L'abbatiale Saint-Léger
Sur la clé de voute du porche d'entrée figurent les armes du prince-abbé : le lévrier d'argent surnommé autrefois le chien de Murbach par les habitants. L'abbaye comptait parmi les plus riches et les plus influentes de l'époque, et pour être admis à Murbach, il fallait faire preuve de seize quartiers de noblesse : "orgueilleux comme un chien de Murbach" dit encore la chronique populaire.
L'abbatiale est considérée comme l'un des grands chefs-d'œuvre de l'art roman rhénan. Comme pour la Cathédrale de Strasbourg, le matériau de construction est du grès rose des Vosges. Sa construction au XIIème siècle est une superbe synthèse de ce qui se faisait dans l’Empire à cette époque. Par contre, les fouilles archéologiques de 1984 ont permis de dire qu'elle ne fut pas construite sur l'abbatiale primitive, qu'il faut chercher ailleurs.
Le bâtiment faisait environ 50 m de long et comportait une nef et deux bas-côtés détruits en 1768, afin de laisser la place à un édifice baroque qui ne verra jamais le jour.
Le chœur possède deux chapelles latérales et le transept est surmonté des deux tours à 5 étages.
Deux contreforts contrebutent la poussée des voûtes du transept depuis la démolition de la nef.
Le chevet est plat et accosté des deux chapelles qui communiquent avec le chœur par une triple arcature en plein cintre, et dont les doubles fenêtres géminées montrent qu'elles possèdent un étage.
Il y avait déjà un orgue à Murbach avant 1652, l'actuel date de 1906. Les tuyaux de sa façade furent réquisitionnés en avril 1917. En 1986, l'orgue était encore injouable.
La façade est remarquable par son élégance et sa décoration. Au-dessus des deux rangées de fenêtres à arcades, une superbe galerie aveugle à colonnettes est richement sculptée.
Cette galerie de 17 piliers différents sans aucune utilité pratique est ornée de sculptures représentant des visages, des figures géométriques et des animaux. Au centre, un temple octogonal écrasant un monstre contient une vigne, des ânes ou des chiens imitant les moines jouent de l'orgue, d'un instrument à cordes, l'un chante, l'autre balance un encensoir... Que de symboles.
Le décor du chevet n'offre aucune unité apparente, et se présente comme un ensemble de petites sculptures disséminées selon une logique adressée aux seuls initiés : Samson écartant les piliers du temple, un arbre de vie, des entrelacs, un vieillard levant une coupe à côté d'un ange (le Graal qu'il faut atteindre et que l'abbatiale nous aide à trouver ?), deux dragons enlacés se mordant la queue (représentation des énergies telluriques), une tête humaine crachant un serpent (ou l'avalant, le serpent étant symbole de connaissance).
Un abbé assis sur son trône écoute la confession d'un pénitent agenouillé. Sur le dos de ce dernier se tient un diable grimaçant lui ayant passé une corde au cou. Mais les deux personnages font un clin d'oeil... Bien. Ce n'est donc pas pour confesser une faute si grave que le personnage considéré comme un pénitent est déjà passé en enfer, mais ce personnage se libère de la corde passée à son cou par le diable symbolisant la matière, et pour se faire, il écoute l'abbé. C'est la lecture à l'envers.
Sur le tympan du portail du bras sud du transept deux lions affrontés encadrés de palmettes et de raisins surveillent l'entrée. L'un d'eux tire la langue, comme un baphomet montrant la force de la parole.
Sur le chapiteau de droite, un renard mange des raisins : la vigne symbole de connaissance initiatique.
Un homme se tient la tête entre les mains (l'intellect supporté par le manuel), un autre s'enlève une épine du pied (pour un meilleur ressenti des énergies), et plusieurs scènes de chasse à l'envers : un lièvre assomme un chasseur. Nous sommes bien dans la quête du graal, dans la conception templière du baphomet.
Les abeilles ne s'y sont pas trompées.
L’intérieur, étroit et tout en hauteur (près de 19 mètres), abrite deux monuments funéraires. Le premier est le gisant du comte Eberhard, construit au XIIIème siècle en grès peint.
Le second monument funéraire est celui de 7 moines morts lors de l’invasion des Hongrois au Xème siècle, recouvert d'une dalle baroque datant de 1706. Sur son devant, un relief pré-roman montre 4 bustes stylisés et une inscription du XIIème siècle rappelant la destination de ce tombeau.