Le couvent des Carmes
Historique
L’Ordre du Carmel, créé en Palestine et installé sur le mont Carmel au XIIe siècle, fut d’abord érémitique. Il devint mendiant et monastique quand ses membres vinrent se réfugier en Europe à la fin du XIIIe siècle. C’est le seul ordre monastique ayant un prophète, Elie, comme père spirituel.
Situé sur la colline qui domine le quartier du Rossio (nom historique de la place Don Pedro IV), le couvent des Carmes de Lisbonne fut construit dans le style gothique au XIVe siècle.
La première pierre fut posée en 1389 par le commanditaire, Don Nuno Álvares Pereira (grand connétable du Portugal, canonisé par le pape Benoît XVI en 2009 et devenu le saint patron de l'infanterie portugaise), pour célebrer la victoire d’Aljubarrota contre la Castille.
Par deux fois les fondations, faites dans un terrain sablonneux, s’écroulèrent. Les premiers Carmes s’installèrent finalement en 1392. Don Nuno, après la mort de sa femme et de sa fille, entra au couvent sous le nom de Frère Nuno de Santa-Maria.
Le couvent fut terminé vers 1423. L’église des Carmes devint la principale église gothique de Lisbonne, concurrençant la cathédrale. Au début du XVIe siècle, 70 moines y vivaient. En 1531, un tremblement de terre l’endommagea. La maison du chapitre, la bibliothèque et le réfectoire furent reconstruits, ainsi qu’un deuxième cloitre.
Mais le pire allait arriver. Le couvent fut en grande partie détruit par le séisme de 1755. La nef et le transept perdirent leur toit, la bibliothèque de plus de 5 000 volumes partit en fumée dans l’incendie qui s’en suivit. En 1558, une nouvelle chapelle fut construite et les religieux purent se réinstaller. Au début du XIXe siècle, une aile du couvent fut reconstruite dans le style néo-gothique.
En 1833, un régiment d’infanterie occupa une partie des bâtiments, puis, en 1834, les moines quittèrent les lieux. Les ruines de l’église faillirent laisser la place à un belvédère ou à des bains publics en 1860, mais en 1864, elles devinrent la propriété de l’Association Royale des Architectes et Archéologues Portugais qui y installa son siège.
C’est en 1866 que débuta la collection des antiquités qui allaient prendre place dans le chœur réhabilité, futur musée archéologique du Carmo.
La nef resta en ruine, répondant au goût de l’époque pour le romantisme.
Ce fut dans la caserne du Carmo, siège du commandement général de la gendarmerie nationale portugaise, que se réfugia le président du conseil de l'Estado Novo, Marcelo Caetano, pendant la révolution des Œillets en 1974. L'encerclement de la caserne fut conduit par le capitaine Salgueiro Maia. Cet acte débuta le mouvement d’une partie de l’armée, avec le soutien du peuple, qui renversa la dictature et mit en place la démocratisation du pays.
Sur la place en face du couvent, la fontaine du Carmo, conçue au XVIIIe siècle par Ângelo Belasco, est décorée par quatre dauphins.
Description
L’église fut conçue sur un plan en croix latine, avec 3 nefs, des transepts saillants, une abside polygonale à 4 absidioles en quinconce. Elle mesure 72m de longueur.
La façade tripartite ouest, annonçant les trois nefs, est percée d’un portail à archivoltes possédant des chapiteaux sculptés.
La rosace fut détruite par le séisme.
Le portail ogival est composé de sept archivoltes. Les piédroits se terminent en chapiteaux sculptés de figurines et de feuillages.
Cinq arcs boutants furent ajoutés en 1399 à la façade sud de l'église, afin de consolider les fondations ébranlées.
Le toit de la nef n’existe plus, mais il reste de beaux arcs boutants en ogive.La partie comprenant le chœur et l’ancienne sacristie, côté nord, fut fermée. Elle contient à l’heure actuelle le musée archéologique.
Le musée des Carmes
L’intérieur de l’ancienne église contient des pièces d’édifices ruinés lors du séisme, des fonts baptismaux du XVIe siècle,
la statue de Jean Népomucène, saint patron des bateliers, des flotteurs de bois, des meuniers, protecteur des ponts.
A l'entrée du musée on trouve une pierre, gravée de lettres gothiques, informant les visiteurs que le pape Clément VII (autrement dit Jules de Médicis, pape de 1523 à 1534) accorda 40 jours d'indulgence à tout fidèle chrétien ayant visité cette église. Ouf…merci Jules, toujours ça de gagné.
Fondé en 1864, le musée propose au public une collection, pas immense, mais intéressante, de pièces retraçant l’histoire de Lisbonne du Paléolithique à la fin du Moyen-âge.
Dans le chœur, des sarcophages, comme celui, datant de la période romaine (IIIe siècle), dit des Muses.
Le tombeau du roi Ferdinand Ier de Portugal (1367-1383), issu des comtes de Bourgogne, occupe la partie centrale. De nombreux éléments liés à l’alchimie sont sculptés dans la pierre : le laboratoire et ses récipients, l’union des contraires, etc. Ferdinand, petit cachotier…
La frise des lions, bel exemple de l’art mauresque du Portugal au IXe siècle. Des stèles funéraires du XIIIe siècle.
Une statue en pierre que l’on pense être celle d’Alphonse Ier.
Sur la gauche, on entre dans une pièce dédiée à deux archéologues portugais du XIXe siècle, Possidónio da Silva et Conde S. Januário, qui ont offert au musée un sarcophage égyptien de la dynastie ptolémaïque
et deux momies incas (un garçon et une fille) provenant du Pérou ainsi que des objets aztèques.
Plus loin, les statues des évangélistes du XVIIIe siècle ayant appartenu à l’église des Carmes.
Au milieu d’une autre pièce, la maquette de ce que fut le couvent.
Un saint Antoine du XVe siècle.
Une stèle dédiée à un héros indien datée du Xe siècle.
Mais la partie la plus intéressante à mes yeux sera celle de droite. Il y a là des pièces datant du Paléolithique et du Néolithique, provenant d’un site à environ 50 km au nord de Lisbonne, près d'Azambuja, appelé Vila nova de são Pedro.
Les pièces s’échelonnent entre – 3 500 et – 1 500 avant notre ère. Certaines des céramiques retrouvées ressemblent fortement aux artéfacts retrouvés sur les poteries d’Unstan Ware.
Ce qu’ils appellent des « objets rituels » (ça c’est quand ils ne savent pas à quoi ça sert), et les représentations en poterie d’ « idoles cornues »,
ou celles d’idoles tout court gravées sur des plaques de schiste ou sculptées dans l’os. L’idole allongée pourrait même être comparée à la Vénus des Orcades.
Les objets décoratifs et les bijoux ne dénoteraient pas dans un intérieur contemporain, ou aux étals de nos marchés, vous ne trouvez pas ?
Le site de fouilles a même été reconstitué sur maquette. On voit bien la triple enceinte protectrice.