Les menhirs de Lespurit Ellen
Nous sommes ici en pays bigouden, proche de Plovan. Son l’église fut, au XIVe siècle dédiée à saint Gorgon, dont le patronyme ressemble fort à notre bon Gargan, père de nombreux mégalithes. Ce qui pourrait être confirmé par la proche présence de deux menhirs impressionnants.
Dans la petite vallée séparant les communes de Peumerit et de Plovan, près d’un ruisseau aux eaux teintées d’ocre, se dresse le premier menhir de Lespurit Ellen.
Son frère est couché près de lui. Ces pierres peuvent prendre les noms de Lespurit-Quélen, ou Lespurit- Hellen.
On arrive sur le site en suivant un chemin de terre au milieu d’un bois de chênes, de bouleaux, de pins et de marronniers. Curieusement, des bambous ont poussé plus loin, incongruité qui n’est pas sans charme.
Sur les bords du cours d’eau poussent des touffes de Crocosmia orangés et l’Osmonde royale, une fougère qui a la particularité de fleurir au printemps. Elle est dédiée à saint Christophe, celui qui aurait porté le Christ sur ses épaules pour lui faire traverser une rivière. Il est la représentation symbolique du passage, qu’il soit spirituel ou d’une autre nature, menant vers la lumière. Il me semble que la fleur soit appropriée au lieu.
L’endroit est charmant, accueillant, très doux et hospitalier.
Encore une fois, je pense que ce lieu est dédié à l’éternel féminin. J’ai cru voir, au détour du chemin, quelques druidesses vêtues de blanc en procession, tenant haut les flambeaux.
Le premier menhir est un colosse. Il mesure 7,60 mètres de haut, 2,50 mètres de large pour presque 1 mètre d’épaisseur, ce qui en fait l’un des plus grands de France.
Le deuxième, allongé à quelques encâblures, mesure 7 mètres de haut et 2 de large.
A eux deux, ils devaient former une belle porte de vie !
Sur l'une des faces du premier, certains pourront voir une belle paréidolie.
Plus haut, un chaos rocheux semble s'imposer.
Il est coupé par un petit sentier qui, à en croire l'absence d'herbe et de feuilles, doit être fréquenté.
Il présente des bassins qui semblent creusés par l’érosion. Parfait pour l’eau lustrale. C’est sans doute ici que se tient l’interrupteur qui fait s’ouvrir le flux énergétique.
En suivant la rivière, quelques pierres allongées qui pourraient être bien plus que de simples rochers.
Ce site mégalithique fut classé monument historique le 6 mars 1923.
Le ménage de saint Kodelig
Partis des pierres de Lespurit Ellen, nous voici arrivés sur la petite colline boisée de Kodelig, à la limite de la commune de Pouldreuzic. Ici, les pierres sont nommées le Stal-tiegez, l’endroit du ménage ou des meubles, puisque la tradition nous parle d’une armoire, d’un lit, et d’une motte de beurre que le saint homme a laissés derrière lui.
« Maintenant il s'agit de trouver le royaume de Kodelig, le saint homme qui s'est retiré en ermite par ici, il y a mille fois longtemps. On ne connait pas très bien son nom, les prêtres n'en parlent jamais, les instituteurs n'en ont aucune idée, mais nous savons qu'il a laissé là son lit, son armoire, et une énorme platée de beurre qui n'est même pas entamée. On raconte même qu'il revient de temps en temps. Il y a toujours quelqu'un qui l'a vu et qui vient justement de mourir quand on vient s'informer, pas de chance ! Maintenant il faut traverser sa lande et son bois, ce n'est pas facile. Tous les bois de pins se ressemblent, les landes sont plus hautes que nous, il y a des chemins partout qui n'aboutissent nulle part ou, pis encore, qui reviennent sur eux-mêmes pour se moquer de nous. Il semble que la retraite du saint homme soit défendue par des tas de sortilèges et d'illusions. Nous faisons notre apprentissage de Chevaliers de la Table Ronde. »
Pierre-Jakez Helias, Le cheval d'orgueil.
Les chevaliers que nous étions devenus déjouèrent les sortilèges et les illusions : la première pierre que nous trouvons est l’armoire. C’est un menhir d’environ 2,50 mètres de hauteur sur 2,50 mètres de large et 1 mètre d’épaisseur.
La légende locale raconte qu’il s’ouvre une fois par an et laisse entrevoir un trésor, mais que jamais personne n’a trouvé le moment exact de l’ouverture de la pierre qui reste, à ce jour, emplie d’or.
Tout autour, des rochers affleurants sont parcourus par des lignes énergétiques dont l’une passe sous le lit.
Cette pierre de 2 mètres sur 3 possède plusieurs bassins creusés par l’érosion qui, comme à Lespurit, ont dû servir à fabriquer de l’eau lustrale pour certaines cérémonies initiatiques ou pour des rituels de guérison.
Ce qui semble confirmé par Pierre-Jakez Helias : « Nous descendons de l’armoire et montons à tour de rôle sur le lit pour nous coucher dans l’empreinte du corps. Personne ne sait plus de quoi guérit Saint Kodelig, mais il guérit sûrement de quelque chose. "
Certains ont vu, dans la forme des bassins, un chien couché et un fusil posé à côté. Ce qu’il y a de sûr, c’est que Kodelig a peut-être eu un chien comme compagnon, mais qu’il n’a jamais pu avoir, à son époque, ne serait-ce que la queue d’un fusil.
Un autre saint breton, Cado, originaire du pays de Galles, possède son lit de pierre près de Belz.
Plus loin dans le champ, après avoir passé une petite butte, se dresse, penchée, une stèle gauloise cannelée à 11 facettes. C’est la fameuse motte de beurre du saint.
Ces stèles, utilisées à partir du VIe siècle avant notre ère, à l’âge du Fer, souvent confondues avec des pierres dressées néolithiques, étaient placées près d’urnes cinéraires enfouies, vases en terre cuite renfermant les cendres d’un défunt que l’on recouvrait d’une pierre plate.
Celle-ci fait partie des rares stèles non christianisées et restées sur place, ce qui indiquerait la présence d’une nécropole gauloise.
La chapelle de Languidou de Plovan
Située au milieu de la baie d’Audierne, la commune bigoudène de Plovan, proche de la côte marécageuse et de l’étang de Kergalan, abrita autrefois une communauté galloise venue se réfugier en Bretagne en raison des invasions saxonnes. Peut-être parmi eux un certain Ozvan, ou Boduann, qui donna son nom au village (ploe veut dire paroisse primitive en breton, auquel on ajouta l’hagionyme).
La première église fut dédiée à saint Gorgon, un obscur martyr romain du IVe siècle. Si la commune voisine de Belz tient son nom du dieu Belenos, moi je dirais que ce saint ressemble beaucoup à son fils Gargan, de qui un certain Rabelais fit un bon gros géant.
Qui fut Gargantua ? En langue celte, gar = pierre, gan = géant, grand, et tua = celui, l’être, l’homme, ce qui donne celui de la pierre géante. Gargan, Avatar du dieu Lug, ou bien fils de la déesse Belisama et du dieu Belenos, ou bien le Dagda irlandais, en tout cas l'un des 3 aspects du dieu soleil dans sa forme représentant le couchant (le soleil caché, dont le symbole est la grotte). De nombreuses légendes lui attribuent la paternité des monts, des rochers, des grottes, des mégalithes.
Le Mont Saint-Michel fut un mont Gargan, le Santuario di Monte Sant'Angelo sul Gargano en Italie lui fut dédié, pour ne parler que des plus célèbres. Et si certains pensent que Gorgon provient de gour, l’homme, et de kon, le chien, ils n’ont pas vraiment tort : l’homme-chien, Anubis, fut l’un des représentants de cet archétype, comme l’archange Mikaël qui lui aussi pèse les âmes.
Proche de Plovan, dominant le petit ruisseau allant se perdre dans l’étang de Kergalan, se trouve la chapelle de Languidou. Là encore un peu de toponymie : lann, en breton, signifie établissement monastique.
Guidou provient de Kido, qui devint Kideau, Quido, Quidou, Guidou, Guido, un saint breton mal connu, qui fut remplacé au XVIIIe siècle par saint Guy. Languidou serait simplement l’ermitage de Guidou. Une autre thèse parle de saint Citiaw, devenu Kijaw, Quijou. Celui là était compagnon de saint Corentin, l’un des 7 saints fondateurs de la Bretagne, tous plus ou moins gallois et sauroctones.
La chapelle fut peut-être construite au milieu du XIIIe siècle (date encore incertaine), probablement sur les fondations d’un ancien édifice, en bordure d’un ruisseau et à côté d’une fontaine de dévotion dédiée au fameux saint Gorgon.
Deux stèles préchrétiennes de l’âge du Fer encore debout dans le placitre (terrain délimité par un mur, entourant les chapelles et les fontaines bretonnes) attestent de l’ancienneté du lieu.
La taille de la chapelle, la qualité des sculptures et la présence d’une grande rosace laissent à penser que Languidou fut bien plus qu’une simple chapelle locale.
Deux chapiteaux portent des inscriptions gravées en latin. La première mentionne le maitre d’œuvre, Auffray Gurrec, et la seconde le chanoine Guillaume (mentionné dans le cartulaire de Quimper dans les années 1160 mais aussi vers le milieu du XIIIe siècle) et Yves de Revesco, tout deux commanditaires de cette église dédiée à saint Quidou : « Auvredus Gurreu Hoc Opus Fecit » et « Guillemeus canonicus et Yvo de Revesco aedificaverunt istam ecclesiam ».
C’est de l’époque de sa première restauration, vers la fin du XIVe siècle ou début du XVe, que datent la rosace, placée sur le chevet plat typique de l’école de Pont-Croix, et l’oculus de la façade occidentale.
En 1794, la chapelle fut vendue comme bien national, et fut démantelée afin de fournir des pierres pour la construction d’un un corps de garde utilisé par les douaniers qui surveillaient la côte. La chapelle fut classée Monument Historique en 1908, les ruines furent ensuite consolidées dans les années 1960, d’une façon peu orthodoxe.
La chapelle, de plan classique, comportait une nef non voûtée à quatre travées, des bas-côtés, et un chœur à trois travées terminé par un chevet plat. Construite en prasinite (roche métamorphique très résistante) pour les parties les plus anciennes et en granite, elle mesurait 22m de long sur 13m de large.
Les chapiteaux qui nous restent sont ornés de sculptures géométriques, dont une, très alchimique, est formée du sceau de Salomon (union de deux triangles, masculin et féminin) au centre duquel se trouve une rose à 6 pétales (début du parcours), le tout à l’intérieur d’un cercle, comme une fleur de vie.
Le chœur comporte encore les élévations de trois arcades en plein cintre, supportées par des piles cantonnées de quatre, six ou huit colonnettes fines et engagées, reposant sur des bases circulaires. Seule l’une d’entre elles est de forme carrée.
Le maître-autel est placé sur deux degrés fut certainement reconstruit à partir d'éléments épars. Deux autres pierres d'autel dans le prolongement des bas-côtés indiquent la présence de cours d'eau souterrains.
Sur la façade méridionale, très remaniée, se trouvent les restes d’un ancien portail dont l’emmarchement est une pierre tombale probablement rapportée du placitre qui servit de cimetière pendant des années, celui de l’église de Plovan étant très petit.
http://1fluences.fr/languidou-architecture.php
https://fr.wikipedia.org/wiki/Chapelle_de_Languidou
http://patrimoine-plovan.blogspot.fr/2014/03/un-eclairage-sur-les-origines-de-plovan.html
http://objectif-cap-sizun-polynesie.over-blog.com/article-32431234.html
http://www.hautpaysbigouden.com/carto/pictos/chapelles_voir.php?id=1063&base=othpb3&lang=fr