Historique
L'église est située à l'intersection de l'ancienne voie romaine nord/sud, l'actuelle rue Saint-Martin, et de l'axe est/ouest, les rues Saint-Antoine, de la Verrerie et Saint-Honoré. La tradition rapporte que cette partie de la rive droite fut connue depuis fort longtemps par son caractère sacré, et qu'il s'y dressaient 3 mégalithes adorés par les Gaulois.
Au VIIème siècle, Médéricus (devenu Merri par contraction), abbé de Saint-Martin d'Autun, séjourna et mourut dans cet endroit le 29 août 700. Il revenait d'un pélerinage à Saint-Denis ( qui n’est que la version chrétienne du Dionysos grec ), et, malade, avait décidé, en compagnie de Frodulphe (saint Frou) de se retirer dans l'ermitage avoisinant l'oratoire Saint-Pierre-des-Bois où son corps fut inhumé.
En 884, lors du dernier siège de Paris par les normands, l'évêque de Paris Gozlin fait exhumer et mettre en châsse les restes de Saint-Merri, désormais considérés comme des reliques. C'est à cette époque que saint Merri est choisi pour devenir le saint patron de la rive droite. Peu après, la chapelle fut érigée en collégiale.
Le culte du saint abbé fut à l'origine d'une nouvelle église Saint-Pierre-Saint-Merri sur l'initiative d'un officier royal qui défendit Paris contre les vikings, Eudes ou Odon Le Fauconnier, au Xème siècle. Même si la date exacte de construction reste hypothétique, on sait que Eudes Le Fauconnier a bel et bien existé, puisque lors de la reconstruction de l'église au XVIème siècle, on découvrit dans le vieux cimetière le squelette d'un guerrier chaussé de bottes de cuire doré, avec l'inscription: "Hic jacet vir bonae memoriae Odo Falconarius fundatur hujus ecclesiae".
L'église fut donnée vers 1005 au chapitre de Notre-Dame et fut desservie par 7 chanoines du chapitre de la cathédrale. Surnommée "Notre-Dame la Petite", elle est ainsi l'une des quatre "filles de Notre-Dame" et la dernière subsistante aujourd'hui. Il en reste une fenêtre sur la rue Saint-Martin. A cette époque, un cloître attenait à l'église ( rues Brisemiche et Taillepain ).
Sous François Ier, l'accroissement de la population du quartier rendit nécessaire la reconstruction de l'église qui fut commencée en 1521 et ne fut terminée qu'en 1612. Une crypte fut ménagée à la place du caveau où se trouvait le tombeau du saint. Fermée en 1793, l’église devient une fabrique de salpêtre. De 1797 à 1801, des théophilanthropes en font le « temple du Commerce ». Elle finit par être rendue au culte catholique en 1803.
Description
Bien qu'elle fut faite en pleine Renaissance, elle porte tous les caractères des édifices du Moyen âge en style entièrement flamboyant, et son portail est rempli de détails élégants et très symboliques. « Devant l'église il y avait autrefois, rapporte Sauval, une espèce de parvis qui ressentait fort la primitive église ; surtout ces deux lions qui en gardoient les deux côtés de l'entrée, étoient une auguste et terrible marque de ce saint lieu et donnoient une certaine terreur et respect aux passants ».
L'édifice se développe sur cinq nefs en ogive qui viennent aboutir à la croisée. Il présente la double particularité de comporter un bas-côté supplémentaire au sud et d'avoir le même plan que Notre-Dame (le chœur étant sensiblement égal en longueur à la nef). L'hémicycle du chœur est formé de treize ogives.
La façade, de style gothique flamboyant, est recouverte de dais, d'arcatures, de baldaquins, de frises de feuillages et d'animaux fantastiques, notamment sur les chambranles des porches latéraux. En son centre figure un grand porche ogival. Le portail principal est percé de trois portes ogivales surmontées de crossettes et de fleurons. Les voussures sont sculptés de multiples statuettes (martyrs, anges). Sur les piédroits figurent les statues d'apôtres réalisées par les sculpteurs Louis Desprez et Joseph Brun au XIXème siècle. Son flanc nord a été dégagé en 1950 des maisons qui s'y appuyaient.
Le clocher carré ayant été doté d'un troisième étage en 1612, a retrouvé depuis l'incendie de 1871 sa hauteur d'origine (deux étages). À gauche, on peut observer une tourelle octogonale décorée d'arcatures, surmontée d'un campanile abritant la plus ancienne cloche de Paris (1331).
La nef à cinq travées et à voûte en ogive fut achevée en 1520. Les travées à arcades en tiers-point sont soutenues par de grands piliers à fûts multiples. Elle a la particularité de n'avoir qu'un bas côté nord, et deux bas côté sud.
Le chœur, achevé en 1552, est l'œuvre du maître-maçon Pierre Anglart. Sa longueur est sensiblement la même que la nef.
Une grande gloire en bois doré de 1753, agrémentée de têtes de chérubins domine le maître-autel en marbre. Celui-ci a été décoré par Karl-Henri Lehmann de panneaux sur fonds or représentant les Apôtres et des têtes d'anges représentant la Joie et la Tristesse.
C'est par un étroit escalier de quinze marches qu'on descend dans la crypte, chapelle souterraine qui remplace celle où fut le tombeau de Saint-Merri.
Achevée dès 1515 sous la cinquième chapelle à gauche de la nef, elle abrite depuis 1884 la châsse contenant les reliques du saint. De plan carré, les voûtes des quatre travées retombent sur un massif pilier central dont le chapiteau est orné de grappes et de raisins. Elle abrite également la dalle funéraire de Guillaume Le Sueur (mort en 1530) et de sa femme Radegonde Budé (morte en 1522).
Symbolique
C'est sur la façade de Saint-merry que nous rencontrons le plus de symboles. Même si l'église fut construite après l'épisode des tours inachevées cher à Raoul Vergez, il n'en reste pas moins que les maîtres sculpteurs ont posé sous nos yeux d'étranges figures. A commencer par celle que tout le monde connait, je veux parler du Baphomet. Que de bêtises n'ont-elles pas été dites à son propos. Ce que l'on ne connait pas, on le craint. C'est ainsi que le Baphomet devint la représentation du diable, au même titre que la lame XIII des Tarots.
Celui de Saint-merry n'est pas à proprement parler un Baphomet, représenté généralement en buste, avec les mains supportant la tête, une tonsure, des cornes, des ailes et tirant la langue. Ici, nous avons plus à faire avec une symbolique alchimique classique. Rien d'étonnant, dans ce quartier où les Templiers, Nicolas Flamel et Dame Pernelle ont déhambulé.
Il a été dit que cette figure fut faite pendant la restauration de l'église au XIXème siècle. Mais en 1870, Louis de Ronchaud, directeur de l’Ecole du Louvre, rendit un rapport dans le cadre d’une étude sur l’Inventaire général des richesses nationales et affirma que cette sculpture était d’origine, et non rajoutée en 1842.
Finalement, quelle importance. Ce qui est étonnant, c'est que cette église, à la place du Christ en majesté que l'on rencontre le plus souvent sur les frontons, ou de Marie pour les églises qui lui sont consacrées, porte cette figure hermaphrodite, symbole de la Sagesse. En effet, il me semble que la meilleure traduction, parmi les nombreuses proposées, reste celle de l'étymologie arabe, « bafè, “immersion”, et metis, “sagesse”, donc à la lettre “baptême de sagesse”, donc pas d'idole barbue mais la représentation symbolique d'une opération ésotérique apprise par les Chevaliers du Temple en Orient. »
Fulcanelli nous en dit : « Baphomet vient des racines grecques Βαφεύς , teinturier, et μής , mis pour μήν , la lune ; à moins qu’on ne veuille s’adresser à μήτηρ, génitif μητρός , mère ou matrice, ce qui revient au même sens lunaire, puisque la lune est véritablement la mère ou la matrice mercurielle qui reçoit la teinture ou semence du soufre, représentant le mâle, le teinturier,-Βαφεύς – dans la génération métallique. Βαφή a le sens d’immersion et de teinture. Et l’on peut dire, sans trop divulguer, que le soufre, père et teinturier de la pierre, féconde la lune mercurielle par immersion, ce qui nous ramène au baptême symbolique de Mété exprimé encore par le mot baphomet . Celui-ci apparaît donc bien comme l’hiéroglyphe complet de la science, figurée ailleurs dans la personnalité du dieu Pan (tout, universel) image mythique de la nature en pleine activité… »
Bernard Roger précise : « Quant au petit hermaphrodite (…) il ne saurait mieux justifier sa présence qu’au travers des acteurs du drame alchimique, parmi lesquels il trouve une ressemblance frappante avec le Rebis, être bisexué né des amours d’un vieillard et d’une jeune vierge, fixe et volatil, personnage central, polaire, principe de l’Oeuvre voué à la destruction, et dont la mort doit donner naissance au phénix, jeune roi ou pierre philosophale triomphante. Au pied de l’archivolte, de part et d’autre de la porte, un dragon ailé et un dragon aptère rappellent la nature des deux protagonistes minéraux du début des travaux. »
Nous retrouvons d'ailleurs un autre hermaphrodite, l'escargot, sous la voussure de la façade. "L'escargot, qui sort de terre après la pluie, est un symbole de régénération cyclique, de la mort et de la renaissance. Il illustre le thème de l'éternel retour : il montre et cache ses cornes comme la lune apparaît et disparaît. Il participe du printemps humide, et ne sort de terre qu'après la pluie. Il signifie aussi la fertilité par sa spirale et le développement de la corne. Comme le coquillage, il présente aussi un symbolisme sexuel."
"Parmi les anciennes traditions encore préservées, quoique morcelées jusqu'à devenir parfois incompréhensibles, on peut trouver une référence aux cérémonies qui étaient célébrées dans l’Égypte ancienne, notamment dans le labyrinthe d’Abydos en forme d’escargot. Toutes étaient relatives au temps. L’escargot est donc un symbole du temps et l’homme qui pénétrait dans ses détours mystérieux devait passer une série d’épreuves liées au temps. À la sortie, il devait avoir, en quelque sorte, transcendé la signification du temps. Tel était le symbole attribué à l’escargot, avec sa maison sur le dos, avec son temps de petites expériences sur les épaules, mais avec la capacité de lever les yeux et les antennes au-dessus de sa tête, de son corps, au-dessus de la matière inerte et pesante."
En tous cas, nous avons dans la crypte une belle représentation d'un acrobate, l'initié qui commence son retournement par ses jambes qui montent en direction du ciel.
Sur un autre pilier, peut-être le maître alchimiste, montrant ses yeux pour mieux que nous voyions, et son coeur, pour mieux que nous comprenions...
Et nous finirons par Marcel Schwob, qui, en une étude consacrée à l’Argot français, et mentionnant le Jargon des Coquillars, précise que du temps de François Villon, le jeu de la Marelle était désigné sous le nom de saint-marry ou saint-joyeux.
http://www.saintmerri.org/saintmerri/histoire.htm
http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89glise_Saint-Merri_(Paris)
http://nezenlair.unblog.fr/2007/04/14/saint-merri-ou-leglise-du-diable/
http://larocheauxloups.wordpress.com/2009/05/05/promenade-alchimique-dans-paris-avec-richard-khaitzine/