Le plateau de Cauria
La Corse fut habitée depuis longtemps, les premières traces datant de la période dite du Romalien (Paléolithique), vers 10 000 avant notre ère. L’ile fut alors parsemée de mégalithes.
Elle en compte encore à l’heure actuelle plus de 900, la plupart d’entre eux étant situés en Corse du Sud. Les alignements sont en général orientés en rangées nord-sud, la face des statues-menhirs tournée vers le soleil levant à l’est. Ils sont implantés à proximité de voies de passage, de cols, de gués de rivière, ou comme à Cauria, près d’une source.
Le plateau de Cauria, à 15 kilomètres au sud de Sartène et à 3 kilomètres du rivage le plus proche, a gardé pour nous quelques merveilles de ces époques lointaines. Il nous suffit d’emprunter un chemin, partant de la départementale D48A et serpentant au milieu d’un paysage magnifique.
Trois sites principaux nous attendent : deux alignements, I Stantari et Renaghju, et un dolmen, Fontanaccia.
En arrière plan, le chaos rocheux de la « Punta di u Grecu », « la montagne du Grec », et ses « taffoni », énormes blocs de pierre érodés ayant servi d’abris aux premiers hommes.
Un autre site, mentionné uniquement sur la carte comme le « bois de chêne », nous réservera bien des surprises.
Le site de Cauria fut visité en 1840 par Prosper Mérimée, fut mentionné par Adrien de Mortillet en 1893. En 1964, Roger Grosjean mit à jour les statues-menhirs d’I Stantari, en relevant certaines.
En 1975, Renaghju fut fouillé par Jean Liégois, qui redressa lui aussi quelques pierres, avant de laisser la place à André d’Anna qui reprit les fouilles en 1994.
A l’heure actuelle, Cauria comporte plus d’une centaine de monolithes en granite, debout, couchés ou partiellement enterrés. La pierre est issue des affleurements rocheux distants de quelques centaines de mètres.
Roger Grosjean, à son époque, émit l’hypothèse que les statues-menhirs représentaient les Shardanes, guerriers issus de Phrygie associés au « Peuples de la Mer » ayant envahi l’Egypte sous Ramsès III, que l’on nommera aussi Torréens. Mais la théorie fut abandonnée en raison d’anachronismes et de la réinterprétation des textes égyptiens.
http://www.corse-online.com/tourisme/sites-touristiques/cauria-alignements-di-stantari/
http://www.corse.fr/Archeologie_a485.html
Les alignements d'I Stantari
Les archéologues proposent plusieurs phases dans l’histoire du site :
1 - érection au Néolithique moyen (vers 4 500 – 4 100 ans avant notre ère) d’une trentaine de petites stèles de 50 à 80 cm de hauteur.
2 - construction d’un monument comportant deux rangées orientées nord-est/sud-ouest. Ce monument semble antérieur à -1 500 (âge du Bronze moyen).
3 - construction d’un second monument comportant vraisemblablement 3 rangées orientées nord/sud, intégrant notamment les grandes statues menhirs et les stèles sculptées. On situe le fonctionnement majeur du site au début de l’âge du Bronze final (entre -1300 et -900). A cette époque le plateau de Cauria fut densément habité (sites fortifiés et monuments mégalithiques).
4 - le monument se dégrada et tomba en ruines, il fut partiellement détruit entre -200 et -50, pendant la romanisation. Enfin, lors d’activités agricoles modernes, certains monolithes furent remployés dans des murs de clôtures ou de bergeries voisines. Puis Roger Grosjean commença la restauration.
I stantari, qui signifie « pierres dressées », possède plusieurs des plus grandes statues-menhirs de Corse ("Cauria II", 2,78 m, "Cauria IV", 2,91 m).
Leurs faces orientées à l’est présentent un homme portant des attributs guerriers : casque à cupules de chaque côté (peut-être la localisation de cornes rajoutées selon Grosjean), épée ou dague, cuirasse, pagne et ceinture.
Les faces orientées à l’ouest représentent un phallus. Il semblerait qu’à une époque, ces pierres furent peintes en ocre rouge.
D’après les légendes populaires, le Diable (I Diavulu) se servait la nuit des pierres alignées comme gibet pour ses proies. Bien entendu I Diavulu n’est plus une explication à la présence des ces mégalithes, mais à vouloir trop éliminer les croyances on en oublie le sacré.
Même si l’alignement n’est plus opérationnel au niveau énergétique, il reste le témoignage d’actes magiques qui ne sont plus compris à l’heure actuelle.
L'alignement de Renaghju
Comme pour I Stantari, les archéologues proposent plusieurs phases dans l’histoire de Renaghju, « terrain sableux» en corse, que l’on écrit aussi Renaggiu ou Rinaiu :
1 - vers 5 700 avant notre ère, soit au Néolithique ancien, un petit groupe d’agriculteurs pasteurs s’installa près d’une source, au pied de l’escarpement de Punta di u Grecu (vestiges d’un habitat organisé).
2- entre -4 500 et -4 300, première construction d’un alignement d’une soixantaine de petits menhirs organisés en deux rangées principales, comportant un grand menhir.
3 - entre le début du IIIe et la fin du IIe millénaire, au début de l’âge de Bronze, à côté du premier monument, les hommes en érigèrent un second comportant 70 grands menhirs orientées nord/sud et organisés en 4 rangées.
Les constructeurs renversèrent les petits menhirs du premier monument et les utilisèrent parfois pour caler la base des leurs. La sépulture au nord/est fit vraisemblablement partie de cet ensemble. Cette même organisation se retrouve à Pallaghju, voire à Rogntudju.
4 - l’alignement put être utilisé jusqu’au premier siècle de notre ère, puis il fut abandonné. Certains monolithes furent cassés, détruits, couchés à terre puis remployés plus tard dans les murs parcellaires voisins.
C’est en 1975 que Jean Liégeois redressa et replanta les menhirs de la rangée ouest. Il fouilla aussi les restes d’une sépulture mégalithique située à une extrémité des alignements.
Comme I Stantari, Renaghju n’est plus opérationnel. Les restaurations, même si elles partent d’un bon sentiment, font beaucoup de dégâts… Il reste une petite sensation de lieu sacré dans le bois, à l’endroit où coulait la source.
Le dolmen de Funtanaccia
Au nord-ouest de Renaghju, au sommet d’une petite colline, se dresse le dolmen de Funtanaccia, la « mauvaise fontaine » en corse. Il fut nommé « Stazzona di u Diavulu », la forge du Diable.
Décrit par Prosper Mérimée en 1840, daté du deuxième millénaire avant notre ère, c’est le dolmen emblématique le mieux conservé de Corse. Jadis, deux autres dolmens l’accompagnaient qui ont totalement disparu.
D’un poids total de 15 tonnes, il est constitué par une dalle de couverture monolithique de 3,40m de long sur 2,90m de large en granite à grain fin, reposant sur six montants, les orthostates, en granite à grain plus grossier.
La chambre s'ouvre face au soleil levant et mesure 2,60 m de long, 1,60 m de large et 1,80 m de hauteur. Elle était scellée par une dalle dont ne subsiste aujourd'hui qu'un fragment formant seuil. Il est considéré comme un tombeau par les scientifiques, à l’instar des pyramides.
On trouve souvent sur le net un passage du livre de Prosper Mérimée, « Notes d’un voyage en Corse », paru en 1840, se rapportant soi-disant à ce dolmen, alors qu’il parle en fait de celui de Sollacaro, disparu depuis. Ce n’est pas grave, l’histoire est belle…
« D’après une tradition à laquelle on ne croit plus, mais que l’on conte encore aux enfants comme chez nous les histoires de Croque-Mitaine, le diable aurait assemblé ces pierres de sa main pour lui servir d’enclume. Quelquefois on entendrait les coups de son redoutable marteau.
Un jour ou une nuit, mécontent de son travail, il jeta ce marteau du haut de la Stazzona dans la plaine du Taravo. Le marteau, tombant à un millier de mètres de là, forma en s’enfonçant dans la terre un petit étang qu’on appelle quelquefois lo Stagno fiel Diavolo, mais plus souvent Stagna d’Erbajolo. Un berger conta à M. Mathieu que cet étang diabolique s’agrandissait tous les jours. »
Il faut savoir que dans la plaine du Taravo se trouve le site de Filitosa, que nous retrouverons plus tard.
Pas de sensations particulières face à ce vénérable dolmen. Mais retournons un peu en arrière, vers Renaghju, et allons nous perdre dans le petit bois…
Le bois sacré de Cauria
Allons sur une carte de la Corse-du-Sud. Tirons un trait entre I Stantari et Renaghju. Un autre entre Renaghju et Funtanaccia, puis entre funtanaccia et I Stantari. Le premier trait fait environ 400 mètres, le deuxième 400 aussi, le troisième 300. Un beau triangle se met en place.
Au milieu du trait reliant Renaghju et Funtanaccia, donc à 200 mètres de l’alignement, se trouve un bosquet de chênes.
A l’intérieur du bosquet, un chaos granitique composé de pierres érodées et de taffoni.
Des cupules, des portes, des paliers, une triple enceinte, voilà du beau monde.
Par contre, il vaut mieux y pénétrer en passant par le nord. J’y suis restée longtemps, et si les personnes qui m’accompagnaient ne m’avaient pas appelée, j’y serais encore.
Palaggiu (Palaghju, Pagliaju, Paddaghju)
De la route menant à Tizzano, à droite, monte un chemin poussiéreux qui rejoint une vieille bergerie abandonnée. La vue de cet endroit, le soleil se levant sur la plaine, fait comprendre pourquoi il existe tant d’amoureux de la Corse.
La vue, mais aussi bien autre chose, de beaucoup plus subtil.
C’est à quelques centaines de mètres que se tient l’alignement de Palaggiu, le plus important par le nombre de pierres du bassin méditerranéen.
Appelé par les anciens « Campu di i Turchi », le cimetière des Turcs, il fut aussi considéré comme les restes du palais d’une ancienne civilisation disparue.
Les monolithes furent découverts en 1889 par Etienne Michon, qui en dénombra environ 60. En 1964, Roger Grosjean en retrouva 258.
Le site, daté par les archéologues de -1 900 à – 1 000, est entouré de chaos granitiques, dont certains furent occupés à l’Âge du Bronze.
Les menhirs sont alignées en 6 rangées orientées nord/sud, et une est/ouest.
Beaucoup de menhirs furent sculptés, certains sommairement ébauchés. Trois d’entre eux présentent une épée ou un poignard, comme à Cauria et Filitosa.
Robert Grosjean parle de sculpture symbolique, les représentations n’ayant rien à voir avec les lames retrouvées de l’époque supposée de leur érection.
Lors des fouilles, cinq coffres funéraires datant du début de l’Âge du Bronze furent découverts. Un seul est encore visible. Sur l’une des quatre pierres polies de granite le composant, quelques cupules.
Le fait que les pierres ne furent pas trop relevées, comme pour I Stantari, permit peut-être au site de garder une certaine fonctionnalité. Mais il est difficile de ressentir quelque chose.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Palaghju
http://verges.jeanmarie.free.fr/fotom2.php?aki=sites_prehistoriques&ako=region