L'église saint Michel de la Garde-Adhémar
Le bourg de La Garde-Adhémar a conservé sa structure médiévale, enserrée dans des remparts en bordure d'un éperon rocheux dominant la plaine de Pierrelatte.
Cette plaine a été colonisée à l'époque romaine par les vétérans des légions romaines (I er siècle). Les recherches archéologiques récentes ont révélé de nombreuses traces d'occupation humaine, en partie liée à une activité viticole.
La via Agrippa passait au pied de La Garde. Des traces d'habitat gallo-romain sont repérées dans les collines. Le site du Val des Nymphes, à 2 km du village perché actuel, témoigne d'un culte aux divinités des eaux et aux déesses mères.
Comme beaucoup d'autres églises du Moyen-Age bâties sur des hauteurs, l'église de la Garde-Adhémar est dédiée à Saint Michel. L'Eglise actuelle aurait été érigée lors de la seconde moitié du XII ème siècle.
La première mention de la présence en ce lieu d'une chapelle figure dans une bulle du pape Pascal II du 24 Avril 1105. Elle est citée parmi les dépendances de l'abbaye bénédictine Saint-Philibert de Tournus, dont elle relevait par l'intermédiaire du monastère du val des nymphes.
Elle devint au début du XII ème siècle église paroissiale, dépendante de l’abbaye de Tournus jusqu'en 1540, époque où le pape Paul III la donna au chapitre de l’église collégiale de Grignan, qui en perçut les revenus jusqu’à la Révolution.
Elle fut restaurée en 1849 et 1850 grâce à Mérimée, alors inspecteur des monuments historiques.
Par son style, cette église appartient à l'école romane de Provence qui, par le jeu des conditions historiques, est apparenté à l'école Rhénane, la Provence faisant partie du Saint Empire Romain Germanique.
Cet édifice de modestes dimensions étonne par la verticalité de ses lignes non interrompues par des corniches. Les deux collatéraux, voûtés en quarts de cercle, servent de contreforts. On peut remarquer son abside occidentale, détail architectural particulièrement rare. Le plus souvent en effet, l'abside est située en direction de l'orient.
L'Intérieur basilical à deux travées n'a pas de transept.
Proportions élancées mais petites : 3m 70 pour la largeur des travées. En tout, 22 mètres par 20 au sol, la nef s'élevant à 14 mètres.
les pierres de construction portent de nombreux signes lapidaires, marques fréquentes des maitres d'oeuvre et des compagnons. "Peturs" est le plus visible.
Le clocher a deux étages d'arcades surmontées d'une pyramide à 8 pans rappelant le style clunisien de l'édifice, dû aux moines bénédictins. En 1849, il ne restait que le premier étage et la base du second.
La partie haute du clocher, le second étage et la pyramide octogonale qui le surmonte sont des créations du XIXe siècle, par l'architecte Questel qui s'inspira d'un modèle identique avec celui que représentait le clocher de l'église majeure de Bourg-Saint-Andéol. Aussi, quand après les bombardements de 1944, on voulut restituer le clocher de Bourg-Saint-Andéol gravement endommagé, les architectes n'eurent qu'à recopier celui de la Garde-Adhémar.
Les deux absides sont opposées, ce qui est rare en France et ne se retrouve pratiquement que dans les vieux monuments des bords du Rhin. L'abside orientale en hémicycle est encadrée par deux absidioles, toutes les trois voûtées en cul-de-four.
On peut remarquer la voûte en berceau brisé sur doubleaux des deux premières travées, la coupole à 8 pans sur trompes coniques de la dernière travée.
A gauche de l'entrée, une colonne tronquée que les anciens élevaient sur les tombeaux, appelé "cippe funéraire". On y lit les lettres D et M qui doivent signifier "Diis Manibus", "aux dieux mânes". Elle a été découverte au val des nymphes.
A droite, un vestige d'autel païen votif gallo-romain porte l'inscription "Matris Nymphis", qui signifie "aux mères nymphes".
Une table d'autel aux sacrifices mouluré sur ses 4 côtés, a été retrouvé au val des nymphes où il a longtemps servi d'autel pour le culte catholique. Il sert à présent d'autel principal.
A l'extérieur, une frise me semble représenter le nombre de courants d'eau souterrains ainsi que les cheminées-cosmo-telluriques et les failles.
La vierge à l'enfant, de style auvergnat, en bois, date probablement du XIème siècle. Elle fut découverte il y a quelques années par l'abbé Silhol, curé du village, dans sa propre église, alors qu'elle se dissimulait sous des habits brodés, des couronnes et le vocable de Sainte Anne.
La statue passa de longs siècles vénérée par les moines de l'abbaye d'Aiguebelle. Mais à la révolution, un moine mura la statue dans une niche, empêchant qu'elle ne subisse le triste sort réservé à la vierge du Puy par exemple.
Elle ne devait revoir le jour qu'au XX ème siècle. Après sa redécouverte, l'abbaye d'Aiguebelle en fit don à l'abbé Girard, curé de la Garde-Adhémar, en 1944. Le bon curé ne sut qu'en faire. Il avait déjà dans son église une belle statue de la vierge, polychrome, du XVI ème siècle, vénérée par ses paroissiens: Notre-Dame du val des nymphes. Il se demanda un instant si la nouvelle statue, Notre-Dame de la miséricorde, n'allait pas porter tort à celle qui était déjà en place depuis fort longtemps.
Par contre, l'église ne possédait pas de statue de Sainte Anne, mère de Marie. Monsieur le curé élimina la rivale d'une façon élégante et peu banale. Il habilla la statue de bois avec des ornements de style saint-Sulpicien, la baptisa Sainte Anne et décréta que l'enfant Jésus pouvait honorablement représenter la vierge Marie enfant. Il plaça sous vitre la statue et fit inscrire dessous: "Sainte Anne priez pour nous".
L'abbé Silhol était un amateur d'art éclairé. Intrigué par cette étrange Sainte Anne, il devait découvrir la vérité et constater avec émerveillement qu'il était en présence d'un fort beau témoignage de l'art roman.(article d' Olivier Serre.)
Cette statue possède plusieurs des caractéristiques des vierges noires. Au vu de la longueur de ses mains, de sa position assise sur la cathèdre, de la date de sa "naissance", de ses proportions, je pense qu'elle fleure bon la Dame de sous-terre... L'endroit d'où elle provient est un lieu magique aussi, avec ou sans sa vierge noire. J'en ferai l'article plus tard. A signaler : la vierge du val des nymphes a été volée en 2006...
Sous l'église, aux pieds de la falaise, un jardin de simples a été aménagé. Surprise: une source gargouille gentiment, veillée par un faune. Le pendant des nymphes du val ?
De l'autre côté de la colline, d'autres sources jaillissent, comme celle qui a attiré mon regard en passant.
Elle alimente le lavoir un peu plus bas, où quelques pierres anciennes se trouvent encastrées dans le mur. L'intérieur de la fontaine m'a beaucoup impressionnée. Encore un lieu où l'eau devient sacrée...
http://www.cs.cmu.edu/~celine/lga/la_garde-adhemar.html
http://www.la-garde-adhemar.com/historique.htm
http://fr.wikipedia.org/wiki/La_Garde-Adh%C3%A9mar
http://pmarecha.free.fr/roman/tricastin.htm
Le val des nymphes
Le val des nymphes, encore enveloppé de mystères, fait partie de ces lieux que l'on dit inspirés. Merveille que d'une roche si dure et ingrate jaillisse continument une eau pure et limpide.
Pas étonnant que depuis au moins trois millénaires, des hommes se soient fixés autour de ces sources qui leur assuraient la vie. Les Tricastins ne furent sans doute pas les premiers à s'établir là.
Plus tard, les romains y marquèrent leur passage: témoin ce petit autel votif dédié aux mères-nymphes déposé aujourd'hui à l'église de la Garde-Adhémar. L'archéologie n'a toujours pas permis de localiser l'antique sanctuaire.
De nombreuses sépultures mises à jour récemment témoignent de la présence durant de longs siècles, autour de chapelles successives, d'une communauté rurale.
La chapelle Notre-Dame du val des nymphes est donc élevée sur les ruines d'un ancien temple païen. Avant la christianisation des lieux, ce val était un sanctuaire des celtes Tricastins en l'honneur des nymphes, déesses des sources. Le culte des nymphes comportait des bains que l'on prenait dans le bassin de la source. Au culte des déesses de la fécondité, les chrétiens substituèrent delui de la vierge Marie.
Une chapelle primitive fut ainsi érigée entre le IV ème et le VII ème siècle, révélé par des fouilles récentes et également évoquée dans les documents sur Donzère au VII ème siècle. Un prieuré fut implanté plus tardivement et placé sous le vocable de Notre-Dame. Il est mentionné dans un acte royal daté et signé à Reims par Henri premier, le 23 Mai 1059, parmi les dépendances de l'abbaye de Tournus. La chapelle actuelle, seul vestige subsistant des constructions effectuées en ce lieu, aurait été érigée au cours de la décénnie 1160-1170.
Les derniers repérages archéologiques et historiques ont montré, près de la source permanente, la présence d'un important habitat médiéval (V ème-XII ème siècles) et de quatre églises dont les vestiges de la chapelle primitive Saint-Martin, située près de la source,(V ème VII ème siècle) et des nécropoles chrétiennes.
Seule demeure, aujourd'hui, l'église priorale édifiée au XII ème siècle par les moines de l'abbaye de Tournus, sous le vocable de Notre-dame. Elle conserve, semble-t-il, le plan et les fondations d'une église antérieure. Deux autres églisess'élevaient aussi en ce lieu : Saint Roman, à fonction exclusivement funéraire, et saint Pierre.
Il s'agirait là du site primitif du village. A partir de la fin du XII ème siècle, ce lieu est progressivement délaissé par ses habitants au profit de l'habitat protégé du bourg castral de La Garde-Adhémar (le castrum) dont les seigneurs appartinrent longtemps à la famille des Adhémar.
L'habitat, les constructions priorales et les trois autres églises disparurent tant du paysage que de la mémoire collective.
Fortement endomagée par les guerres de religion à la fin du XVI ème siècle, la chapelle ne fut pas réparée. Elle resta cependant le lieu de messes et de processions au XVII ème siècle, puis fut abandonnée. Ce n'est qu'en 1950 que la comission des monuments historiques en a fait une restauration partielle, qui a été achevée par la restauration du toit en 1991.
C'est un vaiseau unique de trois travées:
-l'abside, vers le devant, semi-circulaire voûtée en cul-de-four, présente une décoration de deux étages d'arcatures qui reprend les modèles d'amphithéatres romains.
-la voûte en berceau plein-cintre dont la naissance est accusée par un bandeau de moulures
-les proportions de la façade sont uniques: l'étage intérieur, très dépouillé à l'exeption de l'ouverture du porche, est surmonté par une partie de style Byzantin.
L'instabilité du terrain et les nombreux tremblements de terre dans la région explique l'ajout des contreforts latéraux. On peut toujours distinguer les marques des compagnons sur les murs.
Le site est entouré d'un bois, que je dirais sacré. On y trouve des chênes et des cerisiers. Le bassin druidique m'a fait forte impression, ainsi que la source qui alimente le grand bassin devant la chapelle.
Les trois bassins sont présents: le rond, d'où la source jaillit, puis une rigole qui emmène l'eau dans le bassin carré, après avoir fait une rotation à 90°. Puis le bassin rectangulaire d'où l'eau, qui poursuit sa route, passe sous terre.
L'endroit est très chargé, et il est vrai que l'on a l'impression que les nymphes sont toujours là comme dirait un ami très cher... C'est typiquement un endroit de guérison, où l'élément eau est magnifié.
Ah oui, j'oubliais... Si Saint Martin est présent en dédicace d'une première construction, c'est le signe d'une présence païenne développée...Et d'un culte ancien, voire mégalithique.