La chapelle Sainte-Marie-du-Ménez-Hom
Nous venons de voir que le roi Marc’h avait fait construire une chapelle aux pieds de la montagne sacrée du Menez Hom en l’honneur de sainte Marie. C’est la chapelle Sainte-Marie-du-Ménez-Hom, nommée Ty ar Werc’hès, la Maison de la Vierge en breton.
Elle fut construite en 1570 sur les ruines d’une construction romane, elle-même bâtie, selon la tradition, sur les restes d’un temple dédié à la déesse Brigitt, situé à l’intersection des anciennes routes commerciales de la région.
On pénètre dans l’enclos paroissial ou placitre par une triple porte monumentale édifiée en 1739. La porte centrale est surmontée d’un fronton où sont creusées de chaque côté des niches contenant une statue de la Vierge et une de saint Hervé. Elle est fermée par une grille ouverte uniquement lors du passage des cortèges funéraires.
Les fidèles au quotidien doivent utiliser les portes latérales, dont le passage est barré par une pierre qu’il faut enjamber (fait pour empêcher les animaux d’entrer dans l’enclos).
Il semblerait que l’une des pierres de seuil en schiste ardoisier soit un remploi d’une ancienne pierre à cupules.
A l‘intérieur de l’enclos, le calvaire à trois croix date de 1544 et fut réalisé dans l’atelier de l’Elorn.
Sur le socle Marie-Madeleine agenouillée, que l’on retrouve au premier niveau aux côtés d’une Piétà, accompagnée de saint Jean, saint Pierre et saint Yves. Au-dessus, deux cavaliers aux pieds du Christ crucifié. Les deux autres croix présentent les deux larrons.
La chapelle, en croix-latine à chœur à chevet droit peu saillant, fut construite grâce aux dons importants provenant des marchands venus des quatre coins de la Bretagne participer aux quatre grandes foires, dont celle consacrée aux chevaux et celle du 17 juin (proche du solstice), le jour de la saint Hervé (fils de barde, aveugle de naissance et musicien aidé d’un loup).
Ils participaient aussi activement au pardon du 2eme dimanche de mai (mois de Marie, de la fécondité, du feu, de Beltaine, fête de Belenos) et plus tard du 15 août (mois de Lugnasad, fête de l’Assomption de Marie).
Sainte-Marie fut agrandie entre 1591 et 1597 avec le doublement des bas-côtés.
La dernière extension, dans l’angle nord-ouest, est appelée la chambre des moines. Elle fut restaurée et modifiée entre 1663 et 1773, date de la fin de l’édification du clocher-porche à galeries à balustrades, surmonté d’un dôme à lanternon.
La foudre frappa ce clocher et endommagea la toiture en mars 1903, mais l’édifice fut aussitôt réparé, puis fut classé aux Monuments Historiques en 1916.
A l’intérieur de la chapelle, l’autel central et les deux autels latéraux sont surmontés de retables réalisés entre 1703 et 1710. Ils furent classés aux Monuments Historiques en 1912, avant même la chapelle. La statuaire du retable représente la Sainte Famille (Marie et l’enfant, Joseph, Anne et Joachim) et les bas-reliefs des scènes de l’Annonciation, la Visitation, la Nativité et l’Assomption.
Dans la chapelle également, des pièces remarquables du XVIe siècle, les sablières. Une panne sablière est une poutre placée horizontalement à la base du versant de toiture, sur le mur de façade. On la nomme ainsi car on la posait sur un lit de sable, qui en fuyant permettait à la poutre de prendre sa place lentement.
La statuaire de la chapelle est riche : un saint Laurent du XVe siècle, saint Hervé, parmi d’autres.
Il existe bien sûr une fontaine sacrée proche de la chapelle. Elle se situe dans un champ, en direction de l’Aulne.
A l’heure actuelle très abimée, cette fontaine-mur se composait encore en 1920 de deux pans inclinés et de deux murets reposoirs qui encadraient le bassin.
Un peu plus loin sur la route de Plomodiern se dresse la croix de Park ar Groaz Ru, en français la croix du Champ de la Croix Rouge. Les Templiers ne s’installaient pas n’importe où…
Et pour finir, nous retrouvons notre barde Skreo ar Mor, autrement dit Anatole Le Braz, qui écrivit dans La Noël de Jean Rumengol :
« La Vierge était chère aux Bretons du littoral. Sur tous les caps ils dressaient son image; ils lui bâtissaient des maisons de pierre sculptée, surmontées de ces clochers élégants qu'on prendrait de loin pour de fines dentelles en granit suspendues entre terre et ciel. Ils l'invoquaient sous de multiples qualificatifs, les plus poétiques, les plus tendres. Ils la nommaient « Madame Marie la douce », « Vierge de Bonne Nouvelle », « Reine divine de la mer ». Pendant les tourmentes, ils la voyaient marcher, vêtue de lumière, sur les flots. Elle ouvrait devant les bateaux des routes d'argent clair. Le seul frôlement de sa longue robe blanche apaisait la colère des vagues; la tempête lui obéissait avec une docilité de brebis.
C'est du moins ce que croyaient fermement les Bretons d'autrefois.
Ils croyaient encore que sainte Marie du Ménez-Hom avait été proposée par Dieu à la conservation des mystérieuses cités qui dorment, enfouies sous les eaux, au large des plages armoricaines. Aux temps anciens, avant la disparition d'Is, elle fut la patronne de cette légendaire capitale de la Cornouaille. Quand la ville eut été submergée par les flots, le roi Gralon, qui s'était enfui sur son cheval gris pommelé, avec saint Guennolé en croupe, vint prendre terre au pied du Ménez-Hom. Sur les conseils du moine, il fit élever au sommet du mont une église expiatoire, de proportions modestes, mais qui reproduisait néanmoins en ses lignes essentielles la cathédrale d'Is. Il s'apprêtait même à y faire sculpter une sainte Marie en granit bleu toute pareille à celle que la mer avait engloutie avec toute la ville. Guennolé lui enjoignit d'attendre, et momentanément la niche destinée à la Vierge resta vide.
Mais, un soir, les pêcheurs de Cast, de Penn-Trez et de Plomodiern ne furent pas peu surpris de voir la silhouette rigide d'une femme, que le couchant nimbait d'or, s'avancer majestueusement sur la face de la mer. Elle marchait tout d'une pièce, comme une statue. Et c'en était une. Parvenue à la grève, elle s'engagea dans le sentier de la montagne, et, le lendemain - qui était un dimanche - la Vierge d'Is se dressait en pied dans l'église neuve du Ménez-Horn. Il paraît que dans sa main droite elle tenait une clef de fer artistement ouvrée. On en conclut que c'était la clef de la ville engloutie. Depuis, un proverbe eut cours, qui disait: " Si jamais sainte Marie descend du Ménez-Hom, ce sera pour rouvrir les portes de Ker-ls. »
Comme le gland engendre le chêne, ainsi le proverbe engendre souvent la légende. Plus tard on raconta dans le pays que la Vierge du mont quittait son piédestal tous les cent ans, durant la nuit de Noël, pour aller montrer le Mabik aux cités qui dorment sous les ondes. Bienheureux le vivant qui se trouvait, cette nuit-là, sur son chemin. La Vierge le priait de porter l'Enfant-Dieu et l'emmenait à sa suite dans les villes sous-marines ressuscitées. Il y assistait à de si merveilleux spectacles, y coudoyait une telle profusion de richesses que ses yeux en demeuraient éblouis pour l'éternité. »