La spirale
Nous retrouvons cette « courbe qui tourne autour d'un point fixe en s'en éloignant » un peu partout dans la nature, de l’infiniment petit de la coquille du bébé limaçon aux nuages formant un cyclone, aux bras des galaxies.
Cette formation naturelle est aussi fréquente dans le règne végétal, comme dans les vrilles de la vigne ou les crosses de la fougère.
La spirale est liée au mouvement et au temps. Elle figure un mouvement cyclique infini, partant d’un point central en évolution ou retournant au point central en involution. C’est une énergie qui part d’un point fixe, avec ses polarités, solaire dans un sens et lunaire dans l’autre, porteuse de vie et porteuse de mort.
Elle peut devenir labyrinthe initiatique, comme le jeu de l’oie, comme la lieue de Chartres.
On retrouve la représentation de ce symbole chez nos anciens, sur tous les continents. Il sera gravé sur les mégalithes, comme sur la pierre d’entrée de Newgrange. La spirale fut reprise abondamment par les Celtes dans leur iconographie, symbolisant le mouvement et la vie. Elle deviendra même double, à l’instar des serpents du Caducée, et triple dans le triskel.
Les statues-menhirs
Les statues-menhirs sont des pierres levées sculptées de façon anthropomorphe, c’est-à-dire qu’elles représentent ou suggèrent un humain. Ces statues sont présentes partout en Europe, du Portugal à l’Ukraine même si certaines régions sont plus riches que d’autres, comme la Crimée ou le sud de la France.
Les plus anciennes de ces statues-menhirs, que l’on nomme parfois stèles ou dalles, sont datées, selon les archéologues, du Néolithique, vers 3 800 avant notre ère. Les statues corses font parties des plus récentes.
Celles des steppes de l’Europe de l’est seraient à l’origine du concept, montrant l’apparition de nouveaux outils comme les poignards en cuivre et les haches plates. Certains parlent de la culture de Maïkop comme leur berceau. Cela a pour moi son importance, m’intéressant de près à cette région, entre Turquie, Arménie et Iran.
Après la Corse, Filitosa et le plateau de Cauria, c’est au musée Soulages de Rodez que j’ai découvert une de ces statues. En effet, bien mise en valeur au milieu de l’immense salle, la statue-menhir de la Verrière accompagne de ses stries les peintures en « outrenoir » du peintre qui déclara dans son livre Statues-menhirs, des énigmes de pierre venues du fond des âges, aux éditions du Rouergue :
« Lorsque pour la première fois j'ai vu les stèles gravées du musée Fenaille ce fut un choc. Ces pierres venant de loin allaient loin en moi. J'y lisais certes une volonté d'aller à l'essentiel pour arracher au bloc inerte une présence humaine. Mais surtout je me suis senti proche de l'homme qui avait gravé ainsi, sculpté ainsi. …
…Ces statues-menhirs se présentent comme des œuvres hors d'un temps, d'une consistance indéfectible. C'est la densité, la frontalité, l'impression d'une puissance permanente. On sait qu'elles sont préhistoriques, mais leur présence, leur force surgies du passé, les fait aussi y échapper et nous en oublions leur origine. Elles sont là, devant nous, énigmatiques et fascinantes. Ce qui me touche c'est la charge d'émotion portée par ce monolithe grossièrement, péniblement mais fortement gravé, élevé à la dignité de figure. ...
…Au-delà d'une représentation, ce qui m'anime c'est la force de cette présence. Ces statues-menhirs nous atteignent indépendamment de l'époque et du lieu de leur création. … Ce ne sont pas les significations, connues ou non, qu'elles pouvaient avoir pour leurs auteurs qui nous concernent. Nous n'avons ni les mêmes religions, ni les mêmes mythes, nous vivons dans des sociétés différentes, et pourtant elles ont le pouvoir de provoquer et de répondre à ce que nous y investissons de nous-mêmes, maintenant. La vie d'une œuvre est faite par ceux qui la voient.
Les statues-menhirs du musée Fenaille sont suffisamment allusives pour ne pas appartenir à un art "abstrait" (dans l'acception actuelle de ce mot) et, bien qu'allusives, elles ne représentent pas, elles présentent. Elles n'expriment pas, elles sont. »
« C’est peut-être à cause des émotions que j’ai eues devant ces objets que j’ai été amené à regarder ailleurs et peut-être même à guetter, pendant que je peignais, ces moments d’origine. »
Soulages a donc ressenti des émotions particulières en présence de ces statues, comme il en a eu devant l’abbatiale de Conques, ce qui n’est pas sans rappeler Andrée Putman et son amour pour Fontenay. Je suis donc allée visiter, après le musée Soulages, le musée Fenaille.
La première partie du musée est effectivement consacrée aux statues-menhirs du Rouergue. Et la première, celle qui nous accueille, s’appelle la Dame de Saint-Sernin.
Cette statue-menhir fut découverte en 1888 par un jeune vicaire, Frédéric Hermet, abandonnée le long d’un chemin à Saint-Sernin-sur-Rance, en Aveyron. C’est à partir de cette découverte que l’intérêt de la communauté scientifique pour ces stèles commença.
La Dame possède, comme ses sœurs, des caractéristiques bien particulières, même si ces statues ne sont jamais les mêmes. Cette statue-menhir féminine est sculptée dans un bloc de grès rose, mesure 113 cm de haut, 56 cm de large et 18 cm d’épaisseur. Représentée debout, ses quatre faces sont sculptées. Les traits du visage sont sommaires : seuls les yeux et le nez sont représentés, ainsi que des traits sur les joues que l’on devine être des scarifications, des peintures ou des tatouages.
Ses cheveux, tirés en arrière, semblent se diviser en deux nattes. Autour de son cou, cinq colliers et ce que les archéologues appellent une « pendeloque » qui se termine en forme de Y. Ses seins sont bien marqués, ses bras sont prolongés dans le dos par des épaules en forme de crosse, ses mains sont posées sur son ventre. Elle porte une ceinture et un long manteau qui forme de grands plis. Ses jambes, bien droites, sont terminées par des pieds nus dont les orteils ne touchent pas le sol.
Si on applique le principe d’universalité du symbole, il y a là matière à réflexion. Partons du haut de la statue :
- Les cheveux représentent la force physique ou vitale et sont considérés comme des capteurs naturels de l’énergie cosmique. Les nattes, qui peuvent avoir un lien avec l’au-delà, canalisent cette énergie.
- Les yeux, miroirs de l’âme, sont symbole de connaissance universelle, de perception intellectuelle, de communication et de clairvoyance (troisième œil). De nature solaire, ils sont associés à la lumière.
- Le nez procède de la même symbolique que l’œil. Il montre une certaine lucidité, la prémonition, l’intuition (avoir du pif).
- Les tatouages autorisent une identification aux représentants du monde céleste, permettant de communiquer avec elles.
- La bouche représente la parole (vérité mais aussi mensonge) et le souffle (puissance créatrice). Son absence peut indiquer la maitrise de l’expression de la pensée (comme l’aveugle devient visionnaire).
- Les oreilles ont la capacité d’entendre les messages. Plus elles sont longues, meilleure est la compréhension. Contrairement à la bouche, la communication, reçue et non transmise, est passive. Leur absence, par analogie, montre peut-être la capacité d’écoute maitrisée.
- Les colliers, en plus de marquer la fonction ou la dignité, couvrent le chakra de la gorge, le centre de la parole, de l’émotion. Le 5, somme du principe céleste (3) et terrestre de la mère (2), manifeste l’énergie créatrice à l’œuvre dans la matière ; il est symbole de l’être humain (les deux bras, les deux jambes et la tête de l’homme de Vitruve). Le Y, en forme de coupe, pourrait rassembler ces énergies et les conserver, ou bien les envoyer par son pied vers la terre.
- Les épaules nous montrent la puissance d’agir dans le monde physique, la force de réalisation.
- La main est l’emblème de la transmission du pouvoir, spirituel ou temporel. Les mains transmettent l’énergie de transformation, comme chez les magnétiseurs. Plus elles sont grandes, plus elles ont de pouvoir.
- La ceinture est liée à la sexualité, à la fécondité et au plaisir (ceinture d’Aphrodite), mais aussi à la chasteté et à la fidélité, à la maitrise des instincts : elle contient les reins, elle coupe l’énergie tellurique matérialisante captée par les jambes des plans supérieur de l’être. L’homme portant alors la ceinture peut se consacrer aux choses de l’esprit : c’est la fonction du cordon des moines par exemple.
- Les jambes et les pieds, organes de la marche, permettent d’être en contact avec les énergies terrestres. Ils correspondent à la nature profonde de l’homme : avoir les pieds nus ou porter des chaussures ne laisse pas la même trace. Ici, les pieds ne touchent pas le sol, preuve d’une volonté de se rapprocher du ciel, ou signe de la divinité ? Il se pourrait aussi que la taille très petite des jambes par rapport au corps indique que la femme soit représentée en position assise. Ou bien les jambes, reliées aux plans inférieurs, n’ont que peu d’importance.
Tout laisse à penser que cette statue-menhir représente, à défaut d’une déesse, une initiée portant les symboles de ses pouvoirs. Petite précision : les paléobotanistes pensent que les statues rouergates ont été érigées au milieu de forêts denses où dominaient les chênes. Taillées le plus souvent dans des roches exogènes, elles ont donc été transportées, parfois sur près de 20 km.
Plus loin, nous trouvons cette fois-ci la représentation d’hommes, portant haches, parfois un arc et des flèches, poignards et baudriers (où est souvent suspendu un ustensile de forme triangulaire pourvu d’un anneau, appelé « objet ». Comme avec la « pendeloque », nous voilà bien avancés. Peut-être un fourreau pour un poignard ?
Certaines de ses statues ont été transformées au cours des siècles : le sculpteur leur a fait changer de sexe. Le plus souvent l’homme est devenu femme par ajout de seins, de colliers, de ces fameuses pendeloques en forme d’Y, et effacement des attributs d’origine. L’inverse existe mais est bien plus rare.
Quelques statues-menhirs n’ont plus rien d’humain et se bornent à représenter les attributs. Point d’yeux, de nez, de jambes ou de bras, mais des représentations d’armes, de colliers ou de vêtements, comme la statue de Verrière, la préférée de Soulages.
Revenons sur l’origine de ces statues menhirs. Les archéologues pensent qu’elles proviennent de la culture de Maïkop, située entre la mer Noire et la mer Caspienne (Caucase, Anatolie, Iran) entre 4 000 et 3 000 avant notre ère.
Cette culture, apparentée à celles de Yamna (proto-iraniens et arméniens, à origine de la population proto-indo-européenne) et celle de Kouro-Araxe, fut influencée par celle de Shulaven-Shomu (Arménie, Géorgie, Azerbaïdjan) qui remonte à plus de 6 000 ans avant notre ère. Elle doit son nom au site de Shomutepe dans l'ouest de l'Azerbaïdjan.
Ce qui m’a tout de suite fait penser à Göbekli Tepe, en Turquie du sud-est. Les fouilles de ce site ont mis à jour des structures que l’on pense être des temples, datées pour les plus anciennes d’environ 10 200 ans avant notre ère. Au milieu, des « piliers » en forme de T d’une hauteur impressionnante de 3 à 4 mètres de haut, pouvant peser jusqu’à 10 tonnes. Certains d’entre eux présentent des formes anthropomorphes.
Sur le pilier, qui représente le corps, sont représentés des bras très longs et filiformes, terminés par des mains posées au-dessus d’une ceinture à boucle tenant parfois un pagne en peau d’animal (renard). La tête est représentée par le haut du T, barre horizontale sans aucun signe distinctif (absence des yeux, du nez, de la bouche ou des oreilles).La face ventrale est creusée d’une bande verticale se terminant en haut par un sillon en V qui pourrait styliser un vêtement attaché par une boucle autour du cou.
Ces différentes cultures qui se sont succédées dans cette région du monde se sont-elles transmis cet héritage, le transportant, au cours de leurs migrations plus tardives, jusqu’aux rivages atlantiques de Bretagne ou du Portugal ? Les recherches se basant sur la linguistique, l’archéologie et d’autres sciences comme l’étude de l’ADN (haplogroupes) semblent le confirmer.
C’est en 1956 que Maria Gimbutas a parlé la première de l’hypothèse de la culture Kourgane (mot d’origine tatare désignant les tumuli que bâtissaient ces gens). Gimbutas, l’auteur du livre très connu « Le langage de la déesse », pensait que l’origine de cette nouvelle culture patriarcale et guerrière se situait en Ukraine, d’où serait partie l’invasion des peuples pratiquant le matriarcat. Depuis les études se sont affinées et les hypothèses anatolienne (Remco Bouckaert, Philippe Lemey et Quentin Atkinson) ou iranienne (Maria Ivanova-Bieg) gagnent du terrain.
Quand on regarde tout cela d’une façon plus globale, en prenant du recul et en oubliant ce que veulent bien nous apprendre les universitaires, on se rend bien compte quand même qu’il s’est passé quelque chose d’intéressant dans cette partie du monde : plus anciennes structures semblant être des temples (Göbekli Tepe, près de Şanlıurfa -appelée Urhai, Osroé puis Édesse- où, dit-on, Adam et Eve séjournèrent, et qui serait, selon la légende, la ville natale d’Abraham et le lieu de sépulture de sa femme Sarah), premières traces d’agriculture, premières traces d’élevage, découverte des plus anciens pressoirs à vin, preuve de l’amélioration voulue des espèces avec l’arrivée du blé et de l’épeautre, plus ancienne écriture connue (tablettes cunéiformes) , plus anciennes villes connues (Çatal Höyük), mythes et légendes se rapportant à Gilgamesh et sa quête de l’immortalité, Utanapishtim ou bien Noé, le déluge et le mont Ararat, lieu de villégiature d’Adam et Eve, d’Abraham et de Sarah, etc.
Alors que s’est-il passé il y a 12 000 ans dans cette région du monde ?
https://musee-fenaille.rodezagglo.fr/preparer-sa-visite/circuits/les-statues-menhirs/
https://musees-occitanie.fr/articles-decouverte/les-statues-menhirs/
https://musee-archeologienationale.fr/collection/objet/statue-menhir
https://www.panoramadelart.com/statue-menhir-aveyron
http://archives.pierre-soulages.com/pages/psecrits/statuesmenhirs.html
Les sauroctones et les céphalophores
Nous avons déjà rencontré, au gré de nos visites dans la symbolique romane, des hommes particuliers, aux drôles de noms : les sauroctones et les céphalophores.
Les sauroctones
Le nom vient des mots grecs « saûros », le lézard, et « ktonos », le tueur. Les sauroctones sont donc ceux qui tuent un lézard. Le mot « saûros » va se retrouver dans saurien (sous-ordre des reptiles), ou dans dinosaure, dont les squelettes, d’après certains, sont à l’origine des légendes des dragons.
Un proto-récit d’origine asiatique fut retrouvé par des chercheurs, datant au moins du début du Paléolithique supérieur, c'est-à-dire vers – 30 000 ans.
Les sauroctones sont nombreux. Nous allons les retrouver en majorité christianisés, à proximité d’un point d’eau, près d’une ville en expansion, combattant les menaces naturelles ou surnaturelles mettant en danger la population et/ou la religion.
Les plus connus des sauroctones chrétiens se nomment saint Michel chez les archanges, saint Georges chez les hommes et sainte Marguerite ou sainte Marthe chez les femmes.
Mais avant eux Apollon tua Python, Persée délivra Andromède, fille de Cassiopée, d’un monstre marin et Héraclès délivra de la même manière Hésione, sœur de Priam, roi de Troie, avant de tuer l’Hydre de Lerne.
Krishna vainquit le roi des serpents célestes Kaliya, le roi gallois LLudd aidé de son frère Llefelys enferma les dragons rouge et blanc dans un puits, Siegfried transperça Fáfnir gardien du trésor et mangea son cœur.
Rê sur sa barque solaire envoie Seth, Isis et Bastet tuer Apophis, personnification du chaos voulant mettre fin à la création.
Nos gros lézards représentant les forces brutes de la nature se transformèrent en dragons puissants, terrassés et non pas tués par des héros solaires. Le dragon sera abondamment décrit dans les récits du Moyen-âge, qu’ils soient hagiographiques ou romanesques.
Reprenant les anciennes traditions païennes, le chevalier partira en quête, et notre héros christianisé deviendra le saint ou la sainte imposant sa volonté aux sauriens. La symbolique primitive se retrouva enfouie, mais resta présente.
Le serpent ainsi que le dragon devinrent l’allégorie du paganisme ou la représentation du mal que la vraie religion allait vaincre. Mais sous jacent reste la puissance du symbole duel, celui de la lutte du bien contre le mal, de la lumière du dieu solaire contre les ténèbres du chaos, de l'esprit contre la matière.
Il faudra apprendre à maitriser cette force brutale afin de pouvoir accéder à la dimension spirituelle. Le saurien, le serpent issu de l'inconscient, symbolisera alors l'agent des transformations qui doivent s’opérer, qui fait mourir à l’état de vieil homme et renaître à l'homme nouveau. Il sera le gardien du trésor que l’on porte en nous-mêmes.
Plus loin que la simple dualité, on retrouvera le serpent primitif dans les cosmogénèses diverses et variées, depuis l’aube des civilisations, maitre du principe vital des origines, maitre des énergies et des forces de la nature. Il est ce qui anime, ce qui maintient.
Il crée le temps en plus de la vie, dans sa représentation de l’ouroboros. Les chaldéens n’avaient qu’un seul mot pour dire serpent et vie. Il sera dieu créateur aux origines comme Atoum chez les Egyptiens, représentant de l’incarnation de l’esprit dans la matière, maitrisant la vie, mais aussi la mort.
De part sa capacité à changer de peau, il sera symbole d’immortalité et de renaissance, comme Quetzalcóatl le serpent à plumes chez les Aztèques.
Il deviendra protecteur sous la forme de l’uraeus au front des pharaons, guérisseur s’enroulant sur le bâton d’Asclépios. Chez les indiens, lové au niveau du premier chakra, il attendra d’être éveillé pour conduire à l’état de Samadhi, état d’expansion illimitée de la conscience.
Il sera initiateur en portant les symboles des 4 éléments : la terre (la grotte où il demeure), le feu (le dragon le crache), l’air lorsque les ailes lui poussent (dragons ailés) et l’eau (vouivre). Il sera alors symbole des sciences, de la connaissance et de la sagesse, maître des mystères de la mort et de la renaissance. Le futur initié devra passer par ces 4 épreuves.
Le dragon, mot issu de l’indo-européen « dak », briller, qui donna le grec ancien « drakôn », du verbe « derkomai », regarder, fixer d’un regard perçant, voir clair, qui lui-même donna le latin « draco », sera aussi la représentation des forces telluriques qui s'expriment dans un lieu à travers une rivière, une caverne ou une montagne.
Souvent dans les récits hagiographiques le dragon habite près de l’eau, dévore les jeunes gens (souvent des jeunes filles vierges d’ailleurs, ce qui laisse à penser que les mythes liés au matriarcat détrôné par les mâles ne sont pas loin), se réfugie dans une grotte, se soumet grâce à un voile, une corde ou une ceinture. Il n’est pas tué mais maitrisé ou renvoyé dans son monde d’où il ne pourra plus revenir. Les forces telluriques devront s’équilibrer avec les forces cosmiques
La maîtrise des énergies du dragon est une première étape dans le cheminement initiatique. L’étape suivante sera celle de « la tête coupée ».
Les céphalophores
Le nom vient des mots grecs « képhalê », la tête, et « phorein », le verbe porter. Les céphalophores sont donc ceux qui portent leur tête coupée. Le plus connu d’entre eux chez les chrétiens se nomme saint Denis, chez les musulmans ce sera Qassim ibn Abbas, cousin du prophète. Jolie légende, ça change un peu (au moins de noms) :
« Il existait, dans la province de Sogdiane, une vieille ruelle qui montait sur la colline sacrée jusqu’aux portes de l’antique ville d’Afrosyab, autrement dit Samarcande. L’endroit, habité depuis les premières époques de l’humanité, avait connu les idées du Mazdéisme, puis de Zoroastre, de Bouddha, de Mani.
C’est ici, en l’an 676, que vint s’installer Qassim le missionnaire, cousin du prophète Mahomet. Il voulut faire connaitre la nouvelle religion, ce qui ne fut pas du goût de tout le monde. Un jour qu’il était en prière dans la ruelle, un mécréant lui coupa la tête. Qassim s’empara alors de son chef, puis descendit dans un puits qui le mena droit au paradis. Depuis, Qassim, aidé de deux assesseurs siégeant à ses côtés pour l’assister dans ses fonctions, préside la cour des âmes. »
Cette belle légende reprend le mythe zoroastrien du juge des Enfers. Au quatrième jour de la mort, sur le pont Činvat qui relie le Ciel et la Terre, Ahura Mazdâ pèse l’âme avec ses bonnes et mauvaises actions. Il est aidé par le vertueux Rashn et le bienheureux Srôsh. Anubis, Mikael et les autres, si vous nous lisez…
Il fallut attendre le XIe siècle pour qu’un mausolée soit construit, à la place des anciennes murailles de la ville, là où Qassim fut tué. La nécropole Shah-i-Zinda, c'est-à-dire du Roi Vivant, devint le principal lieu saint de la ville, et au XIVe siècle il fallut réaménager le site. Le tombeau de Tamerlan le Conquérant y fut construit, ainsi que ceux de nombre de ses femmes. Plusieurs mosquées s’y ajoutèrent. Au XVIIIe siècle, un escalier de 40 marches fut aménagé, menant sur le haut de la ruelle puis sur le plateau.
Mais nous avons bien avant Qassim et dans toutes les traditions la même symbolique. Je vous renvoie pour un cas précis à la légende de sainte Spérie. Nous avons dans ces légendes des symboles récurrents : le lieu sacré, l’eau, le sang, le passage, la caverne.
Les céphalophores portent leur tête, le plus souvent au niveau du cœur. Que représente cette tête ? C’est avant tout le principe actif. C’est l’esprit agissant, l’activité, la volonté, la force vitale. Chevalier et Gheerbrant nous parlent de l’autorité de gouverner, d’ordonner, d’éclairer. Ils disent que la tête symbolise l’esprit manifesté, par rapport au corps qui est une manifestation de la matière.
Par sa forme sphérique, elle est comparable à un univers. Tout cela converge vers le symbolisme de la perfection, de la divinité. La porter signifie la maitrise de ces principes. Mais avant tout, la tête, c’est le siège du mental. La couper et la porter au niveau du cœur, c’est abandonner les barrières mentales qui empêchent l’avancée et c’est prévaloir le cœur sur la voie de l’initiation.
Au final, toutes ces légendes nous renvoient aux anciens mystères initiatiques, de tout temps perpétrés en secret. Et quoi de plus malin que de les cacher dans des contes à dormir debout ? « Qu’on lui coupe la tête ! » dit la reine rouge de Lewis Carroll, la reine de cœur du pays des merveilles.
Il le faudra bien si nous voulons passer de l’autre côté du miroir, faisant ainsi notre retournement, comme nous le propose l’initié de la porte de l’église de Thuret.
https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00360165/file/Volume1_francais_.pdf
https://fr.wikipedia.org/wiki/Dragon_europ%C3%A9en
http://www.insolitepaysflechois.org/Croyances_files/Sauroctones.pdf
http://www.tao-yin.com/astrologie/dragon_Occident.html
http://www.mythofrancaise.asso.fr/mythes/themes/saurocto.htm
http://laplumefeerique.over-blog.com/pages/Le_Mythe_du_Dragon-6344533.html
La symbolique du pélican
Le pélican, vieil oiseau remontant à la fin de l’ère secondaire, présent sur tous les continents, est vecteur, comme le cygne ou l’aigle, d’une symbolique riche. Pour la comprendre, il nous faut connaître son mode de vie.
Le pélican, avec des ailes qui atteignent une envergure de 3m50 et un poids de 10 kg, fait partie des plus gros oiseaux. Il vit dans les zones humides des régions tropicales ou tempérées. Il peut se déplacer sur terre, dans l’air et sur l’eau.
C’est un oiseau grégaire, c'est-à-dire qu’il vit en groupe. Chez eux point de dominants ni de dominés, malgré une petite hiérarchie due à l’âge, tous sont égaux.
Un couple, couvant alternativement les œufs, donne naissance à deux ou trois oisillons, totalement dépourvus de plumes. Les petits sont nourris par le père et la mère qui leur apportent la nourriture sous forme de bouillie régurgitée contenue dans la poche de son bec qu’il vide en le pressant contre sa poitrine.
Plus tard, les jeunes pélicans de la colonie, regroupés sous la surveillance de quelques adultes, iront chercher les morceaux de poissons directement dans le gosier du parent, parfois même jusque dans l’œsophage.
La pêche occupe une petite partie de leur temps, ils préfèrent passer de longues heures à dormir ou à lisser leurs plumes au soleil.
Nous trouvons la trace de notre pélican chez les égyptiens qui en firent un animal d’ornement de jardins et de palais. Les prêtres l’assimilèrent au cygne : il était la Lumière, couvant l’œuf du monde.
Les légendes du pélican se répandirent dans le monde grec puis romain. Voyant des morceaux sanguinolents de poisson régurgités, les hommes pensèrent que le pélican perçait sa propre chair pour nourrir ses petits. Il devint le modèle de l’amour parental.
Dans le « Physiologos », bestiaire chrétien écrit en Egypte au IIe siècle qui influença tout le Moyen-âge, la légende fut reprise, d’autres ajoutées :
les petits pélicans, à leur naissance, frappaient leur géniteur. En représailles, ils étaient tués, puis ressuscités trois jours plus tard grâce aux gouttes de sang que faisait couler sur eux leur mère.
Ou bien cette autre : l’ennemi du pélican, le serpent, tue les petits avec son venin. L’oiseau s’envole alors au-dessus d’un nuage qu’il inonde de son sang afin que le liquide, tombant avec la pluie sur les petits, puisse les ressusciter.
Le christianisme fit alors du pélican le symbole du sacrifice, du martyr et de la résurrection, comparant l’oiseau au Christ se sacrifiant pour la rédemption des pécheurs.
Eusèbe de Césarée et saint Augustin le mentionnèrent au début du IVe siècle. L’oiseau, dorénavant lié à la symbolique chrétienne, apparut alors dans de nombreux livres enluminés, sur les chapiteaux des églises et plus tard dans les armoiries.
En héraldique, le pélican fut traditionnellement représenté comme un oiseau à bec d'aigle, dans son nid, les ailes déployées au-dessus de ses petits, se perçant la poitrine d'où coulent des gouttes de sang. Il est alors « Pélican de piété ».
Il apparaît sur les armoiries de plusieurs familles, villes, pays, même imaginaire comme la Syldavie dans « Le sceptre d’Ottokar ».
Dante, dans le « Paradis » de sa « Divine Comédie », compare le Christ à l’oiseau, en parlant de saint Jean qui fut représenté dans la Cène penché sur le sein du Sauveur :
« Voici venir celui qui coucha sur le sein
de notre Pélican: qui, du haut de la croix,
avait été choisi pour un office insigne. »
La légende fut reprise par le romantique Alfred de Musset au XIXe siècle :
« Lui, gagnant à pas lent une roche élevée,
De son aile pendante abritant sa couvée,
Pêcheur mélancolique, il regarde les cieux.
Le sang coule à longs flots de sa poitrine ouverte;
En vain il a des mers fouillé la profondeur;
L'océan était vide et la plage déserte;
Pour toute nourriture il apporte son cœur.»
Les alchimistes s’emparèrent très tôt de notre pélican. Eux qui utilisaient les oiseaux pour symboliser les parties volatiles de la matière, utilisèrent celui qu’ils appelaient « oiseau d’Hermès » comme représentant leur Mercure.
Un vase alchimique, récipient hermétique muni de deux tubes reliant le sommet, ressemblant à la silhouette du pélican qui se perce le flanc, porte son nom. Le pélican représenta aussi l’œuvre au blanc, les trois petits étant respectivement le Sel, le Soufre et le Mercure.
Les Rose-Croix à leur suite utilisèrent le symbole, qui fut repris dans la Franc-maçonnerie pour l’ordre ultime du Rite Français et pour le dix-huitième degré du Rite Ecossais Ancien et Accepté, qui porte le titre de « Souverain Prince Rose-Croix, ou Chevalier de l’Aigle et du Pélican ».
On retrouve notre oiseau accompagné des outils sur des tabliers correspondant à ces degrés. Il pourrait alors symboliser la consécration au grade de maitre et l’achèvement du parcours initiatique, comme le pélican, victorieux de la mort, pourrait faire renaitre ses enfants vers la lumière de l’initiation.
Au final, notre oiseau porte en lui les symboles de la mort, de la renaissance, donc des cycles de la Vie, de la quête spirituelle tendant vers la lumière.
Je terminerai par une citation de Robert-Jacques Thibaud qui voit dans le pélican une représentation de « l’œuvre générant puis entretenant sa création ». Selon lui, « le pélican symbolise l’axiome assurant que l’on ne découvre que ce que l’on possède déjà en soi. C’est l’image d’une autre phase de la longue quête spirituelle assimilable au grand-œuvre ».
Les oisillons, en ce cas, pourraient-ils représenter le corps, l’âme et l’esprit au même titre qu’avec lui, par lui et en lui, ou les trois niveaux de lecture, ou les trois phases du Grand-Œuvre ?
Mais… il parait qu’au départ, dans la légende, les oisillons étaient au nombre de… sept. Comme le nombre d’arcatures du déambulatoire de l’église de Bois-Sainte-Marie.
Et puis un oiseau qui possède sa propre marque de bière ne peut pas être mauvais... Allez, à la prochaine !
http://www.larousse.fr/encyclopedie/vie-sauvage/p%C3%A9lican/178178
http://hermetisme.over-blog.com/article-rennes-le-chateau-les-3-oiseaux-de-brenac-72658010.html
http://www.occitanie-cathare.eu/le-pelican-un-drole-d-oiseau
La symbolique de l’olifant, du cor, de la trompe et de la trompette
Voici le chapiteau des joueurs de trompe d'Iguerande. Deux hommes sortant des feuillages portent chacun une trompe. Le mot « trompe » désigne tout instrument de musique à vent à embouchure, formé d’un simple tube évasé en pavillon.
La symbolique de l’olifant, du cor, de la trompe et de la trompette est donc sensiblement la même. D’après Eugène Viollet-le-Duc, « l'olifant était un cor de guerre et de chasse, servant à donner des signaux, à rallier les troupes. L'olifant était donc un instrument considéré comme noble que portaient les chefs, ou un homme qui les suivait. L'olifant était alors une marque distinctive de commandement, de dignité ».
Le cor, quand à lui, annonce des nouvelles, bonnes ou mauvaises, il alerte, il proclame, il signale.
J’ai trouvé une belle définition de la trompette sur le net : « La trompette, attribut de Gabriel, le Régent de la Lune et des anges, sert à sonner l’appel à l’éveil, souvent appelé le Réveil des morts ou le Retour au Royaume du Père, dans un éclat d’énergie. Elle règle les principaux moments du jour et annonce les grands moments historiques et cosmiques.
Elle associe le Ciel et la Terre dans une célébration commune, soulignant toute conjonction importante d’éléments et d’événements marqués par une manifestation céleste destinée à la Terre et à ses habitants. Elle lance l’appel victorieux de l’Esprit, le Principe unificateur et sublime de la Matière, et confère le plus haut degré de l’Initiation. Elle affirme la foi agissante qui permet d’organiser l’assaut et le triomphe sans combat ».
La symbolique de la fougère
La fougère est une plante magique qui existe depuis les premiers âges du monde : ses plants colonisèrent la terre au Dévonien et connurent leur apogée au Carbonifère, il y a 360 millions d’années.
A cette époque elles mesuraient 40 m de haut et formaient des forêts entières. Leur lente transformation dans le sol par carbonisation nous a donné le charbon.
Miniaturisée à notre époque, elle est présente sur tous les continents. Elle a la plupart du temps besoin de beaucoup d’eau, mais une fois desséchée, alors qu’elle semble morte, elle peut parfois renaitre.
Ses crosses, comestibles, ont le goût de l’asperge. Elle fut utilisée comme plante médicinale : Dioscoride, médecin grec, botaniste et pharmacologue, en a vanté les vertus dans son « De Materia Medica ». Elle fut utilisée comme puissant vermifuge, mais aussi pour soigner la bronchite, les rhumatismes, la goutte, le rachitisme, les maladies du foie et la constipation.
Pour les Celtes, elle était le symbole de la mémoire. Au Moyen-âge, la plante était connue pour repousser les attaques du démon. Coupée pendant la nuit de la saint Jean, elle protégeait des mauvais esprits et éloignait les forces du mal. La fumée de fougère faisait fuir les animaux nuisibles aussi bien que les êtres malfaisants. Elle passait pour attirer la chance et la fortune.
Ce végétal, s’adaptant aux conditions les plus extrêmes, a gardé longtemps le mystère de sa reproduction sans graines. En effet, les fougères ne fleurissent pas, ne possédant pas les organes sexuels le lui permettant.
La plante mère, la fougère sporophyte, va engendrer au travers de ses spores, tombés sur un sol humide, une plantule, appelée prothalle, qui possède à la fois des organes mâles et femelles, les anthéridies et les archégones.
Ça fait bien si on peut placer les trois mots dans une conversation, isn’t it ? La nouvelle fougère pourra naitre après fécondation de l’oosphère, l’œuf, contenu dans l’archégone, par un anthérozoïde, échappé de l’anthéridie, sorte de spermatozoïde se mouvant grâce à son flagelle sur la surface du prothalle. Vous me suivez ? Et si la surface du prothalle n’est pas humide, point de bébé fougère.
Le bébé fougère va développer ses feuilles en déroulant ses crosses, appelées ainsi à cause de leur ressemblance avec la crosse d’un évêque. Les crosses sont des spirales, des courbes qui tournent autour d’un point fixe en s’en éloignant, liées au mouvement et au temps.
La spirale figure un mouvement cyclique infini. C’est une énergie qui peut partir d’un point central, en évolution, ou retourner au point central, en involution (voir le symbolisme de l’escargot ici).
Notre fougère, porteuse de toutes ces qualités (guérison, protection, prolifération, purification) peut être considérée comme représentant l’énergie, l’éveil, la croissance, la fécondité et l’immortalité, la vie dans toute sa splendeur.
La symbolique du chat
Le chat, dans l’Egypte ancienne, où l’on pense qu’il fut domestiqué pour la première fois au cours du IVe millénaire avant notre ère, était considéré comme un animal mystérieux détenant la connaissance de ce qui est caché et le pouvoir magique de l’énergie charnelle.
Il était appelé « myeou » ou « miw », on comprend pourquoi. Possédant le don de dédoublement, il avait le titre de « mangeur de chagrin », et passait pour prendre sur lui les mauvaises vibrations entourant son maitre.
Le chat était consacré aux déesses Isis et Bastet. Animal lunaire, mais alliée du dieu solaire Râ, la chatte Bastet maitrisait Apophis, le serpent des ténèbres, personnification du chaos, qui s’attaquait chaque nuit à la barque de Râ afin de mettre fin à la création. Elle est représentée sur les papyrus tenant un couteau sur la gorge du serpent.
Bastet, déesse bienveillante, protectrice des femmes et des enfants, avait aussi son côté obscur et pouvait devenir cruelle et belliqueuse. Lumineuse et ténébreuse, noire et blanche, l’antagonisme de ses symboles se retrouvera plus tard.
Chez les peuples nordiques, les chats furent les compagnons de la grande déesse-mère Freya, dont ils tiraient le char. Freya (la « dame » en vieux norrois) était la première des valkyries, déesse de la fertilité, de l’amour et de la beauté.
Mais elle était aussi une guerrière, déesse des batailles et de la mort. Les rois francs, burgondes et goths, se proclamant ses descendants, le portaient comme emblème.
En orient, le chat possédait 7 âmes et 9 vies. Les nombres 7 et 9 ne sont bien sûr pas anodins. Le premier représente, en résumé, le principe de la maitrise, de la vie intérieure et éternelle ; il est le symbole d’un cycle complet associant le 4 de la terre et le 3 du ciel pour donner la totalité de l’univers, ou le 4 du féminin et le 3 du masculin pour donner l’homme complet ou réalisé. Il est dynamique, il permet un passage.
Le deuxième représente quand à lui un principe de perfection sur 3 plans, comme le physique, le mental et le spirituel, ou les phases du grand œuvre alchimique, mais il est aussi le symbole d’une fin de cycle, c’est le nombre de la plénitude.
Et je ne résiste pas au plaisir de vous conter cette légende indoue :
Un vieux matou, mathématicien émérite mais fort distrait et incroyablement paresseux, somnolait à l’entrée d’un temple. De temps à autre, il entrouvrait un œil pour compter les mouches du voisinage et replongeait presque aussitôt dans sa douce léthargie. Shiva vint à passer par là. Émerveillé par la grâce naturelle, toute féline, que l’animal avait conservée, malgré un embonpoint considérable dû à son oisiveté, le Seigneur des Monde lui demanda:
- Qui es-tu et que sais-tu faire ?
- Je suis un vieux chat très savant et je sais parfaitement compter, marmonna l’autre, sans même entrebâiller les paupières.
- Magnifique ! Et jusqu’où peux-tu compter ?
- Mais voyons, je peux compter jusqu’à l’infini !
- Dans ce cas, fais-moi plaisir. Compte pour moi, l’ami, compte …
Le chat s’étira, bailla profondément, puis, avec une petite moue de dédain amusée, se mit à réciter :
- Un … deux … trois … quatre …
Chaque chiffre était prononcé d’une voix plus murmurante et vague. A sept, le chat était à moitié endormi. A neuf, il ronflait carrément, abîmé dans un sommeil béat.
- Puisque tu sais seulement compter jusqu’à neuf, décréta le grand Shiva, Souverain des Sphères, je t’accorde neuf vies.
C’est ainsi que les chats disposèrent de neuf existences. Mais Shiva, qui était aussi un subtil philosophe, médita longuement. Le matou lui avait assuré qu’il pouvait compter jusqu’à l’infini. Certes, il s’était arrêté au chiffre neuf, puis s’était endormi. Or, le sommeil, sans nom, sans forme, sans pensée, n’est-il pas une fidèle préfiguration de l’infini ? Alors Shiva compléta son décret : au bout de ses neuf vies, le chat accéderait directement à la félicité suprême.
Au XIe siècle, quelques chats apparurent sur les chapiteaux romans, porteurs d’une belle symbolique. Puis, vers la fin du Moyen-âge, en occident, les chats furent le plus souvent associés aux démons et aux sorcières qui, disait-on, pouvaient se transformer en chats, mais 9 fois seulement, d’où les 9 vies du chat de la croyance populaire.
Les chats blancs avaient un peu plus de chances de survivre aux bûchers, quand ils ne se faisaient pas tuer pour les propriétés curatives de leurs queues. Les chats noirs, quand à eux, maléfiques, associés aux ténèbres et à la mort, m’est avis qu’ils se la jouaient discret le plus possible.
Notre chat du Moyen-âge nous a quand même laissé, outre l’idée saugrenue mais répandue que croiser un chat noir porte malheur et la pratique machiavélique d’essayer de refiler le Mistigri (chat gris, souvent le valet de trèfle, autrement appelé Lancelot)) à son voisin avant la fin d’une partie de cartes, un conte et un jeu, initiatiques tous les deux : le chat botté et chat-perché, aussi appelé le jeu du loup. Le chat est alors le meneur de jeu, celui qui détient le savoir, le gardien des secrets, celui à qui on donne sa langue pour le connaître.
Le chat noir fut, dans l’histoire plus récente, mieux traité. Emblème du cabaret du même nom, où se retrouvait la fine fleur intellectuelle et artistique de la commune libre de Montmartre, de Jules Verne à Mistral et Daudet, en passant par Ferdinand de Lesseps, Flammarion, Alphonse Allais, Courteline, Aristide Bruant, Victor Hugo ou Maupassant, Verlaine ou Zola, mais aussi Caran d’Ache, Toulouse Lautrec, Gounod, Massenet, Erik Satie, Debussy et Saint-Saëns et j’en passe comme Théodore de Banville, Puvis de Chavanne ou Ernest Renan, il véhiculait encore une fois cette notion de mystère et de connaissance.
Je cherche fortune,
Autour du Chat Noir
Au clair de la lune
A Montmartre le soir.
Quelques années auparavant, Lewis Carroll fit du chat un personnage clé d’ « Alice au pays des merveilles » et de »l’autre côté du miroir ». La chatte Dinah de la réalité deviendra le chat de Chester dans le rêve, philosophe aussi mystérieux que son sourire. Les chats devinrent ensuite de moins en moins porteurs de la symbolique initiale.
A l’heure actuelle, les personnages de bande dessinée et de films gardent quand même l’ambigüité du départ : certains sont très mignons, comme les aristochats (le noir, le blanc et le rouge,ça ne vous rappelle rien ? (Berlioz "Hector Berlioz", la musique, le noir, Marie "Maria Callas", le chant, le blanc, et Toulouse "Toulouse-Lautrec", la peinture, le rouge...)
d’autres sont plein d’humour tel Simon’s cat ou le chat de Gaston Lagaffe,
d’autres encore plein de sagesse comme le Chat de Geluck,
mais nous avons aussi les bêtes et méchants comme Azraël, Sylvestre de Titi et Grominet ou Lucifer de Cendrillon. Nous sommes loin du langage des oiseaux des sculpteurs de chapiteaux romans.
La chute d’Adam et Ève, ou l’acte fondateur de l’exil humain sur la Terre
Genesis 3.6-7
6 Vidit igitur mulier quod bonum esset lignum ad vescendum et pulchrum oculis et desiderabile esset lignum ad intellegendum; et tulit de fructu illius et comedit deditque etiam viro suo secum, qui comedit.
7 Et aperti sunt oculi amborum. Cumque cognovissent esse se nudos, consuerunt folia ficus et fecerunt sibi perizomata.
Genèse 3.6-7
6 La femme vit que l'arbre était porteur de fruits bons à manger, agréable à regarder et précieux pour ouvrir l'intelligence. Elle prit de son fruit et en mangea. Elle en donna aussi à son mari qui était avec elle et il en mangea.
7 Leurs yeux à tous les deux s'ouvrirent, et ils prirent conscience qu'ils étaient nus. Ils attachèrent des feuilles de figuier ensemble et s'en firent des ceintures.
La Genèse fait partie du Pentateuque, appelé Torah chez les juifs, composé des cinq premiers livres de la Bible. La tradition en attribue l’écriture à Moïse, mais il fut démontré que ces écrits furent rédigés lors de l’exil du peuple juif à Babylone, entre le Ve et le IVe siècle avant notre ère, et par de nombreux auteurs ayant accès aux bibliothèques sumériennes et aux tablettes d’argile gravées,
notamment l’épopée de Gilgamesh et le mythe d’Enki et Ninhursag (que je vous conseille vivement de lire rapidement. Il n'en existe que trois tablettes, elles pourraient disparaître malencontreusement dans une guerre débile, on ne sait jamais).
Ces scribes se basaient donc sur des documents anciens et sur leur propre tradition orale, suivant en cela un projet théologique bien précis. La plus ancienne Torah retrouvée fut écrite en hébreu, avec quelques passages en araméen.
En Occident, la traduction en latin la plus utilisée au départ provenait d’une Bible écrite en grec au IIIe siècle avant notre ère, la Septante, puis d’une Bible traduite directement de l’hébreu en latin par saint Jérôme au IVe siècle, la Vulgate.
Le thème de la chute, issu de la Genèse, se retrouve souvent représenté sur les chapiteaux et les tympans romans. Nous avons là, au niveau de la symbolique, de quoi écrire un livre entier : l’Éden, le couple originel, le serpent, l’arbre, le fruit.
Le fruit défendu
Notre épisode de la chute se trouve au troisième chapitre du premier livre, la Genèse, juste après la création de l’univers puis du jardin d’Éden, dans le centre duquel Elohîm plaça deux arbres, l’arbre de la Connaissance du bien et du mal, et l’arbre de Vie.
Genèse 2.8-9 (Bible Chouraki) :
Elohîm plante un jardin en Éden, au levant, il met là le glébeux qu’il avait formé. Elohîm fait germer de la glèbe tout arbre convoitable pour la vue et à bien manger, l’arbre de la vie, au milieu du jardin et l’arbre de la connaissance du bien et du mal.
C’est le fruit de ce dernier que la femme va manger. Seulement… il n’est pas nommé. Plus exactement, il est nommé « fructu vero ligni », le fruit de l’arbre. Le fruit symbolise en général une certaine abondance, il est souvent lié à la fécondité.
Guénon l’assimilait à l’œuf du monde, symbole des origines. Dans la traduction latine, plusieurs mots sont utilisés. J’ai plongé mon nez dans le dico de latin édition Garnier. En version, nous avons :
Pomum,i : fruit d’un arbre (figue, datte, noix,…)
Pomus : arbre fruitier
Mālum, i : pomme, fruit ressemblant à une pomme par sa forme ronde (grenade, pêche, …)
Malus, a, um : mauvais, mal, mais aussi malin, rusé
Fructus : fruit de la terre
Lignum,i : bois, arbre, partie dure d’un fruit (noyau)
Voici la suite en thème :
Le fruit : fructum
Une pomme : pomum
Le mal : malum
Le fruit défendu : pomum ligni vetiti
Pomum, fruit de l’arbre, mālum/malum, la pomme et le mal… Nous sommes devant un cas typique de polysémie et de mauvaise traduction. Notre fruit défendu, celui de l'arbre de la connaissance du bien et du mal planté au milieu du jardin d'Éden, n’était donc pas une pomme.
Effectivement, notre William Shakespeare babylonien avait plus de chance de parler du fruit d’un figuier ou d’un palmier, voire d’un dattier ou d’un grenadier, que du fruit d’un pommier, car comme tout le monde le sait bien, ce n’est pas en Irak que l’on cultive le plus la pomme, mais en Normandie.
D’ailleurs, comme le disait si bien Henry Monnier, voyez comme la nature est prévoyante : elle fait pousser la pomme en Normandie sachant que c'est dans cette région qu'on boit le plus de cidre.
Notre petite pomme, à la cime d’un pommier, qu’un grand coup de vent d’automne fit tomber sur le pré, représentée depuis des siècles dans la main d’Ève par des générations de peintres et de sculpteurs, n’en demandait pas tant.
Le fruit du Malus Domestica, victime de ces homophonie et homographie bien commodes, n’est devenu le symbole du fruit défendu que parce qu’un scribe traduisit du latin de travers. De plus, il en rajouta une couche pour bien montrer aux lecteurs que la connaissance, c’est mal.
Dans la littérature rabbinique, ce premier interdit alimentaire peut concerner plusieurs fruits. Un sage parle du raisin, fruit de la vigne, puisque son ingestion peut provoquer une modification d’état de conscience. In vino veritas donc. Ce qui expliquerait la traditionnelle feuille de vigne en guise de pagne pour notre Adam.
Certains chapiteaux romans nous parlent de la vigne du Seigneur et de ses bienfaits (ivresse mystique), qui permettent de poser notre mental de côté afin de recevoir un message spirituel qui ne se comprend parfaitement qu’avec le cœur.
Sur cette sculpture on voit bien un homme ailé (ce n'est pas un ange car il ne porte pas d'auréole, les ailes sont un outil pour s'élever) tenir des raisins, ses pieds se retournant vers le ciel. Traditionnellement,la vigne porte la connaissance et symbolise les cycles naturels et la vie toujours renaissante, devenant l’attribut de Dionysos.
Un autre sage parle de la figue, fruit du figuier. En effet, nos tourtereaux se servent bien d’une feuille de figuier pour cacher leur nudité, et ce fruit là est bien nommé : folia ficus. Grâce à ses nombreux grains, la figue représente la fécondité, l’abondance. En Égypte, où elle représentait la science religieuse, elle était considérée comme initiatique, à l’instar de l’Inde où le Bouddha trouva l’illumination sous les feuilles du figuier des banians.
Elle sera puissance, axe du monde, immortalité, connaissance supérieure, arbre qui relie le ciel et la terre. Mais ce n’est pas tout : en Inde toujours, c’est l’arbre de Vishnou et de Shiva et son culte est associé au serpent.
Cette association arbre et serpent (tiens, ça me dit quelque chose) sera alors créatrice de force fécondante. La figue peut aussi être associée au dualisme : figue fraiche et figue séchée (vie et mort), forme externe évoquant les testicules, apparence interne le sexe féminin.
Et que dire de la grenade… Ce fruit généreux aux multiples grains rouge sang, originaire de Perse, fut assimilé à la fécondité, à la prospérité, associé aux relations sexuelles et à la procréation. En botanique, il est aussi appelé fruit du Paradis ou pomme punique (Punica granatum). En Grèce, elle fut l’attribut d’Héra et d’Aphrodite. C’est à cause de pépins de grenade, seul fruit disponible aux enfers, que Perséphone dut rester 6 mois par an avec Hadès.
Elle orna les colonnes du temple de Salomon : « Les chapiteaux placés sur les deux colonnes étaient entourés de deux cents grenades, en haut, près du renflement qui était au delà du treillis; il y avait aussi deux cents grenades rangées autour du second chapiteau» (Rois, 7.20). Elle ornait aussi l’éphod, robe des Grands Prêtres hébreux. Plus proche de nous, saint Jean de la Croix en parle en ces termes : « elle représente les plus hauts mystères de Dieu, ses plus profonds jugements et ses plus sublimes grandeurs ».
Revenons à notre Malus domestica et sa petite pomme, qui, bien qu’elle ne soit pas nommée, porte elle aussi une symbolique riche de sens. Chez les grecs nous la retrouvons d’Or au jardin des Hespérides où Héraclès en vola trois sur l’arbre de Vie, peut-être l’une de celle que lança Eris, déesse de la discorde, au milieu des noces de Thétis et Pélée, qui devait aller à la plus belle des déesses.
Il fallut choisir entre Héra, Athéna et Aphrodite. Miroir, miroir, mais qui est la plus belle ? Aphrodite fut choisie par Pâris, en échange de l’amour d’Hélène, ce qui provoqua, tout le monde s’en souvient, la fameuse guerre de Troie. La pomme devint alors le symbole de la déesse de l'amour.
Chez les dieux nordiques, la déesse Idunn gardait les pommes d'or qui conservaient l’immortalité et la jeunesse éternelle des Ases. Chez les anciens celtes, Tir Na Nog, l’autre-monde, est représenté comme une ile au-delà de la mer, que l’on trouve en partant vers le nord/ouest, là où le soleil meurt. Elle est plantée de pommiers aux fruits d’or. La racine celte ablu, la pomme et abalnos, le pommier ont donné le gaulois abalo, l’irlandais aball, le gallois afal, le breton aval.
Avec la même racine indo-européenne germanique, nous avons le néerlandais appel, l’allemand Apfel, et l’anglais apple. Notre pomme donna donc son nom à Avallon, l’ile magique où reposent Arthur, Merlin et Morgane. Le fruit est alors associé à la création et aux cycles de mort et renaissance, à la fertilité, à la pureté et à l’intégrité. Il parait même que les druides racontaient que la pomme pouvait transporter celui qui la mangeait dans d'autres mondes. Pouvoir en manger tout l’hiver leur faisait dire qu’elle était le symbole de l’immortalité.
Et Marc Gendron a bien raison quand il dit que l'univers est résumé dans un trognon de pomme. Tout le monde connaît l’expérience suivante : si on coupe une pomme dans le sens de ses pôles, on peut voir un dessin en forme d’amande, très clairement assimilable au sexe d’une femme. Si on regarde mieux, on voit alors la queue, le pédoncule du fruit, pénétrant le carpelle (mésocarpe et endocarpe) contenant les graines (les pépins).
Par contre, si on la coupe par son équateur, on se trouve devant une étoile à 5 branches, bien connue des pythagoriciens, et qui figure, selon Éliphas Lévi, le microcosme, l'Homme naturel, et qui parle d’Adam comme du tétragramme humain, le pentagramme qui exprime la domination de l'esprit sur les éléments. Le nombre cinq signifie, chez les pythagoriciens, la somme du pair (féminin) et de l'impair (masculin).
Pomme, raisin, figue, grenade, même combat.
Les deux arbres
Ce fruit défendu provient d’un arbre. L’arbre, à la tête du règne végétal, possède une symbolique des plus riches. Arbre cosmique, axe du monde, comme Yggdrasil dans la mythologie nordique, il relie entre elles les trois parties de l’univers, le monde souterrain par ses racines, la surface de la terre par son tronc et le ciel par sa ramure. C’est par lui, échelle cosmique, que l’homme va s’élever, chemin ascensionnel de la matière vers l’esprit, de la pénombre à la lumière.
Il réunit en lui les 4 éléments : il va chercher l’eau dans la terre, la portant par la sève aux feuilles qui, se développant dans l’air, vont transformer le gaz carbonique par l’énergie du soleil (de plus, c’est du frottement de deux morceaux de bois que jaillit le feu).
De part le renouvellement de ses feuilles, il devient symbole des cycles de vie, de la victoire sur la mort par une perpétuelle régénération, d’une vie riche et fertile. Les druides nous en ont laissé le symbole dans les visages humains sortant de feuilles ou formés de végétaux, les hommes-verts, présents sur bon nombre de chapiteaux romans.
Nourricier, il nous accompagne tout au long de notre vie, du berceau au cercueil, servant de nourriture (fruit), de chauffage et d’éclairage (bûche), de protection (hutte).
Il peut aussi représenter la dualité : le masculin, la verticalité de son tronc puissant, tel le phallus dressé, s’oppose au féminin par la rondeur de sa ramure, par sa fécondité et sa faculté de nourrir et de protéger.
Deux arbres symboliques sont plantés en Éden, l’arbre de la Connaissance et l’arbre de Vie. L’Éden, qui signifie jardin des délices en hébreu, provient de l’akkadien « edinu », la plaine, lui-même issu du sumérien « e-din », la plaine, mais aussi l’enclos.
La première mention connue de cet Éden, ce jardin paradisiaque, apparaît sur une tablette sumérienne parlant de Gilgamesh et de son épopée. L’endroit, luxuriant, fertile et riche, planté d’arbres fruitiers, est réservé aux dieux. Un seul homme y fut admis, Uta-Napishtim, le Noé sumérien, à qui fut donnée l’immortalité en récompense pour avoir sauvé la vie.
L’interdit porte sur le premier, l’arbre de la connaissance. Mais de quelle connaissance s’agit-il ?
Souvent sur les chapiteaux romans représentant la chute, on voit Adam, cachant son sexe, mais aussi sa gorge, au niveau du chakra correspondant aux énergies de communication, celui qui permet de relier l’homme au divin. La faute, le péché originel, serait alors le simple fait d’être séparé de la divinité, la perte de conscience des mondes subtils, que l'homme va tenter de retrouver grâce aux fruits à sa portée.
En sumérien, le mot « giš » désigne un arbre mais aussi un outil en métal. D’où l’hypothèse qu’émet Anton Parks disant que l’interdiction porte sur l’outil et sur le travail des premiers métaux, la métallurgie. Cette maitrise donnerait à l’homme la possibilité d’être libre et autonome. Apparaît l’idée d’un Tubal-Caïn connaissant, tel les dieux et héros d’antan maitrisant la forge (Héphaïstos, Goibniu, Thor, etc.) à la tête d’une lignée d’initiés (il est dit que Tubal-Caïn inventa l’alchimie).
Il se pourrait aussi que cette connaissance du bien et du mal, comme vue plus haut avec la symbolique du fruit, soit en rapport avec le sexe et la reproduction. Adam et Eve, après avoir mangé le fruit défendu, prennent conscience de leur sexe, donc de leur différence.
Ce qui pourrait impliquer qu’avant, ils n’étaient... qu’un ? Dans ce cas, les humains furent créés pur esprit. Le fruit les projeta dans la matière et la dualité, les privant de leur unité primitive, ce que l’on pourrait appeler l’androgynat des origines.
Le deuxième arbre, l’arbre de Vie, ne porte pas d’interdit.
Genèse 2-22
22 L'Eternel Dieu dit: « Voilà que l'homme est devenu comme l'un de nous pour la connaissance du bien et du mal. Maintenant, empêchons-le de tendre la main, de prendre aussi du fruit de l'arbre de vie, d'en manger et de vivre éternellement!
L’ingestion du fruit du premier arbre, la Connaissance, aurait donc permis à l’homme de pouvoir manger du second, fruit de l’arbre de la Vie, si Dieu ne l’avait pas viré d’Eden. En gros, l’homme découvre le sexe et la reproduction, si en plus il devient immortel… il est comme Dieu. Ou plutôt comme LES dieux, puisque l’auteur dit « nous » !
Ca me fait penser au professeur Norman (Morgan Freeman) dans le film Lucy de Luc Besson, qui dit que « traverser le temps semblerait être le seul but réel de chacune des cellules de notre corps. Pour atteindre ce but, elles n'ont que deux solutions : la reproduction ou l'immortalité. Elles choisiront en fonction de leur environnement, plus ou moins favorable ». En Éden, l’arbre de la Connaissance dévoile les mystères de la reproduction, l’arbre de la Vie ceux de l’immortalité…
Le serpent
L’humanité telle qu’on la connaît, faite de chair et duelle, n’existerait pas sans le serpent qui, dans la Septante, est qualifié d’avisé (le temps passant, on le retrouve rusé dans la Vulgate. Le message n’est plus le même…).
Ce serpent avisé, on le retrouve dans les cosmogénèses diverses et variées, depuis l’aube des civilisations, maitre du principe vital des origines, maitre des énergies et des forces de la nature. Il sera ce qui anime, ce qui maintient. Il créera le temps en plus de la vie, dans sa représentation de l’ouroboros.
Les chaldéens n’avaient qu’un seul mot pour dire serpent et vie. Il sera dieu créateur aux origines comme Atoum chez les Egyptiens, représentant de l’incarnation de l’esprit dans la matière, maitrisant la vie, mais aussi la mort.
Il sera initiateur en portant les symboles des 4 éléments : la terre (la Déesse-Mère le maitrisera), le feu se transformant alors en dragon, l’air lorsque les ailes lui poussent (dragons ailés) et l’eau (vouivre). Il sera alors symbole des sciences, de la connaissance et de la sagesse.
De part sa capacité à changer de peau, il sera symbole d’immortalité et de renaissance, comme Quetzalcoatl le serpent à plumes chez les Aztèques. Il deviendra protecteur sous la forme de l’uraeus au front des pharaons, guérisseur s’enroulant sur le bâton d’Asclépios. Chez les indiens, lové au niveau du premier chakra, il attendra d’être éveillé pour conduire à l’état de samadhi, état d’expansion illimitée de la conscience.
L'image du serpent enroulé autour de l'arbre de la connaissance, du bâton d'Asclépios à la baguette d'Hermès, le caducée (les serpents: le feu et l’eau, la baguette : la terre, les ailes: le ciel) qui signifie le bâton du héraut, symbolise la communication, la connaissance et sa diffusion (voir le site sur la symbolique du caducée, très bien fait).
En alchimie, les deux serpents enroulés autour du caducée symbolisent le soufre et le mercure, les principes antagonistes, qui seront unis par le sel.
Alors, avisé ou rusé le serpent ? Il faut savoir que ce n’est qu’au Moyen-âge qu’il deviendra la représentation directe du mal, le Satan, responsable du péché de la femme. Même au début du christianisme, la secte gnostique des ophites, considérés comme hérétiques assez rapidement somme toute, considérait Nahash (le serpent en hébreu) comme le héros apportant la connaissance sous forme du fruit défendu aux hommes, le démiurge créateur étant un être diabolique ne sachant que maudire.
Comme les ouvrages ophites ont beaucoup servi de combustible, il ne nous reste que les témoignages de leurs ennemis, et quelques écrits originaux trouvés à Nag Hammadi. Irénée de Lyon, dans son livre « Contre les hérésies », en parle en ces mots :
« Certains disent que c’est la Sagesse elle-même qui fut le serpent : c’est pour cette raison que celui-ci s’est dressé contre l’Auteur d’Adam et a donné aux hommes la gnose ; c’est aussi pour cela qu’il est dit que le serpent est le plus rusé de toutes les créatures. Il n’est pas jusqu’à la place de nos intestins, à travers lesquels s’achemine la nourriture, et jusqu’à leur configuration, qui ne ferait voir, cachée en nous, la substance génératrice de vie à forme de serpent. »
Je terminerai sur cette idée : en supprimant le principe du péché, en enlevant la culpabilité, en rendant aux femmes leurs véritables attributs, les églises et leurs représentants perdraient leur pouvoir et n’auraient plus de prise sur l’assemblée de leurs fidèles.
D’un autre côté, l’immortalité est un cadeau empoisonné, à l’image de la petite pomme rouge que donna la méchante reine à Blanche-Neige dont les cheveux noirs, la peau blanche et les lèvres rouges sont familiers aux alchimistes.
Ce secret ne serait-il pas justement celui que recherchent ces alchimistes, les descendants de Tubal-Caïn, caché par la quête de la pierre philosophale qui transmute le plomb en or, métal dont sont faites les pommes du jardin des Hespérides ?
http://www.persee.fr/doc/dha_0755-7256_2002_num_28_2_2474
https://lecheminsouslesbuis.wordpress.com/2010/12/15/le-symbolisme-du-5/
https://www.jweel.com/fr/blog/p/2015/signification-des-symboles-la-pomme/
https://fr.wikipedia.org/wiki/Arbre_de_la_connaissance_du_bien_et_du_mal
La symbolique de l'escargot
L’escargot porte en lui ne nombreux symboles : la spirale, la corne, l’hermaphrodisme, la fécondité, l’humidité, la protection, la renaissance, la résurrection. Et pourtant ce petit gastéropode n’est pas très souvent présent dans le bestiaire symbolique.
Il est porteur de bien belles choses, en plus de sa maison sur son dos et dans la langue des oiseaux, l’ «escargot» deviendra «est-ce que argot».
L’argot est un langage codé utilisé entre initiés afin de garder secrète leur pensée. Nous allons donc retrouver notre escargot en des endroits aussi incongrus que les comptines pour enfants ou les chapiteaux romans, les crops circles même, chaque fois dans un langage initiatique particulier.
Tout d’abord intéressons-nous à la spirale, représentée sur la coquille de l’escargot ou du nautile par exemple. « La coupe d'une coque de nautile fait apparaître une séquence régulière de loges qui correspondent aux différents stades de développement de l'animal.
Chaque loge est géométriquement semblable à la précédente, seule la dimension augmente. Cette succession sous-tend une spirale. On passe d'une loge à l'autre par une rotation autour de l'origine de la spirale. La spirale est une courbe de croissance harmonieuse où les triangles sont des demi-rectangles d'or. »
Nous retrouvons cette « courbe qui tourne autour d'un point fixe en s'en éloignant » un peu partout dans la nature, de l’infiniment petit de la coquille du bébé limaçon aux nuages formant un cyclone, aux bras des galaxies.
Cette formation naturelle est aussi fréquente dans le règne végétal, comme dans les vrilles de la vigne ou les crosses de la fougère.
La spirale est liée au mouvement et au temps. Elle figure un mouvement cyclique infini, partant d’un point central en évolution ou retournant au point central en involution. C’est une énergie qui part d’un point fixe, avec ses polarités, solaire dans un sens et lunaire dans l’autre, porteuse de vie et porteuse de mort.
Elle peut devenir labyrinthe initiatique, comme le jeu de l’oie, comme la lieue de Chartres.
On retrouve la représentation de ce symbole chez nos anciens, sur tous les continents. Il sera gravé sur les mégalithes, comme sur la pierre d’entrée de Newgrange. La spirale fut reprise abondamment par les Celtes dans leur iconographie, symbolisant le mouvement et la vie. Elle deviendra même double, à l’instar des serpents du Caducée, et triple dans le triskel.
Son symbolisme nous parviendra par l’intermédiaire des bénédictins, dépositaires du savoir des druides. Le rapport du nombre d'or qui préside à la construction de la spirale de la coquille de l’escargot en fera le signe spécifique des maçons, le limaçon.
Ils prirent alors le surnom de coquillons, et sous Louis XIII ils étaient appelés caquerolles, le nom bourguignon du limaçon. Parfois, il pleut, il faut donc se couvrir… à moins que l’escargot ne montre ses cornes.
La spirale est aussi un signe de fécondité, qu’elle soit physique ou spirituelle. La crosse de l’évêque participe de ce principe. Elle rejoint le symbolisme de la roue lié à la corne d’abondance, corne que l’on retrouvera bien sur chez notre escargot Margot.
La corne est habituellement le symbole solaire de la force et de la puissance, de la virilité, du principe actif de pénétration. Elle sera alors corne de bélier. Mais la corne peut devenir croissant de lune, porté par le taureau, symbole de la grande déesse. Elle deviendra alors symbole de la fertilité, de l’abondance, de la création.
Notre ami l’escargot, avec ses quatre cornes, participe des deux principes : il est d’ailleurs hermaphrodite. De la corne à la cornue il n’y a qu’un pas. Le bec de la cornue, en forme de corne, permettra aux alchimistes de transformer, purifier ou raffiner leurs matières premières. Le grand œuvre se fait lentement, à la vitesse d’un escargot.
L’ancêtre de l’escargot vivait dans l’eau. Afin de retrouver son milieu aquifère et de se protéger de la déshydratation, l’escargot va sécréter de la bave et se fabriquer une coquille dure. Il est donc lié à l’humidité, et comme le coquillage, à la féminité et à la sexualité.
L’eau du ciel, la pluie, va lui permettre de sortir. L’hiver, pour se protéger du froid, il va hiverner, s’enterrer et ne sortir qu’au printemps. Il est relié au monde chtonien, à la mort, et par son réveil à la renaissance.
L’escargot, par ses phases successives de mort et de renaissance rappelle les rites de passage initiatiques. Les premiers chrétiens posaient des coquilles d’escargots dans les sarcophages comme symbole de la résurrection et de l’immortalité de l’âme.
Dans l’art roman, l’escargot va reprendre toute cette symbolique. Il sera souvent sculpté près de la vigne. La vigne est symbole de connaissance et son rôle est d'enlever les barrières mentales empêchant la réception du spirituel.
L’escargot sera aussi la marque des compagnons tailleurs de pierre bourguignons. Nous allons le trouver aux pieds des colonnes, puis sur la hauteur, marquant le but élevé vers lequel il tend.
Henri Vincenot, par la bouche de la Gazette, nous donne quelques explications supplémentaires:
- Vous avez probablement admiré ce soubassement sculpté, ces feuilles de vigne si bellement travaillées? Mais avez-vous remarqué ceci? Et il montrait un escargot, un joli petit escargot ciselé sur une feuille par le sculpteur ancien.
- Un escargot! disait Germain tout étonné. Faut bien y regarder pour le voir!... C’est drôle!
- Non, ce n’est pas drôle! Cet escargot est la clé!
- La clé?
- L’explication. La clé existe dans l’œuvre, elle est visible comme le nez au milieu de la figure, c’est le petit détail qui choque et qui surprend. Cet escargot est le point le plus émouvant de tout l’édifice. Il explique tout.
- Un escargot qui explique?
- L’escargot donne le sens de la giration du monde, l’environnement de tout! Ici, il signifie que l’édifice est le « Lieu des Forts », que c’est un vase dont le contenu se divinise! L’escargot prouve que le courant vital, Spiritus mundi, est ici concentré et capté pour réaliser la mutation de l’homme!... Voilà, mes frères, la leçon de ce sanctuaire, Amen!
Nous allons terminer par quelques poèmes. Les poètes ont accès aux mondes subtils. Maurice Carême par exemple, avec ses « trois (tiens, pourquoi trois d’abord) escargots ». Je vous suggère de lire entre les lignes:
J’ai rencontré trois escargots
Qui s’en allaient cartable au dos
Et dans le pré trois limaçons
Qui disaient par cœur leur leçon.
Puis dans un champ, quatre lézards
Qui écrivaient un long devoir.
Où peut se trouver leur école?
Au milieu des avoines folles?
Et leur maître est-il ce corbeau
Que je vois dessiner là-haut
De belles lettres au tableau?
Idem pour Charles Vildrac avec « La pomme et l’escargot ». Je m’en souviens encore par cœur, j'avais eu une bonne note en récitation.
Il y avait une pomme
A la cime d’un pommier;
Un grand coup de vent d’automne
La fit tomber sur le pré!
Pomme, pomme,
T’es-tu fait mal ?
J’ai le menton en marmelade
Le nez fendu
Et l’œil poché!
Elle tomba, quel dommage!
Sur un petit escargot
Qui s’en allait au village
Sa demeure sur le dos
Ah! Stupide créature
Gémit l’animal cornu
T’as défoncé ma toiture
Et me voici faible et nu.
Dans la pomme à demi blette
L’escargot, comme un gros ver
Rongea, creusa sa chambrette
Afin d’y passer l’hiver.
Ah! Mange-moi, dit la pomme.
Puisque c’est là mon destin;
Par testament je te nomme
Héritier de mes pépins.
Tu les mettras dans la terre
Vers le mois de février,
Il en sortira, j’espère,
De jolis petits pommiers.
J’ai gardé pour la fin l’analyse de la « Souris verte » par Gauthier Pierozak. Je n’ai rien à rajouter, il vous suffit simplement de déguster.
Une souris verte
Qui courait dans l'herbe
Je l'attrape par la queue,
Je la montre à ces messieurs
Ces messieurs me disent:
Trempez-la dans l'huile,
Trempez-la dans l'eau,
Ça fera un escargot
Tout chaud.
Je la mets dans un tiroir
Elle me dit qu'il fait trop noir
Je la mets dans mon chapeau,
Elle me dit qu'il fait trop chaud
Je la mets dans ma culotte,
Elle me fait trois petites crottes.
Analyse
Une souris verte – l’élue
Le choix de la souris est difficile à cerner. Par contre sa couleur verte, absolument inattendue ici donne matière à réflexion pour les raisons suivantes:
-Le vert est couleur d’eau, et correspond en astrologie à Vénus, la déesse de l’Amour.
-C’est aussi la couleur associée en hermétisme au cuivre. En effet, ce métal aux reflets roux, se recouvre de vert-de-gris sous l’effet de l’oxydation. Nous avons ainsi déjà rencontré cette couleur et ce métal dans notre étude sur la gueule du dragon.
-Nous retrouvons cette ambivalence vert/rouge dans le terme sinople, qui représente la couleur verte en langage du blason. Ainsi sinople vient du bas-latin sinopis qui désigne d’abord la terre rouge de Sinope, avant de prendre au XIVème siècle le sens de vert pour des raisons inexpliquées et qui signifiait à la fois rouge et vert. La couleur rouge (Roux ou Rouel à l’époque) devint alors gueule et nous avons montré alors l’analogie avec le symbole du dragon (vert) avec sa gueule (rouge) transpercée d’une lance. Voilà qui justifie d’ailleurs l’emploi des termes langue verte pour la langue des oiseaux et le langage à double sens.
-D’un point de vue alchimique, la souris est aussi la matière première de l’œuvre, dont l’ambivalence vert/rouge est aussi une de ses propriétés (soufre/mercure). Notre hypothèse de départ donc est que la couleur verte de la souris signifie sa qualité d’élue dans le sens où, étant verte, elle contient déjà le rouge, qui est la couleur du feu sacré (le feu de roux– voir la gueule du Dragon). Comme nous le verrons par la suite, cette idée se trouvera confirmée de multiples fois dans la comptine.
Qui courait dans l’herbe– sur terre
L’herbe est verte aussi et peut symboliser la Nature, ou la surface de la terre. Cela nous suggère l’aspect purement matérialiste de cette souris qui, à quatre pattes, erre dans un monde horizontal. La souris erre sans but.
Je l'attrape par la queue– retournement
Cet aspect horizontal, on le retrouve avec cette queue de souris, image même du reptile. C’est par la queue, reliée au derrière, donc à la lune en argot, que la souris est attrapée par une intervention supérieure (verticale car il s’agit apparemment d’un humain). Nous retrouverons la lune dans une autre comptine célèbre.
Remarque: Pour justifier cette qualification de lune pour les fesses, il est aisé de faire le raisonnement suivant, en langue des oiseaux: Le Soleil est opposé à la Lune. Le Soleil est source de Lumière. En latin c’est la LUX. Or l’opposé littéral de LUX est XUL. Le X (Khi grec) se prononce K en langue verte (tiens donc...verte) ou langue des oiseaux. Le Soleil/LUX est donc opposé à la Lune/CUL...
D’autre part, cette manipulation par la queue fait que la souris est maintenant tête en bas: elle a été retournée. Pour elle, ce qui est en haut est comme ce qui est en bas, et vice versa. Nous avons déjà rencontré cette qualité d’élection par la Grâce dans notre étude sur le N inversé. Nous pensons prouver là encore que la souris est une élue, une initiable.
Je la montre à ces messieurs– le parrainage
Cette phrase nous a décidé originellement à prendre le parti d’une description d’initiation. La souris a été attrapée dans le monde matériel et renversée. Ces messieurs nous inspirent:
-un tribunal (d’où la possible description d’une scène de torture dans la suite),
-un groupe de savants (d’où la possible description d’une expérience de transmutation dans la suite),
-une présentation par parrainage préalable à une initiation de type maçonnique (ce qui impliquerait une cérémonie d’initiation dans la suite).
Le choix vous est laissé, et bien que les deux premières hypothèses ne soient absolument pas à exclure au premier degré, nous vous amènerons à la fin de cette analyse à la preuve que la troisième hypothèse est aussi la bonne.
Ces messieurs me disent: Trempez-la dans l'huile- l’onction
Le symbole de l’huile est très important ici. On peut bien entendu comprendre, en lecture au premier degré, qu’il s’agit d’une huile de friture! Symbole de mort alors, mais mort initiatique seulement car comme le dit la comptine ensuite, la souris/escargot vit toujours. Et c’est ce que le symbolisme de l‘huile exprime:
-En tant que source d’éclairage, elle est symbole de lumière.
-Traditionnellement extraite de l’olivier, l’huile est alors aussi un symbole de joie, de renouveau et de pureté (après le déluge la colombe ramène à l'Arche de Noé un rameau vert d’olivier).
-En tant qu’onction traditionnelle des rois, l’huile confère alors autorité, puissance et gloire de la part de Dieu. C’est pourquoi aussi l’huile de l’Onction est regardée comme un symbole de l’Esprit de Dieu, du Saint-Esprit. Sa couleur, en tant que lien intermédiaire (en tant qu’axe du monde donc) est par conséquent rouge (voir notre étude sur la gueule du dragon pour bien comprendre la raison de cette couleur).On peut ainsi imaginer, par jeu d’esprit, que par le sacrement de l’huile la souris verte devient rouge. C’est la mort du dragon. C’est une mort initiatique.
Remarque: en alchimie, la mort est une des premières étapes du Grand-Œuvre, et le corps ainsi préparé doit dégager un parfum suave, inattendu dans le cas d’une décomposition. Or il est intéressant de remarquer qu’en grec, qui est la langue des oiseaux des Anciens d’après Fulcanelli, l’onction par l’huile (la mort initiatique) se dit μυρο, qui signifie aussi parfum. Ceci pour faire une analogie avec le fait que le processus alchimique est souvent utilisé dans les cérémonies d’initiation, et pour en signifier une fois de plus l’unité du symbolisme.
Trempez-la dans l'eau- la purification
Traditionnellement, le rite de l’immersion est un symbole de purification et de renouveau . Nous citerons pour cela le Dictionnaire des Symboles, à l’article Baptême: L’immersion [...] indique la disparition de l’être de péché dans les eaux de la mort, la purification par l’eau lustrale, le ressourcement de l’être à l’origine de la vie. L’émergence [hors de l’eau] révèle l’apparition de l’être de grâce, purifié, raccordé à une source divine de vie nouvelle.
Ça fera un escargot tout chaud – le colimaçon
Cet être de grâce est l’escargot. Et il ne faut pas se tromper: il s’agit d’un véritable baptême dans le Saint-Esprit qui est aussi le baptême du feu, principe intérieur de perfectionnement spirituel. Alors notre escargot est tout neuf mais c’est aussi un escargot tout chaud à cause de cela. Nous voici revenu au symbole mystérieux de l’escargot, que nous avons rencontré lors de l‘analyse du jeu de l‘Oie, en forme de spirale. Nous allons devoir nous y arrêter un instant.
-La spirale est fréquente dans le règne végétal (vigne, volubilis) et animal (escargot, coquillages, etc...). On la retrouve depuis l’origine des temps gravée par les Celtes sur les dolmens ou monuments mégalithiques.
-Symboliquement elle représente une involution vers un centre.
-Contrairement au labyrinthe, c’est un symbole optimiste: car rien n’est plus facile lorsqu’on part d’une extrémité de la spirale que d’en atteindre le centre. Il s’agit donc d’un état de voyage spirituel supérieur pour le pélerin qui est déjà initié. C’est pourquoi notre pélerin initié doit logiquement et symboliquement boiter ou claudiquer comme nous l’avons montré plus haut. C’est son aspect involutif .
-L’aspect évolutif de la spirale est le rôle dynamique de moteur que représente son centre, identique au moteur d’une roue : le centre reste immobile, bien que moteur, et la spirale évolue, la roue tourne. Si vous relisez notre étude sur le Centre du Monde, vous retrouverez cette propriété dans le symbole de la Rose qui se développe au centre de la croix. C’est le symbole de Dieu se manifestant sur terre.
Puisque nous abordons la Rose-Croix, nous allons prendre le risque de faire le raisonnement suivant:
-L’escargot est aussi appelé en argot un limaçon, et à cause de sa coquille en forme de spirale, un colimaçon . Sachant que l’on retrouve ce gastéropode sur de nombreux portails d’églises et de cathédrales, nous pensons que l’escargot représente en fait le maçon, le compagnon qui au Moyen-âge construisit les cathédrales et pour qui le travail atteignait une dimension spirituelle primordiale. La confrérie des compagnons maçons étant plus tard devenue Franc-maçonnerie, nous pensons que l’escargot reste un des symboles des franc- maçons, comme une dernière preuve nous le montrera à la fin de l’étude sur cette comptine.
-Un autre point important est que l’escargot est un symbole universel lunaire. L’escargot montre et cache ses cornes comme la lune apparait et disparait. Ce symbolisme de la CoRNe d’ailleurs (notez la sonorité en KRN) que l’on rapprochera de la CouRoNne de l‘élu.
-Enfin, et ce n’est pas négligeable, l’escargot est un animal hermaphrodite. Or le symbole de l’androgynat est primordial en hermétisme car il exprime la réunion des contraires, la disparition des dualités, le retour à une unité similaire à celle qu’exprime l’involution de la spirale. C’est l’Adam initial, celui formé de terre rouge (voir plus haut les réflexions sur le Sinople). La couleur symbolique de l’escargot pourrait donc être le rouge. La souris verte ainsi révèle sa véritable forme en un escargot rouge, ce qui parfait encore l’unité du symbolisme de cette comptine.
Je la mets dans mon tiroir, Elle me dit : il fait trop noir.
Je la mets dans mon chapeau, Elle me dit : il fait trop chaud – la Terre et le Ciel
Il est difficile ici d’interpréter sans prendre parti pris. A partir de l’hypothèse que nous avons prise, qui est celle d’une cérémonie d’initiation maçonnique, il nous semble que ces “épreuves” sont celles de la connaissance des “extrêmes” (l’adverbe “trop” montrant l’excès de l’épreuve). Cela nous fait penser en fait à l’épreuve de l’absynthe au goût trop amer, suivi de l’absorption de breuvage à base de miel, que nous avons rencontré dans certains livres de rituels maçonniques, qui permet à l’initié d’apprendre à “relativiser” les choses. En effet, comment apprécier la vie sans connaitre la souffrance et l’amertume? Une fois encore, nous vous laissons libres de juger par vous-mêmes sur ce point précis. Toutefois nous nous permettrons de justifier notre hypothèse en rapport au déchiffrement suivant: Tiroir en langue verte peut se dire Terroir, en rapport avec la Terre. On peut alors lire: Je la mets dans mon TERROIR, Elle me dit : il fait trop noir. Je la mets dans mon CHAPEAU, Elle me dit : il fait trop chaud. Nous avons alors la Terre (le terroir), le Ciel (le chapeau), dont les attributs extrêmes ne conviennent pas à l’escargot, et enfin, le CUL (la culotte), dans la phrase finale, qui correspond au milieu du corps et où s’arrête l’escargot: c’est-à-dire entre le Ciel et la Terre, qui comme nous allons le confirmer ensuite, rappelle le concept purement maçonnique de médiateur.
Je la mets dans ma culotte, Elle me fait trois petit crottes.– l’initié
L’escargot dans la culotte, est mis en rapport avec le CUL, ou la lune, emblème du gastéropode à cause de ses cornes. Quant aux trois crottes, elles nous font immédiatement penser aux trois points maçonniques, à cause bien entendu de notre analyse précédente. Pure imagination? Ce n’est pas si sûr lorsque l’on constate que crotte en grec se dit Κουτσουλια, mot dans lequel nous retrouvons la racine qui est celle du boiteux, de l’argoteur, de la marelle... c’est-à-dire celle de l’initié. Alors nous pouvons désormais poser la question qui est en elle-même une comptine: “Escargot Margot?” (Est-ce qu’argote m’argote?)
« Dictionnaire des symboles » de Jean Chevalier et Alain Gheerbrant
« Dictionnaire énergétique et symbolique » de Jacques Bonvin
« Dictionnaire de l’art roman » de Robert-Jacques Thibaud
« Le Pape des escargots » d’Henri Vincenot
Bulletins de la Société d'anthropologie de Paris, 1896, de Lionel Bonnemère
http://oraney.blogspot.fr/2011/07/symbolisme-de-lescargot.html
http://eglise.isleaumont.free.fr/escargot.html
http://www.masc.ulg.ac.be/fiches/FR/symetrie.pdf
http://misraim3.free.fr/divers2/esoterisme_dans_les_contes.pdf
Le labyrinthe
Il faut savoir que les premiers labyrinthes datent du paléolithique. La meilleure définition du labyrinthe, finalement, je l’ai trouvée sur le net :
« Le cercle dans lequel s'inscrit le labyrinthe symbolise l'unité, la perfection : il renvoie à la finitude de la vie. Dans de nombreuses cultures, l'Univers est représenté par une série de cercles concentriques. L'ovale représente en général le féminin, les lignes brisées rappellent les rivières, et les lignes droites, la pluie (l'eau étant le symbole de la vie). Le carré, quant à lui, représente l'Univers ou la Terre, la Création, et la croix centrale, le Cosmos, avec une ligne verticale (symbole de l'esprit masculin) et une ligne horizontale (symbole de la matière féminine), dont le point de rencontre est l'humanité.
Le labyrinthe est donc une représentation de la vie même. La spirale peut aussi représenter le devenir : elle implique une vision cyclique de l'histoire, « Tout revient éternellement, mais avec une dimension nouvelle, parfaite contradiction de la ligne, de la conception unilinéaire du temps. »
Le labyrinthe est aussi un archétype de la Connaissance. Son itinéraire se situe entre les Cornes du Monstre que l'initié doit affronter. Son parcours est un chemin d'épreuves correspondant à l'imagerie symbolique d'un pont à traverser.
Ce pont archétypal est dénommé, dans la tradition mazdéenne Pont de Cinvat. Il sépare deux univers selon Henry Corbin. Le passage d'un univers à l'autre s'effectue au prix de cette traversée qui s'accomplit selon des stratégies précises, où rien n'est laissé au hasard, à l'instar de la sortie d'Égypte. Les directives devant mener à la sortie du labyrinthe sont consignées dans les rites et traditions.
Le labyrinthe est également symbole de voyage. Union entre la spirale et la tresse, il représente un voyage différent selon le but recherché : le traverser ou atteindre son centre. Dans le premier cas, l'épreuve est unique (le dernier voyage de l'homme vers la mort, ou le passage vers l'au-delà). Dans le second cas, l'épreuve peut être double, triple... car après avoir atteint le centre, encore faut-il pouvoir ressortir. C'est l'image même de l'individu qui traverse une épreuve (physique, psychologique...), et qui doit sacrifier une partie de lui-même pour survivre.
Celui qui a réussi devient un initié ; il entre dans une nouvelle vie (d'où l'importance des rites initiatiques depuis les hommes préhistoriques). Le face à face avec la mort permet à l'individu sa résurrection.
Pour Alain Benoist, le thème du labyrinthe associe une construction royale et une promesse non tenue, qu'il s'agisse du roi Minos et du labyrinthe, de la construction des murailles de Troie, ou de la forteresse d'Asgaard... En outre, le thème implique obligatoirement une femme ou une déesse (Hélène pour Troie, Ariane en Crète, ...) ».
Je m’étais amusée à superposer le labyrinthe de Chartres et celui de Cnossos avec une représentation de l’homme de Vitruve faite par Léonard de Vinci…
Pour les connaisseurs, je les renvoie au cycle des « 9 princes d’Ambre », écrit par Roger Zelazny, avec sa Marelle.