Saint-Michel de Cuxa, historique
L'abbaye Saint Michel de Cuxa est située au-dessus de la vallée de Prades, avec au nord le massif de Madrès et les Corbières, et au sud le Canigou. Son histoire commence ailleurs : au monastère de Saint André d'Eixalada, situé dans une gorge de la Têt, où quelques clercs et laïcs s'étaient installés en 840 à l'emplacement de sources chaudes déjà connues dans l'antiquité.
En 878, la Têt en crue inonde et détruit le monastère, à l'époque dirigée par l'archiprêtre Protais. Sous sa conduite, les 35 survivants s'installèrent alors près du village de Codalet, au lieu-dit Cuxa, où une église consacrée à saint Germain, propriété de Protais lui-même, les attendait.
Le monastère se développa rapidement grâce à la protection des comtes de Cerdagne-Conflent. Cuxa se distingua par une politique d'ouverture au monde, originale pour l'époque en région catalane. Ce fut Garin, moine venu de Cluny et abbé de Cuxa, qui poursuivit cette ouverture. Il entretint des relations avec Gerbert d'Aurillac, futur pape Sylvestre II, avec le doge de Venise, Pierre Orseolo, qui fut plus tard canonisé, avec le futur saint Romuald et le futur saint Marin.
En 1008, c'est le petit-fils du comte Sunifred, Oliba, qui fut élu abbé de Ripoll et de Cuxa. Il sera aussi évêque de Vic en 1017. Il va profondément transformer l'abbaye en construisant devant l'église les deux chapelles superposées de la Crèche et de la Trinité, qui communiquent avec Saint-Michel par des galeries. Il augmenta aussi le sanctuaire de trois absides, voûte les bas-côtés de la nef, construit les clochers.
Les périodes suivantes du Moyen Âge sont moins fastes pour Cuxa, et même s'il devient un grand monastère seigneurial, il conserva peu d'importance dans le monde ecclésiastique et les bâtiments de l'abbaye ne furent pas renouvelés. Après l'époque des commendataires (dont Jules de Médicis, futur pape Clément VII) et le passage définitif au royaume de France en 1659 avec les conséquences des guerres, la révolution fit son œuvre, et l'abbaye fut mise à sac. Le toit de l'église s'effondra en 1835 et le clocher nord en 1839.
En 1913, un sculpteur américain, George Grey Barnard, se rend à Cuxa et achète des chapiteaux du cloître (32 colonnes et chapiteaux ). Ces achats sont à l'origine de la reconstitution du cloître au Cloisters Museum de New-York, et de la présence de la fontaine à Philadelphie.
En 1919, Ferdinand Trullès acquit l'abbaye pour y reloger les Cisterciens de Fontfroide qui avaient quitté la France à l'époque des lois sur les congrégations.
Les Cisterciens s'installent, et seront remplacés en 1965 par les Bénédictins de Montserrat. Depuis les années 1920, l'abbaye fait l'objet de campagnes de restauration par le service des Monuments Historiques.
En 1952, sous les constructions de l'habitation du sacristain majeur, les ruines de l'église de la Trinité sont mises au jour. En 1954, Pablo Casals, réfugié en France sous la dictature franquiste, inaugure le festival de Prades dans l'église encore dépourvue de toit. Elle sera couverte en 1957.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Abbaye_Saint-Michel_de_Cuxa
http://notes.romanes.free.fr/images/catalan66/cuxa/texte.htm
http://www.cuxa.org/cuxa.html
http://histoireduroussillon.free.fr/Thematiques/Batiments/Histoire/AbbayeStMichelDeCuxa.php
L'église Saint-Michel
Il y eut 4 églises connues à Cuxa : la première, consacrée à Germain, antérieure à 878, fut construite par Protais. Sur la présence d'un ancien lieu de culte, aucun document. La deuxième, consacrée à Michel, est déjà mentionnée en 938. C'était un oratoire bâti devant l'ancienne église. Le comte Sunifred fut à l'origine de la construction de la troisième, consacrée le 30 juillet 953. La quatrième, nouveau temple de Saint Michel, toujours à l'initiative de Sunifred, fut consacrée le 30 septembre 974. Il s'agit de l'église actuelle, dont l'abside centrale correspond à l'ancien emplacement de l'oratoire Saint Michel.
L'abside centrale est légèrement déviée par rapport à l'axe de la basilique, probablement pour coïncider avec sa dédicace.
Mesurant 30,60 par 9,40 m, la nef est l'un des très rares spécimens de préroman en France, caractérisé par l'arc en fer à cheval dit "wisigothique". Elle s'appuie sur des collatéraux voûtés en demi-berceau, dont elle est séparée par des arcades cintrées. Le côté sud est éclairé par quatre fenêtres hautes, alors que le côté nord n'est pas éclairé.
Le transept est bas et très saillant. Les croisillons, voûtés en berceau, comportent de grandes arcades outrepassées. L'abside, rectangulaire et fragmentée en cellules, est typique du préroman.
Les deux travées du chœur ont été voûtées d'ogives au XIVème siècle suite à un incendie. Elles sont éclairées par quatre baies. Deux longues chapelles rectangulaires, terminées en cul de four, entourent le chevet au nord et au sud. Elles s'ouvrent par des arcs outrepassés. A l'est, derrière le chœur, un couloir voûté en berceau sur arcs doubleaux relient les deux chapelles, formant une sorte de déambulatoire à angles droits.
Dans chaque bras du transept s'ouvraient deux absidioles précédées d'un arc outrepassé. Dans le bras nord, il en reste seulement une, la seconde fut détruite par l'effondrement du clocher nord. Dans celle qui reste est vénérée une vierge romane du XIIIème siècle.
Une tribune semblable à celle de Serrabonne avait été ajouté en 1040. Détruite au XIVème siècle, on peut en voir de beaux restes dans le cloître, encadrant une porte ouverte au XVIème siècle.
En 1969 fut retrouvé sur un balcon d'une maison particulière de Vinça la table d'autel majeur, consacré en 974. Il s'agit d'une ancienne plaque de marbre blanc provenant des ruines du capitolium romain de Narbonne.
Dans le bras nord,
une vierge romane du XIIIème siècle. Elle a tous les attributs d'une vierge noire, la parèdre de Saint Michel...
L'étude géobiologique de Saint-Michel montre que ce lieu de culte n'est pas du au hasard : les réseaux sont nombreux, se croisent sous l'autel, présence de réseaux sacrés et de cheminées cosmo-telluriques. Vous trouverez l'étude complète sur le site de Yann Lipnick.
La crypte
Oliba fut sans doute celui qui construisit la crypte au XIème siècle. On y trouve une salle dont les trois nefs sont parallèles à la façade de l'église. Elles sont séparées par des arcs romans situés à des niveaux différents.
Cette salle est reliée à deux couloirs aux voûtes brutes de décoffrage. Ces couloirs occupent l'emplacement des anciennes chapelles de Saint Gabriel et Saint Raphaël.
Au milieu, reliée par une porte à linteau, la chapelle de Notre-Dame de la crèche. Elle est munie d'une voûte annulaire tournant autour d'un pilier central de 7 mètres de circonférence.
La voûte, impressionnante, a été réalisée d'un seul trait. On voit aujourd'hui les traces du coffrage utilisée pour la confectionner. Les murs de la chapelle sont épais de deux mètres. Son abside est orientée à l'est. Pas de décoration, mais l'ensemble est captivant.
La crypte elle-même est précédée d'un vaste passage destiné aux
pèlerins. Celui-ci est constitué de trois vaisseaux de quatre travées,
voûtés en berceau cintré, dont les pans descendent jusqu'au sol. On
peut observer les mêmes traces de coffrage que dans la crypte.
C'est la grotte de la vierge noire, celle du pilier central dégageant une puissante énergie tellurique. Elle est la parèdre de Michel, comme toujours l'un ne va pas sans l'autre.
La chapelle de la trinité
Le bâtiment à l'ouest de l'abbatiale correspond à la maison du sacristain majeur, bâtie au XVIIème siècle sur le site de la chapelle de la trinité, fait afin de proteger les vestiges de la chapelle de la trinité découverts en 1950. Cette chapelle fut élevée au XIème siècle par Oliba, au dessus de celle de la vierge du Pessebre, et fut probablement détruite lors du tremblement de terre de 1428.
Les restes trouvés dévoilent une construction de plan complexe unique en forme de trois cercles inscrits dans un carré, qui s'imriquent formant un symbole triple.
Elle se composait d'une nef circulaire avec une abside orientée à l'est, exactement comme la chapelle de la vierge du dessous, et d'une tribunesurélevée à l'ouest.
Les pèlerins pouvaient acceder à cette tribune en empruntant l'un des deux escaliers en colimaçon qui se trouvaient sur les côtés nord et sud, reliés directement à l'extérieur. De cette façon, il était possible de vénerer les reliques sans déranger les prières.
Le cloître
Sa construction fut entreprise vers 1140-1150. A l'origine, le cloître occupait un grand quadrilatère irrégulier adossé à la paroi nord de l'église.
On dut niveler le terrain, ce qui obligea à rabaisser le dallage de la galerie sud, et il fallut pour cela condamner l'ancienne porte latérale du Xème siècle, en ouvrir une autre et construire un escalier qui descendait de l'église jusqu'au niveau du cloître;
Il reste très peu de chapiteaux intacts à leur emplacement originel. Abandonné, dévasté, détruit par la chute du clocher, ses éléments furent dispersés. En 1913, un sculpteur américain, George Grey Barnard, se rend à Cuxa et achète des chapiteaux du cloître (32 colonnes et chapiteaux ).
Ces achats sont à l'origine de la reconstitution du cloître au Cloisters Museum de New York, et de la présence de la fontaine à Philadelphie.
L'actuel cloître fut reconstruit avec les éléments restants retrouvés en 1950. Sept chapiteaux proviennent de l'ancienne tribune.
Les linteaux et les arcs ont été taillés récemment dans le marbre rose de la carrière de Ria, celui-là même qui fournit le matériau des anciens chapiteaux.
La décoration est entièrement profane, pas une seule allusion à la bible. Les artistes se sont inspirés d'anciens thèmes orientaux, comme celui de l'épopée de Gilgamesh (issu de la mythologie sumérienne), trouvés probablement dans les manuscrits de la bibliothèque de Cuxa.
Les motifs, végétaux ou animaliers, sont dominés par des lions. Certains ont une crinière tressé, qui traduit une influence de l'art égyptien.
D'autres ont des bras qui leur sortent de la bouche, comme s'ils dévoraient des hommes (ou bien que les hommes sortent de leurs gueules, symbolisant l'initié). On retrouve ce sujet à Serrabone.
On ne trouve que deux chapiteaux historiés : un Christ bénissant et un Christ entouré d'anges, avec St Pierre à ses pieds.
Dans la galerie sud, la tombe du doge de Venise, Pierre Orseolo, moine à Cuxa de 978 à 988, qui fut plus tard canonisé.
L'ancienne tribune
La tribune devait ressembler à celle de Serrabone, elle-même étant imitée de celle de Cuxa et construite par le même maître.
Elle formait une sorte de chœur surélevé dans la partie est de l'église.
Les éléments conservés ont été placés sur l'actuelle porte nord. Nous retrouvons le symbole des 4 vivants, l'aigle,l'ange, le taureau et le lion soutenant chacun entre leurs pattes un livre sur lequel est gravé "LUCHAS".
Les deux pieds-droits représentent saint Pierre et saint Paul, dont les regards étaient dirigés vers l'intérieur de l'arcade. La façade était décorée de lions et d'un hibou. La sagesse et la force...
Leur style rappelle celui des statues du portail de Moissac : stylisation des corps, pieds en pointe, torsion des membres, notamment les poignets.
Le clocher
Dans les premiers temps de l'abbaye, deux tours avaient été édifiées. Une seule reste debout aujourd'hui. C'est une tour du XIème siècle attribuée à l'abbé Oliba, haute de 40 mètres, à quatre étages. Aux deux premiers étages, des bandes lombardes et des fenêtres étroites. Au troisième étage, on trouve deux ensembles de baies géminées sur chaque face. Au dernier étage alternent des fenêtres géminées et des baies simples. Côté est et ouest, une rangée d'oculi complète ce décor. La terrasse est bordée par des créneaux. Les voûtes que construisirent les moines provoquèrent une dangereuse inclinaison, et un contrefort fut rapporté au XIVème siècle.