San Pietro in Vincoli
San Pietro in Vincoli fut tout
d'abord l'un des tituli de Rome, Titulus Eudoxiae ad Vincula. L'église fut
construite sur les ruines d'une villa impériale en 442 à la demande de l'Impératrice
Eudoxie, ou Licinia Eudoxia, fille de Théodose et épouse de Valentinien, afin
de conserver les chaînes de saint Pierre, l'une provenant de la prison Mamertine
de Rome, les autres de la prison de Jérusalem, encore visibles aujourd'hui dans
la châsse qui se trouve sous le maître-autel. Le contact de ces chaînes
guérissait les malades et chassait les démons. La fête des chaînes de saint
Pierre est célébrée encore de nos jours avec une grande solennité, le 1er août.
Extrait de la légende dorée de Jacques
de Voragine :
"Ce fut donc en mémoire et en
l’honneur de la victoire qu’Auguste remporta le premier août que tous les
Romains solennisaient ce jour, jusqu'à l’époque de l’empereur Théodose qui commença
à régner l’an du (333) Seigneur 426. Eudoxie, fille de ce Théodose et épouse de
Valentinien, se rendit à Jérusalem pour accomplir un voeu. Ce fut là qu'un Juif
lui offrit, pour une somme importante, les deux chaînes dont saint Pierre avait
été lié sous Hérode. Revenue à Rome aux calendes d'août, et voyant le Romain
célébrer une fête en l’honneur d'un empereur qui était idolâtre, elle fut
affligée de ce qu'on rendait de si grands honneurs à un homme damné : elle
reconnut qu'il ne serait pas facile d'abolir cette espèce de culte passé en
coutume; alors elle pensa à laisser subsister cet état de choses, mais dans le
but que la solennité aurait lieu en l’honneur de saint Pierre, et que tout le
peuple nommerait ce jour la fête de saint Pierre aux Liens. Après en avoir
conféré avec le saint pape Pélage, ils unirent leurs efforts pour porter le
peuple, par des exhortations flatteuses, à laisser dans l’oubli la mémoire du
prince des païens, pour faire une mémoire solennelle du prince des apôtres. La
proposition ayant obtenu l’assentiment universel, Eudoxie fit connaître qu'elle
avait rapporté de Jérusalem les chaînes de saint Pierre et les montra au
peuple. Le pape, de son côté, produisit la chaîne dont le même apôtre avait été
lié sous Néron. On les mit ensemble et alors eut lieu ce miracle par lequel de
ces trois chaînes, il s'en forma une seule, comme si elle n'eût pas été
composée de différentes pièces. En même temps, le pape et la reine décidèrent
que l’honneur rendu à un païen, qui était damné, serait attribué à plus juste
titre au prince des apôtres. Le pape donc avec la reine plaça les chaînés dans
l’église de Saint-Pierre-aux-Liens. Il l’enrichit de grands privilèges et
institua que ce jour serait fêté en tous lieux. Voilà ce que dit Bède. Sigebert
rapporte la même chose. On vit en l’an du Seigneur 969 combien grande était la
puissance de cette chaîne car un comte, proche parent de l’empereur Othon, qui
fut saisi, aux yeux de tout le monde, par le diable d'une façon si cruelle,
qu'il se déchirait avec les dents. L'empereur ordonna alors qu'on le menât au
pape Jean, afin de lui entourer le cou avec la chaîne de saint Pierre. On lui
mit d'abord au cou une autre chaîne qui ne délivra pas le possédé, car il n'y
avait en elle aucune vertu ; enfin on prend la chaîne de saint Pierre et on la
met au cou du furieux : mais le diable ne put supporter le poids d'une si
grande puissance, et se retira aussitôt en jetant un cri affreux en présence de
tous les assistants."
Extrait de "A plus hault
sens" de Claude Gaignebet :
"Selon Bède le vénérable au
IXème siècle, la fête de saint Pierre avait pour but la destruction du rite des
gentils. Les romains solennisaient le 1er août la victoire d'Octave Auguste en
Egypte. Eudoxie, la fille de Théodose, acquit en 426 les chaînes de saint
Pierre lors d'un voyage à Jérusalem. Elle revint à Rome un 1er août et,
constatant qu'il serait difficile d'abolir la coutume, décida de remplacer
Octave par saint Pierre.
A cette date du 1er août en Egypte,
Octave n'a pu, en fait, que redonner quelques lustres aux fêtes très anciennes
qui marquaient le début de l'année sothiaque et la crue du Nil. A Rome même,
les fêtes des chaînes de saint Pierre auraient-elles recouvert des cérémonies
égyptiennes introduites à l'occasion du déferlement des religions orientales
dans la capitale ?
L'étude des traditions indigènes,
plus particulièrement celle de la fête celtique Lugnasad du 1er août laisse
envisager d'autres hypothèses..."
Bien. Nous voyons par cet exemple
que rien n'est dû au hasard, même pas les légendes. Zut alors. Les papes des
premiers temps du christianisme ont bien joué le coup.
Revenons à San Pietro. L'église fut
restaurée par le pape Adrien Ier (772-795) puis reconstruite par le pape Sixte
IV (1471-1484) puis par le pape Jules II (1503-1513). Restaurée en 1875, elle
est desservie depuis par les Chanoines réguliers du Latran.
Le portail d'entrée date du XVème siècle et cache l'ancienne façade.
Construite sur le modèle des
basiliques à 3 nefs auxquelles s'ajoute un transept, l'église contient 22 colonnes doriques antiques qui étonnamment ont
des bases ioniques. La tradition dit qu'elles ont été prises dans la basilique
où saint Pierre fut condamné. Il est plus probable qu'elle provinssent d'un
temple grec.
Une mosaïque byzantine du VIIème
siècle représentant saint Sébastien, barbu et portant un uniforme byzantin, se
trouve au dessus du deuxième autel sur la gauche.
La crypte derrière le sanctuaire contient un ancien sarcophage romain censé contenir les reliques des saints Macchabées, 7 sept héros juifs morts pour protéger la loi mosaïque. Les reliques furent transportées à San Pietro par le pape Pélage (556-561). Je n'ai pas pu y accéder.
L'oeuvre la plus célèbre reste le
Moïse de Michel-Ange, sculpté en 1545, que l'on trouve à la droite de l'autel.
Il fut fait pour le tombeau du pape Jules II, censé se trouver au Vatican. 47
autres statues devaient l'accompagner, mais le projet ne fut jamais terminé.
Les statues de Léa (à droite symbolisant la vie active) et Rachel (à gauche, la
vie contemplative), entourant Moïse, sont aussi de Michel-Ange. Le reste du
monument fut réalisé par ses élèves. On dit que Michel-Ange fut tellement impressionné du résultat de son travail qu'il
jeta son marteau contre la statue en criant "pourquoi ne parles-tu pas
?".
Avec le Moïse, nous voilà revenus en
Egypte : Sigmund Freud est venu étudier la statue à Rome. Il considérait Moïse
comme égyptien, et non pas juif. Selon lui, il fut un prêtre adepte du culte du
soleil, qu' Akhenaton mit en place en Egypte vers -1372. Selon lui, Moïse aurait
demandé la protection des juifs, à l'origine ancienne tribu égyptienne. Je
conseille vivement à ce propos la lecture du livre d'Henri Blanquart, "les
mystères du peuple juif", aux éditions du Léopard d'Or, si vous arrivez à
le trouver !
Encore une chose : Michel-Ange a
sculpté un Moïse pourvu de cornes. On dit que ce fut le résultat d'une erreur
de traduction que fit Jérôme dans sa Vulgate: il confondit le terme hébreu
qâran qui signifie "émettant des rais de lumières, rayonnant" avec le
terme qèrèn, substantif qui signifie "cornes" (Exode, 34, 29). En
gros, la traduction exacte devait être "la peau de son visage rayonnait
chaque fois qu'il avait pris contact avec son dieu" et Jérôme en fit
"Ils voyaient que la face de Moïse était cornue". Mais est-ce bien un
erreur ? Jérôme devait maîtriser assez le latin pour ne pas commettre ce genre
de contresens. Il connaissait bien des rabbins, il pouvait en plus se
renseigner auprès d'eux s'il doutait.
Voici ce que Jean Chevalier et Alain
Gheerbrant proposent comme définition des cornes dans leur dictionnaire des
symboles:
"La corne a un sens d'éminence,
d’élévation. Son symbolisme est celui de la puissance. Ce symbolisme est lié à
Apollon-Karneios et à Dyonisos : il fut utilisé par Alexandre le Grand qui prit
l'emblème d'Amon, le bélier, que le livre des morts égyptien nomme
"seigneur des deux cornes". Les guerriers de divers pays, et
notamment les gaulois, ont porté des casques à cornes. La puissance des cornes
n'est d'ailleurs pas seulement d'ordre temporel.
Les cornes de bélier, note Guénon,
sont de caractère solaire, les cornes de taureau de caractère lunaire. Il est
de fait que l'association de la lune et du taureau est bien connue des
sumériens et aussi des hindous.
Les cornes des bovidés sont
l'emblème de la Magna
Mater
Si la corne relève le plus souvent
d'un symbolisme lunaire, et donc féminin, elle peut aussi devenir un vecteur
symbolique solaire et mâle.
Les cornes représentent un principe
actif et masculin par leur forme et par leur force de pénétration, un principe
féminin par leur ouverture en forme de lyre et de réceptacle. En réunissant ces
deux principes dans la formation de sa personnalité, l'être humain parvient à
la maturité, à l'équilibre, à l'harmonie intérieure."
Bien. Nous voyons par cet exemple
que rien n'est dû au hasard, même pas les légendes. Zut alors. Les artistes
connaissants de tout temps du christianisme ont bien joué le coup.
Jérôme fait une autre erreur quand
il traduit BETOULA, “jeune femme”, par “vierge”. D’où le dogme de
Mais
là, c'est une autre histoire. (http://www.abbaye-saint-benoit.ch)
http://www.rome-passion.com/saint-pierre-aux-liens.html
http://fr.wikipedia.org/wiki/Basilique_Saint-Pierre-aux-Liens