La Tribune
La chapelle du prieuré est divisée en deux parties par un portique en marbre rose, la tribune. Le transept et l'abside sont réservés au culte monacal alors que la partie ouest de la nef et le collatéral sont réservés à la mission d'évangélisation.
La tribune est considérée comme l'exemple le plus remarquable de travail de sculpture pour l'époque romane en Pays Catalan. La qualité du matériau, le marbre de Villefranche-de-Conflent, contribue à magnifier le chef d'oeuvre des artistes sans nom qui l'ont faite, sans doute peu avant 1150.
La tribune a une forme à peu rectangulaire de 5,60 x 4,80 pour une hauteur de 3,10 mètres. Une balustrade, dont il ne reste aujourd'hui que quelques restes sculptés, dominait cet ensemble sur une hauteur d'environ 1,50 mètre. Le dessus du portique est une simple plate-forme destinée aux chants liturgiques.
Les croisées d'ogives présentes sous la tribune ne sont en aucun cas une forme primitive de voûte gothique : elles ont ici un rôle purement décoratif, afin de cacher la voûte d'arête les surplombant sans jamais les toucher.
Trois arcades surmontées d'une corniche composent la façade. Son aspect ciselé en faible relief s'oppose aux chapiteaux en ronde-bosse.
Elle reprend dans son décor les symboles chrétiens tirés du texte de l'Apocalypse, placés dans les écoinçons des arcs. A l'extrémité, deux anges aux mains ouvertes, leurs ailes couvrant leurs corps. Le lion symbole de Marc est placé à côté de l'aigle de Jean. A l'opposé, le taureau symbole de Luc, voisine l'homme ailé de Mathieu.
Ces quatre représentations entourent l'image du Christ, représenté sous les traits de l'Agneau disposé dans une mandorle. Autour de ce message, un décor végétal varié, de palmettes, de rose à quatre pétales et de rinceaux occupe la surface.
A l'exception d'un chapiteau mettant en scène Saint Michel terrassant le dragon (normal dans une chapelle dédiée à la vierge, les parèdres sont toujours présents), la sculpture de Serrabone n'est pas narrative, mais symbolique. Et là, un livre entier n'y suffirait pas.
Citons quand même la présence de Cernunnos, en face du sagittaire qui le blesse de sa flèche, le tout observé par un homme tonsuré (l'ancienne religion terrassée?), puis un centaure et un lion, que l'homme tonsuré tient respectivement par la langue et par l'oreille ( la parole de l'ancienne tradition racontée à la nouvelle, ou bien Chiron enseignant le lion solaire).
Il existe même un lion acrobate, les pattes dressées vers le ciel...