Saint-Donat-sur-l’Herbasse, historique
Les premières preuves d’une implantation humaine sur le site remontent à la période gallo-romaine. L’ancien village s’est installé autour du mont Chorel, au bord de » la rivière l’Herbasse où se trouvaient des marécages.
La tradition rapporte que le village s’appelait alors Vicus Jovinziacus, ou le bourg de Jupiter, et que sur les hauteurs du mont s’élevait un temple lui étant dédié. Quoi qu’il en soit, au VIIIe siècle, une motte castrale existait déjà, édifiée par Boson, roi de Provence.
C’est à cette époque que l’évêque de Grenoble Corbus, fuyant les Sarrasins (peut-être en 732), vint s’y réfugier, emportant avec lui les reliques de saint Donat (avant 894, date du plus ancien texte mentionnant Jovinziacus et son église dédiée à Marie et à saint Donat). Le culte du saint se développa et le village prit le nom du saint.
Le château de Boson devint propriété des évêques de Grenoble, qui y construisirent un prieuré autour de l’église collégiale, protégée par les remparts. Ils y installèrent un chapitre de chanoines au IXe siècle, sous la règle de Saint-Augustin.
C’est au XIIe siècle, grâce au don de Béatrice de Bourgogne, comtesse d’Albon, que le prieuré fut reconstruit. Dès le XIIIe siècle, les dauphins du Viennois établirent des droits féodaux sur Saint-Donat qui devint terre de France en 1428. Les protestants pillèrent le prieuré en 1562, détruisant les reliques de saint Donat.
Ce fut le début d’un long déclin. En 1600, il ne reste plus que 2 chanoines, et ce fut en 1613 que les Jésuites de Tournon prirent leur suite. Le clocher s’écroula, et le collège fit quelques travaux de restauration. En 1777, les jésuites ayant été expulsés de France, les chanoines, ne pouvant plus faire face aux dépenses d’entretien, demandèrent la réunion de l’église paroissiale dédiée à saint Pierre et de la collégiale, qui abandonna sa dédicace pour prendre à son tour le nom de Saint-Pierre.
En 1793, les chanoines partis, les bâtiments conventuels devinrent biens nationaux puis propriété de la commune qui s’en servit pour abriter les services municipaux : la cour du cloître devint la cour de récré de l’école publique jusqu’en 1898.
La collégiale prit alors le nom de Saint-Pierre et Saint-Paul. En 1939, la nef romane est détruite et reconstruite. Le cloître fut restauré en 1964, le clocher en 1994. Aujourd’hui, les bâtiments conventuels abritent un lieu culturel, et la collégiale un festival d’orgues de renommée internationale.
http://www.ville-st-donat.fr/images/stories/historiquestdonat.pdf
http://fr.wikipedia.org/wiki/Saint-Donat-sur-l%27Herbasse
http://www.ville-st-donat.fr/
Saint-Donat-sur-l’Herbasse, le cloître
Le cloître fut construit vers la fin du XIIe siècle sur l’ancienne place d’armes du château. Il n’en reste que la galerie occidentale, après les diverses destructions des hommes et du temps. Elle fut démurée durant la restauration de 1964.
Les galeries couvertes d’une charpente étaient ouvertes sur un jardin au milieu duquel se tenait un puits. Le puits, toujours opérationnel, n’est pas au centre même du quadrilatère, mais posé au-dessus d’une rivière souterraine qui se prolonge sous la nef de l’église.
Le cloître comptait 26 arcades et 52 colonnes sculptées.
Sur les 4 piles d’angle étaient sculptés les bas-reliefs des évangélistes, à rapprocher de la statuaire viennoise du XIIe siècle.
A côté d’eux, la représentation de musiciens. On reconnaît des joueurs de vièle (certains y ont vu un rebec, mais cet instrument n’existait pas au XIIe siècle et n’est jamais représenté sur les sculptures romanes, mis à part celles des restaurations sous Viollet-Leduc).
Chaque arcade était couronnée d’une frise de feuillage, dans laquelle s’incrustait parfois la représentation d’animaux. Ici, peut-être un poisson genre saumon (la connaissance) et un oiseau. Il est très difficile d’interpréter la symbolique des sculptures, l’ensemble taillé dans la molasse a très mal résisté au temps.
Entre les arcades, dans un cercle, il semblerait que l’on trouve la représentation de métiers de l’époque, comme un forgeron avec marteau et tenailles, ou un bûcheron ou un paysan fauchant le blé. Comme dans la sculpture romane rien n’est laissé au hasard, le rapport avec la transformation de la matière brute ne vous aura pas échappé.
Plus curieux sont les deux cercles, symbolisant le cycle éternel de la vie, mais aussi notre champ d’expérience. L’un contient un homme nu tenant dans ses mains deux serpents dont les têtes semblent sortir de sa bouche et dont les corps se rejoignent au niveau de son sexe. Comme les deux serpents d’Hermès s’enroulant autour du caducée, sont-ils la représentation des deux forces, cosmiques et telluriques, que l’homme doit maitriser afin de continuer son évolution ? Sont-ils la représentation de la Kundalini s’éveillant ?
L’autre cercle est tellement abimé qu’il est pratiquement impossible de le lire. Un homme nu (on ne peut pas dire le contraire) dont les jambes se terminent en nageoires (présence de l’élément eau) tient de ses deux mains peut-être des serpents dont les têtes se retrouvent de chaque côté de son visage. Là encore, l’homme maitrise un élément par la sagesse que lui souffle le serpent.
Quand on parle du serpent, le voilà en tentateur (ou initiateur) sur le pilier d’Adam et Eve. Il s’enlace autour de l’arbre de Vie, montrant à Eve le fruit de la connaissance qu’elle attrape de sa main. Eve commence à retourner ses jambes vers le ciel.
Bizarrement, Adam possède des pieds de bouc bien posés sur le sol. De son côté, l’arbre n’a pas encore de fruits. Serait-il encore trop ancré dans sa bestialité, hésitant à prendre le chemin spirituel de son évolution ?
Sur le pilier central, une tête de loup sort des feuillages. Il est au lunaire ce que le lion est au solaire, le feuillage représentant la promesse du fruit. Le début du chemin est souvent marqué par ce loup, que l’on appelle le Loup Vert, entendez l’Ouvert.
Côté est, les chapiteaux furent refaits récemment par un sculpteur contemporain, soi-disant à l’identique.
Vu l’état de délabrement des sculptures d’origine, il me semble inapproprié de vouloir les interpréter, ce qui n’enlève rien au remarquable travail de l’artiste.
Les griffons ailés à queue de serpent restent tout de même assez simples à analyser.
Saint-Donat-sur-l’Herbasse, la chapelle Saint-Michel
Située au nord de la collégiale, la chapelle Saint-Michel fut construite au XIIe siècle pour servir d’oratoire aux évêques de Saint-Donat.
Elle est implantée au-dessus de l’entrée primitive du prieuré, seule voie d’accès aux bâtiments des chanoines et à l’église pendant des siècles.
Au siècle dernier, le passage n’était même pas dégagé.
L’abside de la chapelle, semi-circulaire, fut construite dans le vide, reposant sur une colonnette à chapiteau.
L’intérieur ne se visite que sur rendez-vous avec le syndicat d’initiative. La chapelle possède d’anciennes statues, mais surtout une fresque et des décorations murales géométriques sur la voûte décorée d’étoiles sur fond bleu et dans l’embrasure des fenêtres, datant du moyen-âge.
La fresque, sur l’arc triomphal au-dessus de l’autel, représente un chevalier en armure sur son cheval. Ce ne peut être saint Michel, toujours représenté avec des ailes et sans monture. Peut-être que la tradition des saints sauroctones fut la plus forte, et que l’on a, après saint Donat et saint Michel, à faire avec saint Georges.
La façade nord donne sur l'ancienne entrée du prieuré, entourée de colonnes reposant sur des lions, très endommagés.
On se rend encore bien compte de la majesté de ce passage, donnant à l'époque sur la collégiale, sortant des ténèbres.
Saint-Donat-sur-l’Herbasse, la collégiale
La première trace écrite d’une l’église est un acte daté de 894, parlant d’une dédicace à sainte Marie et à saint Donat.
La collégiale, quand à elle, fut construite à la fin du XIe siècle en pierre de molasse. Il ne reste plus rien malheureusement de cette époque, mis à part la partie basse du clocher-porche, de plan carré.
Le premier étage fut détruit par la foudre en 1618 et restauré à l’identique. Le deuxième étage fut rajouté au XIXe siècle. Il fut entièrement restauré en style roman en 1994.
L’église devenue collégiale fut reconstruite au XIIe siècle, puis embellie au cours des siècles. De cette époque ne restent plus que deux colonnettes du portail nord, conservées au musée de Valence. En 1777, elle devint paroissiale.
La dédicace changea au XIXe siècle. Elle prit alors le nom de Saint-Pierre et Saint-Paul. La nef fut détruite en 1939 et remplacée en 1940.
Le chœur gothique, de la fin du XIVe siècle début du XVe, est de type ogival rayonnant.
La voûte se compose de deux travées carrées, formées chacune par une croisée d’ogive avec de fortes nervures qui retombent en faisceaux sur 6 cul de lampes.
La chapelle nord, dédiée à saint Joseph, date de la fin du XIVe siècle. Celle du sud, dite chapelle du Saint-Sacrement, est du XVe siècle. Elles ont toutes deux des voûtes d’arête à nervure.
Une petite chapelle à droite abrite quelques objets et ornements de culte.
Le grand orgue, construit entre 1959 et 1972, fut conçu spécialement pour jouer la musique de Bach.
Saint-Donat-sur-l’Herbasse, l’ancien prieuré, le palais delphinal
Le bâtiment appelé à l’heure actuelle palais delphinal faisait partie des édifices conventuels de l’ancien prieuré, construits au XIe siècle sur les restes de l’ancien château de Boson de Provence datant du IXe siècle. Les divers bâtiments, comprenant chapelles, salle du chapitre, dortoir, chauffoir, cuisine et logements de l’évêque, furent souvent remaniés au cours des siècles.
Ce fut par exemple Béatrice de Bourgogne qui, en 1191, fit construire la salle des Casemates au sous-sol.
Les embellissements se poursuivirent jusqu’aux guerres de religion, où les protestants en 1562 mirent à sac le prieuré. Les chanoines ne purent entretenir les bâtiments, allant jusqu’à en vendre les pierres. Ils partirent pendant la révolution, leur prieuré devenant bien national.
Ce fut la municipalité qui racheta l’ensemble en 1793, s’en servant comme mairie et école. Aujourd’hui, quelques salles sont ouvertes au public et servent de lieu d’exposition.
Dans l’une d’elles, une fresque au-dessus de la cheminée représente un guerrier. Il semble porter un habit oriental, ainsi qu’un cimeterre.
Saint-Donat-sur-l’Herbasse, la vie de saint Donat
Saint Donat du Val ou de Sisteron, fêté le 19 août, vécut au VIe siècle. Sa vie nous est connue par la « Vita Sancti Donati ». Né dans la région d’Orléans, devenu prêtre, il fut appelé à Sisteron par l’évêque Jean Ier. Il s’installa donc en anachorète dans un ermitage au pied de la montagne de Lure. C’est là qu’il fut confronté à un démon qu’il obligea à aplanir une route, et à un dragon qu’il terrassa. Il eut plusieurs disciples, dont Florentinus et saint Mary, et mourut en 535.
Il fut l’objet de nombreuses légendes, comme celle de Saint-Donat-sur-l’Herbasse : "c’est au VIIIe siècle que les marécages de Jovinzieu abritèrent un dragon couvert d’écailles qui mangeait les enfants. Les habitants du village appelèrent à leur secours Donat, de passage dans la région. Donat s’approcha de la bête, imposa ses mains : le dragon se coucha à ses pieds, vaincu. "
La région des Mées possède aussi son histoire merveilleuse. En 1897, Eugène Plauchud l'écrivit : "Rimbaud des Mées qui, ayant vaincu les Sarrasins, reçut dans son château 7 captives mauresques qui l’avaient subjugué. Les habitants, face au scandale, lui demandèrent de les envoyer en Arles où elles devaient être jugées. Rimbaud les protégea. Le prieur de Paillerols et le prieur de Saint-Michel le menacèrent d’excommunication. Rimbaud se fit une raison, et afin de l’humilier, le prieur décida de conduire les sarrasines à la Durance devant tout le pays rassemblé. Les moines se tenaient un peu plus haut, le long de la colline. Devant les belles, ils eurent de mauvaises pensées. De l'autre côté de la Durance, Donat comprit ce qui allait se passer. Pour préserver les moines de ce péché de chair, il les pétrifia tous sur place dans leur robe de bure. Ils devinrent les rochers des pénitents."
C’est Jean-Louis Fournier, né à Saint-Donat en 1836, qui sculpta la statue du saint à Londres. La reine Victoria, ou Napoléon III selon les versions, en fit don à la commune vers 1860. Donat est représenté avec l’étole des exorcistes, le dragon ailé en laisse à ses pieds.
Donat du Val n’est pas le seul à s’être confronté aux dragons. Donat, évêque de Paramythia dans l'ancienne Épire du IVe siècle, en fit de même. C’est dans le village de Glykys que cela se passa : « à peu de distance du village coule un ruisseau dont les eaux autrefois salubres furent empoisonnées par un dragon monstrueux, de sorte que tous ceux qui en buvaient périssaient. Saint-Donat, ermite respecté de tout le pays, résolut de le délivrer de ce fléau; et, montant sur son âne, sans autres armes qu'une baguette d'osier, il partit pour chercher le monstre. Dès que le dragon l'aperçut, il s'élança sur lui en vomissant des torrents de flammes et de fumée; mais le pieux cénobite, invoquant la Sainte-Vierge, le fit tomber mort en le touchant de sa baguette. »
Quand on connaît la symbolique du dragon, pas étonnant que Donat, saint sauroctone comme Michel ou Marguerite, ait agi dans des endroits énergétiquement puissants et où un représentant de la nouvelle religion devait imposer l’ordre face à d’anciens mythes païens.