12 mai 2008

L'abbatiale d'Arles-sur-Tech

Arles_sur_Tech__10_aLa première mention connue d’Arles concerne l'église Sant-Pere-de-Riuferrer, appelée au IXème siècle Sancti Petri in Arulas. Ce nom d'Arulas, qui a donné Arles, a suscité de multiples interrogations, mais on admet dans l'ensemble qu'il signifie "petits autels" (latin ara = autel), et qu'il pourrait être lié au culte des nymphes (ou autres divinités) pratiqué aux Banys .
L'abbaye bénédictine d'Arles, au cœur du Vallespir, est l'une des plus anciennes abbayes carolingiennes  fondée en Catalogne, aux premières heures de la reconquête de Charlemagne (778-780).

















Arles_sur_Tech__63_aA sa fondation par l'abbé espagnol Castellanus, l’abbaye primitive s'installe dans les ruines de thermes romains situés à l'emplacement de l'actuelle Amélie-les-Bains. Au IXème siècle, vers 881, à la suite des terribles incursions normandes, recherchant une plus grande sécurité, les moines transférèrent l'abbaye sur le site actuel, sous la direction de l'abbé Suniefred, membre de la famille comtale du Roussillon.







Arles_sur_Tech__69_aCette protection de la famille comtale, puis celle des comtes de Barcelone et des rois d'Aragon qui leur succédèrent, assure privilèges, protections et donations de saintes reliques. De nombreuses donations assurent à Sainte-Marie d'Arles un essor tout particulier, la plaçant aux premiers rangs des abbayes catalanes du moyen-âge.








Arles_sur_Tech__56_aEn 960, l’abbé Arnulfe la dote des reliques des saints Abdon et Sennen, obtenues du pape lui-même, et qui vaudront à Arles le surnom de "ville des Corps Saints". L’église subit un agrandissement du temps de l’abbé Sintillus (980-1001). Puis vint une période de grands travaux qui réalisent quasiment l’édifice actuel, consacré en 1046.














Arles_sur_Tech__30_aAutour de 1150, l’abbé Raymond 1er consacre 6 églises relevant de Sainte-Marie. Cette dernière est consacrée une deuxième fois en 1157. Dans le dernier quart du XIIème siècle, l’abbé fait construire un mur d’enceinte avec barbacane et tours. En 1260, l’abbé Raymond Deç Bach construit le cloître, à partir du marbre blanc de Céret et de calcaire gris à numulithes de Gérone pour les colonnettes.













Arles_sur_Tech__26_aA la fin du XIIIème siècle, l’église est agrandie de chapelles gothiques qui donnent sur les collatéraux. Les chapelles du nord sont surmontées au XIVème siècle d’un nouveau toit qui repose sur le mur de la nef centrale au-desus des fenêtres. Ainsi, l’église est privée d’une partie de son éclairage primitif. A la fin du XIVème siècle, les moines de l’abbaye sont sécularisés et vivent de leur bénéfice perdant en même temps l’idéal de Saint Benoit. Comme de nombreuses abbayes, Sainte-Marie connaît une longue et lente agonie.
A la révolution française, les six derniers moines quittent le monastère, et l'abbatiale devint l'église paroissiale du village tandis que ses biens et dépendances sont vendus. Signalons quand même que  tous les 30 juillet a lieu la fête patronale, avec pour point d'orgue la procession de la Rodella (roue dans laquelle est entouré un long fil de cire). Cette tradition fut créé au XVème siècle et elle est toujours en vigueur aujourd'hui.

Arles_sur_Tech_001aL'église est une construction à trois nefs, de type basilical, qui présente une particularité fort rare : son chevet est tourné non vers l'est, mais vers l'ouest. A l’origine, elle était couverte d’une charpente. Voûtée en berceau brisé au XIIème siècle, elle a été embellie de chapelles latérales aux XIIIème et XIVème  siècles. Intérieurement, le mur de façade reçoit trois absides d'un mode architectural carolingien.







Arles_sur_Tech_002aLes fresques du XIIème qui ornent l'abside de la chapelle haute présentent un Christ en majesté entouré des 4 évangélistes et au-dessous deux figures d'anges.









Arles_sur_Tech__25_aDes armoires à reliques sont creusées dans les piliers de la deuxième travée. Elles servaient à garder les reliques de saint Abdon et saint Sennen.













Arles_sur_Tech__41_La façade comporte un portail avec un linteau de granit en forme de bâtière, portant l’alpha et l’oméga et les lettres AA. Il appartient peut-être à l’église du XIème siècle.











Arles_sur_Tech__42_aLe décor sculpté dans le tympan est lui du XIème et représente un Christ en gloire entouré des symboles des évangélistes, ce que l’on appelle les 4 vivants.
















Arles_sur_Tech__43_aAu-dessus, au sommet de la façade, une série d’arcatures caractéristiques du style lombard du premier art roman, ensemble de dix grandes baies cintrées dont deux seulement sont à claire-voie. Cet ensemble est surmonté par un pignon orné d'une galerie d'arcades aveugles.









Arles_sur_Tech__50_aLa contre–abside de l’église possède une chapelle haute située au-dessus du portail, où l’on accédait par un escalier à double volée. Cette chapelle est dédiée à saint Michel et aux archanges. Elle est décorée de fresques du XIIème siècle.

Les tours de défense du XIème siècle étaient au nombre de 4 : à l’ouest les deux clochers de l’église (un seul subsiste) , à l’ouest les deux tours de défense qui encadrent le parvis.

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Le cloître

Arles_sur_Tech__15_aLe cloître actuel, qui a peut-être succédé à un autre plus ancien, est l’œuvre de l’abbé Ramon Desbac (1261-1303).












Arles_sur_Tech__12_aC’est un cloître très simple, non voûté, d’esprit gothique par son élégante légèreté.












Arles_sur_Tech__68_aIl est bâti en marbre blanc de Céret et en pierre de Gérone, qui permet d’élancer de fines colonnes résistantes.
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Arles_sur_Tech__17_aLa salle capitulaire s’ouvre sur le cloître par 3 baies gothiques, et servait de lieu d’assemblée à la communauté des moines.

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La Sainte Tombe

Arles_sur_Tech__32_aLa Sainte Tombe d'Arles sur Tech est un sarcophage datant du IVème siècle placé dans l'abbaye. Il en existe une dizaine d'autres en France de ce type, mais celui-ci a la particularité de produire en continu une eau pure, censée être miraculeuse. Au dessus on trouve un gisant incrusté dans le mur. C'est celui de Guillaume de Gaucelme, seigneur du Teillet, qui légua sa fortune à l'abbaye à sa mort le 10 avril 1211. Cette sculpture est attribuée à Ramon de Bianya, sculpteur au début du XIVème siècle, qui a signé deux gisants dans le cloître d’Elne.

















Arles_sur_Tech__35_aLe sarcophage est fait de marbre bleu de Céret, taillé et sculpté d'un X entouré d'un cercle signifiant Iesous Chrestos (Jésus Christ). Il mesure 1m 88 à la base et s'évase jusqu'à 1m92 sur 50 centimètres de large au plus mince à 65 au plus large. Il est posé sur deux cales de 40 centimètres de côté.

Tout aurait commencé à une époque indéfinie, alors qu’Arles-sur-Tech était en proie à la fois à la peste, à des catastrophes naturelles et à des animaux féroces appelés "simiots". Ces animaux ont sans doute été représentés de part et d'autre de l'archivolte du portail de l'église abbatiale d'Arles. Ce seraient des singes monstrueux (en catalan simi = singe) qui auraient peuplé aux temps païens les forêts montagneuses des Pyrénées, notamment en Vallespir. Certains prétendent que ce serait des singes-lutins, sortes d'elfes très maléfiques.
Afin d'en finir avec cette série de catastrophes, l'abbé Arnulphe décide de partir pour Rome, et d'y obtenir quelque secours du pape. La suite nous est racontée par Prosper Mérimée (Notes d'un voyage dans le Midi de la France, 1835) :

Arles_sur_Tech__37_a"Il faut savoir qu'autrefois, je ne saurais dire précisément à quelle époque le territoire d'Arles fut infesté d'une grande quantité de bêtes feroces, lions, dragons, ours, etc., qui mangeaient les bestiaux et les hommes. La peste vint encore ajouter aux maux qui affligeaient la contrée. Un saint homme nommé Arnulphe, résolut d'aller chercher des reliques à Rome pour guérir l'épidémie et chasser les animaux féroces. Pendant longtemps ce fut l'unique remède dans toutes les calamités. Arrivé à Rome, Arnulphe exposa au Saint-père la misère de ses concitoyens et lui présenta sa requête. Le pape, touché de compassion, l'accueillit avec bonté, et lui permit de choisir parmi les reliques conservées à Rome, exceptant toutefois celles de saint Pierre et d’un certain nombre de saints, dont il eût été imprudent de se dessaisir.

Arles_sur_Tech__48_aArnulphe était embarrassé pour se décider, après avoir passé tout un jour en prières, il s'endormit et eut un songe dans lequel deux jeunes hommes lui apparurent: « Nous sommes, dirent-ils, Abdon et Sennen, saints tous deux. De notre vivant, nous étions princes. La Perse est notre patrie. Nous avons été martyrisés à Rome, et nos corps sont enterrés en tel lieu ; exhume-les et porte-les dans ton pays, ils feront cesser les maux qui l'affligent. »
Le lendemain, Arnulphe, accompagné d'une grande foule du peuple, et suivi de travailleurs pourvus d'instruments convenables, fit fouiller l'endroit indiqué. On trouva bientôt les corps des deux jeunes gens, parfaitement conservés, reconnaissables pour saints à l'odeur. Il les exhuma en grande pompe, et se disposa à les emporter. Arnulphe était un homme prudent ; il pensa que, pendant le long voyage qu'il avait à faire pour retourner dans son pays, il pouvait trouver bien des gens qui voudraient s'approprier le trésor qu'il portait, car on se faisait peu de scrupule alors de s'emparer, même par force, des reliques de vertus bien constatées.
Arles_sur_Tech__38_aPour détourner les soupçons, il mit ses saints dans un tonneau enfermé dans un autre beaucoup plus grand, qu'il remplit d'eau. Dès qu'il fut en mer, les matelots firent un trou au tonneau, croyant qu'il contenait du vin ; mais, s'étant aperçus qu'il n'y avait que de l'eau, ils ne poussèrent pas plus loin leurs recherches. Je passe rapidement sur les événements du voyage, tempêtes apaisées, vents favorables et le reste. Arnulphe, débarque à Reuss avec ses reliques en double futaille, entendit toutes les cloches sonner d'elles-mêmes et se garda bien d'expliquer la cause de la merveille.




Arles_sur_Tech__49_aLe chemin de Reuss à Arles était alors extrêmement mauvais et praticable seulement pour les mulets. Le tonneau est donc chargé sur un mulet, et le saint homme, avec un guide, se met en route. Dans un sentier dangereux, bordé d'affreux précipices, le muletier, homme grossier et brutal, crut qu'il fallait donner du courage à sa bête et lâche un gros juron. Soudain, le mulet tombe dans le précipice et disparaît. On juge du désespoir d'Arnulphe. Retrouver le mulet était impossible ; retourner à Rome en quête d'autres reliques ne l'était pas moins. Il prit le parti de poursuivre sa route et de rentrer dans sa ville natale. Quelle est sa surprise et sa joie en rentrant à Arles, d'entendre sonner les cloches et de voir, sur la place de l'église, tout le peuple à genoux entourant le mulet et son tonneau qui avait déjà opéré la guérison des pestiférés et fait déguerpir les lions et autres bêtes féroces.
Arnulphe tira d'abord les saints de leur tonneau et quant à l'eau, il la versa bonnement dans un tombeau vide pour s'en débarrasser, où un lépreux, qui vint s'y laver fut guéri dans l'instant. D'autres malades vinrent bientôt constater la vertu de cette eau miraculeuse.


 

Le mystère est soit-disant résolu par la zététique. Malgré tout, j'ai ressenti une belle énergie. Peut-être la ferveur populaire ?

http://histoireduroussillon.free.fr/Thematiques/Batiments/Histoire/AbbayeSteMarieDArles.php
http://notes.romanes.free.fr/images/catalan66/arles/cadre.htm
http://dieuetcreation.blogs.nouvelobs.com/archive/2008/04/26/eau-miraculeuse-de-la-sainte-tombe.html

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