième N et le V de Gerlannus (le V latin se lit U) - est tout à fait dans l'esprit volontairement énigmatique d'autres inscriptions que l'on trouve dans les églises romanes parmi les plus anciennes. Tout cela pour dire que ce n'est, ni par manque de place, ni par paresse, que le sculpteur a gravé les mots sans laisser d'espace entre eux, mais pour nous obliger à un effort ésotérique de déchiffrement.
Constatons ensuite que même en essayant, par tâtonnement, de rétablir des espaces, il est impossible de retrouver quelque chose qui ressemblerait à une phrase ou à des mots intelligibles. Un essai de traduction a été proposé, qui m'enchante :
"Extrayons de la troisième ligne les trois lettres EPI en faisant l'hypothèse qu'il s'agit du mot EPI(SCOPUS) qui signifie EVÊQUE. Il nous reste en fin de ligne VME, mot qui ne correspond à rien sauf... s'il s'agit d'une abréviation : V. ME.. Or, il est courant dans les antiques dédicaces d'offrandes que le donateur termine son texte par les abréviations V(OTUM) ME(RITO), ce que l'on pourrait traduire littéralement par VŒU, RECONNAISSANCE.
De RATEISI, nous tirons RAT(ION)E ISIS. Nous traduisons l'expression RATIONE ISIS HOMO, par homme ou disciple de la philosophie, ou doctrine, d'Isis.
Donc la traduction peut se comprendre ainsi : GERLANDUS, X, DISCIPLE D'ISIS ET EVÊQUE, J'OFFRE EN RECONNAISSANCE CETTE MAGNIFIQUE EGLISE
Le cloître de Saint-Philibert
Le cloître est adossé au côté sud de la nef. Il ne possède que deux galeries au nord et à l'est.
La galerie nord s'ouvre sur le jardin par des arcades cintrées qui reposent sur de massifs piliers carrés, encadrés par des colonnes trapues, aux chapiteaux végétaux et géométriques.Cette galerie est couverte d'une voûte d'arêtes reçues par des colonnes engagées.
La galerie orientale est couverte par une charpente. Elle donne sur la salle capitulaire (fermée).
Un petit musée lapidaire rassemble un certain nombre de pièces originales du cloître et de l'église.
On y trouve notamment des chapiteaux. Les mieux conservés présentent un bestiaire fantastique. Les chapiteaux historiés sont plus endommagés.
L'église Saint-Valérien de Tournus
Considérée comme une chapelle de l'abbaye destinée à honorer Saint Valérien, patron primitif de Tournus martyrisé au IIème siècle, ce fut sans doute l'une des premières églises paroissiales de Tournus. Il ne subsiste aujourd'hui que la nef, voûtée en berceau brisé. A remarquer : le superbe portail, avec ses pilastres cannelés à l'antique et les effets de polychromie de l'arc.
A proximité de l'Abbaye, cette église appartenait à un autre monastère, antérieur à celui des moines de Saint-Philibert (ceux-ci sont venus de Noirmoutier après un voyage long et mouvementé). Propriété de la Ville, elle est actuellement louée à un antiquaire, spécialiste renommé du mobilier médiéval.
Notre-Dame la Brune de Tournus
La facture soignée de cette Vierge en bois de cèdre, certains détails du siège ainsi que le costume invitent à la dater du XIIème siècle.
On remarquera en particulier les visage d'adulte de l'enfant Jésus et l'importance des mains de la Vierge. Elle a été dorée au XIXème siècle. Elle était vénérée dans la crypte, près du puits...