Brough of Deerness
Sur la côte orientale de l’ile de Mainland, la péninsule de Deerness s’avance dans la mer du Nord. L’érosion marine, depuis plus de 400 millions d’années, a formé des grottes aux pieds des falaises de grès rouge, et parfois une partie des plafonds des grottes s’effondrent.
Le Gloup
C’est ce qui c’est passé au Gloup de Deerness, dans la réserve naturelle de Mull Head. Gloup vient du vieux norrois gluppa, qui veut dire gouffre, et non pas du vocabulaire de Pifou dans Pif Gadget, pas gloup, pas gloup. L’ancienne grotte, envahie par l’eau, est séparée de la mer par un pont de terre.
Une petite passerelle, en contrebas, permet d’apprécier les forces de la nature mises en œuvre pour arriver à un tel résultat.
Le Gloup mesure 40m de long, ses bords font 25m de hauteur.
Le Brough of Deerness
En suivant le sentier côtier vers le nord depuis le Gloup, on arrive au Brough of Deerness.
Le chemin escarpé descend le long d’une falaise de 30m de hauteur jusqu’à la plage de Little Burrageo, puis remonte sur un rocher de 80m de long, séparé de l’ile depuis bien longtemps.
C’est sur son sommet couvert d’herbes que les vikings se sont installés, apparemment sur les ruines de bâtiments plus anciens, datant de la période picte.
Les fouilles de 1970 ont mis à jour les murs d’une trentaine de maisons de style typiquement scandinave, du XIe siècle, entourant une chapelle parfaitement orientée. Les maisons furent abandonnées pour une raison inconnue vers la fin du XIIe siècle.
De nombreux artefacts furent mis à jour, comme ce morceau d’alliage de cuivre recouvert d’inscriptions runiques.
Les archéologues, malgré les fouilles, ne sont pas tous d’accord sur ce que fut le Brough. Les uns parlent d’un bastion fortifié de l’Âge du Fer, les autres du village et de la maison d’un chef viking, ou encore d’un ancien monastère et de sa clôture. Moi je dirai peut-être les trois mon capitaine.
Ce qui est sûr, c’est que par sa situation défensive, le peu de sépultures qui furent retrouvées, l’organisation hiérarchique de l’espace, le manque de sculpture religieuse et la présence d’objets à connotation plus guerrière poussent à penser que le monastère, s’il a existé, n’est pas resté bien longtemps monastère.
Quoi qu’il en soit, il est fort probable qu’un pont ait relié le rocher à l’ile, et les restes d’un mur défensif sont encore visibles.
La chapelle
La chapelle fut tout d’abord construite en bois, vers le VIe siècle. Puis elle fut abandonnée durant une longue période, jusqu’à ce que les vikings païens se convertissent au christianisme.
Puis elle fut reconstruite en pierre au Xe siècle et entourée d’un muret. Quelques pièces de monnaie frappées pendant le règne d’Aedgar (entre 959 et 975) furent retrouvées dans l’enceinte.
L’usage religieux du site est confirmé par la présence d’un autel en pierre et l’utilisation de l’enceinte pour des enterrements chrétiens (la tombe de deux enfants fut creusée contre le mur est de la chapelle).
L’utilisation de la chapelle continua durant la période médiévale. Le sol fut dallé, des bancs de pierre furent installés.
Elle fut abandonnée à la fin du XVIe siècle, mais quelques auteurs parlent de pèlerins continuant de visiter le site en donnant des offrandes, ce qui fut confirmé par les fouilles : 32 pièces de monnaie datant de 1642 à 1860 furent retrouvées.
Jo Ben écrivit, en 1529, dans son livre « Descriptio Insularum Orchadiarum » :
"The people on bended knees and with clasped hands, without confidence in the God that is, supplicate the bairns of Brugh with many incantations, throwing stones and water behind them, and walking twice or thrice round the chapel. Having finished their orations they return home, affirming that they have performed their vows. Here they do not worship God purely."
« Les gens à genoux et les mains jointes, sans confiance envers le Dieu qui est, supplient les enfants du Brugh par de nombreuses incantations, jetant des pierres et de l’eau derrière eux, puis faisant deux ou trois fois le tour de la chapelle. Après avoir terminé leurs oraisons ils rentrent chez eux, affirmant qu'ils ont accompli leurs vœux. Ici, ils ne vénèrent pas Dieu dans la pureté ".
Le mot « bairns of Brugh », traduit dans le livre par enfants du Brough, provient plus certainement de la tentative d’anglicisation du mot viking « baenhus », littéralement la maison de prière.
Et je dirai que les pèlerinages continuent. Peut-être pas de la façon dont on peut l’imaginer d’ailleurs, il m’a semblé que l’atmosphère de la chapelle était fortement teintée de magie noire lors de ma visite.
Par contre, en continuant vers la falaise, le petit bout de rocher sur lequel on regarde l’orient et le soleil qui se lève…
d’ailleurs, j’étais espionnée.
http://www.orkneyjar.com/history/broughofdeerness/
http://www.arch.cam.ac.uk/research/projects/deerness
http://www.undiscoveredscotland.co.uk/eastmainland/broughofdeerness/
http://www.arch.cam.ac.uk/research/projects/deerness/adsr-2008